Traduit de l’anglais par Élodie Leplat. Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.
En juin 2018 , notre club de lecture après une discussion mémorable avait attribué au « Chagrin des vivants » son célèbre « coup de cœur des coups de cœur ». C’est donc avec grand plaisir que je me suis plongée dans cette lecture. Envie et appréhension, à cause du sujet : je suis toujours bouleversée par la façon dont on a toujours maltraité des êtres faibles, En particulier, les malades mentaux. Ce roman se situe dans le Yokshire en 1911, dans un asile que l’auteure a appelé Sharston. Cette histoire lui a été inspirée par la vie d’un ancêtre qui, à cause de la grande misère qui a sévi en Irlande au début du vingtième siècle, a vécu dans des institutions ressemblant très fort à cet asile.
Le roman met en scène plusieurs personnages qui deviennent chacun à leur tour les narrateurs de cette tragique histoire. Ella, la toute jeune et belle irlandaise qui n’a rien fait pour se retrouver parmi les malades mentaux et qui hurle son désespoir. Clèm une jeune fille cultivée qui a des conduites suicidaires et qui tendra la main à Ella. John Mulligan qui réduit à la misère a accepté de vivre dans l’asile. Charles Fuller le médecin musicien qui sera un acteur important du drame.
Ella et John vont se rencontrer dans la salle de bal. Car tous les vendredis, pour tous les patients que l’on veut « récompenser » l’hôpital, sous la houlette de Charles Fuller, peuvent danser au son d’un orchestre. Malheureusement pour tous, Charles est un être faible et de plus en plus influencé par les doctrines d’eugénisme.
C’est un des intérêts de ce roman, nous sommes au début de ce siècle si terrible pour l’humanité et les idées de races inférieures ou dégénérées prennent beaucoup de place dans les esprits qui se croient savants : à la suite de Darwin et de la théorie de l’évolution pourquoi ne pas sélectionner les gens qui pourront se reproduire en améliorant la race humaine et stériliser les autres ? L’auteure a choisi de mettre toutes ces idées dans la personnalité ambiguë et déséquilibrée de Charles Fuller, mais on se rend compte que ces idées là étaient largement partagées par une grande partie de la population britannique, elles avaient même les faveurs d’un certain Winston Churchill. Il s’en est fallu de peu que la Grandes Bretagne, cinquante ans avant les Nazis n’organise la stérilisation forcée des patients des asiles. On apprend également que ces patients ne sont pas tous des malades mentaux, ils sont parfois simplement pauvres et trouvent dans cet endroit de quoi ne pas mourir de faim. On voit aussi comme pour la jeune Ella, que des femmes pouvaient y être enfermées pour des raisons tout à fait futiles. Ella, un jour où la chaleur était insupportable dans la filature où elle travaillait a cassé un carreau. Ce geste de révolte a été considéré comme un geste dément et son calvaire a commencé. Au lieu de l’envoyer à la police on l’a envoyée chez les « fous ». On retrouve sous la plume de cette auteure, les scènes qui font si peur : comment prouver que l’on est sain d’esprit alors que chacune des paroles que l’on prononce est analysée sous l’angle de la folie. Et lorsque Ella se révolte sa cause est entendue, elle est d’abord démente puis violente et enfin dangereuse.
Le drame peut se nouer maintenant tous les ingrédients sont là. Un amour dans un lieu interdit et un médecin pervers qui manipule des malades ou des êtres sans défense.
J’ai lu ce deuxième roman d’Anna Hope avec un peu moins d’intérêt que son premier. Elle a su, pourtant, donner vie et une consistance à tous les protagonistes de cette histoire, ses aïeux sont quelque part dans toutes les souffrances de ces êtres blessés par la cruauté de la vie. Il faut espérer que nos sociétés savent, aujourd’hui, être plus compatissantes vis à vis des plus démunis. Cependant, quand j’entends combien les bénévoles de « ADT quart monde » se battent pour faire comprendre que les pauvres ne sont pas responsables de leur misère, j’en doute fort.
Citations
Le mépris des gardiennes pour les femmes enfermées à l’asile
Toutefois elle voyait bien comment les surveillantes regardaient les patientes, en ricanant parfois derrière leurs mains. L’autre jour elle avait entendu l’infirmière irlandaise qui dégoisait avec une autre de sa voix criarde de pie : « Non mais c’est-y pas que des animaux ? Pire que des animaux. Sales, tu trouves pas ? Mais comment il faut les surveiller tout le temps ? Tu trouves pas ? Dis, tu trouves pas ? »
Les femmes et la maladie mentale
Contrairement à la musique, il a été démontré que la lecture pratiquée avec excès était dangereuse pour l’esprit féminin. Cela nous a été enseigné lors de notre tout premier cours magistral : les cellules masculines sont essentiellement catholiques – actives énergiques- tandis que les cellules féminines son anatomiques – destinées à conserver l’énergie et soutenir la vie. Si un peu de lecture légère ne porte pas à conséquence, en revanche une dépression nerveuse s’ensuit quand la femme va à l’encontre de sa nature.
