Édition Albin Michel, 301 pages, mai 2015.

Traduit de l’anglais (Irlande) par Marina Boraso

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

 

Voici donc le premier livre de mon club de lecture 2024/2025. le thème de ce mois Irlande. J’espère que les prochains seront moins tristes !

Ce roman raconte le retour vers son Irlande natale de Barnabas Kane , aux États-Unis, il a réussi grâce à son courage physique et son intelligence à amasser suffisamment d’argent pour acheter une ferme et un troupeau de vaches. Avec sa femme Eskra, et leur fils Billy, ils sont parvenus à une certaine aisance et pensent être à l’abri des soucis. Le roman se passe en 1944.
Le premier chapitre décrit l’incendie qui ravage leur étable alors que le troupeau de vaches étaient à l’intérieur et leur ouvrier, un paysan du coin, y a laissé la vie en essayant de libérer les animaux. Cette catastrophe va entraîner toutes les autres et, surtout, révèle à quel point l’ensemble du village vivait très mal leur réussite . On retrouve ici la dureté du monde paysan, tous leurs voisins les observaient d’un regard jaloux, car même si Barnabas est d’origine irlandaise pour eux c’est un usurpateur et ils se réjouissent de son malheur.

Et cela va continuer, sa femme aurait voulu repartir avec leur fils, mais hélas pour eux Barnabas s’entête à remonter la pente, alors les malheurs continuent, leur chien est tué , les ruches de sa femme vont être détruites, et elle finira par partir, le laissant seul avec son fils qui se suicidera …

Le romancier utilise les trois voix, Barnabas le lutteur qui ne renonce jamais, et qui se fait repousser par tous ses voisins dès qu’il vient leur demander de l’aide, Eskra cette femme qui a tant aimé son mari et qui est impuissante à le faire renoncer à cette lutte, elle comprend immédiatement que cela les amènera à leur perte, et enfin Bill qui écrit sur un cahier toutes les difficultés qu’il rencontre auprès des enfants du village qui le rejettent violemment, malheureusement pour lui, il se liera avec Le Cogneur un jeune un peu retardé et qui sera à l’origine des malheurs de la famille. Et si Bill ne dit pas tout ce qu’il sait c’est qu’il a eu une conduite peu honorable avec une toute jeune fille du village.

Trop c’est trop, même si le style de cet auteur est parfait et décrit très bien l’atmosphère anxiogène de ce village, l’accumulation de tous les malheurs de cette famille m’a lassée. Je vois qu’Athalie est sur la même longueur que moi, et Katell souligne aussi la noirceur de ce roman que je ne vous le conseille pas surtout si vous n’avez pas le moral ou que vous supportez mal le climat ou les malheurs du monde !

Extraits

Début.

Lorsque Matthew Peoples remarque quelque chose, le soir approche déjà. Sa silhouette massive campée au milieu du champ, un simple tricot de corps gris sale sur le dos, une torsion du bras pour se gratter le creux de l’épaule. 

L’incendie.

Abolies les odeurs de l’étable, aussi bien que si elles n’avaient jamais existé. Tour le registre de ses senteurs – herbe, fumier, fourrage- entremêlées pour composer un arôme unique. Les notes plus lourdes du foin. Les relents humides d’une vieille bâtisse. Ne restent plus que l’âcre puanteur des choses consumées et l’air saturé de fumée, qui a l’inconstance d’un rêve. Mais rien n’est plus terrible pour ces deux hommes que le tumulte affolé du bétail. Les vaches prisonnières de leurs stalles, rivalisant de cris pour réclamer leur délivrance.

Les voisins .

Dans le coin personne ne viendra t’aider. Ils ne l’ont jamais fait à moins d’être payés.
Et tu crois que tu me suis fait des illusions, Eskra ? Que je les voyais déjà former un long cortège solidaire avec leurs charrettes, me fournir main-d’œuvre et matériaux et travailler à ma place ? Nous offrir des bêtes pour démarrer notre affaire ? Comme dans les films ? les gens d’ici sont habités par la crainte de Dieu, mais ils n’ont de chrétiens que le nom. Ils ne considèrent que leurs intérêts personnels.


