Un essai que j’avais noté lors d’une de mes émission préférée sur France culture : « L’Esprit Public » animée par Philippe Meyer. J’apprécie cette émission que j’écoute en podcast ( le dimanche à 11h du matin, j’ai souvent autre chose à faire !) car les intervenants savent s’écouter et n’ont pas pour but de démolir les arguments de l’autre. L’émission se termine sur un moment agréable : « la séquence des brèves » , chaque intervenant arrive avec une recommandation de lecture, d’exposition ou de spectacle, et je suis rarement déçue par leurs idées. Un dimanche matin, donc, plusieurs intervenants étaient arrivés avec cet essai de Michel Eltchaninoff et les autres approuvaient ce choix.
J’arrive un peu tard pour dire tout le bien que je pense de cet essai et vous en recommander chaudement la lecture. Un peu tard car toutes les idées que ce journaliste, professeur et philosophe avait si bien mises en lumière sont aujourd’hui reprises par toute la presse. Par exemple : ce qui constitue un tournant dans les positions de Poutine face à l’Europe occidentale, c’est l’ intervention contre la Serbie pour soutenir le Kosovo. Poutine a alors su rassembler le peuple russe en rallumant les vieilles peurs de l’encerclement par des forces ennemies du territoire russe.
Mais même si on sait beaucoup de choses sur la Russie de Poutine et que cet essai a perdu un peu de son actualité, on découvre avec grand intérêt ce qui anime cet homme d’état hors du commun. Et les raisons pour lesquelles il est suivi par une majorité de ses concitoyens. Ce n’est pas un livre difficile à lire, même s’il nous plonge dans les pensées de philosophes du XIXe et du début du XXe siècle que je ne connaissais pas. Comme Poutine est un incroyable opportuniste, il pioche dans tous les modes de pensée qu’il peut trouver pour redonner à son pays le courage de lutter pour retrouver son lustre d’antan. Ce n’est pas très réjouissant, en particulier pour l’ Ukraine, car il est prêt à utiliser tous les moyens pour faire revenir cette région dans le giron du grand frère russe. Et quand on voit comment il n’a pas hésité à déclencher la deuxième guerre de Tchétchénie, on peut se dire que rien ne l’arrêtera.
Une petite note d’espoir ? Poutine veut redonner sa force aux idées traditionalistes, il veut retrouver les valeurs de l’homme russe, et pour cela est un violent adversaire d’un ensemble d’idées sans liens apparents entres elles, sauf qu’elles sont des marqueurs de la liberté d’expression. Il est donc violemment homophobe, il veut contrôler les réseaux sociaux et déteste Internet. Je me dis alors, que si sa jeunesse ressemble à la notre, il va avoir bien du mal à la contrôler. À l’extérieur de son pays il mise sur les forces politiques qui sont encore minoritaires, le front national en France et tous les partis qui font du sursaut national leur cheval de bataille.
La tête de Poutine est donc remplie de théories plus ou moins fumeuses mais toutes mises au service du développement économique de la Russie, le plus triste mais est-ce si étonnant, c’est que Poutine en réalité loin des grandes idées ne lutte que pour la suprématie du rouble.
Citations
Résumé de la pensée de Poutine
Cette doctrine s’étage sur plusieurs plans : à partir d’un héritage soviétique assumé et d’un libéralisme feint, le premier plan est une vision conservatrice. Le deuxième, une théorie de la Voie russe. Le troisième, un rêve impérial inspiré des penseurs eurasistes. Le tout sous le signe d’une philosophie à prétention scientifique.
Formule de Poutine
Celui qui ne regrette pas la destruction de l’Union soviétique n’a pas de cœur. Et celui qui veut sa reconstruction à l’identique n’a pas de tête.
Discours du 25 avril 2005
Qu’est ce que la chute de l’Union soviétique ? Vingt-cinq millions de citoyens soviétiques hors des frontières de la nouvelle Russie. Et personne n’a pensé à eux…
La voie russe pour justifier l’annexion de la Crimée discours de Poutine 18 mars 2014
La politique d’endiguement de la Russie, qui a continué au XVIIe, au XIXe, au XXe siècle, se poursuit aujourd’hui. On essaie toujours de nous repousser dans un coin parce que nus avons une position indépendante, parce que nous la défendons, parce que nous appelons les choses par leur nom et ne jouons pas aux hypocrites. Mais il y a des limites. Et en ce qui concerne l’Ukraine nos partenaires occidentaux ont franchi la ligne jaune. Ils se comportés de manière grossière, irresponsable et non professionnelle.
Conclusion
Mais à la chute de l’Union soviétique, la Russie a dû se résigner à devenir un pays comme un autre, ni pire ni meilleur. Désormais, grâce au pan le plus nationaliste et pseudo scientifique de la philosophie russe, Poutine rend à la Russie sa vocation idéologique internationale… L’URSS n’était pas un pays mais un concept. Avec Poutine, la Russie est à nouveau le nom d’une idée.
J’avoue que le titre ne donne pas du tout envie. Qui voudrait se retrouver dans la tête de ce monsieur qui est pour moi ni plus ni moins que l’un des plus abominables dictateurs de notre époque ?
Certes, mais le comprendre permet de mieux savoir contrer ses idées. Ce livre est passionnant et ….. triste.
on écoute la même émission et on a coché le même livre mais je ne l’ai pas encore lu
ce personnage m’intrigue, m’agace, je crois qu’il représente pour les russes tout ce qu’ils ont honni pendant des années mais dont ils ne peuvent plus se passer : l’autorité et la force
son petit jeu de poker menteur avec l’Iran, la Grèce est assez impressionnant
pourtant économiquement le pays est plutôt en difficulté en ce moment et il a fait la part belle aux nouveaux riches russes
Les Russes ont- ils honni le stalinisme? Poutine est persuadé que non, et il est à la tête de leur pays. Ce livre est facile à lire et très instructif mais comme tous les bons essais politiques , toutes ses idées novatrices sont reprises partout maintenant.
Merci d’avoir parlé de cette émission. Je ne pense pas la connaitre mais il faut dire que je faisais beaucoup de trajets avant pour aller travailler et ce n’est plus le cas donc j’écoute moins la radio.
En ce qui concerne Poutine et la Russie, je ne la connais pas si bien que ça et même si tu as nuancé ton billet, c’est le genre d’essai qu’il faudrait que je lise… ( ce n’est pas trop pointu ?)
C’est un essai passionnant et très facile à lire, pour moi tout le monde devrait le lire pour ne se faire aucune fausse idée sur Poutine. quant à l’esprit public c’est un régal d’esprit et de tolérance, Jean Louis Bourlanges est mon préféré , mais il faut dire qu’il est agrégé de Lettres … un littéraire ça fait du bien !
Beau billet ! C’est bien de lire quelque chose sur un essai !
Quand j’ai lu le titre je me suis dit que je n’aimerais pas être dans sa tête, à Poutine ;-)
Mais c’est bien de le comprendre, il est important même si on ne l’aime pas .