Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard
Un roman que La Souris Jaune a beaucoup aimé. L’écrivaine grâce à une écriture très énergique décrit tout ce que cette photo ne dit pas. Si on réfléchit à cette photo prise par Robert Capa, on peut se poser des questions sur l’évolution du ressenti face à ce qui s’est passé à la libération. Robert Capa a-t-il eu un moment de compassion pour cette femme et son bébé ? Les gens hilares autour de cette femme, et leurs descendants sont ils fiers de leurs rires aujourd’hui ?
Il ne faut pas oublier que cette femme Simone est accusée de collaboration, mais l’auteure pense que c’est plutôt sa mère qui a fait cela : dénoncer ses voisins à une collabo notoire et puissante, cinq seront arrêtés et deux mourront dans les camps allemands. La vindicte populaire est sûrement injuste mais elle avait un fondement dans ce cas précis. Pour moi, ce que de tout temps j’ai trouvé révoltant, c’est qu’on traite les femmes différemment que les hommes, je n’ai aucune considération pour celles qui ont entretenu des relations avec des soldats allemands mais elles méritent un jugement comme les hommes, pas une humiliation de plus parce que ce sont des femmes.
L’auteure s’empare donc de cette histoire et de cette photo pour retracer le parcours de Simone, elle a changé les noms car elle ne veut pas faire oeuvre d’historienne mais créer un roman avec un fondement historique.
Ce qui ressort c’est l’ambiance familiale complètement délétère car la mère, une forte femme, a fait faillite en voulant tenir une crèmerie à Chartres. Cette femmes est remplie de haine et méprise tous ceux qu’elle rend responsable de sa déchéance sociale : son mari qui n’existe jamais à ses yeux car il ne lui a pas apporté la richesse, ses voisins qui, d’après elle, se réjouissent de sa misère actuelle, tous les hommes politiques qui ne savent pas gouverner la France en particulier les juifs comme Léon Blum.
Dans cette famille deux filles, Madeleine qui sera toujours au côté de Simone, la petite sur qui repose tout le désir de revanche sociale de la mère. Elle va réussir ses études et sera comme sa mère attirée par les théories nazies, et méprisera son père qu’elle appelle le vieux.
C’est un roman terrible, car d’une tristesse infinie, sans la guerre cette enfant serait devenue une professeure respectée sans doute mais aurait-elle réussi à surmonter tous les messages de haine ressassés par sa mère. On n’en sait rien, elle a rencontré pendant l’occupation l’amour d’un soldat allemand. Il faut dire que l’image des hommes qu’elle rencontre avant lui est tellement destructrice pour elle. Là aussi on sent le désaveu social, elle a envie de s’élever et de fréquenter un bourgeois (le fis de son professeur d’allemand) mais elle ne ne sera pour lui qu’une « marie-couche-toi-là ». Bref l’Allemand est le premier homme qui l’a respectée !
Un roman trop triste, mais qui sonne vrai. Lors de la discussion du club, on a bien senti que le passé de la collaboration donnait lieu à des ressentis encore très douloureux. Certaines trouvaient que l’auteure excusait trop cette femme qui s’était engagée auprès des Allemands.
Extraits
Le début.
Dans trois jours j’aurai vingt-trois ans. Je vais mourir avant. Ils ne me louperont pas. Une balle dans la tête. Le sang gicle comme un geyser et me barbouille les yeux. Le monde devient cramoisi, puis tout noir. Je m’écroule, la gueule fracassée sur le pavé. Petit tas inerte qu’il faudra charrier dans la fosse commune
La mère de Simone.
Cette épicerie parisienne représentait beaucoup pour toi, Maman. C’était la possibilité de continuer l’ascension sociale de ton père, modeste serrurier devenu chef d’une entreprise de vingt ouvriers. C’était aussi une revanche. Tu n’avais pas pu faire d’études. Tes professeurs t’avaient jugée trop médiocre pour obtenir le moindre examen. Tes deux sœurs aînées avaient empoché le certificat d’études primaires. Mais toi, la benjamine, tu avais dû te contenter d’une école ménagère. Coudre, cuisiner et briquer. Voilà ce que tu étais censée faire de ta vie. Ça te foutait la rage. Tu voulais prouver au monde, et à toi-même que tu en avais dans la caboche. Tu voulais faire fortune.
