Édition 10/18 traduit du japonais par Jean-Baptiste Flamin

Je dois cette lecture à Dasola et mes cinq coquillages seront, je l’espère, une incitation pour que ce livre extraordinaire trouve un large public parmi mes amies blogueuses et amis blogueurs. Ce roman remplit trois fonctions, décrire avec minutie les ressorts de la justice japonaise (depuis l’affaire Carlos Gohn, on a tous l’idée que ce n’est pas facile de sortir de ses griffes), une réflexion très fournie sur la peine de mort, et enfin un thriller bien construit. Pour moi, c’est ce dernier aspect que j’ai trouvé le moins intéressant, mais sans doute parce que je suis peu adepte du genre. En revanche la description de la justice japonaise m’a absolument passionnée. Le roman débute dans le couloir de la mort, à neuf heures du matin, c’est l’heure où, lorsque l’on entend des pas se rapprocher de la cellule où on est enfermé, cela peut être ceux des gardiens qui viennent chercher le condamné qui doit alors être exécuté. Ryô Kihara écoute et on imagine sa souffrance puisqu’il est condamné à la pendaison, puis les pas passent et ce n’est pas pour lui pas cette fois… Après cette scène, il est impossible que vous ne vouliez pas en savoir plus ; alors vous suivrez la levée d’écrou de Jun’ichi qui part en conditionnelle après avoir fait deux ans de prison pour avoir tué accidentellement un homme dans un bar. Ce départ se fait selon un rituel où le condamné ne doit son départ vers la liberté qu’à une attitude où il montre à quel point il se repent pour tout le mal qu’il a fait. Toute la justice japonaise est là, il ne sert à rien de clamer son innocence, il faut montrer qu’on a changé, que la prison vous a changé et que vous ne recommencerez jamais. C’est pour cela que l’on voit à la télévision, s’humilier devant le pays des grands patrons ou des dirigeants politiques. Ils peuvent repartir libres car ils reconnaissent à la fois leur culpabilité et les bienfaits de la justice japonaise qui a œuvré pour leur bien et celui de la société. (Tout ce que Carlos Gohn n’a jamais voulu faire.). Enfin grâce à Shôgi Nangô, le gardien de prison qui va recruter Jun’ichi pour essayer d’innocenter Ryô Kihara avant qu’il ne soit trop tard, le lecteur est plongé dans une réflexion approfondie sur ce que représente la peine de mort pour celui qui l’administre. Depuis « L’Étranger » je n’ai rien lu d’aussi marquant. Je ne dirai rien du thriller car je sais bien qu’il ne faut surtout pas divulgâcher ce genre d’intrigue. Un des aspects qui joue un grand rôle dans le roman, ce sont les sommes d’argent qui sont en jeu. Les parents du jeune Jun’ichi ont versé aux parents de la victime une somme si colossale qu’ils sont réduits à la misère. C’est d’ailleurs pour cela que ce jeune acceptera de partir dans l’enquête de Shôgi Nangô car il espère, grâce à l’argent gagné, aider ses parents à sortir de la pauvreté où il les avait plongés.

Je ne voudrais pas que vous pensiez que ce roman est uniquement une charge sévère contre la justice japonaise, il s’agit plus exactement d’un questionnement sur son fonctionnement et cela amène le lecteur à réfléchir sur ce que la société recherche en emprisonnant des délinquants. Si c’est les écarter de la société, ils ressortiront et recommenceront, si c’est les réadapter alors on s’intéressera au système japonais qui veut être certain que l’individu a changé et ne recommencera pas parce qu’il a compris les conséquences de ses actes.

Enfin pourquoi treize marches : d’abord il semblerait que dans les premiers temps il y ait eu treize marches pour monter à l’échafaud , ensuite Ryô Kihara qui souffre d’une amnésie et ne se souvient de rien se rappelle soudain avoir gravi treize marches, et enfin il faut treize signatures successives pour valider la condamnation à mort avant de l’exécuter. Et évidemment, avant cette treizième signature, nos deux enquêteurs doivent boucler leur enquête. Voilà pour le suspens qui est très prenant. C’est peu de dire que j’ai aimé ce livre, j’ai été passionnée de bout en bout.

 

 

PS

Vous pouvez vous informer sur l’horreur de la peine de mort au Japon, en tapant le nom de Sakae Menda ou Iwao Hakamada

 

Citations

 

Le procureur tout puissant

Pour avoir été lui-même jugé, Jun’ichi n’avait pas beaucoup de sympathie pour les procureurs. Leur réussite au concours national de la magistrature faisait d’eux l’élite de la nation. Ils agissaient au nom de la justice, avec la loi pour seule arme, sans aucune place pour les sentiments.

