Édition Héloïse d’Ormesson 

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

 

Un livre surprenant pour un premier roman d’une jeune écrivaine, il est composé en trois parties dont l’intérêt est allé en diminuant (pour moi !).

La première partie est à deux voix : celle du père et de la mère d’Isor une enfant qui ne parle pas et dont aucun médecin ne peut dire exactement ce qu’elle a. On retrouve dans cette partie le désarroi des parents d’une enfant « pas comme les autres ». Sa mère sent que cette petite fille, sa fille, a des capacités qu’elle ne veut (ou ne peut) pas montrer, comme si elle avait peur du monde. Son père est souvent plus agacé par sa fille mais finit par trouver un lien avec elle à travers les DVD, ensemble ils regardent des reportages animaliers ou des films en langue étrangère. Elle imite très bien les animaux ou semble parler chinois ou arabe. Alors qu’elle ne dit pas un mot en français.

J’ai trouvé triste mais très bien décrite leurs démarches auprès du corps médical pour comprendre et aider leur fille. Tant de parents témoignent des mêmes errances quand ils veulent comprendre pourquoi leur enfant ne réagit pas comme tous les autres. Ils décident donc de s’en sortir seuls. Isore grandit et un jour elle veut faire ses propres découvertes, nous sommes dans la deuxième partie quand elle rencontre Lucien un vieil homme avec qui elle se sent bien. Dans la deuxième partie nous entendons la voix de Lucien, et je n’ai vraiment pas compris grand chose à cet amour absolu de Lucien pour Isore. Ce que la petite n’a jamais donné à ses parents (la communication) elle le donnera à cet homme qui partagera son secret avec elle : l’éloignement en Italie de sa fille Anellia ou Ani. Enfin, dans la troisième partie (un grand n’importe quoi – toujours pour moi) grâce à une correspondance fournie , Isor raconte à ses parents sa nouvelle vie en Sicile avec Aniella. Bref cette enfant qui n’a jamais eu aucune autonomie, n’a jamais parlé peut écrire est capable de se rendre seule en Sicile pour retrouver et vivre avec la fille de Lucien .

Une déception, après un bon début, pour ce roman qui visiblement plaît beaucoup. Cette toute jeune écrivaine a le temps pour écrire des romans qui, peut-être, me plairont davantage.

 

Extraits

Début .

 Mère 
Mon poussin, ma toute petite, moi qui t’ai formé au rythme des secrets de mon ventre, je t’ai vue finalement grandir en dépit de tout. Detoutes ces choses incompréhensibles et qui t’étaient contraires.

Florilège d’avis divers et variés sur leur fille,( j’en cite 2 sur 10).

Alexandre Petit (interne) ORL : » L’hypothèse d’un syndrome rare touchant les canaux lacrymaux n’est pas exclue : votre fille sécréterait trop de larmes. On a relevé un cas similaire en Birmanie il y a deux ans ».

 

Docteur Amandine Blanc, psychiatre : » Partez donc un peu en vacances, prenez du temps pour vous cela devient UR-GENT ! Isor a besoin de voir sa famille unie et heureuse. On continue de se voir tous les deux jours ? »

 

Édition Calman Levy

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

 

 

Pour une fois, on peut résumer rapidement le sujet. Une musicienne ne supporte plus Paris et l’ambiance de son quartier où vivent de nombreux artistes, et part vivre dans le Finistère proche de la mer.

Je reconnais une qualité à ce roman qui a d’ailleurs reçu le prix Renaudot, c’est dire si je ne suis pas dans l’air du temps avec mes deux malheureux coquillages, qu’elle aurait pu ramasser sur les plages qu’elle découvre à côté de sa location. Cette écrivaine est très honnête et après un coup de cœur pour la maison qu’elle a louée sans même la voir, elle ne nous chante pas le refrain trop connu de la vie idyllique en Bretagne authentique. Elle aura froid dans une maison mal construite, elle n’arrivera pas à changer sa bouteille de gaz, faire ses courses s’avérera très compliqué voire impossible sans voiture, ses propriétaires sont mesquins et malhonnêtes, et puis … il pleut beaucoup, tout le temps en vérité, et le taux d’humidité monte à 98 pour cent .
L’autrice se plaît à nous d’écrire par le menu la psychologie des différents personnages qui ont traversé sa vie. Je ne sais pas si c’est le milieu dans lequel elle vit mais la plupart d’entre eux font face à des histoires horribles. Le suicide y est monnaie courante. Sa meilleure amie a même enterré son propre frère pour cacher sa mort à ses parents !

Alors tout ce petit monde n’a qu’une solution : la drogue.

Quand on sait les ravages que fait le trafic de drogue en France c’est terrible de lire que des gens qui vivent bien loin des quartiers où les dealers font la loi permettent à ces gens de vivre et de terroriser des populations qui, elles n’ont pas les moyens de se droguer au chaud entre amis dans des appartements historiques où les seuls problèmes de voisinage sont des gens qui, parfois, font la fête trop tard le soir .

bref mon jugement moral me fait rejeter ce roman, et visiblement cela ne l’empêchera d’être encensé par la critique.

Extraits

Début.

 La plupart des gens sont seuls, ou se sentent seuls, ou ont peur de l’être. Peut-être est-ce pour ça que certains se comportent de manière vraiment merdique. Mais je ne me demande plus jamais pourquoi les gens font ce qu’ils font.

Après un mois de pluie, je me demande si elle pensera encore cela la réponse est non).

 À la sortie de la petite gare, en sentant la moiteur dans l’air et en voyant les palmiers sur le terre-plein du parking, elle a eu l’impression de débarquer dans un autre coin que le Finistère, différent de ce qu’elle avait imaginé, pas tropical mais presque avec cette averse malgré le soleil, quelque chose d’étrangement chaud, humide, enveloppant, et elle a su qu’elle allait être bien ici.

