Édition Héloïse d’Ormesson, 358 pages, octobre 2023

 

je propose ce livre dans les feuilles allemandes, même si l’auteure est australienne le sujet est bien l’Allemagne : la RDA

 

Dès que vous, mes tentatrices, mettrez un commentaire je mettrai un lien vers votre billet. Quel livre et quelle horreur ! ! Oui il faut lire ce livre même si, parfois, il faut prendre son courage à deux mains. On peut se consoler en se disant que cet horrible régime a été soutenu par plus de 75 % de la population. Mais avant de lire mon billet écoutez la voie de Charlie Weber qui lui est mort dans les geôles de la Stasi en 1980 :

Dans ce pays

Je me suis écœure de silence

Dans ce pays 

Je me suis égaré, perdu

Dans ce pays

Je me suis tapi pour voir

Le sort qui m’attendait

Dans ce pays

Je me suis retenu

De ne pas hurler

  • – Mais j’ai fini par hurler, si fort

Que ce pays m’a répondu

En gueulant avec la même laideur

Que les maison qu’il bâtit 

Dans ce pays

Seule ma tête dépasse

De terre, comme un défi

Mais elle se fera tondre un jour.

C’est alors, et enfin, que je ferai partie 

De ce pays.

 

Je ne connais pas les raisons qui ont poussé Anna Funder à enquêter sur la Stasi, mais son travail est remarquable et m’a sortie de ma torpeur sur ce sujet. Oui, je savais que la RDA était un état policier, et que la Stasi espionnait tout le monde, mais je n’avais aucune idée et sans doute ne voulais-je pas le savoir à quel point cela impactait la vie des habitants. Ma plus grande surprise a été de découvrir le nombre de gens qui ont travaillé pour la Stasi . Les raisons pour lesquelles autant de gens travaillaient pour ce service de police et d’espionnage sont à la fois incroyables et faciles à comprendre. Une partie des recrues de la Stasi travaillaient par conviction communiste  : rien ne leur semblait pire que le capitalisme de RFA, d’autres étaient tenues par la peur : la Stasi savait très bien exercer des chantages qui marchaient le plus souvent, et enfin d’autres se sentaient importants en connaissant de petits secrets que d’autres ne savaient pas !

L’auteure a d’abord découvert l’histoire de Myriam Weber la femme de Charlie, à 16 ans elle a essayé de fuir à l’ouest , et elle a été attrapée puis torturée. La torture la plus répandue était de priver de sommeil la personne pendant parfois plusieurs jours, il semble que personne ne résiste à cette torture. Elle est ensuite envoyée en prison pour dix huit mois. Elle a été totalement détruite moralement et c’est son mari Charlie Weber qui l’a aidée à se reconstruire. Mais lui aussi sera arrêté et il mourra en prison. C’est à partir de là qu’Anna Funder a voulu découvrir comment fonctionnait la Stasi et elle a eu l’idée de passer une petite annonce pour rencontrer des anciens de la Stasi. Et, elle en a rencontré qui n’ont pas hésité à lui expliquer comment ils recrutaient, comment ils espionnaient, comment ils tenaient les gens en leur pouvoir. Certains regrettent cette période où leur pays marchait droit et où la délinquance n’existait pas. Tous ont tourné la page et sont passé à autre chose, aucun n’exprime de regrets.
C’est une lecture éprouvante mais nécessaire, les rares personnes qui sont restée dignes dans ce pays l’ont payé très cher , mais comme le chanteur de rock dont le groupe a été dissous préfère ne pas avoir pu chanter pendant 17 ans plutôt que de s’être renié : quel courage !

C’est vraiment intéressant d’avoir à la fois le point de vue des victimes et celui des bourreaux qui se sentent d’autant moins coupables qu’ils ont tous trouvé des postes intéressants. En effet connaissant parfaitement les habitants de la RDA (et pour cause !) , ils ont pu servir d’intermédiaires entre les entreprise allemande de l’ancienne RFA qui cherchaient à recruter une main d’œuvre dans l’ancienne RDA. Vous serez peut-être surpris du nombre de passages que j’ai recopiés mais Luocine, me sert aussi à ne pas oublier les livres qui me marquent et dans ce cas j’essaie vraiment de tout retenir ou du moins de savoir où je peux retrouver ce que je veux expliquer.

 

Et donc merci à Keisha, Ingannmic, Sacha, et Eva

Extraits.