 

La sortie de prison en conditionnelle

Une lumière diffuse , filtrée par le verre dépoli des fenêtres , conférait au surveillant un air plus humain , que Jun’ichi découvrait pour la première fois . Mais la sérénité que ce tableau inspirait au jeune homme fut balayée par la phrase suivante.
– Je m’engage à prier pour le repos de l’âme de ma victime, et m’efforcer en toute bonne foi de l’apaiser.
Il blêmit.
« Prier pour l’âme de sa victime et s’efforcer de l’apaiser… »
Jun’ichi se demanda si l’homme qu’il avait tué se trouvait à présent au ciel ou en enfer.

La prison japonaise

Après une altercation avec un maton qui l’avait dans le collimateur, il avait été envoyé dans cette cellule individuelle, minuscule et puante, où on l’avait laissé croupir une semaine, les bras immobilisés par des sangles de cuir. Sa nourriture, déposée dans une assiette à même le sol, il avait dû la laper comme un chien, et quant à ses besoins il n’avait eu d’autre choix que de se faire dessus -une expérience atroce.

La peine de mort

Si jamais son propre enfant avait été tué, et que son meurtrier se trouvât devant ses yeux, il lui réserverait à coup sûr le même sort. Cependant, autoriser à rendre justice soi-même plongerait la société dans le chaos. C’est pourquoi l’État se posait en tiers entre les parties et s’arrogeait le droit de punir, d’infliger des peines à leur place. Le cœur humain était en proie au sentiment de vengeance, un sentiment né de l’amour porté à la personne décédée. Ainsi, la loi étant faite par les Hommes et pour les Hommes, la justice rétributive et l’idée de peine de mort qu’elle implique n’étaient-elles pas naturelles ?

 

Édition Presse de la Cité. Traduit du japonais par Jean-Baptiste Flamin

 

C’est avec « Treize marches » que j’avais découvert cet auteur et malgré la classification thriller de celui-ci et ses 740 pages je m’étais promis de le le lire. Voilà qui est fait mais je ne suis pas certaine de relire de sitôt un thriller ! Les trois coquillages s’expliquent par ma grande difficulté à lire un roman où le ressort essentiel est dans le suspens. Mais si cela ne vous dérange pas, précipitez vous sur cet énorme roman, car dans le genre il doit être bienfait et le côté « science à peine fiction » fonctionne bien. Pour une fois, le point de vue n’est pas américain mais japonais et ça change pas mal de choses. D’abord sur les révélations des pratiques peu glorieuses des services secrets américains. Par exemple : les lieux de tortures et d’assassinats des personnes soupçonnées de terrorisme, pour respecter les règles du droit américain ces prisons sont dans des pays étrangers. Le plus grand scandale c’est certainement la guerre en Irak qui a laissé cette région complètement dévastée. Un jour où l’autre les États-Unis seront jugés pour avoir déclenché une guerre sous un prétexte qu’elle savait faux. Dans ce roman, il y a quelques personnages positifs des hommes désintéressés qui œuvrent pour le bienfait de l’humanité et qui prennent des risques incroyables pour réussir à créer un médicament qui sauvent des enfants atteints d’une maladie rare, ce sont des scientifiques japonais, et c’est très amusant de voir les rôles habituellement tenus par des américains donnés à de jeunes nippons.
Je dois évoquer le côté science fiction du roman.Un enfants est né dans une tribu pygmée dans la forêt africaine au Congo avec une tête très bizarre mais surtout des capacités cognitives complètement hors normes. Une expédition organisée par la CIA sous la responsabilité directe du président des États-Unis veut absolument liquider cet enfant. Comme tout roman de science-fiction celui-ci repose sur une question intéressante que ferait notre espèce à l’arrivée d’une mutation d’hommes avec des capacités nous dépassant complètement. Dans ce roman tout est mis en œuvre pour la détruire et cela permet de décrire tous les plus mauvais côtés de la puissance américaine, relayée par les pires instincts de violence des humains plongés dans les guerres tribales. Les violences dans les villages africains sont à peine soutenables et hélas elles ne sont pas loin de la vérité. Bref, 750 pages de tensions et d’horreurs de toutes sortes, ce n’est vraiment pas pour moi. Mais je suis quand même contente de l’avoir lu car je trouve que cet auteur pose de bonnes questions, et n’hésite pas à décrire ce qui d’habitude est soigneusement dissimulé. Après la peine de mort du Japon, (dans treize marches) voici les pratiques de la CIA américaine, l’humanité est vraiment loin d’être un havre de paix !