La banalisation de la drogue ( dans des quartiers éloignés de ce qui en rend d’autres si violents).

Quelle idiote d’avoir acheté un gramme avant de partir. Pour quoi faire, elle songe en remportant son téléphone qui n’a pas fini de charger. Quel intérêt d’avoir seulement un gramme ici alors qu’après ça donne envie de continuer à taper pendant des jours. Tout cela pour quoi, parce que celle du dealer de Mathieu le week-end dernier était meilleure que celle de la fois d’avant qui avait un goût de kérosène ?


Éditions Allary. 

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

 

Au fond elle voudrait arrêter de mourir.

Cet auteur, médecin, se penche sur les malheurs des gens qu’il soigne. Tout son livre est construit sur une première expérience traumatisante : la mort d’un tout petit enfant car avec le SAMU, il est arrivé 10 minutes trop tard, et cela parce que sa maman, totalement paniquée, a dit habiter le numéro 42 au lieu de 24 . D’où les dix minutes supplémentaires. Ce jour là, devant tant d’injustice ni le médecin ni l’homme n’ont pu reprendre une vie normale. Depuis ce jour, le narrateur, et sans doute l’auteur n’a plus jamais pleuré (mais il a pris beaucoup de kilos !). Ce livre est aussi un plaidoyer pour toutes les femmes, il travaille, en effet, avec un centre d’aide aux femmes maltraitées par leurs conjoints et cela lui donne la conviction que beaucoup d’hommes sont de véritables ordures, ce qui est certain c’est qu’il est beaucoup mieux avec les femmes. Il nous explique aussi que son homosexualité lui vaut la confiance des femmes et le fait réfléchir à la façon dont d’autres médecins hommes se conduisent avec le corps des patientes. À travers différents cas de malades, il aborde beaucoup d’aspect de notre société, évidemment plutôt du côté de ce qui ne va pas. J’ai bien aimé le passage de consacré à une femme atteinte de plusieurs cancers qu’il sait être incurables, elle se fait soigner par un naturopathe qui prend 90 euros la demi heure quand lui est payer 25 euros l’heure et qui oblige cette pauvre femme à manger des légumes cuits à l’eau pour se guérir. Il enrage, mais il reste auprès d’elle jusqu’à la fin.
Une tranche de vie de ce médecin qui nous fait plonger dans la nôtre et celle de nos semblables

Ma seule réserve, c’est sa façon d’écrire, j’avais du mal à être bien dans ses récits et puis je suis allée l’écouter, et là surprise ! il racontait à une journaliste les mêmes histoires, mais il les racontait avec exactement les mêmes mots . Et j’ai alors compris ce qui me dérangeait dans son style, on sent que l’auteur raconte sa version des histoires et qu’il les raconte toujours de la même façon. Je ne sais pas si je me fais comprendre, mais on sent ce médecin sûr de son effet et qui a trouvé un procédé plus qu’un style pour raconter ses différents patients. Mais je pense, aussi, que cela ne gênera pas grand monde pour apprécier ce roman.

Lors de la discussion de notre club, plusieurs lectrices se sont demandé ce qu’il en était du secret médical. Espérons qu’il a obtenu le consentement des patientes avant de raconter leurs histoires, car elles sont parfaitement reconnaissables. (Et personne ne lui a attribué de coup de cœur.)

 

Extraits.

Début.

 C’est un petit cabinet médical. On y accède après avoir traversé un couloir en crépi beige, très beige, puis longé un patio fleuri, très fleuri. Parfois, ça sent les fleurs séchées, parfois rien du tout.
 Treize chaises grises et noires vous attendent dans une salle d’attente qui ne paie pas de mine.

Désespoir du médecin.

 Extirper. Vider. Déloger. Nettoyer. Désobstruer. Et pour quoi ? Pour le plaisir de regarder le corps revenir à la normale. Le sentir sous mes mains retrouver son intégrité. Quel frisson délicieux !
 Car notre ordinaire, à nous soignants, c’est l’échec. Une dépression, ça ne se videra jamais comme un abcès :  » je vais appuyer très fort ici, monsieur Soare, la tristesse va sortir, ça vient bien, je vois un peu de désespérance, j’appuie, encore, j’espère que ça ne fait pas mal ! »

Mme Chahid.

 « À la maison, ça va, mon deuxième fils, il m’a massé les jambes, c’est un bon garçon. J’ai aussi rendez-vous avec le médecin du travail, la dernière fois elle m’a affirmé :  » À trente ans on n’a pas mal au dos », ça tombe bien moi j’ai cinquante huit ans, j’ai tous les examens qui montrent que je mens pas, j’ai la scanner et la IRM. Sinon, j’ai failli vous amener mon deuxième fils, il a pris la pluie hier, mais il n’avait rien aujourd’hui, j’ai trouvé ça bizarre, c’est pas normal quand on a pris la pluie on devrait être malade, alors je vous l’amène si jamais il continue d’aller bien . »

Josette et son naturopathe.

En tout cas, je ne suis pas son naturopathe. Il prend 90 EUR la demi-heure, le cochon ! Josette paie, et puis elle paie, plus elle se persuade de pouvoir guérir de sa saloperie, pour une raison très simple, bête comme chou : il ne lui ferait pas payer une telle somme sans savoir de quoi il parle, le naturopathe, non ? Comme quoi, le cancer n’est pas un drame pour tout le monde.

La mort.

 Josette, elle, s’accroche, donne même le change, tient de petits discours tragiques comme quoi la mort ne l’effraie pas « c’est le terminus du train de la vie, de tout le monde descend ». Mais je sais à quoi elle pense secrètement : il y a encore une chance. Alors elles continuent la guerre.
 C’est indicible, ce qu’elle traverse en ce moment final où le corps et l’existence nous font comprendre qu’il va bientôt falloir rendre les clefs.
 Au fond elle voudrait arrêter de mourir.

