Traduit de l’américain par Mathilde Bach
Bien présenté par mes blogs préférés, je savais que je lirai à mon tour ce roman de 952 pages (en édition poche). Aucune déception et un coup de cœur pour moi, je rejoins Keisha, Jérôme, Kathel pour dire que ce premier roman de Nathan Hill est un coup de maître. Son seul défaut est d’avoir voulu tout raconter l’Amérique qui va mal en un seul roman. Tout ? pas complètement puisque le racisme n’y est pas évoqué. Le fil conducteur est tenu par Samuel abandonné par sa mère à l’age de 11 ans, il est devenu professeur de littérature dans une petite université, le roman raconte sa quête pour retrouver et comprendre sa mère. Il fera face d’abord à une certaine Laura, étudiante qui a mis le principe de la triche au cœur de son activité intellectuelle ; puis, on le voit passer son temps à jouer dans un monde virtuel où il tue, des nuits entières, des dragons et des orques, on découvre grâce à cela l’univers des joueurs « drogués » par les jeux vidéo. À cause de cette passion nocturne il est bien le seul à ne pas savoir que sa mère fait le « buzz » sur les réseaux sociaux. On la voit sur une vidéo qui tourne en boucle jeter des cailloux sur sur un candidat à la présidence des Etats-Unis, un sosie de Trump, un certain Parker qui ressemble tant au président actuel. Pour que Samuel comprenne le geste de sa mère, il faudra remonter aux événements qui ont secoué Chicago en 1968 et pour mettre le point final à cette longue quête retrouver les raisons qui ont fait fuir la Norvège au grand-père de Samuel en 1941. Toutes les machinations dont sont victime Samuel et sa mère ne sont finalement l’oeuvre que d’un seul homme qui a tout compris au maniement des médias et à celui des foules ? Je ne peux pas en dire plus sans divulgâcher l’intrigue romanesque.
Mais pour moi ce n’est pas l’essentiel, ce qui m’a complètement accrochée, c’est le talent de Nathan Hill pour décrire différentes strates de la société nord-américaine. Quand il nous plonge dans le monde des joueurs complètement drogués aux jeux vidéo, on sent qu’il s’est parfaitement renseigné sur leurs habitudes et le roman devient pratiquement un documentaire, je ne savais pas que l’on pouvait s’enrichir en vendant des objets virtuels qui n’existent que dans un jeu. Les mœurs des étudiants américains nous sont plus familières : il y a du Philippe Roth dans les ennuis de Samuel avec le politiquement correct de l’université mené par une étudiante qui préfère tricher plutôt que travailler.
Les entreprises américaines qui se soucient si peu de leurs employés, la police de Chicago qui, en 1968, s’est comportée plus comme une milice néo-fasciste que comme une police d’une grande démocratie, et les manœuvre des candidats à la présidence des Etats-Unis tout cela enrichit le roman peut être trop ? Je remarque que plus les romans français s’allègent plus les romans nord-américains s’allongent.
Citations
Portrait
Il sait bien à quel point c’est désagréable et condescendant de corriger la grammaire de quelqu’un dans une conversation. C’est du même ordre que d’être à une fête et relever le manque de culture de son voisin,c’est d’ailleurs précisément ce qui est arrivé à Samuel lors de sa première semaine à l’université. Dans un dîner de présentations organisé chez la doyenne de l’université, sa patronne,une ancienne prof de Lettres qui avait grimpé les échelons administratifs un à un. Elle avait bâti le genre de carrière académique tout à fait typique : elle savait absolument tout ce qu’il y avait à savoir dans un domaine extraordinairement restreint (sa niche à elle, c’était la production littéraire pendant la Grande Peste) . Au dîner, elle avait sollicité son avis sur une partie spécifique des « Contes de Canterburry », et, lorsqu’il avait hésité, s’était écriée, un peu trop fort : » Vous ne l’avez pas lu ? Oh, ça alors, doux Jésus. «
Le produit livre
– Je construit des livres. C’est surtout pour créer une valeur. Un public. Un intérêt. Le livre, c’est juste l’emballage, le contenant….ce qu’on crée en réalité, c’est de la valeur. Le livre,c’est juste l’une des formes sous lesquelles se présente cette valeur, une échelle, un emprunt.