Édition, les éditions de l’observatoire, 380 pages, mai 2021.

 

J’avais dit à Sandrine que j’avais très envie de connaître la vie de Jean Roscoff universitaire, qui avait « fait une bien fou » à Ingannmic, (je me demande bien pourquoi ? car ce livre est d’une rare tristesse.).

Je suis beaucoup moins enthousiaste qu’elles deux, mais avant d’expliquer pourquoi je vous rappelle la trame narrative de ce roman.

Un roman original qui a le mérite de décrire beaucoup de travers de notre société, nous suivrons la destinée peu glorieuse d’un universitaire raté, Jean Roscoff, qui contrairement à ce que certains pensent n’est pas breton, (son nom est d’origine russe).
Il a eu un départ d’excellence puisqu’il sort de Normale sup.
Mais son parcours s’arrêtera là. Il refuse de passer l’agrégation et d’écrire une thèse. Il travaillera à l’université sans jamais devenir Professeur mais restera Maître de Conférence, et sera spécialiste du parti communiste américain mais sans faire de carrière prestigieuse.
Première catastrophe : il écrit dans sa jeunesse un livre qui occupera plusieurs années de sa vie sur les époux Rosenberg. Il y démontre que le procès qui les a conduits à la chaise électrique était totalement inique. Il était alors porté par l’intelligentsia française, – Sartre en tête- , prête à épouser toutes les causes anti-américaines. Son livre paraît quelque jours avant l’ouverture des archives de la CIA qui apportent la preuve irréfutable que les Rosenbetg était bien des agents du KGB.
Il restera donc définitivement le raté de service de l’Université.
Cet épisode permet à l’auteur de faire un portrait peu flatteur des intellectuels français de cette époque. Car personne ne défendra son livre alors que même si les Rosenberg était bien des agents du KGB, leur procès était inique et cela son travail le démontrait parfaitement.
Cela continue ensuite, car il s’engage à SOS racisme, organisation décrite comme le marche pied pour faire carrière au PS. Il fait une peinture du milieu des socialistes mitterandiens vraiment peu reluisante  : les militants sont des arrivistes qui ne cherchent que leur propre intérêt, et se fichent pas mal des causes qu’ils prétendent défendre.
Jean Roscoff aurait pu finir sa vie tranquillement. Bien sûr, sa femme, Agnès à qui il doit son confort de vie a divorcé, mais sa fille Léonie, qui n’est que gentillesse, lui aurait soutenu le moral. Mais il se met à écrire la biographie d’un obscure poète nord américain Willow qui est venu en France et a fréquenté Sartre et les existentialistes.
Celui-ci est mort d’accident de voiture non loin de la ville d’ Étampes où il s’était réfugié. (D’où le titre du roman)
Cette partie de sa vie permet à l’auteur de régler ses comptes avec le monde de l’édition. Mais surtout avec les censeurs du monde moderne qui s’expriment dans les réseaux sociaux.
Encore une fois son second livre soulève une polémique énorme : est-ce qu’un « blanc » peut décrire la vie d’un « noir » sans être raciste ? Car oui Willow était noir et Roscoff ne l’a pas assez mis en avant dans son étude. Pour lui c’est avant tout un poète peu importe sa couleur de peau, mais cela déplait totalement aux anti-racistes de notre époque. représentés par Jeanne la petite amie de sa fille Léonie.
La critique de la folie de l’emballement médiatique est le principal sujet de ce roman et décrit (hélas !) une réalité bien triste de notre époque..
La chute et la fin de Willow est étonnante mais fidèle aux règles de la blogosphère, je n’en dis rien.
J’ai cru pendant la moitié de ce roman lui mettre cinq coquillages et puis les règlements de compte à répétitions m’ont lassée. Trop c’est trop, et quelque soit le talent réel avec lequel Abel Quentin décrit, les mutants socialistes devenus de bons bourgeois, la mesquinerie du milieu universitaire, la lâcheté du monde de l’édition, les enragés du mouvement antiraciste, les fous dingues (ou folles) « ayatollahs » des réseaux sociaux (et j’en oublie peut être) on se dit que le monde n’est peut-être pas si noir que ça.
C’est cet aspect qui a fait que je ne lui laisse que trois coquillages – puis après réflexions et remarques de celles qui ont aimé, je lui en ai remis quatre ! Je suis très influençable ! !- Sandrine et Ingannmic m’avait donné très envie de lire ce roman, ce que je ne regrette absolument pas.

