Traduit de l’anglais (États -Unis) par Cécile Arnaud.
A propos du dernier livre de Stephen Grennblatt, j’ai vu que Dominique et Keisha (mais je n’ai pas trouvé son article) se souvenaient de ce roman, Quattrocento que je ne connaissais pas. Je l’ai acheté avec mon Kindle, ce qui pour une fois, était vraiment moins cher que le roman papier. Le budget, ça compte, même pour une passionnée de lecture ! Je suis contente de l’avoir en format Kindle car je relirai ce livre, c’est certain.
J’ai été pendant plus d’une semaine totalement prise par cette lecture. C’est un livre difficile à classer, je pensais suivre la vie du Pogge (Poggio Bracciolini) découvreur de textes antiques en particulier en 1417 du poème de Lucrèce « de Natura Rerum ». Mais en réalité c’est beaucoup plus l’histoire de la renaissance face à l’obscurantisme religieux dont parle ce livre. Certes, on apprend également comment a vécu Le Poggio, pourquoi il souhaitait tant retrouver les textes latins. J’ai admiré son talent de copiste et surtout son art de se faire une place à travers toutes les intrigues de la cour papale. La description de la vie à la curie romaine est un haut moment d’étalage de vices et de cruauté plus raffinés les uns que les autres. Et au milieu de tout cela, une poignée d’hommes , ceux qu’on appelle les humanistes veulent retrouver les textes latins, car ils pensent y retrouver l’intelligence, la beauté et la liberté de penser. Pour Stephen Greenblatt, l’évènement qui a permis au monde de sortir de l’obscurantisme chrétien c’est la découverte de la pensée de Lucrèce. L’église a tout fait pour empêcher que cette pensée puisse s’exprimer , mais l’intelligence de Lucrèce a réussi à s’imposer au monde, jusque, nous dit-il, dans la constitution américaine.
Avec ce livre, nous passons donc d’une période à l’autre, notre fil conducteur sera l’épicurisme et la philosophie antique. C’est l’occasion pour l’auteur de montrer comment on a, peu à peu, perdu ces textes, pourtant Rome possédait des bibliothèque, et l’antiquité respectait la philosophie et la liberté de penser. Un des épisodes racontés dans ce livre, m’a fait froid dans le dos . 350 ans après JC, Alexandrie possède encore une belle bibliothèque et connaît une riche vie intellectuelle . Une femme Hypatie est considérée comme une autorité en matière philosophique, comme elle est païenne, un chrétien Cyrille excite un groupe de fanatiques pour la tuer de façon atroce. Et pour ces hauts faits, Cyrille est devenu un saint catholique…
Ensuite nous passons du temps dans les abbayes et les couvents ramassis de fanatiques abrutis et hypocrites, pour Le Poggio. Mais heureusement, leur ignorance ou leur peur du paganisme a permis à quelques livres latins d’être sauvés. Puis voilà la renaissance avec malheureusement l’inquisition qui s’installe, celle-là même qui empêchera Galilée de dire que la terre tournait autour du soleil.
Que faire alors de Lucrèce qui pense que l’homme n’est qu’un élément de la nature. Et que les dieux , s’ils existent ne s’occupent pas des hommes. Bien sûr, l’auteur du « natura rerum » ne connaissait pas le « vrai Dieu » mais ses idées sont suffisamment libératrices pour que l’église n’ait eu de cesse de brûler son livre et aussi les hommes à l’ esprit suffisamment libre qui s’en réclamaient. Il est vrai que faire du principe du plaisir le seul but de la vie sur terre cela devait déranger ses messieurs qui se fouettaient pour la gloire de leur Dieu. Et surtout, dire qu’après la mort il n’y a rien et que l’on peut donc tranquillement profiter de la vie, qu’il n’est nul besoin d’avoir peur de la mort puisqu’on ne sera pas là pour souffrir. Là c’est trop pour une religion qui fait son commerce (voire les indulgences) de la peur de l’enfer. Je me souviens de mon cours de littérature de seconde sur l’Humanisme, et l’étude de Montaigne, si j’en avais compris l’essentiel, j’aurais, cependant, aimé lire ce roman pour en comprendre tous les enjeux.