Hypocondriaque
Il était d’une franchise et d’une impudeur totales sur les détails de son état. Il parlait comme les gens atteints d’une maladie terrible, de cette manière qu’a la maladie d’éclipser toute notion de pudeur et d’intimité. Racontant par exemple son désarroi en matière de priorité quand il avait la diarrhée et la nausée » en même temps »
Les nouvelles mode pour les régimes alimentaires américaines.
– Je vais commencer un nouveau régime bientôt. Le régime pléisto . T’ en as entendu parler ?-Nan.-C’est celui où tu manges comme au pléistocène. En particulier l’époque tarentienne, dans la dernière période glaciaire. – Comment on sait ce qu’ils mangeaient au pléistocène ?-Grâce à la science. En fait, tu manges comme un homme des cavernes, sauf que t’as pas à t’inquiéter des mastodontes. Et en plus, c’est sans gluten. L’idée, c’est de faire croire à ton corps que tu as remonté le temps, avant l’invention de l’agriculture.
Mœurs capitalistes aux USA
Sa société déposa le bilan. Et ce, malgré le mémo qu’elle avait diffusé auprès de ses employés deux jours seulement auparavant, annonçant que tout allait pour le mieux, que les rumeurs de faillite étaient exagérées, qu’ils ne devaient en aucun cas vendre leurs actions, voire qu’il pouvait même penser en acquérir davantage vu leur dévaluation actuelle. Henri l’avait fait, il y avait appris par la suite qu’au même moment leur PDG revendait toutes ses parts. Toute la retraite de Henry était ainsi passée dans un tas d’actions qui ne valaient plus un clou, et lorsque la société sortit de la faillite et émit de nouvelles actions, elle ne furent proposées qu’au comité exécutif et aux gros investisseurs de Wall Street. Henri se retrouva donc sans rien. Le confortable bas de laine qu’il avait mis des années à remplir s’était évaporé en un seul jour.
Tricher
Et cependant, même de cela elle doutait, car si ce n’était pas grave qu’elle triche pour un devoir, alors dans ce cas pourquoi ne pourrait-elle pas tricher pour tous les devoirs. Ce qui était un peu embêtant car l’accord qu’elle avait passé avec elle-même au lycée quand elle avait commencé à tricher, c’est qu’elle avait le droit de tricher autant qu’elle voulait maintenant à condition que plus tard, quand les devoirs deviendraient vraiment important, elle se mette à travailler pour de vrai. Ce moment n’était pas encore arrivé. En quatre ans de lycée et une année d’université, elle n’avait rien étudié étudier qu’elle puisse qualifier de vraiment important. Donc elle continuait à tricher. Dans toutes les matières. Et à mentir. Tout le temps. Sans le moindre sentiment de culpabilité.
Fin d’une discussion avec une étudiante qui a copié son de voir sur internet
Laura sort en trombe de son bureau et,une fois dans le couloir, se retourne pour lui crier dessus : « Je paie pour étudier ici ! Je paie cher ! C’est moi qui paie votre salaire,vous n’avez pas le droit de me traiter comme ça ! Mon père donne beaucoup d’argent à cette école ! Bien plus que ce que vous gagnez en un an ! Il est avocat et vous allez avoir de ses nouvelles ! Vous êtes allé beaucoup trop loin ! Vous allez voir qui commande ici »
Humour
Tu serais étonné du nombre de médicaments très efficaces qui ont été développés à l’origine pour traiter les problèmes sexuels masculins. C’est, concrètement, le moteur principal de toute l’industrie pharmaceutique. Remercions le Seigneur que les dysfonctionnement sexuel masculin existent.
La retraite
Tous les endroits semblaient aussi horribles les uns que les autres, car ce qu’on ne dit jamais sur les voyages à la retraite, c’est que pour en profiter il faut pouvoir supporter un minimum la personne avec qui vous voyagez. Et rien que d’imaginer tout ce temps passé ensemble, en avion, au restaurant, dans des hôtels. Sans jamais pouvoir échapper l’un à l’autre, le côté de leur arrangement actuel était qu’il pouvait toujours prétendre que la raison pour laquelle ils se voyaient si peu, c’était qu’ils avaient des emplois du temps chargés, pas qu’ils se détestaient cordialement.
