Édition Stock
Lu dans le cadre du Club de Lecture de la médiathèque de Dinard
Autant je n’avais pas apprécié la précédente lecture de Laurence Tardieu, « Un temps fou » , autant celle là m’a intéressée. Pourtant ça commençait assez mal, car encore l’univers de cette femme et de sa famille que sa fille a fui me semblait bien loin de mes centres d’intérêt. Et puis peu à peu , le roman s’est densifié et le récit de cette journée pendant laquelle Hannah pense atteindre l’apogée de la souffrance et qui verra aussi Lydie sa meilleure amie souffrir à son tour, a été beaucoup plus riche que je ne m’y attendais. Cette belle amitié entre ces deux femmes donne un ton plus optimiste au roman et en fait un des charmes pour moi. Le drame d’Hannah , tient en peu de mots : sa fille Lorette a décidé de rompre sans aucune explication avec sa famille. Ce deuil qui n’en est pas un, est d’une violence qui depuis sept ans ronge Hannah, artiste peintre qui n’arrive même plus à peindre. En remontant dans le temps, on comprend à la fois l’histoire de sa famille dont les grands parents ont été exécutés en 1942 parce qu’ils étaient juifs et de l’actualité du monde de 1989 à aujourd’hui. Hannah a vécu dans la liesse (comme nous tous) l’effondrement du mur de Berlin, puis a été terrifiée par la guerre en Bosnie. Sa fille qu’elle aime d’un amour fusionnel, perd peu à peu confiance dans cette mère qui est une véritable écorchée vive et qui s’intéresse trop aux malheurs du monde. Le roman se déroule, donc, sur une journée , le matin Hannah croit voire ou voit réellement Lorette sur le trottoir d’en face, toute sa journée elle revit les moments de crise de sa famille et elle sait qu’elle doit téléphoner à Lydie qui l’a invitée à dîner avec des amis, elle se sent incapable de retrouver son amie. Finalement, elles se retrouveront mais pas exactement comme l’avait prévue Lydie. Hannah va sans doute recommencer à peindre ce qui est la fin la plus optimiste qu’on puisse imaginer. Je ne peux en dire plus sans divulgâcher l’intrigue. Les deux ressorts du roman sont le mélange de l’actualité et de la vie personnelle, et l’hérédité du malheur des gens qui ont été touchés par la Shoa, la souffrance de cette mère privée de sa fille sert de cadre à ces deux fils conducteurs. Un bon roman, bien meilleur en tout cas que mes premières impressions.
Citations
Description si banale des couples qui s’usent.
Tout s’était délité sans qu’il s’en aperçoive. Il se rappelait pourtant avoir été très amoureux lorsqu’il l’avait rencontrée, à trente ans. Elle, sociologue, jeune femme rousse à la peau pâle, au rire presque silencieux, au regard obsédant (enchantement dont il avait fini, après plusieurs mois, par identifier l’origine : un très léger strabisme, dont on pouvait difficilement se rendre compte à moins de fixer longtemps les deux yeux, et à l’instant même où il avait compris ce qui depuis des mois le rendait fou, le regard gris-vert avait perdu de sa magie) et que tous ses copains lui envoyaient. Lui, jeune cancérologue passionné par son métier, promis à un brillante à venir. Oui, la vie avait été belle, et joyeuse, et sexuelle,avec Claire. Que s’était-il passé pour qu’aujourd’hui les rares paroles qu’ils échangent concernent des pots de yaourt, le chauffagiste à faire venir, la litière du chat ? Que s’était-il passé, d’atrocement banal, qu’il n’avait pas vu se former, et contre quoi aujourd’hui il ne pouvait plus lutter, comme si Claire et lui avaient commencé, il y a bien longtemps, et alors même qu’ils ne le savaient pas encore, à glisser le long d’une pente, et qu’il n’y avait aujourd’hui plus de retour en arrière possible, plus de possibilité de bonheur ?
Le drame de la famille
Hannah, alors tout jeune adolescente, avait soudain vu, effarée, le visage de cette tante d’ordinaire silencieuse et discrète se tordre, comme si la peau devenait du chiffon, et les larmes rouler sur ses joues, et elle avait entendu, ils avaient tous entendu, la brève phrase demeurée depuis comme un coup de tonnerre dans la nuit, dont Hannah se demandait parfois, à force de l’avoir répétée mentalement pendant des années, si elle ne l’avait pas inventée : « De toute façon, s’ils avaient pu tous nous faire disparaître, ils l’auraient fait. On est restés là David et moi cachés dans notre trou, à les regarder partir pour la mort comme des chiens, on est restés là, impuissants, à les regarder partir. »
La mort
Tu vois, ce qu’il y a de très violent lorsque meurt quelqu’un qu’on a beaucoup aimé, c’est qu’au début, on a le sentiment de perdre cette personne, de la perdre réellement. On ne peut plus lui parler, on ne peut plus la toucher, on ne peut plus la regarder, se dire que cette couleur lui va bien, qu’elle a le visage reposé… On ne peut plus l’entendre rire… Mais ensuite, avec le temps, si on se souvient d’elle, si on se souvient d’elle vraiment, je veux dire si on se concentre pour se rappeler le grain exact de sa peau, la façon qu’elle avait de sourire, de parler, l’expression de son visage lorsqu’elle vous écoutait , la manière qu’elle avait de poser une main sur votre épaule, d’enfiler un manteau, de découvrir un cadeau, de piquer un fou rire, alors c’est comme si on parvenait à faire revenir cette personne du royaume des morts, à la faire revenir doucement parmi nous, mais cette fois : en nous. Elle ne fait plus partie des vivants, elle ne déambulera plus parmi nous, mais elle occupe désormais notre cœur, notre mémoire. Notre âme. C’est un petit miracle, une victoire acquise sur la disparition.
Son père lui parle
Ce qui est arrivé un jour de printemps 1942 et qui s’est produit sous mes yeux n’en finit pas de nous faire sombrer, de nous aspirer, on croit que c’est arrivé à mes parents un jour de l’année 1942 et ça continue à nous arriver, ça continue à nous arriver à nous tous, Hannah, à moi, à toi, à Lorette, comme si la déflagration ne s’était jamais arrêtée … Ce jour-là la nuit est entrée dans toutes les vies de notre famille, les vies présentes et celles à venir. Je crois, Hannah, je crois que nos corps se souviennent de ce qu’ils n’ont pas vécu, de ce qui a assiégé ceux qui nous ont mis au monde, nos corps se souviennent de la peur, ils se souviennent de l’effroi..
Je n’ai rien lu de cette auteure depuis longtemps pourtant j’aime bien son écriture. Il faudrait que je m’y remette mais il y a tant à lire.
oh oui, mais ce livre m’a plu , je ne sais pas trop si je le recommande.
Je n’étais pas trop tentée par ce roman… Il faudra que je n’ai rien à lire !
Ah ah je ris doucement rien à lire ! ça existe !
je n’arrive pas à lire les romans français car trop nombrilistes à mon goût , enfin il y a quelques exceptions, mais je suis certainement injuste
ce n’est pas moi qu te contredirais mais j’ai bien aimé celui-là.
Les histoires de famille, je suis à la limite de l’overdose^^
Oui mais si on supprime les histoires de famille on fait un tri redoutable sue reste-il ?
je rejoins l’avis de Jérôme mais je n’ai jamais rien lu de cette autrice.
Alors je fais la même réponse.