 

Citations

 

Le personnage principal japonais.

Kento n’avait pas décidé de continuer en doctorat parce que le monde de la recherche l’attirait, mais parce qu’il n’avait plus se résoudre à rentrer dans celui du travail. Au contraire, depuis son premier jour à l’université, Kento ne s’était jamais senti à sa place, comme s’il s’était trompé de voie. Il n’avait pas éprouvé une once d’intérêt pour la pharmacie ou la synthèse organique. Comme il ne pouvait rien faire d’autre, il s’était résigné à poursuivre, sans plus. Si rien ne changeait, dans vingt ans, il serait devenu un de ces chercheurs ennuyeux ayant trouvé refuge dans une niche, comme son père.

Les rapports amoureux chez les scientifiques (Humour)

On s’approche, on s’éloigne, sans jamais se heurter. Une vraie liaison de van der Waals.
– Ah, le plaignit Doi. Dommage.
– Et toi, tu as quelqu’un ? Il y a une fille mignonne dans mon labo. Avec elle c’est plutôt une liaison métallique. On bouge comme des atomes dans un groupe sans parvenir à se toucher. 
– Ce serait bien si je pouvais avoir une petite liaison covalente…
-Pareil…

Le danger

Le conseiller scientifique avait mesuré avec justesse l’ampleur de la menace biologique née dans la jungle congolaise. Cette menace c’était « le pouvoir » . Ce qu’il fallait craindre, ce n’était ni la force destructrice de la bombe nucléaire ni le potentiel des technologies et des sciences les plus avancées, mais la puissance intellectuelle qui les engendrait.

La guerre des drones

La brusque onde de choc l’assaillit par-derrière transperça tout son corps, la vague de chaleur et le souffle embrasé le firent voler en avant.

Il tomba la tête la première dans un ruisseau, ce qui lui évita de perdre conscience. Il ne récolta que des éraflures au visage. L’explosion l’avait rendu sourd, il se tapota les côtés du crâne pour tenter de retrouver l’ouîe. Il se releva, se retourna, et là, à cinquante mètres de l’endroit qu’il avait foulé quelques secondes plus tôt, découvrit un gigantesque cratère, bordée d’arbrisseaux aplatis par le souffle.
Yeagger se coucha à plat ventre, dégaina son fusil, sans la moindre idée du point de tir de les nuits. Il leva finalement les yeux, regarda à travers les branches qui recouvraient sa tête, et frémit. L’ennemi était dans le ciel. À six cents mètres d’altitude un Predator, drone de reconnaissance armée, avait lancé un missile antichar Hellfire. Son pilote avait déclenché ses flammes infernales depuis une base de l’armée de l’air situé dans le Nevada : un dispositif de pilotage semblable à une console de jeux lui permettait de manœuvrer cet engin à distance, de l’autre côté du globe.

Ce passage résonne aujourd’hui :

Il y a entraide parce qu’il est lucratif de s’entraider. Un exercice simple : l’aide publique au développement des pays industrialisés n’a d’autre but que de permettre à terme d’investir dans les pays en développement. Tôt ou tard, l’Afrique sera suffisamment développée pour garantir assez de ressources et de consommateurs. Allons plus loin : prenez les traitements médicaux. Dans ce domaine le profit passe avant tout le reste, même dans le développement de traitements contre les maladies graves. Les remèdes aux infections les plus rares ne sont pas développés faute de débouchés assez juteux.

R-T

R

Ragougneau (Alexis) (Opus 77 6 juillet 2020)

Raufast (Pierre) (La Fractale des Raviolis 21 septembre 2015) (La Variante Chilienne 7 juillet 2016) (Habemus Piratam 15 avril 2019)

Rault (Antoine) (La Danse des Vivants 14 octobre 2019)

Rautianen (Petra) (Un pays de neige et de cendres 8 aout 2022)

Renard (Alice) (La Colère et L’envie 14 mars 2024)

Renaud (Claire) (La valse des petits pas 28 avril 2002)

Revel (Sandrine)(Glen Gould Une vie à contre temps 4 aout 2021)

Revert (Yves) ( la fugitive de l’autre côté du fil 5 juin 2023)

Richaud (Frédéric)(Monstres 15 mai 2023)

RISHØI (H Ingvild) (Un conte de Noël 30 mars 2023)

Robert-Diard (Pascale) (la petite menteuse 27 novembre 2022)