 


Édition Actes Sud

lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

 

Une lecture qui m’a embarquée dans la nature, dans les Pyrénées françaises, à la suite de l’animal détesté par les éleveurs et protégé par les écologistes : l’ours . Je suis d’habitude peu intéréssée par ce genre de lecture, et pourtant j’ai lu avec passion ce roman. Cette écrivaine a un vrai talent pour nous faire vivre les émotions des différents protagonistes de cette histoire. Avec Jules, le montreur d’ours de la fin du XIX°, j’ai eu une peur terrible quand il s’est introduit dans la tanière de l’ourse pour lui voler un petit ourson. J’ai sué sang et eau, avec Gaspard, le berger qui garde les brebis l’été dans les estives, à la recherche des bêtes effrayées par l’ourse, et j’ai aimé la façon dont Alma, la chercheuse en éthologie, pose toutes les questions à propos de la réintégration du plantigrade dans la montagne pyrénéenne.

Vous l’avez compris, il y a trois voix dans ce roman, et ce qui les unit c’est leur attitude vis à vis de l’ours. On comprend à quel point le sort de l’animal, quand on avait le droit de les maltraiter pour leur faire faire des tours qui amusaient les hommes, était une pure horreur. Le berger voit son travail très compliqué par ce prédateur qui se joue si bien des hommes. Pourtant, lui aussi, pense qu’il faudrait trouver un moyen de faire cohabiter les paisibles ovins avec l’animal qui aime tant se nourrir de leur viande. Enfin toutes les questions que se posent Alma sont bien celles que nous nous devrions nous poser. C’est grâce à elle que j’ai découvert la complexité des problèmes pour les bergers et aussi aux écologistes raisonnables de la réintégration de l’ours dans les Pyrénées. Bien sûr, il y a, aussi, un personnage abruti qui ne veut que la mort de l’ourse, mais il est en réalité bien seul, et la romancière ne décidera pas que c’est lui qui a tiré sur l’ourse et l’a finalement tuée, mais nous sommes certains que c’est quelqu’un qui lui ressemble !

 

Bref, la cohabitation des hommes et des animaux sauvages, qu’il s’agisse des loups ou des ours méritait bien un si beau roman. Tout en subtilité.

(Un roman que Lecturissime a aimé, voici le billet d’Aifelle et de Kathel)

 

Extraits

Début.

 Elle s’éloigne lentement de ce pas suspendu, quelque peu léthargique de la sortie d’hibernation. Malgré les restrictions alimentaires et la perte de poids qu’impose le demi-sommeil hivernal, elle lui semble toujours aussi grande, aussi puissante que la première fois qu’il l’a vue, un an plus tôt, sa grosse tête balançant au rythme de ses pas, du mouvement de ses épaules ourlées de fourrure.

Excellente description de la peur dans l’action .

Comme un grand vide dans le ventre soudain, le pouls qui s’emballe, les mains qui tremblent. Il respire à pleins poumons et il glisse d’un coup dans le goulot d’étranglement qui sert de couloir à l’animal, il rampe le plus vite possible, s’aidant de ses coudes. Le souffle court, la conscience aigüe du danger. Et une excitation qu’il n’a jamais ressentie auparavant. Si elle revient trop vite, il est mort. Si elle revient. Il respire fort, se concentre.

Une amitié de gens de la montagne .

Le vieux lui avait confié ses bêtes, qu’il garderait désormais, les clés de la cabane, les secrets de sa montagne, et puis sa dernière chienne. Et Jean avait beau être d’un monde bourru où on ne dit pas que l’on s’aime, leurs vies étaient liées.

Métier de berger.

Et Gaspar avait peu à peu compris qu’être berger n’était pas réductible à un métier, il s’agissait d’une façon de vivre qui mobilisait des connaissances botaniques, topographiques, météorologiques, vétérinaires à toute épreuve. Jean incarnait une sorte d’homme complet, un danseur qui crapahutait à flanc, un philosophe distillant entre deux jurons des vérités brutes, un marcheur infatigable.

Être berger.

 Monter, c’était s’adonner à une vie de solitude et de frugalité. On ne s’embarrasse de rien, là-haut : de quoi manger, dormir au chaud, du sel pour les brebis, des croquettes pour les chiens et quelques produits vétérinaires. On y était vite ramené à sa place, un corps parmi la roche, les bêtes, les cieux, les champignons et les bactéries. La vie de cabane relevait presque d’un manifeste politique. La communauté des pâtres comptait d’ailleurs nombre de marginaux, d’anarchistes, de rêveurs que le refus de la sédentarité, une réticence à la dictature de la consommation avaient poussé à prendre la montagne comme on prend la route.

La griserie de la montagne .

 Elle comprenait, petit à petit, cette griserie des hauteurs, la difficulté à redescendre. Elle comprenait que ce pût passer avant tout, qu’on pût aimer la montagne à en mourir. Son père n’avait vécu dans le monde des hommes que par défaut, il vibrait pour la verticale des abysses et des montagnes. Et plongeant dans les pas de l’ours, s’immergeant des jours et des nuits dans son territoire, dormant contre la roche, il lui semblait enfin décoder l’énigme qu’avait été cet homme sans cesse dérobé. 

Les enjeux de la réintégration de l’ours.

 L’équipe était prise dans la spirale d’un débat politique qui dépassait les enjeux liés à l’ours. L’animal était un bouc émissaire commode dans une guerre vaine qui opposait les ruraux et les urbains, ou plutôt différentes visions de la ruralité, ceux d’ici et les autres, les éleveurs et le reste du monde ; guerre dont personne ne sortirait gagnant, qui poussait chacun à devenir une caricature de lui-même. Et ce conflit tantôt larvé tantôt ouvert ne reflétait rien de la complexité des rapports de la plupart des gens entretenait avec l’ours : chacun était sommé d’être « pour » ou « contre », le dialogue n’avait plus de place.