 

Début .

 J’ai la gueule de bois. Dans la gare bondée d’Alexander-Platz, je dirige mon corps comme un véhicule. Plusieurs fois je n’évalue pas bien ma largeur et heurte une poubelle ou une borne publicitaire. Demain les bleus se développeront sur ma peau, comme une photo à partir d’un négatif.

Des employés de bureau surchargés de travail !

 L’adjoint de Scheller, Uwe Schmidt, était aussi présent à notre entrevue. La première fonction d’Uwe en tant qu’adjoint, est de montrer que Sheller est assez important pour nécessiter un adjoint. Sa seconde fonction est de paraître toujours très occupé et bousculé, ce qui est nettement plus difficile puisqu’il n’a pratiquement rien à faire. Sceller et Uwe sont tous deux originaires de l’ouest.

Prison communiste .

 Deux gardes, des femmes l’y attendaient. C’était le baptême de bienvenue. 
 C’est le seul moment où elle a eu peur de mourir. L’eau de la baignoire était froide, une garde la tenait par les pieds, l’autre par les cheveux. Elles lui ont longuement tenu la tête sous l’eau, puis l’ont ressortie par les cheveux en l’insultant bruyamment. Et elles ont recommencé. Totalement impuissante, elle ne pouvait plus respirer. Elles l’ont remontée : « Petite merdeuse ! Saleté ! qu’une traîtresse et une salope. » Et l’ont replongée. En remontant, l’air qu’elle respirait était lourd d’injures. Elle a bien cru qu’elles allaient la tuer. 
 La voix de Myriam s’est tendue, elle est bouleversée et je n’ose plus la regarder. En la tabassant ces femmes lui ont peut-être causé des dégâts de irrémédiables.

Triste Ironie !

 On m’a montré un jour une liste de sujets de dissertation provenant de la Faculté de droit de la Stasi à Postdam. J’y ai trouvé de mémorables contributions à l’avancée de la connaissance universelle telle que : « Sur les causes probables de la pathologie psychologique du désir de commettre des infractions frontalières ». Il était impossible de se défendre contre l’ État, car les avocats de la défense et tous les juges travaillaient pour lui.

Location dans l’ex Berlin-Est et humour.

 Dans ces circonstances comment en vouloir à Julia d’avoir gardé les clefs et de revenir à sa vieille vie de temps en temps ? Je m’accommode de chaque disparition inattendue : le tapis de bain en caoutchouc, la machine à café et maintenant les caisses en plastique. Je m’habitue à une atmosphère de plus en plus épurée. J’ai tracé un chemin dépoussiéré sur le linot qui va de la cuisine au bureau et de la salle de bains au lit.
 Dans le hall d’entrée, en passant devant l’emplacement où était la bibliothèque, je n’ai plus qu’un seul sentiment : celui de baigner dans le lino. Le lino a envahi ma vie. Je peux en compter cinq types différents dans l’appartement et ils sont tous sans exception, marron. Certes, il y a des nuances : marron foncé dans le hall ; moucheté dans ma chambre  ; lino peut-être à l’origine d’une couleur différente dans l’autre chambre, mais qui a succombé au règlement intérieur ; marron beige dans la cuisine et, mon préféré, lino imitation parquet dans le séjour.

Nombre de délateurs.

 Après la chute du mur les médias allemands en qualifié l’Allemagne de l’Est « le plus étroitement surveillé de tous les temps ». La Stasi, sur la fin comptait 97 000 employés – plus qu’il n’en fallait pour surveiller un pays de dix-sept millions de personnes. Mais elle disposait aussi de plus de 173 000 indicateurs dissimulés dans la population. Sous le troisième Reich d’hiver, on estime qu’une personne sur 2000 était un agent de la Gestapo dans, l’URSS de Staline une sur 5830 était agent du KGB. En RDA une personne sur 63 était agent ou indicateur de la Stasi si l’on compte les indicateurs occasionnels certains estiment que la proportion peut atteindre une personne sur 6,5. Pour Miellé, tout dissident était un ennemi, et plus il rencontrait d’ennemis, plus il embauchant d’indicateurs et de personnel pour les mater.

En 1988, la Stasi avait prévu d’arrêter 85 939 habitants (Petit moment d’humour).

