Édition Albin Michel
Traduit de l’allemand par Dominique Autrant
Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 
Feuilles allemandes

Un livre parfait pour le mois de la découverte de la littérature allemande surtout à la veille du 11 novembre. Cette auteure Monika Helfer est autrichienne, elle a puisé son inspiration dans sa propre famille. Le titre en allemand « die bagage » (les bagages) me parle davantage. Je trouve qu’il donne mieux l’idée de ce qu’on trimballe avec soi  : les richesses et les fragilités qui seront de tous nos voyages de la vie. Les héritages c’est plus abstrait. La vie familiale de l’auteure est marquée par la guerre 14/18 , c’est là que se creusera le drame qui marquera sa grand-mère, son grand- père et tous leurs enfants et petits enfants, rejetés par une partie du village (le curé en tête) parce que sa grand mère trop belle sera accusée d’adultère pendant que son mari est à la guerre. « Les fâcheux » comme on les nomme au village vivront donc en marge de cette société peu tolérante mais dont, cependant, plusieurs personnes viendront en aide à des gens qui n’ont rien fait pour mériter cet ostracisme.

L’auteure décrit avec une grande tendresse sa grand mère qui rendait jalouse toute les femmes du village, tant les hommes la trouvait belle . Monika Helfer fait des constants allers et retours dans sa mémoire personnelle en faisant revivre les gens tels qu’elle même les a connus et ce que l’on lui a raconté pour construire un récit qui permet au lecteur de savoir qui elle est aujourd’hui. Riche et blessée à la fois d’avoir dans ses bagages toutes ses histoires où pour le dire comme le traducteur d’être l’héritière de ses « fâcheux » à qui elle dédie son livre. Sa propre mère ne sera jamais acceptée, ni même nous dit l’écrivaine, regardée par son propre père car celui-ci soupçonnera sa femme de l’avoir conçue avec un bel allemand de passage ou avec le maire du village, personnage trouble qui fait de drôles d’affaires pas très légales avec ce grand-père.
Cette plongée dans le monde rural autrichien est très agréable à lire et on comprend que l’auteure aime le tempérament de sa grand-mère une si belle amoureuse.
Je trouve toujours étrange, quand je lis des romans autrichiens, combien le nazisme est passé sous le silence. Le mot n’est même pas prononcé alors qu’elle parle de cette période puisqu’elle évoque la vie d’un oncle qui a déserté pendant la campagne de Russie et a eu une femme et un enfant russes.
Autant la guerre 14/18 est ressentie comme un drame à travers l’absence du père de famille autant le nazisme autrichien semble n’avoir eu aucune conséquence sur cette famille. Ça me dérange parce que cela est représentatif de l’état d’esprit des Autrichiens : le nazisme ce sont les Allemands pas eux .
Que cela ne vous empêche pas de lire ce livre il nous fait découvrir une ruralité qui n’a rien d’idyllique malgré le cadre enchanteur des montagnes autrichiennes.
Et voici le billet d’Eva . (J’avais déjà lu ce roman quand Eva a fait paraître son billet mais je garde tous les livres venant de littérature allemande pour le mois de novembre.)

Citations

Les sentiments dans une région rurale.

 Josef aimait sa femme. Lui-même n’avait jamais employé ce mot. En patois ce mot n’existait pas. Il n’était pas possible de dire « Je t’aime » en patois. le mot ne lui était donc jamais venu à l’esprit. Maria était à lui. Et ils voulaient que Maria soit à lui et qu’elle lui appartienne, ça voulait dire d’abord le lit, et ensuite la famille.

Départ pour la guerre 14.

 Les quatre hommes avaient mis des fleurs sur leurs chapeaux et s’étaient envoyé un petit verre en vitesse. Le maire offrait le schnaps en tant que représentant de l’empereur et il tira un coup de feu en l’air. Une bande de gamins accompagna les pioupiou, comme on appelait les conscrits. Mais seulement jusqu’au village suivant, ensuite ils firent demi-tour. De là, les futurs soldats continuèrent seuls jusqu’à L., mais ils ne marchaient pas au pas, ils ne chantaient plus et ils étaient passablement dessoûlés. Ils parlaient des choses qu’il y avait à faire et qu’ils feraient bientôt, comme s’ils devaient être de retour chez eux dans quelques jours ou dans quelques semaines. Ils ôtèrent les fleurs de leurs chapeaux et les jetèrent au bord du chemin. maintenant qu’il n’y avait plus personne de chez eux pour les voir, à quoi
bon ?

Phrases terribles.

 Oncle Lorenz avait trois enfants au pays, il tenait ses deux fils pour des bons à rien, et cela avant même qu’ils aient pu devenir bon à quoi que ce soit, si bien qu’ils n’étaient rien de venu du tout, l’un des d’eux s’est pendu à un arbre. 

16 Thoughts on “Héritages – Monika HELFER

  1. Merci pour cette nouvelle participation. Je me souviens qu’Eva avait beaucoup aimé ce livre et de ton commentaire sur les « oublis » autrichiens… Je suis moi-même en train de lire un livre autrichien, mais qui se passe au 19ème siècle. Un vrai régal que je vais bientôt chroniquer ! Bonne journée.

  2. j’ai beaucoup lu sur ce sujet et autour mais là je n’ai pas accroché, non que le livre soit faible mais je n’ai pas aimé le point de vue et je l’ai trouvé un peu emberlificoté comme aurait dit ma grand mère

    • j’ai eu des réserves moi aussi mais il a beaucoup plu à mes amies du club de lecture.
      Moi aussi j’emploie le mot « emberlificoté » tu crois que c’est un mot ancien?

  3. keisha on 10 novembre 2022 at 13:33 said:

    Emberlificoté est un joli mot, un peu passé de mode, en fait disons pas usité par les nouvelles générations. Demandons à notre président de l’utiliser.^_^

  4. C’est ma prochaine lecture! Je reviendrai lire votre chronique en détails sous peu, mais avec trois coquillages, je devine qu’il ne vous a pas enthousiasmée…

  5. Emberlificoté était d’un usage courant dans ma jeunesse et je l’utilise toujours ! Pas trop tentée par cette lecture surtout avec le commentaire de Dominique et tes propres réserves.

  6. Je ne te sens pas trop enthousiaste… même si le sujet est intéressant, c’est peut-être la façon de le traiter qui le gâche un peu ?

    • c’est vrai que ça ne m’a pas complètement convaincue mais je ne sais pas trop pourquoi. Sans doute le traitement du nazisme ou plutôt l’absence d’allusion au nazisme m’a gênée

  7. Personnellement j’ai beaucoup aimé, j’ai trouvé l’écriture très fluide et l’image de la grand-mère très touchant. C’est vrai qu’elle ne mentionne pas le nazisme, elle voulait peut-être se concentrer sur l’histoire personnelle ? En tout cas, elle a écrit un autre livre après (Vati) où elle parle de son père.

    Merci d’avoir participé :)

  8. Je passe, une petite overdose sur cette période, et pas de coup de coeur de ta part

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