 

l’abonnement est de nouveau possible sur mon blog (merci à mon fils qui est passé me voir !)

Édition Grasset

Keisha avait suffisamment aimé ce roman pour me tenter. Je suis loin d’être aussi enthousiaste qu’elle, ni que je lis je blogue , ou qu’ Athalie. Sauter de lettre en lettre, garder en mémoire tous les protagonistes des sombres complots qui secouent Florence au XVI° siècle, cela a épuisé mes ressources d’attention et de patience. Ce livre pourrait faire l’objet de plusieurs romans : la vie dans les couvents, la condition des femmes, le statut des ouvriers de la peinture, la montée de la pensée protestante, la répression de l’inquisition, le pouvoir du Pape, la lutte entre les grandes puissances de l’époque : la cour espagnole et la cour du roi de France, et par dessus tout cela, le travail des peintres qui jouent plus ou moins bien contre la censure. C’est trop éparpillé pour moi et contrairement à Keisha, je soupirais à chaque changement de destinataire, je cherchais alors dans quelle histoire j’allais me retrouver, avec la pauvre petite Maria de Médicis qui succombe à l’amour, ou avec Michel Ange avec qui on va parler peinture, mais pas que … non je n’en dis pas plus (il ne faudrait pas qu’en plus, je vous dévoile la fin !) mais c’est lui qui détient une grande partie du mystère de la mort du pauvre vieux peintre Pontormo.

L’enquête sur cette mort est aussi un des ressort du roman, mais cela se complique car cela se mêle à la recherche d’un tableau qui représente une Vénus avec la tête de Marie de Médicis, les multiples ruses pour obtenir et essayer de détruire ce tableau sont semées de cadavres et de tortures en tout genre.

Bref, je me sens un peu seule dans ma déception et c’est certainement due à mon manque d’agilité cérébrale !

Un avis qui rejoint le mien La Petite Liste

 

Extraits

Le début .

S’il savait que je vous écris, mon père me tuerait. Mais comment refuser une faveur si innocente à votre altesse ? Il est mon père mais n’êtes-vous pas ma tante ? Que me font à moi vos querelles, et votre Strozzi, et votre politique ? À la vérité votre lettre m’a causé une joie que vous ne pouvez concevoir. Quoi ? la reine de France me supplie de l’entretenir sur sa ville natale en échange de son amitié ?

Opinion tranchée des bonnes sœurs.

 Voilà pourquoi rappeler à Dieu un peintre sodomite réformé, dont la punition dans cette vie ou dans l’autre était inévitable, ne peut être un crime. C’est au contraire une sainte action qui sera portée au crédit de son auteur à l’heure du jugement 

La condition de la femme, c’est une Reine de France qui parle.

 Si vous épousez le jeune prince de Ferrare, ce sera pour la seule raison de réconcilier votre père avec la puissante famille d’Este. Nous, femmes, sommes les pièces qu’on déplace sur l’échiquier des empires, et si nous ne sommes pas sans valeur assurément nous ne sommes pas libres de nos mouvements. Votre devoir de fille de duc est d’obéir à votre père, votre devoir d’épouse du duc sera de servir votre époux selon son plaisir en lui donnant des enfants en bonne santé 

Conception de l’honneur .

 L’honneur repose uniquement sur l’estime du monde, et c’est pourquoi une femme doit user de tout son talent pour empêcher qu’on débite des histoires sur son compte : l’honneur, en effet, ne consiste pas à faire ou ne pas faire mais à donner de soi une idée avantageuse ou non. Péchez si vous ne pouvez résister, mais que la bonne réputation vous reste.

Le but de la peinture pour les bonnes sœurs.

 La fin du peintre est de mener les hommes à quelque idée vertueuse au moyen d’une représentation convenable, à la façon dont un aliment fait horreur si on le représente sous l’aspect d’une chose abominable, ou bien au contraire fait envie de si on le représente sous l’aspect d’une chose belle et admirable.

 


Édition Calmann Lévy 

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

 

Un roman bien ficelé et qui ferait un très bon film où une pièce de théâtre, il s’agit d’un huis-clos, autour d’une repas, et c’est tellement français ! Étienne un avocat d’affaire a imposé à sa jeune femme Claudia, kinésithérapeute, de recevoir Johar une brillante femme à la direction d’une entreprise qui doit fusionner avec une autre groupe et son mari, Rémi, enseignant en économie dans une classe préparatoire.

Chacun va commencer ce dîner avec des souffrances et des enjeux très personnels. Claudia, avec qui nous serons souvent, est une jeune femme réservée, très timide, d’autant qu’elle ne se sent jamais mise en valeur par son mari. Étienne est le personnage le moins sympathique du roman, il est le fils d’un grand avocat parisien, il est très beau et à l’aise dans toute les situations mondaines contrairement à sa jeune femme. Hélas, pour lui, ses affaires vont moins bien et il compte sur Johar pour obtenir une amélioration de sa situation. Johar est le personnage central du roman, elle a eu un parcours atypique, jeune femme tunisienne, elle cochait toutes les cases de l’échec social, mais elle est très douée et a fait un parcours de réussite exceptionnelle. Pourtant peu de gens misaient sur elle au départ, elle se souvient bien du mépris d’Étienne à ses début , le même Étienne qui la courtise aujourd’hui. Et puis il y a Rémi son mari, le copain d’Étienne, qui a beaucoup aimé Johar, mais leur couple est sur la fin et lui a rencontré une jeune Manon, professeur comme lui qui lui fait beaucoup de bien.

Peu à peu les enjeux de chacun vont devenir tellement divergents que la fin du repas verra l’éclatement de la vérité, la fin des couples et le retour pour au moins trois des personnages vers de vraies valeurs.