 On prévoyait aussi de distribuer à chaque prisonnier, lors de son arrestation une liste d’effets à emporter :
2p. de chaussettes
2 serviettes
2 mouchoirs
2 sous-vêtements 
1 lainage
1 brossé à dents et dentifrice 
1 kit de cirage
Femmes :
Prévoir en plus des serviettes hygiéniques
 Incarcérés sans savoir pourquoi ni pour combien de temps, les prisonniers avaient au moins la certitude d’avoir des chaussures cirées, les dents blanches et un slip propre.

Un membre de la Stasi qui espère le retour du communisme .

 » Le capitalisme pille la planète -ce trou dans la couche d’ozone, l’exploitation des forêts, la pollution- nous devons nous débarrasser de ce système social ! Sinon la race humaine n’a plus qu’une cinquantaine d’années devant elle. « 
 C’est tout un art, profondément politique, de s’emparer de l’actualité et d’en attribuer la responsabilité à vous-même ou à votre opposition, orientant constamment la réalité vers des conclusions complètement inappropriées. Le discours de mon interlocuteur illustre bien ce fait : le socialisme en tant qu’article de foi, continue à vivre dans les esprits et les cœurs, sans se soucier des épreuves douloureuses de l’histoire. Cet homme est déguisé en Allemand de l’Ouest pour mieux se fondre dans le monde où il vit, mais plus il parle, plus il est clair qu’il attend secret le second avènement du socialisme.

La réalité et la RDA.

 En RDA on exigeait des gens qui les acceptent tout un tas de fictions comme la réalité. Certaines de ces notions étaient fondamentales, par exemple l’idée que la nature humaine est un chantier que l’on peut sans cesse améliorer, par l’intermédiaire du communisme. D’autres fictions étaient plus spécifiques : les Allemands de l’Est n’était pas les Allemands responsables de l’Holocauste (même partiellement) ; la RDA était une démocratie pluraliste ; le socialisme était pacifique ; il n’y avait aucun ancien nazi dans le pays ; et, sous le socialisme la prostitution n’existait pas.
 Beaucoup de gens se retirèrent dans ce qu’on qualifia d' »immigration intérieure ». Ils protégèrent leur vie privée, secrète, pour essayer de préserver leur espace personnel face au pouvoir.

L’architecture communiste.

 D’ici à Vladivostok, voici la contribution du communisme à l’art de la construction : linoléum, ciment gris, amiante, béton préfabriqué et toujours et encore des couloirs interminables et des pièces polyvalentes. Et derrière chaque porte, tout était possible : interrogatoire, emprisonnement, examen, administration, abri nucléaire ou, dans ce cas précis propagande.

Dans ce livre on va d’horreur en horreur.

 

 J’ai lu quelques articles sur le décès de Pannach dernièrement. Il est mort d’un cancer très rare, tout comme Jürgen Fuchs et Rudolf Bahro deux écrivains dissidents. Tous les trois avaient été incarcérés dans les prisons de la Stasi à peu près au même moment. Quand des appareils d’irradiation furent retrouvés dans une de ces prisons le Bureau des dossiers de la Stasi se mis à enquêter sur l’éventuelle irradiation de dissidents. Ce qu’elle découvrit choqua un peuple pourtant habitué aux mauvaises nouvelles.
La Stasi avait irradié des personnes et des objets qu’elle voulait traquer. Elle avait mis au point toute une série d’objets radioactifs, comme par exemple des épingles irradiées qu’elle pouvait glisser dans des vêtements, des aimants radioactifs à placer sur les voitures ou des granulés radioactifs injectées dans les pneus. Elle avait produit des aérosols pour les officiers et de la Stasi : ils s’approchaient de certaines personnes dans la foule pour les pulvériser ou ils vaporisaient secrètement le sol de leur foyer pour que les suspects laissent des traces radioactives ou qu’ils aillent…..

Pourquoi devenait on indicateur ?

 « De quels avantages bénéficiaient les indicateurs ? »
je veux savoir combien ils étaient payés.
 » C’était dérisoire, en réalité admet Bock. Ils touchaient trois fois rien. Il devait se réunir avec leur contact toutes les semaines sans être rémunérés. Ils percevaient de temps en temps un peu d’argent en récompense, s’ils fournissaient une information spécifique. Et on leur offrait aussi parfois un cadeau d’anniversaire.
– Dans ce cas, pourquoi acceptaient-ils de le faire ?
– Eh bien certains par conviction. Mais dans la majorité des cas je pense qu’ils le faisaient pour avoir l’impression de devenir « quelqu’un » . Vous savez on passait une ou deux heures par semaine à les écouter en prenant des notes. Ça leur donnait un sentiment de supériorité.