Encore une fois la cruauté et la stupidité de l’église catholique de cette époque, m’ont totalement révoltée et me font penser au radicalisme des islamistes d’aujourd’hui.
Citations
les règles épanouissantes des moines
La parole lue ne pouvait être ni mise en question ni contredite et toute contestation devait , par principe être réprimée . Comme l’indique la liste des châtiments de l’influente règle du moine irlandais Colomban (né l’année de la mort de Benoît), le débat , qu’il fût intellectuel ou autre,était proscrit. Un moine qui osait contredire un frère encourait une sévère punition : « une obligation de silence ou quinze coups ». Les hauts murs qui circonscrivaient la vie mentale des moines – le silence imposé, l’interdiction des questions, les gifles ou les coup de fouet pour punir les discussions – avaient pour objectif de rappeler que ces communautés étaient à l’opposé des académies philosophiques de Grèce et de Rome, qui se nourrissaient de l’esprit de contradiction et encourageaient la curiosité.
les bibliothèques dans l’antiquité
En tout, au IVe siècle après Jésus-Christ, il existait vingt-huit bibliothèques publiques. Ces bâtiments qui tous furent détruits.
Épicurisme
Car seul Épicure, écrit Lucrèce, était en mesure de consoler l’homme qui, s’ennuyant à mourir chez lui, se précipitait à la campagne pour s’apercevoir que son esprit y est tout aussi accablé. Epicure, mort plus de deux siècles auparavant, n’était rien de moins que le sauveur. Cet homme, si peu en accord avec une culture romaine privilégiant la dureté, le pragmatisme et la vertu militaire, était un Grec qui avait triomphé non pas par la force des armes, mais par la puissance de l’intelligence.
Des penseurs de génie
L’idée des atomes, qui trouve son origine au Ve siècle avant Jésus-Christ chez Leucippe et son élève Démocrite, n’était qu’une brillante hypothèse : il n’y avait pas moyen d’en donner une preuve empirique, et il n’y en aurait pas avant plus de deux mille ans.
L’église et la joie par la souffrance
Sainte Claire d’Assise Déchira l’enveloppe d’albâtre de son corps avec un fouet pendant quarante-deux ans et ses plaies exhalaient des odeurs célestes qui remplissaient l’église. Saint Dominique se lacérait la chair chaque soir avec un fouet muni de trois chaînes de fer. Saint Ignace de Loyola recommandait l’usage de fouets aux lanières assez fines, infligeant de la douleur à la chair, mais sans toucher les os…
Les dangers de Lucrèce pour toute pensée religieuse
Lucrèce est une sorte d’athée dissimulé dans la mesure où, aux yeux des croyants de toutes les religions de toutes les époques, il semble inutile d’adorer un dieu sans vouloir apaiser sa colère, ou s’attirer sa protection ou ses faveurs. A quoi servirait un dieu qui ne punit ni ne récompense ? Lucrèce affirme que ce genre d’espoirs et d’angoisses sont des formes de superstition nocive mêlant une arrogance absurde et une peur aussi absurde. C’est faire insulte aux dieux que d’imaginer qu’ils se souvient du sort des humains ou de leur pratiques rituelles, comme si leur bonheur dépendait des litanies que nous chuchotons ou de notre bonne conduite. Mais peu importe cette insulte, puisque les dieux s’en moquent. Rien de ce que nous pouvons faire (ou ne pas faire) ne les intéresse. Le problème c’est que ces fausses croyances et observances de l’homme lui font tort à lui-même…
Quand le corps meurt – c’est à dire quand la matière de disperse – l’âme qui est une partie du corps, meurt aussi. Il n’y a pas de vie après la mort.
On en parle
Chez Dominique, sur Babelio quelques avis négatifs, et l’avis plus nuancé de Dasola.
un livre tout à fait passionnant que j’ai beaucoup aimé et comme toi je sais que je le relirai
Encore un livre que je dois au blog « à Sauts et à Gambades » tenu par une certaine Dominique!
