Edition Alma Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.
Un livre sur un sujet à propos duquel j’ai beaucoup lu. Mais je pense qu’on ne lit jamais assez pour comprendre tous les aspects de la Shoah. J’ai été très intéressée par le point de vue de cette écrivaine tchèque qui vit en France et écrit en français.
Le roman commence par deux scènes fortes : à Prague, en 1953 Vladimir Vochoc fait face à un tribunal populaire, puis à l’époque contemporaine, toujours à Prague, lors d’une inondation une femme âgée ne veut pas quitter son appartement et impose d’autre part à sa fille que son enfant apprenne le français. Ces deux volontés apparaissent comme des ordres auxquels il est impossible de ne pas de soumettre. Puis nous repartons dans le passé à Strasbourg en 1938, deux femmes juives réfugiées accouchent, l’une perd son bébé, l’autre meurt en couches d’une petite fille bien vivante. La femme qui a perdu son bébé, s’empare de cette petite fille qui deviendra Josépha. Le père de cette enfant confie une poupée qui avait été préparée par son épouse pour l’enfant à naître.
L’originalité du récit vient de cette poupée de chiffon aux yeux de nacre qui suit toute l’histoire de Josépha à travers les fuites successives de la famille qui échappe de si peu à la mort. Mais le récit prend aussi une tournure plus historique grâce à un personnage qui a existé le consul à Marseille de la Tchécoslovaquie Valdimir Vochoc.
Celui-ci grâce à l’aide du journaliste américain Varian Fry a sauvé plusieurs milliers de juifs et de réfugiés allemands opposants au nazisme.
J’ai lu et découvert les fondements de la république tchécoslovaque qui voulait faire la place à toutes les minorités et toutes les langues qui se croisaient sur ce nouveau territoire. Si les démocraties avaient défendu cet état, le yiddish n’aurait donc pas disparu de l’Europe. Que d’occasions ratées ! Est ce que cela aurait permis à ne pas avoir à rechercher pourquoi il a fallu sacrifier environ 6 millions de juifs pour qu’enfin chacun se pose les bonnes questions face à l’antisémitisme. Le parcours de la poupée de Josépha raconte à la fois combien le filet qui se resserre un peu plus à chaque fuite est totalement angoissant pour ces pauvres juifs chassés de toute part, et combien seulement un tout petit nombre d’entre eux n’ont dû leur survie qu’à la chance et aux quelques « justes » croisés sur leur chemin. On connait cette fuite et ces angoisses, c’est bien raconté et tout est plausible mais pour moi le plus novateur dans ce récit est la rencontre avec cet ambassadeur Tchécoslovaque et son amour pour son pays.
Citations
Les juifs chassés de partout
Pour lui, il n’y avait pas d’endroit où aller. « Aller », c’était tout ce qui comptait. Ces différents lieux provisoires, tous ces « ici », n’étaient que des haltes de passage, plus ou moins longues, le temps de quelques générations, parfois de quelques années, le temps d’apprendre les lois du pays qui régissaient leur vie, le temps apprendre la langue, parfois le temps d’absorber et de restituer dans sa propre langue les mots et expressions d' »ici », le temps de se bercer de l’illusion d’une durée possible. Puis il fallait déjà repartir, parfois sans avoir le temps de refaire ses valises. « Avec les siècles, se disait Gustav, on a appris à flairer le roussi. Bien avant les autres. »
Conséquences de ces exils successifs
On devait être souple. Une souplesse inscrite jusque dans l’expression populaire : « prenez votre crincrin et tirez-vous. » Voilà pourquoi tous les Juifs de l’Est qui se respectent jouent du violon. C’est facile à transporter. On n’a jamais vu quelqu’un avec son piano sur le dos.
Je n’ai pas été pleinement convaincue par les deux premiers romans de cette auteure. Je verrai pour celui-ci ..
Je ne connaissais la position de la Tchécoslovaquie avant la guerre, ni le rôle de de ce consul, cela m’a beaucoup intéressée.
Je n’ai pas encore lu cette auteure, pourtant beaucoup croisée sur les blogs. Le sujet m’intéresse, alors pourquoi pas ?
Il faut accepter certains procédés de récit, comme de suivre une poupée, mais j’y ai appris des faits historiques que je ne connaissais pas.
Effectivement, ce roman semble historiquement très intéressant !
le rôle du consul de Tchécoslovaquie à Marseille est vraiment étonnant