Rostain (Michel) (L’étoile et la vieille 14 mars 2013) (Le vieux 11 avril 2022)

Rouda (Les mots nus 8 aout 2023)

Roux Laurine (Une immense sensation de calme 2 aout 2021)

Roth (Philip) (la Tâche 27 octobre 2009)(le complot c)ontre l’Amérique 20 avril 2015) (Un Homme 15 octobre 2020)

Rundell (Katherine) (L’explorateur 11 mai 2023)

Rufin (Jean-Chistophe) (Le grand Cœur 7 aout 2012) (Rouge Brésil 4 novembre 2013)(Immortelle Randonnée 24 octobre 2013)

Russo (Richard) (le déclin de l’empire Whiting 9 février 2014)

Ryan (Jennifer) (La Chorale des Dames de Chilbury 29 juin 2018)

 

S

Sackville-West (Vita) (l’héritier 8 février 2021)

Safr (Joan) ( La synagogue 4 aout 2023)

Saint Bris (Paul) (L’allègement des vernis 1 janvier 2024)

Salvayre (Lydie) ( Les belles Âmes 3 juin 2013)

Sands (Philippe) (La filière 21 novembre 2022) (Le retour à Lemberg 16 novembre 2023)

 Scheuer (Norbert) (Les Abeilles d’Hiver 17 janvier 2022)

Schnerf (Joachim) ( Le cabaret des mémoires 20 février 2023)

Schlink (Bernhard) (Olga 11 novembre 2019)

Schulman (Alex) (Les survivants 12 mai 2022)

Schwartzmann (Jacky) (Pension Complète 8 juillet 2019)

Sciascia) Leonardo (Le Jour de la chouette 3 juin 2021)

Scott (Ann) (Les insolents 11 mars 2024)

Sebastian (Barry)(Le testament caché 27 octobre 2021)

Seethalter (Robert) (Le Tabac Tresniek 29 mai 2015) (Une vie entière 1 octobre 2018) ( Le dernier mouvement 1 novembre 2023)

Seigle (Jean-Luc) (En Vieillissant les Hommes pleurent 20 août 2018)

Seksik (Laurent) (Le cas d’Eduard Einsthttps://luocine.fr/?p=13243ein 5 décembre 2013) (L’exercice de la médecine 26 octobre 2015) (Romain Gary s’en va-t-en Guerre 22 juin 2017) (les derniers jours de Stefan Zweig 1 août 2018) (Un fils obéissant 27 janvier 2020)

Sénanque (Antoine) (L’ami de jeunesse 30 novembre 2015 ) ( Croix de cendre 13 mai 2024)

Sepulveda (Luis) (Histoire d’une mouette et du chat qui lui apprit à voler 5 août 2019)

Séverac (Benoït) (Le tableau du peintre juif 48 mai 2023)

Sfar (Joann) ( Comment tu parles de ton père 31 octobre 2016) (la synagogue 10 aout 2023)

Shalev (Seruya) (Stupeur 19 février202

Shriver (Lionel) (Double faute 14 janvier 2011)(quatre heures dix huit minutes … 19 novembre 2021)

Shulte (vor) (Stefanie) (Garçon au coq noir 6 novembre 2023)

Sijie (Dai) (L’évangile Selon Yong Sheng 24 février 2020) (Trois vies chinoises 24 aout 2020)

Simonnot (Maud) (L’heure des oiseaux 2 février 2023)

Sinisalo Johanna (Jamais avant le coucher du soleil 27 novembre 2019)

Sire (Guillaume) (Avant la longue flamme rouge 20 juin 2022)

Sizun (Marie) (La Femme de l’Allemand 27 août 2009) (La Gouvernante Suédoise 30 août 2018)

Skeslien-Charles (Janet) (Une soif de livres et de liberté 25 février 2021)

Slimani (Leila) ( Le pays des autres 25 janvier 2021)

Slocombe (Romain) (Un été au Kansaï 21 mars 2016) ( la débâcle 31 aout 2023)

Smiley (Jane) (Une vie à part 11 aout 2018)

Smith(Tom Rob) (Enfant 44 24 décembre 2009) (Kolyma février 2010)(La ferme 23 octobre 2014)

Sollogoub (Tania) (La maison russe 15 janvier 2024)

Solomons Natasha (Jack Rosenblum rêve en anglais 14 aout 2011) (Le manoir de Tyneford 21 mai 2014)

Spitzer (Sébastien) (Le coeur battant du m)onde 4 février 2021)

Starritt (Alexander) (Nous les Allemands 6 février 2023)