 Le côté charnel des autres dictatures, comme en Amérique latine par exemple, on leur donne à mon avis quelque chose de plus chaleureux et de plus humain. On peut plus facilement comprendre l’attrait des valises débordant d’argent ou de drogue, des femmes, des armes ou du sang. Mais ces hommes gris et obéissants qui rencontraient des indicateurs sous payés toutes les semaines, me semble encore plus sinistres et bêtes. Visiblement l’acte de trahison fournit sa propre gratification : la petite satisfaction profondément humaine de savoir des choses que les autres ignorent, d’être supérieurs à eux … un peu ce que ressent la maîtresse d’un homme. Le régime se servait de cette psychologie comme d’un carburant.

 

 

 

 

 


Édition les Arènes, décembre 2023, 185 pages.

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

 

Voici un roman que je vous recommande sans aucune réserve , il m’a complètement séduite. Encore plus que « les loups » du même auteur qui était, pourtant, déjà passionnant. Ce court récit se passe au moment de la disparition de l’URSS, dans l’enclave de Kaliningrad. Un jeune délinquant sort de prison et veut retrouver sa mère. Ce trajet ressemble à un conte initiatique et de formation pour cette petite frappe. Au début, il ne comprend pas ce mot de « changement » que tout le monde prononce autour de lui. Le premier groupe qu’il rencontre ce sont des jeunes hippies qui vivent sur la plage et qui se permettent de tenir des propos d’une liberté qui le surprend, ils l’accueillent très bien sans lui demander d’où il vient, une jeune femme accepte facilement de faire l’amour avec lui, mais cela ne l’empêchera pas de leur voler tout leur alcool. Il repart et un paysan kolkhozien l’héberge, il y rencontrera le directeur qui est communiste et qui lui explique que les dirigeants communistes sauront très bien s’en sortir que tout est prêt pour l’après. Le Gris (c’est ainsi qu’il s’appelle lui-même) s’en ira en volant d’abord les économies du pauvre paysan kolkhozien qui l’avait aidé.

J’arrête de vous raconter l’histoire et des différentes rencontres de son trajet, je vous laisse découvrir, mais vous avez, je l’espère compris le principe, le jeune délinquant qui s’était formé dans les prisons soviétiques va au gré de ses rencontres se transformer peu à peu, sans jamais devenir un homme bon, la fin m’a surprise et désespérée. Il semble , un moment, aller vers la rédemption en sauvant un jeune garçon orphelin des griffes d’une bande de malfrats, il écoutera la sagesse d’un philosophe sur la liberté et la fameuse âme russe. Cela permet à l’auteur d’évoquer les différents aspects de la Russie actuelle. Le roman a été écrit en 2023, donc on ne peut pas parler parler d’un roman prémonitoire, mais d’une analyse exacte du régime poutinien.

Un livre efficace, prenant et qui fait beaucoup réfléchir.

(PS. Je pense que la couverture de ce roman aurait plu à notre regretté Goran)

 

 

Extraits

Début.

 Le Gris fait ses adieux en silence. Il se faufile entre les couchettes, tend la main à chacun des détenus, sans effusion. On entend tout juste quelques mots, le claquement des paumes qui se rencontrent. Les saluts sont virils, l’émotion absente. Le Gris ne sourit pas – dangereux, pas dans les mœurs. Pour les hyènes , les petites frappes qui forment le gros des troupes, sourire c’est déjà se faire baiser un peu. Si tu ouvres la bouche pour montrer tes dents c’est bien que quelqu’un a le droit d’y fourrer sa queue … Le Gris s’est adapté. Il a toujours su faire, il est malin. Pas assez pour éviter le trou – suffisamment pour deviner quel visage on attend de lui à chaque instant. 

Le changement .

 Il comprend le paysan : l’autre ne nie pas que des changements puissent advenir, il sait seulement qu’en pareil cas le mieux est de rentrer la tête dans les épaules et d’attendre de voir. Comme par mimétisme le Gris se tasse sur son siège. Il a appris la leçon depuis longtemps : lorsque les coups pleuvent, il n’y a rien d’autre à faire que de protéger sa tête. Seuls ces cons de hippies s’imaginent assez malin pour changer ça.

Les communistes et le changement .