Extraits

Début.

-« Nous sommes tous des enfants d’immigrés » … Ça veut dire quoi, ça ? Vous pensez vraiment que vous pouvez ressentir le dixième de ce que ressent un immigré ? Vous ne pensez pas qu’il était temps de les laisser parler les « enfants d’immigrés » ? De ne plus confisquer leurs voix ?
 Jeanne la nouvelle copine de ma fille avait un regard dur, la bouche pincée. Elle me faisait penser à une puritaine qui aurait vécu dans l’Iowa, disons, en 1886. Sa mâchoire était contractée sous les faits d’une souffrance continue.

L’alcoolique .

 Possédé, les dents serrés comme un joueur qui ne parvient pas à quitter sa machine à sous. J’avais essayé de retenir Marc, malgré ses habitudes de pisse- froid, sa tempérance de « control freak ». Allez quoi ! J’avais haussé le ton. Peut-être même que Marc m’avait un peu bousculé en se dégageant. J’avais fait mon petit numéro de pochard avec une virulence où l’agressivité réelle n’était jamais loin, parce que l’alcoolique ne déteste rien tant qu’un camarade qui quitte le navire. Il se sait alors démasqué : le départ du buveur tempérant le renvoie à sa propre déchéance, à son addiction maniaque. Il y a de la jalousie dans cette fureur, l’envie du possédé pour celui qui conserve l’empire sur lui-même.

J’aime cet humour (Léonie est sa fille éternelle optimiste).

 J’en oubliais presque que j’étais vieux, et d’ailleurs je n’étais pas vieux, m’avait dit Léonie au milieu du mois d’avril. Elle avait lu quelque part qu’un senior de 2025 avait la forme physique d’un trentenaire sous Louis VI le Gros. J’avais souri. Elle m’avait appelé pour m’annoncer qu’elle avait emménagé chez Jeanne, elle était joyeuse et parlait de son amie avec une serveur inchangée. En raccrochant, je me demandais si les trentenaires sous Louis VI le Gros avaient envie de pisser quinze fois par jour eux aussi.

L’affaire Rosenberg sur laquelle le héros a écrit un livre.

 Le lendemain de la sortie (de son livre) la CIA déclassifiait et rendait public les archives d’une gigantesque entreprise de décryptage des messages codés et émanant des services de renseignement soviétiques. Intitulé projet Venona, ce travail avait été mené patiemment entre 1940 et 1980 par le contre-espionnage américain. Verdict : les Rosenberg étaient bel et bien coupables d’espionnage pour le compte de l’URSS. Rideau. Mon bouquin était mort-né. Cinq ans de boulot minutieux balayé par un communiqué de presse lapidaire, et un grand éclat de rire dans la communauté scientifique. La presse de droite avait jubilé. Elle tenait son idiot du village, l’énième preuve que ceux d’en face niaient le réel -oubliant de préciser au passage qu’un consensus quasi général existait avant les révélations de la CIA sur l’innocence des Rosenberg, que des conservateurs comme Mauriac avait eux-mêmes mouiller le maillot pour sauver la tête du couple. Négligeant de mentionner, surtout, que mon livre s’attachait à démontrer que le couple avait été condamné sans preuve, au terme d’un procès inique, ce que n’infirmaient pas les révélations de la CIA : les Rosenberg avaient été envoyés à la chaise sur la base d’information classée secret défense auxquelles leurs avocats et à fortiori le public n’avaient pas accès. Mais tout cela était inaudible : j’étais triquard, un historien grotesque, un clown, la risée de l’Université française, le mec du bouquin sur les Rosenberg. Deux jours après la sortie, le livre était retiré des ventes.

 

Description tellement réaliste !