St John (Madeleine) (Rupture et conséquences 14 décembre 2023)

 février Stegner (Wallace) (La montagne en sucre 9 mais 2016) (En leu sûr 1° aout 2016)

Strout Elizabeth (Olive Kitteridge 22 aout 2022)

Stucki (Walter) (La fin du régime de Vichy 7 novembre 2022)

Sullivan (J. Courtney) (Maine 14 aout 2014) (Les affinités sélectives 5 septembre 2022)

Süskind (Patrick) (La contrebasse 3 novembre 2022)

T

Takano (Kazuaki) (Treize Marches aout  15 mars 2021) (Génocide(s) 29 juillet 2021)

Tanizaki (Junichiro (Eloge de l’ombre 27 aout 2009)

Tapply (G.William) (Dark Tiger 17 décembre 2021)

Tardieu Laurence (Un temps fou 13 sep)tembre 2009) (Nous aurons été vivants 2 septembre 2019)

Tavernier (Tiffany) (L’ami 15 octobre 2021)

Taylor Elizabeth (Vue sur le port 28 juin 2021)

Thibert (Colin) (Torrentius 16 mars 2020)

Thiéry (Sébastien) (Demain la revanche 17 mars 2023)

Thuy (Kim) (Ru 24 février 2010) (Man 21 juin 2013) (Vi 16 novembre 2020)

Thomas (Chantal) (le Testament d’Olympe 14 avril 2011) (Souvenirs de la Marée Basse 15 novembre 2017) mars

Tibuleac (Tatiana) (L’été où maman a eu les yeux verts 8 mars 2021)

Tixier (Marjorie) (Un autre bleu que le tien 21 mars 2022)

Tlili (Cécile) (Un dîner simple 15 février 2024)

Tokarczuck (Olga) (Sur les Ossements et les Morts 13 avril 2020) (Dieu, le Temps, les hommes et les Anges 20 avril 2020) juin

Tong Cuong (Valérie) (Par Amour 8 juin 2017) (les guerres intérieures 8 juin 2020)

Toulmé (Fabien) 10 mars 2023)(L’odyssée d’Hakim 10 mars 2023)

Toussaint (Jean Philippe) (La vérité sur Marie 24 novembre 2009)

Trethewey (Natasha) (Memorial drive 25 septembre 2023)

Tremblay (Michel) ( La traversée du Continent 9 janvier 2014) (Victoire 15 novembre 2021) (La traversée de la ville, la traversée des sentiments 13 décembre 2021) (L’offrande musicale 16 janvier 2023)

Tripier (Perrine) (Les guerres précieuses 10 juillet 2023)

Troël (Yuna) (Le coq solitaire 11 mars 2021)

Tronchet (Didier) (Le Chanteur Perdu 25 décembre 2020)

 

mai)

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Nathalie Peronny Édition Globe 

 

Je dois à Keisha (encore elle ! -encore ?… comme si je me plaignais !) ce livre merveilleux et instructif à tant de point de vue. Je l’ai lu depuis un moment mais je n’ai rien oublié de mon intérêt pour cette fabuleuse enquête. Il est sur mon sur Kindle et le gros avantage c’est de pouvoir faire des notes très facilement et de les récupérer tout aussi facilement comme vous pourrez le voir. Peut-être, en ai-je mis un peu trop mais c’est pour moi une bonne façon de retenir précisément le contenu d’un livre.

Jessica Bruder a suivi pendant deux ans des Américains qui ont tout perdu suite à la crise des « subprimes » , toutes leurs économies ont fondu dans des malversations bancaires. Ils n’ont plus rien mais n’ont pas perdu les traits de caractère de la culture américaine. Ils essaient par tous les moyens de s’en sortir. Ceux et celles qui intéressent cette journaliste ont choisi de s’acheter un camping-car et de partir sur les routes, à la recherche des petits boulots. Vous ne serez pas étonnés d’apprendre qu’Amazon a vu là une main d’oeuvre facile à capter. Donc avant Thanksgiving et Noël leurs terrain de camping se remplissent de caravanes venant des quatre coins du pays. Cela nous vaut des pages passionnantes sur ceux et celles qui travaillent dans les énormes hangars d’Amazon . La principale difficulté de ses nouveaux migrants de l’intérieur, c’est de trouver des endroits où laisser leur camping, en effet aux États-unis tous les stationnement sont privés et peuvent coûter très cher. Amazon propose donc des parking gratuits pour que ces gens viennent travailler chez eux. Le livre fourmille de petites astuces pour s’en sortir ? Ces gens forment une communauté et se refilent les adresses des supermarché qui ne vous chasseront pas de leur parking, des terrain de camping où vous pourrez laisser votre véhicule à condition de faire du gardiennage. En réalité, l’Amérique offre une foule de petits boulots peu payés, qui conviennent assez bien à des jeunes , mais qui sont très fatigants pour des personnes âgées et qui surtout supposent un logement.