Tout tient par la construction du roman et la découverte peu à peu de ce qui se jouait en sous main, dont évidemment je ne peux rien vous dire !

 

Extraits

 

Début.

 Claudia s’adosse au mur de la cuisine. La chaleur emmagasinée par le plâtre tout au long de la journée se propage dans ses hanches, ses omoplates, ses épaules. Sa tête tombe en avant, infiniment lourde. À la vue des striures rouges qui lui barrent la gorge, Claudia s’enfonce un peu plus profondément dans le mur, indifférente aux traces que ses mains encore grasse d’avoir huilé le poulet, impriment sur la peinture blanche.

Les remarques qui rendent Étienne si antipathique.

« C’était foutu dès ma naissance pour la gloire professionnelle, de toute façon, se dit rageusement Étienne  : je ne suis pas une femme et je ne suis pas arabe. »

L’argent.

 « Cela ne lui ressemble pas de parler aussi directement d’argent » pense Rémi, « c’est trop vulgaire ». Habituellement dans le monde d’Étienne, on ne nomme pas l’argent, même s’il est présent partout, même s’il se cache sous le tombé parfait d’une chemise, la silhouette féline d’une voiture l’élégance velouté d’un vin.

Les cadeaux.

 Il s’était initié à l’art de choisir des cadeaux qui disent qui vous êtes plutôt que de chercher à faire plaisir à leurs destinataire, offrant des truffes fraîches à des amis de retour de week-end dans le Périgord, promettant à d’autres de les ravitailler bientôt en poivre noir tout juste rapporté du Cambodge

Johar.

Son fait d’armes de directrice des opérations n’est pas seulement d’avoir révolutionné l’entreprise, c’est d’avoir révolutionné le pays en remportant et en exécutant de main de maître plusieurs contrats de digitalisation chez les fleurons de la l’industrie française, ainsi que, le Graal absolu, plusieurs ministères de la nation.

 


Édition JC Lattès

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

 

Un roman que La Souris Jaune a beaucoup aimé. L’écrivaine grâce à une écriture très énergique décrit tout ce que cette photo ne dit pas. Si on réfléchit à cette photo prise par Robert Capa, on peut se poser des questions sur l’évolution du ressenti face à ce qui s’est passé à la libération. Robert Capa a-t-il eu un moment de compassion pour cette femme et son bébé ? Les gens hilares autour de cette femme, et leurs descendants sont ils fiers de leurs rires aujourd’hui ?

Il ne faut pas oublier que cette femme Simone est accusée de collaboration, mais l’auteure pense que c’est plutôt sa mère qui a fait cela : dénoncer ses voisins à une collabo notoire et puissante, cinq seront arrêtés et deux mourront dans les camps allemands. La vindicte populaire est sûrement injuste mais elle avait un fondement dans ce cas précis. Pour moi, ce que de tout temps j’ai trouvé révoltant, c’est qu’on traite les femmes différemment que les hommes, je n’ai aucune considération pour celles qui ont entretenu des relations avec des soldats allemands mais elles méritent un jugement comme les hommes, pas une humiliation de plus parce que ce sont des femmes.
L’auteure s’empare donc de cette histoire et de cette photo pour retracer le parcours de Simone, elle a changé les noms car elle ne veut pas faire oeuvre d’historienne mais créer un roman avec un fondement historique.
Ce qui ressort c’est l’ambiance familiale complètement délétère car la mère, une forte femme, a fait faillite en voulant tenir une crèmerie à Chartres. Cette femmes est remplie de haine et méprise tous ceux qu’elle rend responsable de sa déchéance sociale : son mari qui n’existe jamais à ses yeux car il ne lui a pas apporté la richesse, ses voisins qui, d’après elle, se réjouissent de sa misère actuelle, tous les hommes politiques qui ne savent pas gouverner la France en particulier les juifs comme Léon Blum.

Dans cette famille deux filles, Madeleine qui sera toujours au côté de Simone, la petite sur qui repose tout le désir de revanche sociale de la mère. Elle va réussir ses études et sera comme sa mère attirée par les théories nazies, et méprisera son père qu’elle appelle le vieux.

C’est un roman terrible, car d’une tristesse infinie, sans la guerre cette enfant serait devenue une professeure respectée sans doute mais aurait-elle réussi à surmonter tous les messages de haine ressassés par sa mère. On n’en sait rien, elle a rencontré pendant l’occupation l’amour d’un soldat allemand. Il faut dire que l’image des hommes qu’elle rencontre avant lui est tellement destructrice pour elle. Là aussi on sent le désaveu social, elle a envie de s’élever et de fréquenter un bourgeois (le fis de son professeur d’allemand) mais elle ne ne sera pour lui qu’une « marie-couche-toi-là ». Bref l’Allemand est le premier homme qui l’a respectée !

Un roman trop triste, mais qui sonne vrai. Lors de la discussion du club, on a bien senti que le passé de la collaboration donnait lieu à des ressentis encore très douloureux. Certaines trouvaient que l’auteure excusait trop cette femme qui s’était engagée auprès des Allemands.

 

Extraits

 

Le début.

 Dans trois jours j’aurai vingt-trois ans. Je vais mourir avant. Ils ne me louperont pas. Une balle dans la tête. Le sang gicle comme un geyser et me barbouille les yeux. Le monde devient cramoisi, puis tout noir. Je m’écroule, la gueule fracassée sur le pavé. Petit tas inerte qu’il faudra charrier dans la fosse commune

La mère de Simone.

 Cette épicerie parisienne représentait beaucoup pour toi, Maman. C’était la possibilité de continuer l’ascension sociale de ton père, modeste serrurier devenu chef d’une entreprise de vingt ouvriers. C’était aussi une revanche. Tu n’avais pas pu faire d’études. Tes professeurs t’avaient jugée trop médiocre pour obtenir le moindre examen. Tes deux sœurs aînées avaient empoché le certificat d’études primaires. Mais toi, la benjamine, tu avais dû te contenter d’une école ménagère. Coudre, cuisiner et briquer. Voilà ce que tu étais censée faire de ta vie. Ça te foutait la rage. Tu voulais prouver au monde, et à toi-même que tu en avais dans la caboche. Tu voulais faire fortune.