– Le communisme n’est plus vraiment à la fête… Mais qui a dit que c’était un problème pour les communistes ? Tu crois qu’on n’a rien vu venir qu’on se retrouve à poil ? L’avenir comme tu dis, appartient à ceux qui ont des idées claires et un peu de capitale …
– Du capital, vous ?
– L’autre rigole encore
– Eh quoi ! Tu crois qu’on passe nos soirées à étudier Engels ? Ça fait des années qu’elle marche bizarrement, notre Union soviétique. Gorbatchev a lancé ses réformes depuis un moment. C’est permis, maintenant, de s’enrichir, d’épargner, d’investir … Et encore, le capital, ce n’est rien ! Qu’est-ce que nous possédons, nous, les communistes ? Des connexions, des réseaux. Qui tient les banques ? Qui sont les directeurs d’usine, les juges, les responsables des achats dans les municipalités. Nous ne sommes pas le passé, fils détrompe-toi ! 

Le philosophe et la liberté.

 Notre pays reçoit la liberté, mais existe-t-il des gens libres pour la recevoir ? Nos compatriotes savent-ils seulement ce qu’est la liberté ? Savent-ils la protéger, la faire vivre ? La soumission est beaucoup plus simple et confortable… Être libre à de quoi désemparer les âmes les plus faibles et les moins préparées. Il est bien plus aisé de s’en remettre à un chef, à une idéologie, à des illusions, à des habitudes, aux limites bien connues de son petit potager. Tout plutôt que l’inconnu. Imagine ce qu’on demande à nos concitoyens, en ce moment : ils doivent accepter que toutes leurs vieilles croyances soient mises au rebut et accueillir avec autant de conviction les nouveaux dogmes du moment -et dans le même temps apprendre à gérer les mille exigences que requiert la liberté. Il y a de quoi devenir fou ..


Édition Delcourt/ Encrages . Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

 

Quel livre ! Pour, moi c’est vraiment trop dur, mais je suis une petite nature ! Il faut aussi que je dise que c’est très beau. Valentine Cuny- Le Callet est dessinatrice et écrit ce livre avec Ronaldo un homme qui est dans le couloir de la mort en Floride pour un meurtre qu’il dit ne pas avoir commis. Ce livre permet, encore une fois, de voir la condition des noirs aux USA, et aussi de se réjouir d’habiter un pays où la peine de mort n’existe pas.

Tout le talent de la dessinatrice est de nous faire comprendre toutes les injustices à travers les dessins. Ronaldo apparaît comme un homme sensible et attentionné. Son procès va être revu mais on ne sait pas, à la fin, si sa peine sera commuée en détention à vie où si la peine de mort sera de nouveau requise.

Si vous avez plus de courage que moi pour vous plonger dans l’univers carcéral américain, n’hésitez pas ce livre est pour vous. Et si vous aimez le dessin alors vous serez complétement conquis. J’ai pris quelques photos de planches qui m’ont totalement bouleversée, surtout celles où on voit que les gens qui assistent au lynchages, ce sont des gens ordinaires contents d’être là .