Sa mère alcoolique, et son père soumis.
Elle s’enferme dans les cabinets. Puis, elle revient, les yeux toujours un peu plus vitreux, le pas toujours un peu plus lourd. Le tout dans des vapeurs de Cologne. Pas besoin d’un dessin pour piger son manège : maman picole.En revanche, à table, pas une goutte de vin. Maman grogne même contre le vieux qui verse en douce du rouge dans son reste de soupe. « Comme les ploucs, tu me dégoûtes » dit-elle. Et lui comme à son habitude il baisse encore plus le menton dans son assiette. Il se grouille de finir de boulotter pour aller se terrer dans sa chambre. Le lendemain, il s’esquive à l’aube pour ne pas croiser la patronne.
J’ai vu un reportage sur Simone Touseau, la « tondue de Chartres » qui a inspiré ce roman. Il y a eu beaucoup d’abus à la libération, on le sait. Mais on peut imaginer aussi la colère contenue contre les collabos, pendant toutes ces années d’horreur et de misère. Je n’excuse pas mais je peux comprendre. La question est toujours la même : qu’aurions nous fait à leur place ?
je suis bien d’accord avec ce commentaire , j’espère n’être jamais dans ls foules hurlantes mais sait-on jamais
NB: As-tu reçu une invitation pour l’abonnement à mon blog ? j’ai utilisé l’adresse contact@luocine.fr
non peux tu utiliser mon mail elisabethrimasson@yahoo.fr
Merci. Je viens d’envoyer l’invitation.
j’ai reçu et j’ai dit oui super
Bah, pas trop envie. Trop imaginé?
et c’est une période qu’on n’a pas trop envie de revivre.
Il y a eu le même genre de discussion dans mon club lecture à propos de ce roman.
la discussion était très douloureuse pour certaines membres du club
Le côté romancé me gêne beaucoup. Dans ce genre d’évènement, je préfère un document.
cela a gêné beaucoup de gens moi pas trop à la lecture mas en y réfléchissant je suis assez d’accord
Je n’ai vraiment pas besoin d’une surdose de tristesse en ce moment… je passe. (en me faisant la même remarque qu’Aifelle)
Je comprends romancer cette histoire était inutile.
J’ai le même avis que Je lis Je blogue ! Quand ceux que tu aimes sont morts ou ont souffert à cause de cette collaboration, la haine doit être là ! Très difficile de juger, donc, à notre époque, nous qui sommes épargnés. Si elles avaient été jugées comme les hommes, elles auraient été peut-être condamnées à mort ou emprisonnées de longues années.
Pour moi, c’est vraiment cela que je reproche la différence de traitement. J’aurais voulu que les femmes soient jugées comme les hommes.
A la suite des polémiques à sa sortie, je n’avais pas très envie de le lire. Mais il vient d’arriver dans mon groupe de lecture. Je n’en ferai pas une priorité, mais le lirai sans doute avec le recul de la controverse.
je trouve la controverse justifiée mais j’ai été intéressée par le roman et surtout par la photo.
