Deux livres qui se suivent sur le même sujet, mais quel livre ! Il faut beaucoup de courage pour lire un livre sur le ghetto de Lodz. On sait dès les premières lignes qu’aucun des personnages que nous rencontrons au premier chapitre ne résisteront à la barbarie nazie. Hamad prend comme fil conducteur un malheureux enfant qui a vu toute sa famille assassinée et en particulier son frère jumeau. De fuite en fuite, ce petit enfant aux boucles blondes, arrive à Lodz. Tel un lutin, il se cache dans les plus improbables recoins d’une ville peu à peu vidée de ses juifs. Nous rencontrons alors l’histoire peu connue de Chaïm Rukovsky qui décida de mettre la mettre la main d’oeuvre juive au service de l’effort de guerre des nazis.
Pour cela, il crée une police juive redoutable. Dans son idée, si les juifs arrivent à se rendre indispensables, ils pourront survivre. C’est tout le paradoxe de ses positions : a t’il été un tyran pour la population au service des nazis ? A-t-il aidé l’effort de guerre des nazis ? Ou a-t-il contribué à en sauver quelques uns ? Bien sûr tous ses efforts n’ont servi à rien, sinon que Lodz n’a été liquidé qu’en dernier. En dehors de ce côté terrible voire insupportable l’auteur fait revivre la culture yiddish. C’est sans doute ce qui donne un charme très particulier à ce livre. Et cela nous rend encore plus triste devant cette perte irréparable, oui cette culture à bien disparu et cela définitivement.
Citations
Superstitions
Meryem avait bien assimilé les milles façons d’éviter le mauvais œil : ne jamais regarder par les fenêtres et l’entrebâillure des portes, ne pas convoiter les fleurs du voisin ni jalouser les mariées vêtues de blanc… Mais aussi, être discrète en tout afin de bénéficier de la Providence. Cela, elle n’y parvenait guère Chose aisée aux adultes, la discrétion demande moins de cœur que de raison ; et sa curiosité était comme une volée de moineaux qui s’éparpille et se posent en tout lieu. Pas un museau de souris, pas une mèche folle de fiancée pieuse n’échappaient à son œil de mouche, elle se délectait des innombrables petites ombres qui dénonçaient la fièvre mal cachée des caprices et des vices chez les uns et les autres, Juifs ou goyim de passage.
Vocabulaire recherché
Puis, tournant les talons, il s’était dirigé d’un pas décidé vers une harpaille de chiffonniers qui traînaient les pieds derrière un baudet minuscule attelé à une sorte d’énorme brouette à trois roues surchargée de hardes et de vieilleries.
Lódz
– J’ai bien étudié vos propositions, déclara d’emblée Biebow. La rédemption des Juifs par le travail intensif et désintéressé au service du Reich ! C’est fort enthousiasmant ! On y réfléchira peut-être. Mais pour l’heure, l’Obergruppenführer Reinhard Heydrich, le Reichsführer Heinrich Himmler, le bureau principal de tutelle de l’Est et nos experts de l’état-major caressent d’autres perspectives… — – Avec votre agrément Herr Hans Biebow, si la chose était seulement envisageable, je me ferai fort de convaincre Herr Heinrich Himmler en personne des immenses mérites de mon programme pour l’économie allemande… Lódz a toujours été une ville industrieuse, grâce aux Juifs pour une grande part.– Himler vous rira au nez. Que ferez-vous de vos hébreu maintenant qu’ils n’ont plus rien ?– Je pourrais créer des ateliers et des usines par centaines avec une main d’oeuvre experte…Par centaines ! Où donc ? Tous vos biens mobiliers et immobiliers ont été saisis.
Réflexions
À la fois dubitatif, un peu honteux et débordant d’une commisération mêlée de dédain, Chaïm Rumkowski laissa sa pensée vagabonde s’interroger sur ce qui différentiel le pauvre chaos des Juifs persécutés de la mécanique huilée des persécuteurs. Un chef conclut-il. Les siens ne disposait que d’un Dieu sans visage, les autres avaient un Führer.
Le ghetto
Depuis les massacres de mars dans les rues du centre-ville et les exécutions de masse dans la proche forêt de Zgierz, la majorité des Juifs encore présents à Lódz, par grande désolation, volonté de résistance ou fidélité à leurs mémoires,s’étaient résolu la mort dans l’âme à intégrer la réserve du ghetto, comme leurs tourmenteurs l’avaient conjecturé en usant des procédés de la chasse à courre -pourtant abolie par les nazis pour ce qui concerne les sauvages -, avec ses meute de chiens crieurs, ses trompes et ses rabatteurs ; leur gibier y gagnant somme toute une relative sauvegarde.
Pensée juive
« Ne demandez jamais votre chemin à quelqu’un qui le connaît, car vous pourriez ne pas vous égarer «
Discours de Chaïm Rumkowski
Nous bâtirons ensemble une cité ouvrière modèle, une ville usine que toute la Pologne nous enviera. Qui puis-je s’il nous faut satisfaire l’Allemagne dominatrice pour obtenir de simple droit de vivre ? Nous créerons une république juive exemplaire forte de dizaines de milliers de travailleuses et de travailleurs tous dévoué et la plupart hautement qualifiés.
Rapport homme femme ici au théâtre.
Et Poznansky la laisse en paix, dès lors qu’elle met son âme au service de la comédie ; il ne l’importune plus comme à ses débuts, avec cette sournoiserie des hommes qui dédaignent les femmes en les couvrant de louanges.
Le ghetto sous l’autorité de Chaïm Rumkowski
« Travaillez encore et toujours plus, si vous voulez vivre ! » répète à l’envi le roi Chaïm. Biebow comprends assez mal l’individu, son énergie de petit caudillo et sa pusillanimité face aux dignitaires du Reich. Ce judéen négocie la survie des siens contre cent mille pièces de textile pliées et emballés, en chef d’industrie aussi véreux que pugnace dans un marché aux esclaves et aux chiens. Présomptueux, au fond résigné et docile, il accepte les offenses et les restrictions dès lors qu’on lui abandonne la couronne d’Hérode.
La fin d’une culture
On ne pardonne qu’au diable à la fin. On néglige tous ceux que la terre recouvre, les hommes et les femmes partis sans comprendre avec leurs valises vides. Profesor Glusk l’a prévenu dans un rêve, demain les Allemands viendront rire au spectacle. Le clown Chaïm n’y pourra rien. Roi ou esclave, rien ni personne n’a pour eux d’importance. Cache-toi, ne respire plus, c’est bientôt la fin de notre histoire, on ne parlera plus yiddish à Lódz ni ailleurs. Un lait noir sort de la bouche des morts.