Édition 10/18 traduit du japonais par Jean-Baptiste Flamin

Je dois cette lecture à Dasola et mes cinq coquillages seront, je l’espère, une incitation pour que ce livre extraordinaire trouve un large public parmi mes amies blogueuses et amis blogueurs. Ce roman remplit trois fonctions, décrire avec minutie les ressorts de la justice japonaise (depuis l’affaire Carlos Gohn, on a tous l’idée que ce n’est pas facile de sortir de ses griffes), une réflexion très fournie sur la peine de mort, et enfin un thriller bien construit. Pour moi, c’est ce dernier aspect que j’ai trouvé le moins intéressant, mais sans doute parce que je suis peu adepte du genre. En revanche la description de la justice japonaise m’a absolument passionnée. Le roman débute dans le couloir de la mort, à neuf heures du matin, c’est l’heure où, lorsque l’on entend des pas se rapprocher de la cellule où on est enfermé, cela peut être ceux des gardiens qui viennent chercher le condamné qui doit alors être exécuté. Ryô Kihara écoute et on imagine sa souffrance puisqu’il est condamné à la pendaison, puis les pas passent et ce n’est pas pour lui pas cette fois… Après cette scène, il est impossible que vous ne vouliez pas en savoir plus ; alors vous suivrez la levée d’écrou de Jun’ichi qui part en conditionnelle après avoir fait deux ans de prison pour avoir tué accidentellement un homme dans un bar. Ce départ se fait selon un rituel où le condamné ne doit son départ vers la liberté qu’à une attitude où il montre à quel point il se repent pour tout le mal qu’il a fait. Toute la justice japonaise est là, il ne sert à rien de clamer son innocence, il faut montrer qu’on a changé, que la prison vous a changé et que vous ne recommencerez jamais. C’est pour cela que l’on voit à la télévision, s’humilier devant le pays des grands patrons ou des dirigeants politiques. Ils peuvent repartir libres car ils reconnaissent à la fois leur culpabilité et les bienfaits de la justice japonaise qui a œuvré pour leur bien et celui de la société. (Tout ce que Carlos Gohn n’a jamais voulu faire.). Enfin grâce à Shôgi Nangô, le gardien de prison qui va recruter Jun’ichi pour essayer d’innocenter Ryô Kihara avant qu’il ne soit trop tard, le lecteur est plongé dans une réflexion approfondie sur ce que représente la peine de mort pour celui qui l’administre. Depuis « L’Étranger » je n’ai rien lu d’aussi marquant. Je ne dirai rien du thriller car je sais bien qu’il ne faut surtout pas divulgâcher ce genre d’intrigue. Un des aspects qui joue un grand rôle dans le roman, ce sont les sommes d’argent qui sont en jeu. Les parents du jeune Jun’ichi ont versé aux parents de la victime une somme si colossale qu’ils sont réduits à la misère. C’est d’ailleurs pour cela que ce jeune acceptera de partir dans l’enquête de Shôgi Nangô car il espère, grâce à l’argent gagné, aider ses parents à sortir de la pauvreté où il les avait plongés.

Je ne voudrais pas que vous pensiez que ce roman est uniquement une charge sévère contre la justice japonaise, il s’agit plus exactement d’un questionnement sur son fonctionnement et cela amène le lecteur à réfléchir sur ce que la société recherche en emprisonnant des délinquants. Si c’est les écarter de la société, ils ressortiront et recommenceront, si c’est les réadapter alors on s’intéressera au système japonais qui veut être certain que l’individu a changé et ne recommencera pas parce qu’il a compris les conséquences de ses actes.

Enfin pourquoi treize marches : d’abord il semblerait que dans les premiers temps il y ait eu treize marches pour monter à l’échafaud , ensuite Ryô Kihara qui souffre d’une amnésie et ne se souvient de rien se rappelle soudain avoir gravi treize marches, et enfin il faut treize signatures successives pour valider la condamnation à mort avant de l’exécuter. Et évidemment, avant cette treizième signature, nos deux enquêteurs doivent boucler leur enquête. Voilà pour le suspens qui est très prenant. C’est peu de dire que j’ai aimé ce livre, j’ai été passionnée de bout en bout.

 

 

PS

Vous pouvez vous informer sur l’horreur de la peine de mort au Japon, en tapant le nom de Sakae Menda ou Iwao Hakamada

 

Citations

 

Le procureur tout puissant

Pour avoir été lui-même jugé, Jun’ichi n’avait pas beaucoup de sympathie pour les procureurs. Leur réussite au concours national de la magistrature faisait d’eux l’élite de la nation. Ils agissaient au nom de la justice, avec la loi pour seule arme, sans aucune place pour les sentiments.

 

La sortie de prison en conditionnelle

Une lumière diffuse , filtrée par le verre dépoli des fenêtres , conférait au surveillant un air plus humain , que Jun’ichi découvrait pour la première fois . Mais la sérénité que ce tableau inspirait au jeune homme fut balayée par la phrase suivante.
– Je m’engage à prier pour le repos de l’âme de ma victime, et m’efforcer en toute bonne foi de l’apaiser.
Il blêmit.
« Prier pour l’âme de sa victime et s’efforcer de l’apaiser… »
Jun’ichi se demanda si l’homme qu’il avait tué se trouvait à présent au ciel ou en enfer.

La prison japonaise

Après une altercation avec un maton qui l’avait dans le collimateur, il avait été envoyé dans cette cellule individuelle, minuscule et puante, où on l’avait laissé croupir une semaine, les bras immobilisés par des sangles de cuir. Sa nourriture, déposée dans une assiette à même le sol, il avait dû la laper comme un chien, et quant à ses besoins il n’avait eu d’autre choix que de se faire dessus -une expérience atroce.