 Je reconnaissais l’un deux, militant à la Fédération syndicale étudiante, petit bonhomme acnéique que j’avais eu dans un de mes amphis -un genre de festivalier rennais dont la mise (casquette de marin et keffieh palestinien) trahissait une double allégeance au Hamas et au mouvement autonomiste breton.

Le père radin

C’est un truc de mon père : plutôt que de reconnaître la supériorité de certains produits jugés trop coûteux il a pris le parti de les dénigrer comme des fausses valeurs, des attrapes couillons surcotés, au fond un jambon industriel vaut bien vos « bellottas » et vos « pâta negra » et il transforme sa pingrerie en sagesse orientale. Les esthètes sont relégués au rang de pigeons, ou de snobs .

Description de la Fac aujourd’hui !

 La fac était le décor familier qui me déprimait autant qu’il me rassurait et c’était celui des ensembles en béton, de la morgue intellectuelle, des rétributions symboliques, des cols roulés, des publications pointues, des colloques jargonneux, des photocopieuses en panne, des jeux de pouvoir invisibles, ascenseurs vétustes et amiantés, chapelles, culte des titres, grades, étudiants chinois effarés, acronymes mystérieux, baies vitrées sales, syndicats sourcilleux, cartons de tracts crevés, tags fripons dans les chiottes, c’était cette vieille ruine au charme inaltéré : l’Université.

Le portrait d’une génération .

 Les voix épuisées, littéralement brisées par le tabac : tels sont ses hommes et ses femmes qui ont défilé entre République et Nation et que la vie a comblé de ces bienfaits. Lorsqu’on leur présente une tribune révolutionnaire signée de leurs mains du temps de leur jeunesse, ils ne disent pas : « je me suis trompé », ils disent : « j’étais jeune, j’étais intransigeant », plein d’amour pour l’image de leur jeunesse fanée. Présentez-leur un miroir, ils ne diront pas : « j’ai trahi », mais « j’ai appris, la vie professionnelle m’a donné le sens des réalités », plein d’indulgence pour les hommes et les femmes murs et lestés qu’ils sont devenus 


Édition Stock, le Cosmopolite, 378 pages, janvier 2024.

Traduit de l’anglais par Mathilde Bach

 

Voici un livre que j’ai commencé plusieurs fois, et laissé tomber plusieurs fois aussi. Il faut dire que je l’ai lu pendant l’été et que l’ambiance joyeuse des jeux de plage des enfants ne correspondait en rien à l’atmosphère de ce roman. Claire Fuller nous plonge dans une Angleterre que je ne connaissais pas : la pauvreté extrême en milieu rural britannique.

Julius et Jeanie ont plus de cinquante ans, ils vivent dans un cottage avec leur mère Dot. Le récit commence par la mort de crise cardiaque de Dot. Et avec sa mort, le fragile équilibre que Dot avait construit autour d’elle et cette maison s’effondre.

Tout le roman suit alors les raisonnements de Jeanie et parfois de Julius pour faire face à cette disparition et aux énormes difficultés financières dans lesquelles ils sont immédiatement plongés. Ils n’ont pas assez d’argent pour enterrer leur mère, leur solution est pour le moins étrange : ils l’enterreront dans le jardin ! Cela ne peur pose pas tant de problèmes que cela ! en revanche les rapports de leur mère avec le propriétaire du cottage , un certain Spencer Rawson les amènent à prendre des décisions qui vont tourner au désastre pour Julius. Peu à peu, la personnalité de Dot’ par qui tous leurs malheurs sont arrivés, va se découvrir et la vérité qu’elle a si soigneusement cachée à ses enfants va nous permettre de comprendre le pourquoi de leurs difficultés de vie. Je l’ai trouvée terrible cette mère et d’un égoïsme incroyable et elle a fait le malheur de Jeanie à qui elle a interdit tout parcours scolaire simplement pour la garder auprès d’elle !

« Terre Fragile » est une description émouvante d’un milieu social qui apparaît peu dans la littérature contemporaine, on a l’habitude des dérives violentes dans le milieu urbain, mais on oublie souvent que l’isolement du monde rural peut donner lieu à des tragédies silencieuses tout aussi terribles.