Les personnes que suit Jessica Bruder sont souvent très intéressantes et différentes des unes et des autres mais sa préférée et la nôtre évidemment c’est Linda qui veut absolument se construire une maison avec des matériaux recyclés. J’espère qu’elle vit bien maintenant Linda au grand cœur, elle le mérite pour oublier toutes ses galères. Je l’imagine bien dans une maison comme ça, pour faire un joli pied de nez à l’alcool qui a tellement perturbée sa vie.

 

Cela fait longtemps qu’une partie de la population américaine vit dans des terrains de camping où on retrouve des « homes » pas du tout mobiles. La nouveauté de ce phénomène , c’est qu’il s’agit ici de gens qui voyagent, qui ne veulent pas vivre parqués et qui veulent retrouver un travail stable. On voit aussi à quel point cette crise a été violente pour une partie importante de la population, si la maladie, un divorce ou l’alcool s’en mêlent alors, ces gens perdent tout en très peu de temps. Mais ils sont Américains et gardent malgré tout une envie de s’en sortir assez étonnante et un esprit communautaire qui brise leur solitude .

 

Citations

Le début

Les mensonges et la folle cupidité des banquiers (autrement nommé « crise des subprimes ») les ont
jetés à la rue. En, 2008, ils ont perdu leur travail, leur maison, tout l’argent patiemment mis de côté pour leur retraite. Ils auraient pu rester sur place, à tourner en rond, en attendant des jours meilleurs. Ils ont préféré investir leurs derniers dollars et toute leur énergie dans l’aménagement d’un van, et les voilà partis ;

Survivre en Amérique

Les workampers sont des travailleurs mobiles modernes qui acceptent des jobs temporaires aux quatre coins des États-Unis en échange d’une place de stationnement gratuite (généralement avec accès à l’électricité, à l’eau courante et évacuation des eaux usées), voire parfois d’une obole. On pourrait penser que le travailleur-campeur est une figure contemporaine, mais nous appartenons en réalité à une tradition très ancienne. Nous avons suivi les légions romaines, aiguisé leurs épées et réparé leurs armes. Nous avons sillonné les villes nouvelles des États-Unis, réparé les horloges et les machines, les batteries de cuisine, bâti des murs en pierre en échange d’un penny les trente centimètres et de tout le cidre qu’on pouvait avaler.
Nous avons suivi les vagues d’émigration vers l’ouest à bord de nos chariots, munis de nos outils et de nos savoir-faire, aiguisé des couteaux, réparé tout ce qui pouvait l’être, aidé à défricher la terre, à construire des cabanes, à labourer les champs et à rentrer les récoltes en échange d’un repas et d’un peu d’argent de poche, avant de repartir vers le prochain boulot. Nos ancêtres sont les romanichels. Nous avons troqué leurs roulottes contre de confortables autocars et autres camping-cars semi-remorques. À la retraite pour la plupart, nous avons complété notre éventail de compétences d’une carrière dans l’entreprise. Nous pouvons vous aider à gérer un business, assurer la vente en magasin ou la logistique dans l’arrière-boutique, conduire vos camions et vos grues, sélectionner et emballer vos produits à expédier, réparer vos machines, bichonner vos ordinateurs et vos réseaux informatiques, optimiser votre récolte, remodeler vos jardins ou récurer vos toilettes. Nous sommes les technoromanichels.

Bismark inventeur de la retraite

Les Américains l’ignorèrent largement, et il s’écoula plus d’un siècle avant qu’Otto von Bismarck instaure en
Allemagne la toute première assurance vieillesse au monde. Adopté en 1889, le plan de Bismarck récompensait les travailleurs atteignant leur soixante-dixième anniversaire par le versement d’une pension. L’idée était surtout de contrer l’agitation marxiste – et de le faire à peu de frais, puisque les Allemands vivaient rarement au-delà de cet âge canonique. Bismarck, bâtisseur d’empire et homme de droite surnommé le Chancelier de fer, se retrouva aussitôt dans le collimateur des conservateurs qui l’accusèrent de mollesse. Mais il repoussait déjà leurs critiques depuis des années.
Appelez cela socialisme, ou tout autre terme qui vous plaira : pour moi, c’est la même chose », avait-il déclaré au Reichstag en 1881, lors d’un débat préliminaire sur l’assurance sociale.