Un concerto dont il est question dans ce roman
Max Bruch n’a pas reçu un centime pour cette oeuvre
J’ai énormément aimé ce gros roman lu cet été lorsque j’étais à La Réunion, il restera à jamais marqué à ce lieu… Et tu vas me dire que je ne tiens pas à jour ma page « auteurs »…
Je vais regarder, mais avant que tu ne réagissez trop fort, je t’explique, je garde en mémoire où j’ai lu les romans qui me plaisent beaucoup, et je tiens à dire qui m’a guidée vers cette lecture. Pour cela, je dois le retrouver dans la liste des auteurs. Ceci dit cela ne m’étonne pas du tout que tu aies aimé ce roman.
Ton avis fait très envie, il évoque une dimension énigmatique qui ne m’avait pas paru évidente à la lecture d’autres billets. Je l’avais déjà noté, mais j’attends un peu, je viens déjà d’ajouter plusieurs pavés à ma PAL…
Ce n’est pas le plus important mais oui il y a bien une énigme et un personnage terriblement pervers.
J’ai beaucoup aimé ce roman, après un départ un peu laborieux et j’ai eu le plaisir d’en discuter après avec l’auteur, au festival America.
Trop de chance Aifelle!! Je t’envie.
Aaaah cinq coquillages, cela ne m’étonne pas!!!
Il y a des romans qui font vraiment la différence.
Un roman qui m’a laissé un très bon souvenir. J’espère que ce jeune auteur nous prépare autre chose !
Ou alors, il a tout dit!
Tu confirmes donc, je le surligne !
Tu peux il y a beaucoup de choses dans ce roman.
Il est d’une ambition incroyable ce premier roman ! J’ai adoré, sans aucune restriction.
Je me souviens bien de ton admiration et tu n’étais pas le seul.
moi aussi j’ai beaucoup aimé! Quel roman dense et intéressant! Pour un 1er roman, bravo l’auteur. Mon billet paraîtra dans quelques jours.
Je lirai avec grand plaisir ton billet.
Tu me le remets en mémoire, noté il y a très longtemps, puis oublié
Il m’arrive parfois de rayer des noms sur mes listes de lecture et celui-ci avait été noté plusieurs fois. C’est un excellent roman,tu verras.
Contente que tu aies aimé. Ce roman a été pour moi l’une des lectures les plus marquantes de 2017.
Un excellent roman américain donc très long.
Je garde un très bon souvenir de ce roman que j’ai avalé d’une traite, sans m’en rendre compte.
Moi j’ai mis du temps à le lire mais avec grand intérêt. Je profite de ton passage sur mon blog pour te dire que je n’arrive jamais à laisser des commentaires sur le tien que je lis régulièrement.
Quand je vois tes coquillages ça me désespère car j’ai tenté deux fois de lire ce roman encensé un peu partout, et j’ai calé deux fois, sans parvenir à m’intéresser à cette histoire
mais je vois qu’Airelle a eu aussi un début un peu laborieux alors je ne désespère pas d’y parvenir un jour où mon humeur sera la bonne
Oui le début est laborieux et le roman se met difficilement en place. Mais on peut prendre chaque passage comme un roman dans un grand roman.
je recommence car j’ai perdu ton blog en route
je disais que je désespère en voyant tes coquillages car moi j’ai calé, j’ai tenté deux fois de lire ce roman et non non non
mais je vois qu’Airelle a eu un début laborieux alors je ne désespère pas d’y parvenir un jour où mon humeur sera juste celle qu’il faut
Ce roman m’ a embarquée de la première à la dernière pages .5 étoiles pour moi !
Tes 5 étoiles valent bien mes 5 coquillages.
Excellent roman effectivement ! A lire impérativement…
On est nombreux à le penser. Cela veut au moins dire qu’il représente une valeur sûre pour nous.