J’ai des réserves par rapport à cette lecture, mais elles sont l’expression de ma difficulté à me plonger dans cette narration, je m’ennuyais ferme avec Jeanie, je me doutais dès le départ qu’elle ne pouvait pas prendre les bonnes décisions et son cerveau embrumé ne m’aidait pas à m’attacher à elle.

 

Extraits

Début comme tant de romans celui-ci débute par des considérations météorologiques.

 Le ciel du matin se dégage la neige tombe sur le cottage. Elle tombe sur le chaume, recouvre la mousse et les trous de souris, lisse les ondulations, comble les creux et les fissures, fond en se posant sur les briques de la cheminée. Elle se dépose sur les plantes et la terre nue du jardin de façade, dessine un monticule parfait comme moulé sous une tasse au-dessus du portail moisi. Elle dissimule le toit du poulailler, ainsi que ceux des cabinets et de l’ancienne laiterie, laisse une fine couche sur l’établi et le sol, à l’aplomb d’une fenêtre dont la vitre est brisée depuis longtemps.

La mort de Dot et le mensonge.

 Dans un dernier éclair de lucidité, le cerveau de Dot s’inquiète : le fracas de la poêle et de la brosse métalliques risque d’avoir perturbé les battements réguliers du cœur de sa fille, jusqu’à ce qu’elle se souvienne que c’est bien là le plus gros mensonge de tous. Le tisonnier, tombé lui aussi, roule sous la table, oscille une fois, deux fois, puis s’immobilise.

La pauvreté extrême.

 À mesure qu’elle s’affaire, elle ne cesse de se demander pourquoi Dot ne leur avait pas dit qu’elle était malade. Elle était têtue et fière, c’est vrai. Elle leur avait appris à ne jamais accepter de cadeau de quiconque parce que d’un jour à l’autre ils -en particulier si ce « ils » était le gouvernement- pouvait revenir frapper à la porte et réclamer qu’on le leur rende avec des intérêts. Jeanie n’est pas étonnée que sa mère ne soit pas allée chercher ses médicaments gratuits, elle n’est pas non plus choquée outre mesure qu’il y ait si peu d’argent dans la boîte, mais elle ne peut s’empêcher de calculer les dépenses encore et encore dans sa tête : l’enterrement ou la crémation, un cercueil, les croque-morts, le corbillard, les fleurs. Qu’est-on censé faire quand on ne peut pas se permettre toutes ses chose -enterrer sa mère dans le jardin ?

 


Édition Zulma, 267 pages, janvier 2023

Traduit du persan (Iran) par Christophe Balay

Dans ce roman, durant deux saisons, l’auteure va suivre les méandres des pensées de trois amies iraniennes : Leyla, Shabaneh et Rodja. Elles se sont rencontrées à l’université en spécialité mécanique. Chaque destinée est complexe, Leyla ne se remet pas du départ de son mari Misagh qui est parti au Canada. Elle n’a pas voulu le suivre, ou plus exactement quand elle a enfin compris que la décision de son mari était irrévocable, elle n’a pas pu le suivre. Obtenir des visas en Iran pour un pays occidental c’est très compliqué. Leyla est d’un milieu très riche et elle a mis trop temps à comprendre que son mari pouvait la laisser plutôt que de vivre en Iran. Elle est journaliste culturelle et son parcours permet de décrire les difficultés de la presse iranienne.

Shabaneh est empêtrée dans une histoire amoureuse avec un jeune homme qu’elle n’est pas sûre d’aimer, elle est aussi très sensible au sort de son jeune frère qui est handicapé mental, et qu’elle ne veut pas laisser seul avec leur mère dépressive et qui n’accepte pas le retard mental de son fils.

Rodja veut partir en France à l’université de Toulouse où elle a été acceptée. Grâce à son parcours, on comprend toutes les difficultés pour obtenir d’obtenir un visa (je doute que cela ce soit arrangé ! !)