Sa mère alcoolique, et son père soumis.

 Elle s’enferme dans les cabinets. Puis, elle revient, les yeux toujours un peu plus vitreux, le pas toujours un peu plus lourd. Le tout dans des vapeurs de Cologne. Pas besoin d’un dessin pour piger son manège : maman picole.
 En revanche, à table, pas une goutte de vin. Maman grogne même contre le vieux qui verse en douce du rouge dans son reste de soupe. « Comme les ploucs, tu me dégoûtes » dit-elle. Et lui comme à son habitude il baisse encore plus le menton dans son assiette. Il se grouille de finir de boulotter pour aller se terrer dans sa chambre. Le lendemain, il s’esquive à l’aube pour ne pas croiser la patronne.

 

 


Éditions de l’Olivier

L’expérience concentrationnaire est incommunicable.

C’est c’est une histoire racontée à des sourds par des muets

Quatrième livre de cette auteure sur Luocine, c’est visiblement une écrivaine que j’apprécie sans jamais être totalement enthousiaste , petit rappel : le remplaçant, Ce Coeur changeant, les bonnes intentions.

Ce roman est , une fois encore, agréable à lire mais la construction est surprenante, on a l’impression, certainement fausse, que l’écrivaine écrit au fil des jours sans savoir très bien où elle va et où elle mène son lecteur.
Au départ, il y a un projet assez vague de créer un lieu pour vieillir avec ses amis, un peu comme ses grands-parents, rescapés d’Auschwitz l’avait fait dans une tour du 13°. Elle revisite donc ses souvenirs, très marqués évidemment par le poids de la Shoah, mais aussi, de ce que représente pour elle, le vieillissement. Son livre est comme un kaléidoscope, avec des petites pépites lumineuses mais qui ne se raccrochent pas à un ensemble.
Comme je suis, parfois, un peu comme la vieille femme écossaise qui l’avait interpellée lors d’un colloque en lui demandant de quel droit elle parlait de la vieillesse et de la guerre, elle qui ne l’était pas, vieille, et qui ne l’avait pas vécue, la guerre, en regardant la très joie femme de soixante ans qui a écrit ce livre, je me suis plusieurs fois demandé ce qu’elle connaissait de la vieillesse physique, qui arrive vers 80 ou 90 ans. Et toujours avec mon esprit mal placé, j’ai pensé que cela lui permettrait d’écrire un autre livre dont le sujet serait « la vieillesse physique commence plus tard que je ne l’imaginais ».

Stop, pour mon mauvais esprit ! Cette écrivaine ne saurait totalement me déplaire car nous avons un auteur fétiche commun : Jean Pierre Minaudier. Et puis, lorsque l’on passe plusieurs soirées avec ce livre, en étant parfois , amusée , triste ou le plus souvent étonnée, on ne peut pas être trop sévère. Pourtant, je sais que j’oublierai ce roman, cette longue déambulation dans sa mémoire et tous les gens qui la peuplent.
Sa grand-mère qui lui donne la recette d’un gâteau dans son accent qui la rend si attachante. Sa mère qu’elle a tant aimée et elle qui sait qu’elle porte en elle même la petite fille, l’adolescente, la femme et la mère .

Je ne pense pas qu’elle construira son phalanstère pour vieillir avec ses amis, mas elle a déjà réussi à les réunir dans son livre

 

Extraits

 

Le Début.

 Mes grands parents maternels, Boris et Tsila Jampolski, avaient 65 ans lorsqu’ils ont acheté sur plan, un appartement de deux pièces avec balcon au huitième étage d’une tour dans le XIII° arrondissement de Paris. J’ai écrit leur adresse -194 rue du Château des Rentiers 75013 Paris- sur des enveloppes et des cartes postales pendant près de trente ans.

J’aime cette façon de raconter.

 À 17 ans et un jour j’ai modelé un nouvel idéal en m’inspirant cette fois d’une amie que je trouvais plus jolie, plus intelligente et plus mûre que moi. Je m’achetais les mêmes vêtements qu’elle. Toutefois comme nos morphologies différaient ce qui la sublimait -faisant d’elle tantôt une princesse bulgare tantôt une ballerine de Degas- faisait de moi une brave une brave fille de ferme. Le constat de ce nouvel échec aurait pu mettre fin à ma manie de l’idéalisation. Mais non. J’aimais et j’aime toujours admirer. C’est mon moyen de transport fétiche. Je veux être ce que je ne suis pas. Je veux être là où je ne suis pas. Peu importe que j’y parvienne ou non, car le plaisir est garanti par le trajet.

La recette de cuisine du gâteau de sa grand-mère.

« Combien tu mets de farine ? » lui ai-je demandé. « Un péï »,a-t-elle répondu. « Et combien de sucre ? » « Un péï. » « Comme la farine alors ? »  » Non, pas comme la farine,. Un péï. » J’ai laissé tomber. Elle a ajouté l’hile, à batti avec le battèr, elle a kisinéï, dans sa kisine, à sa façon qui ne serait jamais la mienne, et j’ai accepté de perdre pour toujours la saveur de mon gâteau préféré. J’ai accepté l’idée que quand elle mourrait, le gâteau mourrait avec elle.

Vieillir.

-C’est quoi, le pire, pour toi dans le fait de vieillir ?
– La douleur. Le mouvement entravé. La fin de la souplesse. La laideur. J’ai j’ai honte de tout, de mes cheveux, de mon visage, de mes mains, de mes pieds (je ne parle pas du reste). C’est comme si je polluais l’espace visuel collectif. Cela me rend malade de timidité. Je ne sais pas comment m’habiller, comment m’asseoir, comment me relever. J’ai l’impression de m’être endormie dans un corps et de m’être réveillée dans un autre.

