Édition Delcourt Traduit de l’anglais(Irlande) par Claire Desserey
Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard
Un vieil homme irlandais va, avant de mourir, porter un toast aux personnes qui ont le plus compté pour lui. Il le fait d’un bar du Rainsford House Hotel et en s’adressant à son fils Kevin qui est journaliste aux États-Unis. Ainsi, il va dérouler sa vie pour le plus grand plaisir des lecteurs et des lectrices des blogs comme Krol , Kathel et Jérôme,par exemple. Ce sera d’abord Tony, ce grand frère qui a soutenu et protégé le mieux qu’il pouvait ce petit frère qui n’aimait pas l’école. Puis Molly, sa première enfant qui n’a pas vécu mais qu’il aime de toutes ses forces et qui l’accompagne dans sa vie de tous les jours. Ah oui, j’ai oublié : Maurice Hannigan parle aux morts qui ont jalonné sa vie et qu’il a aimés. Il y a aussi Noreen, sa belle sœur une personne « différente » qui l’a touchée grâce à cette différence et puis finalement Sadie son épouse à qui il n’a pas assez dire combien il l’aimait.
Le fil de cette histoire, c’est une rivalité entre une famille riche et propriétaire, les Dollard, et la pauvre famille de fermiers, les Hannigan. On suit aussi une histoire de pièce d’or trouvée par Maurice quand il était enfant et qui contribuera à détruire la famille Dollar.
Je n’ai pas envie d’en révéler davantage, mais cette saga familiale permet de vivre soixante dix années de l’Irlande et une ascension sociale. Les début de la famille qui vit à la fois dans l’extrême pauvreté et le mépris de classe m’ont beaucoup touchée. Les difficultés scolaires de Maurice qui ne saura que bien plus tard pourquoi il ne pouvait pas apprendre à lire aussi vite que les autres mais qui est soutenu par l’amour de son grand frère qui ne doute jamais de ses capacités. Cela fait penser au livre de Pennac « Mon frére« . Mais ce que j’ai aimé par dessus tout c’est l’absence de manichéisme, d’habitude dans les romans qui décrivent une ascension sociale aux dépens d’une famille riche ayant écrasé de son pouvoir les pauvres autour d’elle, celui qui est sorti d’affaire est souvent (sinon toujours) montré comme un héros positif , et bien ici, ce n’est pas le cas. Il a beaucoup de défaut ce Maurice Hannigan, il s’est même montré bien inutilement cruel, il ne s’auto-justifie jamais et ne s’apitoie pas sur lui, c’est sans doute pour cela qu’on l’aime bien, ce sacré bonhomme.
Un très bon roman, aux multiples ressorts, comme on en rencontre assez peu et qui nous permet de comprendre un peu mieux l’Irlande et les Irlandais.
Citations
La vieillesse
Il est temps que j’aille au petit coin. Un des avantages d’avoir 84 ans, c’est qu’avec toutes ces expéditions aux toilettes, on fait de l’exercice.
Le deuil et la foi
C’est vrai que ma foi a été mise à rude épreuve quand on m’a pris Tony, mais lorsqu’il a décidé du même sort pour Molly, j’ai décrété que c’en était trop. Ta mère était encore croyante. Je l’accompagnais à la porte de l’église pour la messe et je traînais dehors ou je repartais m’asseoir dans la voiture. Je ne pouvais pas pénétrer à l’intérieur. Je voulais pas Lui accorder ce plaisir.J’ai fait la paix avec Lui, si on peut dire, après ta naissance. Pour autant je lui ai pas encore accordé un pardon total. J’ai plus la foi que j’avais avant. Je la connais la théorie : ces souffrances sont destinées à nous éprouver, ce qu’Il donne d’une main, Il le reprend de l’autre, etc. Aucun verset de la Bible, aucune parole apaisante du père Forrester ne pouvait réparer l’injustice de la perte de Molly. J’ai franchi le seuil de Sa maison uniquement pour des funérailles, celle de Noreen, et celle de Sadie, mais cela n’avait rien à voir avec Lui, c’est pour elle que je l’ai fait. On a un accord tacite, Lui et moi, Il me laisse mener ma vie à ma guise, et, en échange, je récite de temps en temps une petite prière dans ma tête. C’est un arrangement qui fonctionne.