Les trois destins s’entremêlent, et les pensées d’une fille à propos d’une autre éclairent la personnalité d’une façon nouvelle. La répression en Iran est présente mais ce n’est pas le sujet principal du livre. Par exemple, le journal dans lequel Leyla écrit et qui semble enfin lui apporter un certain bonheur est interdit de publication mais il semble que les journalistes pourront publier un nouveau titre et que la vie ne s’arrête pas. Le système de débrouille est la norme et oblige chacun à s’adapter sans cesse et à jouer avec la censure ou l’absurdité du système.

Rodja n’obtient passes papiers mais elle recommencera ! Shabaneh , c’est plus compliqué va-t-elle se marier juste parce que le garçon insiste et qu’elle ne sait pas ce qu’elle veut vraiment ?

J’ai aimé cette lecture, mais sans enthousiasme, les pensées de ces trois personnages ressemblent à celles de toutes les jeunes femmes qui cherchent à s’affirmer pour exister . Il y a un aspect exotique car cela se passe en Iran mais sans la répression telle qu’on la raconte aujourd’hui, elles tournent en rond autour de leurs problèmes de couple, de relations à leurs parents, de soirées à organiser …, bref je crois que j’oublierai vite ce roman.

Extrait

Le début.

Je te cherchais, je courais. Sur le carrelage blanc glacial du hall de l’aéroport. Dans un silence de mille ans. À chaque foulée, ma respiration haletante bourdonnait à mes oreilles, de plus en plus fort emplissant ma gorge d’amertume. Les vols internationaux étaient à l’autre bout. Ce n’était pas l’aéroport Imam Khomeini. 

Réflexion de Shabaneh.

 Faire semblant d’être heureuse. C’est la seule chose que je sache faire. On a de l’entraînement dans la maison. Moi, maman, papa. À la maison il n’y a que Mahanqui a l’air d’être heureux pour de vrai. Comment savoir ? Il est incapable d’énoncer une phrase correctement. Peut-être fait-il lui aussi semblant comme nous tous. Comme la fois où maman était si déprimée que papa nous a emmenés faire un petit voyage pour nous détendre. Mahan a vomi tout le long du trajet, en salissant toute la voiture. Où bien la foi ou on est allé à l’école de Manhan pour l’écouter chanter avec ses camarades, aussi dérangé que lui, personne n’y comprenait rien, mais on les a écoutés et applaudis, sourires figés aux lèvres. Ou le jour où maman avait organisé une fête pour célébrer mon admission à l’université et qu’elle avait confié Mahan à grand’mère pour s’épargner la honte devant les invités. Il y a longtemps qu’on fait semblant, on s’échine à mimer un bonheur simple perdu dans une suite tragique de malheur sans fin.

Les femmes iraniennes d’aujourd’hui .

On est des sortes de monstres, Shabaneh. On n’est plus du même monde que nos mère mais on n’est pas encore de celui de nos filles. Nos cœur penchent vers le passé et notre esprit vers le futur. Le corps et l’esprit nous tirent chacun de son côté, on est écartelées. 

 

 

Édition L’olivier, 211 pages, février 1999.

Je crois que je vais laisser pour un temps, mon envie de comprendre la passion de mes amies lectrices pour cet auteur. J’en ai ai un peu assez de ce Paul dépressif, toujours plus ou moins gravement malade, du personnage de dentiste pervers, de la femme Anna qui mourra dans un accident violent, de la tonte des gazons. Mais, car il y a un mais, j’ai bien aimé le passage sur la création en littérature, en effet le narrateur explique qu’aucun roman n’arrive à faire ressentir ce qu’éprouve vraiment une personne qui est terrorisée par un danger quel qu’il soit. Ici, Paul, qui a perdu ses parents depuis longtemps, a raté son mariage, est devenu écrivain et décide de partir en voyage , il fera des rencontres qui le rendront encore plus malheureux comme ces deux hommes qu’il avait trouvé assez sympathiques en Floride et assassineront de façon la plus horrible possible un homme qui n’avait qu’un défaut : être noir. Il retrouve l’endroit où son père se rendait une fois par un an pendant un mois pour pêche, l’ami de son père l’attendait et aussi une demi-sœur : son père avait donc une autre vie visiblement plus heureuse que celle qu’il a menée en France auprès de Paul et sa mère.. Près de ce lac où son père a disparu , il y a un bois réputé très dangereux où beaucoup de gens sont morts sans que l’on ne retrouve leurs corps, évidemment Paul le traversera et il reviendra en paix avec lui-même et son père.