A la lecture de ce livre intégralement, comment peut-on véritablement soutenir la thèse de la collaboration ? il s’agit d’une jeune fille, de 20 ans, qui, comme chaque jeune fille de 20 ans, a envie de vivre… Elle va à la librairie, rencontre un jeune homme, le libraire, qui la respecte et est lettré (il se trouve qu’il est Allemand), quand le seul homme dont elle tombe amoureuse est un Français qui la maltraite, l’humilie, se sert d’elle… Comment peut-on penser une seule seconde que l’amour est une histoire de nation, même dans les années 40 ? Lisez ce livre avant de le juger, vraiment…
Le problème avec cette histoire c’est qu’elle est très bien documentée. Et que la vérité historique existe,et qu’on peut la lire. Il ne faut pas oublier que des dénonciations (sans doute du fait de sa mère plus que d’elle mais ce n’est pas certain) ont envoyé en camp de concentration 5 de leurs voisins dont deux y sont morts. Ne pas oublier non plus qu’elle s’est engagée dans le parti de Doriot donc qu’elle a bien épousé les thèses de la collaboration. Non ce n’est pas qu’une fille de 20 ans amoureuse dans la réalité, oui elle l’est dans le roman
C’est vrai. Ce qu’on oublie de dire souvent à propos de l’histoire que raconte ce livre, c’est que dès que l’héroïne se rend compte que les choix qu’elle fait pourraient être « nauséabonds », elle s’en éloigne. C’est important, je trouve. Important aussi de souligner que nous parlons bien là du personnage du roman, car c’est bien de cela qu’il s’agit… Il ne s’agit pas de juger de la vie réelle de la femme qui l’inspire (c’est un autre sujet, et oui, cela pourrait être intéressant de pouvoir lire l’histoire de sa vie) ; car même si l’autrice utilise un document réel pour produire de la fiction, cela reste de la fiction. J’aime ce résultat en demi-teinte que l’autrice a réussi à faire, et qui pousse à réfléchir, en effet, comme le souligne Patrice…
je mets en copié collé deux avis de lectrices sur Babelio qui m’ont fait beaucoup réfléchir et qui citent des livres à lire pour se faire une idée exacte de ce qui s’est passé à Chartes:
« Je ne décolère pas de voir les bonnes critiques sur ce roman. Il ne faudrait pas oublier qu’il parle d’une femme ouvertement pronazie qui a collaboré et dénoncé. le roman serait défendable s’il ne parlait pas de cette femme connue en essayant, ne nous leurrons pas, de la réhabiliter en en faisant par exemple une grande amoureuse (« je vais être tondue mais j’ai aimé »… on rêve !). L’autrice se défend en disant qu’elle a essayé de combler les blancs. Ok mais les blancs sont un peu trop romancés. Que le lecteur ait de la sympathie pour la « grande amoureuse » voilà qui interroge sur les propres motivations conscientes ou inconscientes de l’autrice. Lisez plutôt La Propagandiste de Claire Desprairies, femme historienne qui ne joue pas sur la fibre des sentiments.
La vie de cette femme n’est pas romanesque ! C’est la banalité » du mal d’une femme qui aime un nazi parce qu’elle l’est elle-même. Je viens de regarder La Grande Librairie et l’on sentait bien les réserves des autres invités sur le portrait romancé de cette femme. Ils sont restés polis mais on sentait qu il n’y avait pas une franche adhésion au parti-pris. le roman est peut-être réussi mais il réhabilite cette femme. de plus, l’écrivaine paraît bien prétentieuse… Désolée » Delphine FLO
et voilà encore celui plus complet de Kirzy
« Si pour de vrai on ne savait rien d’elle …
… elle, Simone Touseau, 23 ans, surnommée la Tondue de Chartres, immortalisée par le photographe Robert Capa le 16 juillet 1944. le roman s’ouvre sur son double de fiction, Simone Trivise, arrêtée par les FFI, en passe d’être tondue pour avoir collaboré. Si pour de vrai je ne savais rien de Simone Touseau, j’aurais trouvé le bouquin pas mal du tout, bien écrit, vif, décrivant bien les excès de l’épuration à la Libération.
Si pour de vrai je ne savais rien d’elle, j’aurais été touchée par cette narratrice qui se raconte en grande amoureuse, qui a eu la malchance d’aimer un Allemand au mauvais moment, de tomber enceinte et de subir la société patriarcale dans un contexte de tension extrême.
« Vous ne connaissez rien de moi » lui fait dire l’autrice. Ah bon ?