La bière
Il observait la « stout » reposer dans son verre, il la surveillait comme une génisse dont on craint les ruades.. Pour retarder la première gorgée, il sortait sa pipe de sa poche et la bourrait en tassant bien le tabac avec le pouce. Puis il goûtait sa bière et poussait un long soupir, on aurait dit qu’il se tenait devant une belle flambée après avoir bataillé tous les jours contre le vent d’hiver.« Si un jour tu as de l’argent, n’abuse pas de cette drôle. Elle videra tes poches et fera de toi un ivrogne.«
Le couple et l’argent
Ta mère et moi, on était jamais d’accord à propos de l’argent. On avait tous les deux un point de vue tranché , j’aimais en avoir, elle le méprisait. Alors, pour le bien de notre mariage, on abordait rarement le sujet. J’avais des scrupules à l’empoisonner avec ça. Elle savait pas ce qu’on avait sur notre compte ni la superficie de nos terres. Si elle tombait sur un document détaillé, elle se contentait de me le tendre comme si c’était une chaussette sale que j’avais oublié sur la moquette.
Hé bien, ton roman est en bonne compagnie sur ta photo ! Je suis ravie de voir ces cinq coquillages, c’est un de mes romans chouchous de l’année dernière !
je t’avais oubliée je remets un lien vers ton blog. Merci
Je l’ai commencé, oui, c’est plein de qualités, mais ça manque un peu de peps et puis j’ai vérifié, j’avais deviné la fin…
Tu sais que tu dis cela à quelqu’un qui commence toujours les romans par la fin moi j’adore que l’on me raconte la fin des films et des romans. J’ose le dire maintenant que je sais n’être pas toute seule (grâce à la blogosphère) . J’ai bien aimé que le personnage principal ne soit pas un héros entièrement sympathique .
Il semble faire l’unanimité, je l’avais déjà noté, suite aux billet de Krol, notamment, et j’ai eu la chance de tomber sur un exemplaire d’occasion quasiment donné, juste avant le confinement !
Et… à la tienne !!
merci Ingannmic et en cette période « Mieux vaut lire que s’enfiler des litres… » bonne lecture
J’ai beaucoup aimé ce roman, même si on devine assez vite la fin, ça n’empêche pas d’apprécier toute l’histoire.
La fin a peu d’importance c’est sa vie qui est intéressante.
Une sacrée bonne surprise, pour moi. Un personnage diablement attachant même s’il n’est pas dénué de défauts. Une belle histoire qui fait chaud au cœur sans jamais être mièvre ou simpliste.
Pour moi aussi ce fut une très bonne surprise, j’aime bien les personnages qui sont comme dans la vie, assez complexes.
Une saga familiale sur une période de 70 ans, ça me parle. Je note le titre bien sûr ! Et bonne lecture d’Olga Tokarczuk au passage. Je suis curieux de lire ton billet !
Je lirai avec plaisir ton billet , peut-être feras tu un mois « whisky » ou « Irlande » ou « Saga » …. à lundi
Un roman que je n’avais pas noté, merci pour le conseil, du coup, il rejoint ma liste. Et je vois que tu lis Sur les ossements des morts … Hâte de connaître ton avis, moi aussi.
Tu vois que nous sommes nombreuses à avoir aimer, et rendez-vous à lundi prochain.
Tu cites beaucoup d’argument qui pourrait m’inciter à rechercher ce roman en bibliothèque, quand elles seront de nouveau accessibles.
En lisant ton billet, je me suis demandé à qui je porterais un toast si une telle situation m’était offerte.
Il faut porter un toast à tous ceux et toutes celles qui t’ont aider à vivre. Et d’abord à ta bibliothécaire !
La réussite de ce roman tient beaucoup dans ce personnage authentique, dans le ton employé. J’ai vraiment beaucoup aimé ce roman et peu importe qu’on devine la fin ou qu’on la lise comme toi ;-) l’important n’est pas là.
je suis entièrement d’accord . Un roman très attachant et une belle découverte . (J’espère que tu vas bien malgré le confinement.)
C’est typiquement le genre de personnage que j’adore, j’ai vraiment eu un gros coup de coeur pour ce roman et je suis ravi de voir qu’il en est de même pour toi.
J’aime beaucoup le personnage et j’admire le talent de l’écrivaine pour avoir su le rendre vivant à nos yeux.
Merci pour ce coup de coeur, je le note tout de suite.
Et tu vois que je ne suis pas la seule à avoir aimé.
Là encore, ton avis fait mouche. (Et interpelle la voyageuse que je suis…)
Et je suis au rendez-vous quand il s’agit de lire une saga familiale (mon côté zolien)
C’est un roman plein d’humanité.