Je comprends sa mère.

Ce qui ressemble à un paradoxe n’en est pas un : indisponible elle l’était, pour boire un café, se promener bavarder au téléphone. Mais fiable et présente, elle l’était aussi, pour s’occuper des enfants, me conduire en voiture, m’aider à préparer un repas. Autrement dit, si c’était pour le plaisir -le sien en particulier-, c’était souvent non. Si c’était pour se rendre utile c’était toujours oui.

Le brouillon et la vie.

À l’école, on nous apprend à faire un brouillon. Cette méthode qui consiste à essayer, à s’entraîner avant de « faire pour de bon » structure notre existence. Et pourtant, nous ne vivrons qu’une fois. Le brouillon sera la seule tentative et coïncider avec la version définitive.

C’est aussi une de mes idoles.

Cela m’évoque la félicité grammaticale que j’ai éprouvée en lisant ce que Jean-Pierre Minaudier, historien reconverti en linguiste et traducteur du basque et de l’estonien, écrit concernant un suffixe présent dans la langue guarani. Cette particule que l’on ajoute à la fin de l’année permet d’en modifier la modalité, et d’indiquer ainsi différents états d’un même objet ou d’un même être. » En guarani, note-t-il, il y a non seulement un passé, mais un futur et un « frustratif » nominaux. « Chemanékue » veut dire « celui qui était mon époux, « chéménarã » « mon futur époux, et « chéménarãngue » « celui qui devait être mon époux mais ne l’est pas devenu. Je me rappelle avoir été ébahie en entendant cette déclinaison. Le génie de Minaudier n’y était pas pour rien. Avoir l’idée, pour nommer un mode grammatical, de forger le néologisme « frustratif » à fait de lui une de mes idoles.

 

Édition Presse de la Cité

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

Mon père, Roger Alphonse Franc était maçon. Il avait les mains courtes, dures. Et militant, il avait le verbe haut, ne laissait personne parler à place. Et poète, il écrivait des vers interminables dans la langue du Sud, cette merveille oubliée qui m’embrumera toujours les yeux.

Un fils vit à Londres loin de Montpellier où habite son père , il veut à travers ce texte le faire revivre alors qu’ils ont toujours eu du mal (et c’est peu de le dire !) à se comprendre.

Le drame initial, c’est le fait que sa mère est morte quelques jours avant que la maison que son mari, maçon, a construite pour elle. La famille ne s’en remettra pas, le narrateur qui ressemble si fort à l’auteur deviendra un enfant difficile et un mauvais élève. La petite sœur semble aller bien mais son silence aurait dû inquiéter sa famille. Le père est fou de douleur et comprendra encore moins son fils. Il y a une scène émouvante, l’enfant est tellement compliqué que son père décide de l’envoyer dans une école militaire pour le « redresser ». Au dernier moment son père le prend dans ses bras et l’enfant continuera sa scolarité plutôt mal que bien dans sa famille.

Si on remonte dans le passé de son père, on voit un enfant qui aurait dû faire des études, mais pour cela il fallait accepter qu’un « Monsieur » les aide, l’enfant de 12 ans travaillera dans la vigne. Très vite, il deviendra un ouvrier avec une conscience prolétaire et deviendra communiste. Pendant la guerre de 1940, il réussira à revenir et ensuite il s’installera comme maçon à son compte.

Cet homme sera amoureux de sa femme qui vient d’un milieu catholique, ils auront deux enfants, l’auteur et une petite fille. Quelques bons souvenirs à la plage avec des cousins.

Après la perte de sa femme il mettra du temps à retrouver une compagne qui l’aidera à vivre. Malheureusement, sa fille la jeune sœur de l’auteur était neurasthénique et se suicidera.

Voilà à peu près les faits mais cela ne dit pas tout, loin de là ! Tout vient de la façon dont l’auteur s’exprime, il a ce talent particulier de faire sourire souvent, mais aussi il raconte si bien la tristesse de l’enfant. Et enfin il rend un bel hommage à son père, cet homme, ouvrier maçon qui écrit des poèmes en langue occitane .

 

Extraits

 

Début.

 C’est arrivé d’un seul coup. Comme une apparition. Il se peut que, sidéré, je me sois exclamé à voix haute : « Oh mon Dieu… » J’eus l’impression de traverser le miroir. Oui, il était là dans le reflet de l’imposante vitrine du magasin vers lequel je me hâtais comme tous, au passage piéton dans la foule de Brompton Road. Il venait, j’allais vers lui. Un un léger effroi m’a saisi.

La maison de retraite .

À son arrivée au « chenil » -il appela ainsi la maison de retraite où il avait choisi de terminer sa longue course-, il ne s’émut pas. Sans se retourner, il venait de quitter sa chère maison, sa vie d’avant, toute sa vie, emportant dans un sac plastique à 20 centimes, spécialité de Carrefour un de ces pauvres pyjama rayé dont les vieillards ont si souvent le goût. Il avait ajouté quelques chemises repassées.
 » Au cas où le soir où il y aurait dancing » précisa-t-il .
J’ai toujours aimé chez lui cette fausse tranquillité. Son humour.

 Bien raconté.

Quand il plâtrait une pièce vide, il chantait « …. et je vous aime mon amour… ». Dans la pièce à côté, le carreleur aussi chantait. Et plus loin, le plombier chantait. L’électricien ne chantait pas, impossible pour lui qui avait toujours une vis dans le bec et des doigts trop gros pour de si petits écrous.

Les désillusions de la politique .