Travail peu valorisant

Dans le chariot, il pouvait y avoir quatorze paniers de cochonneries fabriquées en Chine. L’un des trucs qui me déprimaient le plus, c’était de savoir que tous ces machins finiraient à la benne. » Cet aspect-là des choses la démoralisait particulièrement. « Quand on pense à toutes les ressources mobilisées pour en arriver là ! On nous incite à utiliser ces trucs, puis à les jeter. » Le travail était éreintant. Non seulement elle parcourait des kilomètres dans des allées de rayonnages sans fin, mais elle devait se pencher, soulever, s’accroupir, tendre le bras, grimper et descendre des marches, le tout en traversant un hangar dont la superficie faisait grosso modo la taille de treize stades de football.

L’alcool

Linda décida d’arrêter de boire avec une détermination nouvelle. Et cette fois, elle y parvint. Lorsqu’elle avait peur de replonger, entre deux réunions, elle appelait sa marraine des Alcooliques anonymes. Étrangement, c’est là qu’elle apprit les techniques qui lui permettraient plus tard de survivre aux cadences infernales d’Amazon. Elle devint experte dans l’art de se concentrer sur les difficultés immédiates et de subdiviser les gros problèmes en petites bouchées plus faciles à digérer jusqu’à ce que la situation paraisse sous contrôle. « Tu as fait la vaisselle ? OK. Va d’abord faire la vaisselle, et rappelle-moi après », lui ordonnait sa marraine. Linda allait récurer les verres et les assiettes jusqu’à ce qu’ils soient propres, puis elle rappelait. « Tu as fait ton lit ? » lui demandait alors son amie. Linda s’exécutait. Et ainsi de suite, jusqu’à ce que l’envie de boire passe. * * *

Trucs bizarres chez Amazon

Elle notait dans sa liste de souhaits Amazon « tous les trucs les plus dingues qu’on voyait passer » : des vers de cire, un ourson en gélatine de deux kilos et demi, un fusil de plongée sous-marine, un livre intitulé Vénus aux biceps. Une histoire illustrée des femmes musclées, un plug anal en forme de queue de renard, un stock d’anciennes pièces de monnaie américaines, un assortiment de sous-vêtements en coton avec quatre trous pour les jambes baptisé « petites culottes pour deux », et un godemiché Batman.

Personnage haut en couleur

Le propriétaire, Paul Winer, un nudiste septuagénaire au cuir tanné comme un vieux livre, arpente les allées de sa librairie vêtu en tout et pour tout d’un cache-sexe en laine tricotée. Par temps froid, il enfile quand même un pull. Si Paul a pu garder sa librairie, c’est parce que, techniquement, c’est un commerce temporaire et qu’il a donc droit à des réductions d’impôt. La boutique n’a pas vraiment de murs, c’est juste une pergola dressée audessus d’une dalle en béton. Des bâches relient les deux. Des containers et un mobile home font office d’annexes. 

Il y a aussi un rayon de livres chrétiens, mais il est installé tout au fond et Paul doit le montrer aux clients qui le cherchent. « Ils suivent mes fesses nues pour aller voir la Bible », s’amuse-t-il.

 

Humour les musées américains

Le lieu fut ensuite reconverti en un relais de diligences, Tyson’s Wells, dont les ruines abritent aujourd’hui un tout petit musée situé à côté de la pizzeria Silly Al’s. (La ville comprend deux autres musées : l’un expose une collection de chewing-gums du monde entier, et l’autre des accessoires militaires. Mais ils semblent moins attirer les foules que leur minuscule rival.) En 1875, l’écrivaine Martha Summerhayes passa une nuit à Tyson’s Wells et décrivit l’endroit comme « particulièrement mélancolique et inhospitalier. Tout y refoule la saleté, tant sur le plan moral que physique ». Quand le relais finit par être abandonné, le site devint une ville fantôme. En 1897, il fut ressuscité par un boom minier ; le bureau de poste rouvrit, et la municipalité choisit un nouveau nom : Quartzsite. (À l’origine, ce devait être « Quartzite », en hommage au minéral, mais le « s » s’invita par erreur et resta définitivement.) L’unique figure historique de la ville est un chamelier syrien, Hadji Ali, enterré
sur place en 1902 et plus connu sous le surnom « Hi Jolly », version américanisée de son nom. Ali avait été recruté en 1856 au sein du tout nouveau corps de chameliers de l’US Army : l’expérience, de courte durée, visait à utiliser ces animaux notoirement irascibles pour transporter du matériel vers le sud-est des États-Unis.