Théorie sur la pauvreté au début du 20e siècle
La société eugénique est d’avis que la disette, dans la mesure où elle est incarnée par le paupérisme (et il n’existe pas d’autres étalon), se limite en grande partie à une classe spécifique et dégénérée. Une classe défectueuse et dépendante connue sous le nom de classe indigente.
Le manque d’initiative, de contrôle, ainsi que l’absence totale d’une perception juste sont des causes bien plus importantes du paupérisme que n’importe lesquelles des prétendues causes économiques.
Je l’ai réservé à la bibliothèque, il ne devrait pas tarder à arriver.
alors bonne lecture.
Un sujet terrible mais un roman qui a su te conquérir, même si je note que tu as préféré son précédent.
C’est quand même incroyable qu’on est failli pratiquer à grande échelle la stérilisation des miséreux en Grande Bretagne! failli seulement, heureusement.
J’en ai profité pour relire ton premier billet car je n’ai encore rien lu cet auteur. Effectivement, le premier me tente plus car le sujet a l’air moins rebattu…
Et la construction du roman est très bien réussie. Ici c’est moins prenant, mais c’est un bon roman.
Bonjour Luocine, le sujet même s’il est dur, pourrait me plaire. J’avais apprécié un roman policier français Hôpital psychiatrique de Raymond Castells. L’univers des hôpitaux ou institutions psychiatriques est relativement peu connu car terrible. La stérilisation des « fous » ou ceux considérés comme débiles à moins qu’ils soient trisomique reste un sujet confidentiel, cela dérange, mais c’est toujours d’actualité, que ce soit en France, en Irlande ou ailleurs. Bonne après-midi.
bonsoir Dasola
je lis peu de policier, mais je retiens cette suggestion. Faire souffrir des malades mentaux me fait mal. Je dois dire que je connais plutôt l’inverse, le dévouement et la compétence du personnel psychiatrique.
J’avais bien apprécié son précédent. Celui-ci, je recule… non à cause du sujet mais pour les bémols lus ça et là.
Moi aussi j’ai eu quelques bémols mais Anna Hope a du talent c’est certain.
toujours pas lu cet auteur. J’y viendrai mais pas tout de suite.
commence par son premier roman, la construction est plus originale
Il me semble que le sujet (asiles en Irlande) a déjà été traité, bon, on verra pour l’instant j’ai d’autres lectures
comme je comprends ce commentaire , il faut se faire une raison : ON NE PEUT PAS TOUT LIRE !!!!
J’ai eu un grand coup de cœur pour ce roman ! Pour ma part, je l’ai trouvé meilleur que le précédent, plus puissant encore, même si le sujet n’est pas facile, avec de très beaux personnages.
oui les personnages sont très beaux. Un bon roman, mais j’ai préféré le premier avec cette montée vers la cérémonie pour les morts de la guerre 14/18 en Grande Bretagne
je l’ai déjà noté chez toi mais pas encore pris le temps de lire cette auteure
tes 4 coquillages sont bien tentants
J’en profite pour te souhaiter de très bonnes fêtes
je vais faire une pause au pays des neiges
A très bientôt
merci et à toi aussi
bonne pause, alors, reviens vite
Il est depuis très longtemps dans ma PAL, tu me le remets en mémoire
On ne peut jamais tout lire, et le sentiment de frustration augmente avec la fréquentation des blogs.
Je retiens donc que l’auteur est à découvrir!!
oui à découvrir et à déguster.
Le pitch du roman me tente beaucoup mais pour avoir lu des extraits en librairie, je ne pense pas que le style de Hope me convienne.
bien possible, son style est banal (traduit en en français), en revanche, ses constructions romanesques sont originales : elle construit toujours des romans choral, j’aime bien cette façon de faire
Il était sur la liste des candidats possibles pour la liste de Noël mais est finalement resté sur les rayons de la librairie. Thème très intéressant, on se dit que l’humanité fait quand même des progrès dans son évolution
Il est certainement dans toutes les bibliothèques alors à découvrir.
Son premier roman m’attend et si je suis convaincue je lirai celui-ci ensuite.
et je lirai avec plaisir ton billet….