Oui, oui je l’ai lu (merci Dominique!) il était à la bibli. Mais pas de billet. Hélas la paresse (entre autres). je guette celui sur Shakespeare;
Si je peux avoir une quelconque influence, j’aimerais bien que tu fasses un billet, car je trouve que c’est le genre de livre qui mérite une publicité de notre part. Mais comme je comprends la flemme …..
J’avais ce modèle de lectrice, mais elle est tombée en panne après environ 70 livres lus. J’ai acheté le nouveau modèle de la même marque et j’ai été stupéfié par l’amélioration du confort de lecture. Pourtant, je trouvais déjà l’ancien modèle très confortable et je n’aurais pas eu l’idée de changer…
Je vais certainement changer un jour , je suis ravie de vous retrouver sur mon blog, je n’arrive plus à mettre des commentaires sur le votre dont j’admire tout le temps les photos. Vous avez remarqué que je prends mes livres en photo mais je n’ai hélas, pas votre talent.
et au pasage lisez « Quattrocento » je suis sur que ce livre vous plaira.
Quand vous parlez du nouveau modèle, vous parlez du modèle « Fire » ?
Le sujet c’est »Quattrocento » pas la liseuse Kindle , je le rappelle au passage!
Je ne te parlerai pas de liseuse, je n’en ai pas !! Quant au livre, continue à te laisser tenter chez Dominique, comme je note chez elle, je n’ai plus rien à noter chez toi ;-)
Moi je note chez vous toutes et mes listes s allongent inexorablement.Je suis rarement déçue chez Dominique, mais je me méfie de son goût sur les livres à propos de la nature je m’y ennuie parfois. Lis vite »Quattrocento » c est vraiment passionnant.
C’est vrai que ça a l’air passionnant ! Quant à la liseuse, la mienne n’a plus servi depuis près d’un an (et cela fait un an que je l’ai gagnée ;) )
il me semble que tu vis, ou que tu travailles près de livres papier en abondance.. mais c’est surtout une solution quand on voyage ou que le livre est moins cher ainsi
Comme Keisha, ce livre m’a évoqué celui qui vient de sortir sur Shakespeare et comme elle, je guette son arrivée en biblio…
J’aime beaucoup les histoires de bibliothèques dans l’Antiquité alors je note ce titre ! Je ne sais pas si tu as vu « Agora », le film qui parle d’Hypatie et met bien en évidence les querelles religieuses de l’époque, il est vraiment bien, je l’avais vu au ciné à sa sortie.
Bonne soirée !
Je n’ai pas entendu parler du film Agora mais je note ce nom .
Cet épisode m’a révulsée.
Il est sur ma LAL depuis quelques temps celui là !
Moi je n ai aucune reserve sur ce roman .
Bonjsoir Luocine, c’est grâce au billet de Dominique que j’avais lu ce livre J’avoue avoir été moins enthousiaste qu’elle et toi. Le sujet est intéressant mais il y a un côté scolaire, élève appliqué qui a bien potassé ses textes. Et ma remarque sur le fait que c’est un livre fait pour les Américains n’a pas trop plu. J’assume en disant que les Américains dans leur grande majorité sont assez ignares sur l’Histoire autre que la leur. M. Greenblatt a écrit un devoir assez honorable mais il n’y a pas de révélation, je n’ai pas eu l’impression d’avoir appris grand-chose. Tout ce qu’il écrit se trouve sur internet. Lecture agréable, point. http://dasola.canalblog.com/archives/2014/02/14/29200463.html
Bonne soirée.
Bonsoir Dasola,
tout est sur Internet cela ne veut pas dire qu’on a tout lu ce qui s’y trouve…, Je dois être aussi ignare que les Américains car je n’avais jamais entendu parler d’Hypatie avant ce roman. je vais mettre un lien vers ton article. J’aime quand les avis divergent.
bonne soirée à toi aussi