La peine de mort

Si jamais son propre enfant avait été tué, et que son meurtrier se trouvât devant ses yeux, il lui réserverait à coup sûr le même sort. Cependant, autoriser à rendre justice soi-même plongerait la société dans le chaos. C’est pourquoi l’État se posait en tiers entre les parties et s’arrogeait le droit de punir, d’infliger des peines à leur place. Le cœur humain était en proie au sentiment de vengeance, un sentiment né de l’amour porté à la personne décédée. Ainsi, la loi étant faite par les Hommes et pour les Hommes, la justice rétributive et l’idée de peine de mort qu’elle implique n’étaient-elles pas naturelles ?

 

Édition Gallimard. Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

 

Une belle découverte que cette auteure qui a un style très particulier, entre poésie et réalisme.
L’histoire se résume en peu de mots, une femme d’abord prénommé Éliette et qui deviendra Phénix, est trop, mais, mal aimée par ses parents et ne saura pas, à son tour, aimer ses deux enfants : sa fille Paloma et son fils Loup. Éliette était une enfant d’une beauté incroyable et un début de talent de chanteuse, ses parents d’un milieu populaire en font, naïvement et sans penser la détruire, une petite poupée qui chante en public en particulier au Noël de l’usine devant tout le village. Ce corps trop beau et vieilli avant l’âge attire les convoitises des hommes, et détruira l’âme d’Éliette. Paloma, sa fille quittera, à 18 ans, le domicile de sa mère, un garage pour pièces détachées dans une zone péri-urbaine, pour se construire une vie plus calme mais elle abandonne son frère Loup à ce lieu sans amour. Loup prendra la fuite en voiture sans permis et blessera d’autres automobilistes, il fera huit jours de prison. Il y a bien sûr un incident qui peut expliquer la conduite d’Éliette, mais l’auteur n’insiste pas, elle montre à quel point l’enfant était mal dans sa peau d’être ainsi montrée en public à cause de sa beauté et de sa façon de chanter. Pour punir ses parents elle s’enlaidira au maximum, et sa voix deviendra désagréable. Bref de trop, et mal aimée elle passe au stade de rebelle et entraîne dans cette rébellion ses deux enfants. Le roman se situe quand Loup est en prison et que Paloma et sa mère essaie de comprendre leur passé respectif. Tout le charme de ce texte tient à la langue de Natacha Appanah, on accepte tout de ce récit car elle nous donne envie de la croire, elle ne décrit sans doute qu’une facette de la violence sociale et la poétise sans doute à l’excès mais c’est plus agréable de la lire comme ça, cette violence sociale, que dans le maximum du glauque et du violent qui me fait souvent très peur. Et pour autant elle n’édulcore pas la misère du manque d’amour maternel et des dégâts que cela peut faire.

 

Citations

L’art du tatouage

Son biceps gauche est encerclé de trous lignes épaisse d’un centimètre chacune, d’un noir de jais. Sur son poignet droit, elle porte trois lignes du même noir mais aussi fine qu’un trait de stylo. Une liane de lierre, d’un vert profond, naît sous la saillie de la malléole, entoure sa cheville gauche, grimpe en s’entortillant le long de sa jambe et disparaît sur sous sa robe. Entre ses seins, que l’ouverture de sa chemise de nuit laisse entrevoir, il y a un oiseau à crête aux deux ailes déployées, à la queue majestueuse. C’est le premier tatouage qu’elle s’est fait faire à dix huit ans, pour inscrire à jamais le prénom qu’elle a qu’elle s’était choisi : Phénix. 

Impression que je partage même si, moi, j aime la ville

Georges n’a jamais aimé la ville mais il aime bien les gares. Celle-ci n’est pas trop grande, pas encore en tout cas. Il a l’impression que tous ce qui était à taille humaine, reconnaissable, inoffensif, est aujourd’hui cassé, agrandi, transformé. Les cafés, les cinémas, les magasins, les stations services, les routes, à croire que tout est fait pour que les hommes se sentent mal à l’aise, tournent en rond et se perdent.

Portrait amusant

D’habitude, elle est de ces femmes à ne jamais cesser de bavarder, grandes histoires, petits détails,un véritable moulin à paroles, et le docteur Michel soupçonne que c’est le genre de femme à commenter, seule chez elle, sa vie.

Bien observé

Il y a donc ce gâteau dont l’emballage précisait « transformé en France et assemblé dans nos dans nos ateliers »