 

Honte

Mike m’explique que les personnes âgées et en situation de précarité affluent à Quartzsite parce que c’est une « ville idéale pour les retraités peu fortunés » et « un endroit pas cher où se planquer ». Mais se planquer de quoi, au juste ?
Réponse : de la honte, de pauvreté et du froid. « Dans le désert, dit-il, ils n’ont pas peur de crever de froid. Ils disent à leurs enfants que tout va bien. »

Optimisme américain

Comme l’a souligné Rebecca Solnit dans son ouvrage Un paradis construit en enfer. Ces formidables
communautés qui naissent au milieu du désastre, les gens ne se contentent pas de relever la tête dans les
moments de crise ; ils le font avec une « joie vive et surprenante ». Il est possible de traverser des épreuves tout en ressentant de la joie dans les moments de partage, comme quand on se retrouve autour d’un feu de camp avec ses compagnons d’infortune sous un immense ciel étoilé.

Pourquoi si peu d’afro-américains ?

 À ce stade, j’avais rencontré des centaines de personnes qui avaient adopté ce mode de vie :
travailleurs itinérants, vagabonds de l’asphalte et camping-caristes, de la côte Est à la côte Ouest du pays. Certes, il y avait parmi eux des gens de couleur, mais ils représentaient une exception au sein de cette communauté.
Pourquoi la sous-culture nomade était-elle majoritairement blanche ? Certains de ses membres se sont posé la même question. Sur la page Facebook officielle du programme CamperForce, un camping-cariste noir a eu ces mots devant la succession de photos montrant surtout des ouvriers blancs : « Je suis sûr que des Afro-Américains ont postulé à ces emplois, faisait-il observer. Pourtant, je n’en vois au postées par Amazon. »

Imaginez-vous coincé en pleine forêt sans électricité, sans eau courante ou sans voiture : vous aurez tendance à décrire cette situation comme un « cauchemar » ou le « pire scénario possible après un crash aérien ou une catastrophe dans le genre ». Les Blancs, eux, appellent ça « camper ».

 

Le trafic de drogue

Au fil de ses lectures, Linda a tout appris sur le plus célèbre coup de filet antidrogue du coin, dans les années 1990, quand des policiers ont découvert l’existence d’une galerie de neuf kilomètres de long sous la frontière. Utilisé par le cartel de Sinaloa pour la contrebande de cocaïne, le large tunnel, renforcé par des parois en ciment, reposait à une dizaine de mètres au-dessous du sol, avait pour point de départ une maison anodine d’Agua Prieta ; son entrée était savamment cachée. En ouvrant un robinet, on actionnait un monte-charge hydraulique qui faisait remonter une table de billard – et la dalle du sol sur laquelle elle reposait – pour révéler un trou équipé d’une échelle. À l’intérieur, le tunnel mesurait un mètre cinquante de haut ; il était climatisé, éclairé et protégé des risques d’inondation grâce à une pompe et un puisard. Des rails métalliques permettaient de déplacer un chariot jusqu’à Douglas, sous un grand hangar camouflé en station de lavage pour camions. Là, une poulie faisait remonter les cargaisons de cocaïne à la surface, où elles étaient réceptionnées par des manutentionnaires
pour être chargées dans des semi-remorques. Stupéfaits, les policiers avaient comparé le tunnel, surnommé « Chemin de la cocaïne », à un truc « digne d’un film de James Bond ». Le pilier du cartel de Sinaloa, El Chapo, Joaquin Guzman de son vrai nom, était carrément allé plus loin dans le superlatif en affirmant que son équipe avait construit un « putain de tunnel super-cool ».

Tout ce qu’a lu Linda concernant le trafic de drogue local est vrai. Les mules peuvent gagner davantage en une nuit qu’un ouvrier de maquiladora en un mois. Il n’est donc guère étonnant que la police des frontières de Douglas retrouve souvent des paquets de marijuana dissimulés dans les jantes et les pneus de rechange des véhicules en provenance du Mexique. (On y trouve aussi de la meth, de l’héroïne ou de la cocaïne, mais plus rarement.) Lors d’un récent coup de filet, ils ont surpris un jeune de seize ans en train de descendre eb rappel le long de la clôture à l’aide d’une ceinture de sécurité ….Pour ce travail on lui avait promis 400 dolars. Chez lui, il fabriquait des courroies de distribution dans une « maquiladora » pour 42 dolars la semaine.