 Les voyous du Parti, les braves gens amateurs de lendemains qui chantent, sont les cocus de l’histoire. Et oui ça sentait de plus en plus le chaud. Et derrière tous ceux là se lèveront, se sont déjà levés, d’autres apprentis cocus, crapules à la petite semaine, sans compter les saints, les vertueux puants, prêts à en découdre, les amis éternels autoproclamés, de la classe ouvrière.
Dont nous ne sommes plus. 
Dieu merci. 

Les silences père fils.

Je ne sais pas parler avec lui.
C’est ainsi.
Trop de silences ont sédimenté entre nous.
Parler. De quoi ? De nous ? Des tempêtes que nous avons traversées, qui nous ont faits tels que nous sommes.

 

 


Édition Fleuve

 

Moi qui croyais être née dans une famille normale !

Elle est normale justement . Tu en connais beaucoup des familles où tout le monde s’aime, se parle sans hypocrisie ni jalousie, et ne cache rien à personne ?

Je dois à Gambadou l’achat et donc la lecture de ce roman, et si contrairement à mes habitudes je le fais paraître ce billet le lendemain du livre d’Anne-Marie Garat « Chambre noire », c’est pour souligner à quel point deux récits de secrets de famille peuvent donner des récits différents. Cette auteure écrit souvent pour l’adolescence mais je dois avoir gardé un côté ado , car j’aime toujours lire ses romans. Ici il s’agit d’un roman adulte, mais que les adolescents aimeront lire, j’en suis certaine. Donc après, « le temps des miracles« , « pépites »  » Et je danse aussi« , « l’aube sera grandiose , voici donc » Valentine, ou la belle saison ». Autant dans le roman d’Anne-Marie Garat , on sentait l’engagement de l’écrivaine pour obtenir un style recherché, poétique et littéraire, au point de parfois devenir difficile à comprendre, autant Anne-Laure Bondoux cherche à faire passer ses sentiments et son récit dans une langue d’une simplicité qui me va bien. Autant l’une est sûre de ses postions idéologiques de gauche , autant l’autre est dans le doute ce qui me va bien aussi. Et pourtant ce roman se situe en 2017, au moment de l’élection présidentielle qui verra la vctoire d’Emmanuel Macron et divisera autant la droite que la gauche. Ce n’est que la toile de fond du roman, qui décortique un secret de famille à travers une femme de cinquante ans qui est obligée de prendre un tournant dans sa vie : elle a du mal à rester dans le monde de l’écriture, elle doit déménager, car son ex un certain Kostas dont elle est divorcée, avait obtenu grâce à se amis du PS un logement social qu’elle doit quitter. Car depuis l’affaire Fillon, les journalistes seraient plus regardants pour ce genre de passe droit, ses enfants sont pratiquement adultes et elle vient de perdre sa mère.

Elle retourne donc chez sa mère dans un village rural, (que j’ai situé en Aveyron) et là on comprend peu à peu que Valentine n’accepte pas la mort de sa mère qui revient vers elle sous forme d’hallucinations. Le passé de Valentine est douloureux, même si elle ne s’en souvient pas très bien, elle a oublié ou refoulé des souvenirs traumatisants à propos de son père.

Peu à peu les fils de l’histoire vont se remettre en place et la fin est surprenante. Bien sûr, c’est un peu idyllique mais tout à fait dans l’air du temps  : la vie en communauté intergénérationnelle est sans doute une des solutions pour aider les personnes âgées. à supporter la solitude.

Son frère Fred, le champion cycliste au cœur tendre, part lui aussi dans un divorce qui va être compliqué. Le retour au village de sa sœur va sans doute l’aider. Toute la petite communauté du village où ils ont grandi, crée une société d’entraide ambiance sympathique que l’on peut trouver un peu facile, mais parfois on a besoin de romans où tout n’est pas noir ni glauque ! Les secrets de la famille viennent de la vie de leur parents ! ah la génération de 68 et la libération sexuelle : ça laisse des traces et des problèmes à résoudre aux enfants, ce n’est pas toujours faciles pour eux

Bref un roman agréable et qui permet de passer des soirées loin des problèmes si graves de notre planète.

 

Extraits

 

Début.

Encore reçu un appel du cabinet Praquin et Belhomme ce matin. J’étais sur la route, vent de face au beau milieu d’une côte, il commençait à pleuvoir, ça glissait, impossible de décrocher. Maître Paquin m’a laissé un message. C’était ce que je craignais  : il voulait savoir si j’avais mis Valentine au courant. Évidemment, depuis le temps que je lui promets de le faire….

Un des problèmes de Valentine .

 – Cette histoire d’appartement est tellement ancienne, tu parles, je n’y pensais plus… Mais là, toute l’équipe de campagne a été briefée : c’est opération mains propres. Avec ce qui arrive à Fillon on ne peut pas se permettre de risquer notre image, tu comprends ? Les journalistes sont des hyènes. S’ils enquêtent sur moi, ils vont remonter jusqu’à toi l’histoire du HLM ne passera pas.
 Pour Valentine, c’était le steak de thon qui ne passait plus. Espérant retrouver la parole, elle avait vidé son verre de vin puis la bouteille de Badoit. Mais que pouvait-elle faire ? Crier à l’injustice alors qu’elle abusait depuis vin en danois comment sociale obtenue par passe-droit ? 

Un groupe d’amis.

Hélène et elle s’étaient connues au sein du syndicat étudiant, alors que Valentine arrivait tout juste de sa province. Elles avaient milité ensemble, au milieu d’une petite bande parmi lesquels Kostas et Simon le futur mari d’Hélène faisaient figure de meneurs. Par la suite Simon et Hélène avaient suivi un chemin, Valentine une autre, la fracture idéologique s’élargissait et elle devinait que ces élections allaient achever de les éloigner. À moins que ce soit à cause de ce moment d’égarement qui l’avait conduite a coucher avec Simon -trois fois de suite quand même- l’été dernier ? Difficile de faire la part des choses