Parce que pour de vrai, on connait beaucoup de choses sur Simone Touseau grâce au travail précis et documenté de nombreux historiens comme Philippe Frétigné ou Gérard Leray. Il est établi que Simone Touseau a été sympathisante nazie, qu’elle a adhéré au Parti populaire français ( parti fascisant et collaborationniste fondé par Jacques Doriot ) a été secrétaire-traductrice à la Kommandantur de Chartres, est partie volontairement travaillée en Allemagne dans le cadre du STO, et finit condamnée à dix ans d’indignité nationale pour fait de collaboration. Tout cela, Julie Héraclès en parle mais cela passe à l’arrière-plan à mesure que le roman avance et bascule dans l’intrigue amoureuse.
Ce qui m’a dérangée, ce n’est pas l’humanisation du personnage l’être humain est empli de nuances de gris. Ce n’est pas qu’un personnage puisse se retrouver ‘par accident dans la Collaboration, les parcours de vie sont parfois surprenants, la fameuse « banalité du Mal ». Ce n’est pas que le lecteur ressente de l’empathie pour un personnage ayant « fauté ». Pas de tabou en littérature.
Ce qui m’a dérangée, c’est que lorsqu’on lit Julie Heraclès, on passe complètement à côté de la réalité historique du personnage qui était antisémite, collaborationniste convaincue et non une amoureuse chutant par bêtise, inconscience, insouciance ou encore désir de revanche sociale. Comme si une femme ne pouvait être que régie par ses sentiments aveuglants et ne pouvait avoir de convictions politiques.
Or, l’autrice revendique s’être inspirée de Simone Touseau. C’est écrit d’emblée, c’est souligné dans la 4ème de couv’ et par le bandeau qui reprend la célèbre photographie de Capa. Elle reprend un maximum d’infos biographiques : les mêmes dates, la même famille, les mêmes études, la même collègue ( condamnée à mort par contumace pour intelligence avec l’ennemi ), le même amoureux etc. Oui, elle parle de ses sympathies nazies mais les évacuent très vite.
Quand on investit un terrain aussi miné et manipulé par certains que celui de l’Occupation et l’Occupation, pourquoi choisir un personnage réel pour en dénaturer sa réalité, pourquoi réécrire l’histoire de Simone Touseau, au point même de lui inventer une improbable amie juive ? Je ne nie absolument la liberté d’un auteur à s’emparer des sujets qu’il veut.
C’est juste que je ne comprends absolument pas pourquoi Julie Héraclés n’a pas choisi de construire un personnage hors de la référence à Simone Touseau, une pâte qu’elle aurait pu modeler à sa guise sans se soucier de toute véracité historique. Pour de vrai, son livre aurait été excellent.
Je referme ce livre pleine d’un réel malaise, malaise d’autant plus fort que je pense, au vue des interviews données par l’autrice, qu’elle a écrit en toute sincérité ( naïveté ? ) sans forcément penser à la portée de ce qu’elle écrivait ( amplifiée par le succès du roman ). Rien à faire, après avoir laissé reposer cette lecture plusieurs semaines, ça ne passe pas.
Bref, c’est le type de chronique que je n’aime pas écrire, sur un livre qui me dérange pour des raisons autres que strictement littéraires. » Kirzy
Oui, j’ai entendu également les polémiques qui avaient accompagné la sortie du livre et cela me met mal à l’aise. Cela a au moins le mérite de provoquer un débat et d’inciter à se replonger dans cette période
Le livre est un roman, mais depuis, j’ai envie de lire l’étude historique qui concerne cette femme.
Un sujet dramatique et c’est vrai qu’il ne faut pas mélanger le roman et la réalité. Je n’ai pas lu celui-ci encore, mais je trouve que, trop souvent, la tendance est au mélange des genres. Est-ce la société actuelle qui veut ça ? Toujours est-il que, pour ma part, même si la source est bien réelle, je garde toujours à l’esprit qu’il s’agit d’un roman. Du coup les polémiques me dépassent souvent un peu.
Anne
voilà tu es au cœur du problème, on reproche à cette écrivaine d’avoir choisi la mauvaise tondue pour écrire ce roman, pour les opposants à son livre cette femme était vraiment nazie, méritait-elel cette infâmie pour moi non, elle méritait d’être jugée come un homme .