J’oublierai vite ce roman sauf sans doute le passage sur la création romanesque , et je me promets de bien écouter mes amies pour comprendre leur plaisir à lire cet auteur dont elle ne rate aucun roman

Extraits

Le début une fois, encore météorologique.

 Il a neigé toute la nuit. Le jardin est si blanc que le monde a l’air neuf. Nous sommes le premier janvier, il fera bientôt jour. Je suis posté devant la fenêtre. Au-dessus des nuages, par une trouée, je distingue un avion. Il ne fait aucun bruit, et seules au bout des ailes, ses lumières clignotent. Il suit la route des oiseaux migrateurs, descend vers le sud, la chaleur du soleil. Je vis à la pointe du nord sur les terres du froid. Peu à peu j’apprends à endurer les rigueurs du climat et à différencier toutes sortes de neiges.

Un personnage positif, un maître d’œuvre avec lequel il a travaillé.

Da Rocha était l’un de ces êtres dont le hasard m’avait fait un temps, partager l’existence, et qui, par le seul souvenir, m’avait accompagné toute une vie. Des années plus tard, j’envoyais à cet homme un exemplaire de mon premier roman. Après l’avoir lu, il me retourna ce petit mot : « Tu as bâti tout seul ta première maison. Je suis certain que tu en construiras beaucoup d’autres, mais celle-là restera jamais dans mon cœur. » La fréquentation de Da Rocha, sa ténacité, son honnêteté professionnelle, son obstination à mener à terme un chantier dans les délais, m’ont appris davantage sur la manière de construire une histoire que tous les précis de littérature.

Écriture romanesque .

 Tandis que je contemplai cet orage, je songeais qu’un jour, si j’écrivais un nouveau livre, j’essaierai de raconter ce moment, d’en rendre l’intensité et la beauté. A présent, je mesure la vanité d’une telle ambition. Les mots quels qu’ils soient, n’ont pas l’humidité féconde que charrie le souffle de la tempête chargée de la multitude des senteurs dérobées à la cime des arbres et au sol des sous-bois. Comment restituer le bonheur de se sentir à l’abri lorsque sous le vent, battent les branches et que geignent les troncs courbés par les rafales ? Et dire cette angoisse ancestrale qui s’abat alors sur la forêt et tous ceux qui l’habitent ? Les livres ne sont qu’un tout petit miroir du monde où se mirent les hommes et l’état de leur âme mais qui jamais n’englobe la stature des arbres, l’infini des marais l’immensité des mers. Si beau que soit le texte, si attentif le lecteur de Melville, il manquera toujours à ce dernier l’émotion fondatrice, l’indispensable synapse avec le réel, ce bref instant ou surgit la baleine et où vous comprenez qu’elle vient « vous » chercher. Une chose est de lire la peur, une autre affronter. 


Édition de l’Olivier, 357 pages, septembre 2004

 

Fin du roman :

Je songeais à tous les miens. En cet instant de doute, au moment où tant de choses dépendaient de moi, ils ne m’étaient d’aucune aide, d’aucun réconfort. Cela ne m’étonnait pas : la vie n’était rien d’autre que ce filament illusoire qui nous reliait aux autres et nous donnait à croire que, le temps d’une existence que nous pensions essentielle, nous étions simplement quelque chose plutôt que rien.

Pour plusieurs lectrices du Club de lecture, Jean-Paul Dubois, fait partie des incontournables. Et je pense qu’elles organiseront une séance thématique autour des romans de cet auteur. Il est déjà présent sur Luocine avec « Les accommodements raisonnables » que j’avais apprécié mais sans plus.
Il y a chez cet auteur un effet série qui peut plaire mais que j’ai du mal à apprécier, dans tous ses romans il y a un dentiste tortionnaire, une femme (souvent la femme du narrateur) toujours appelée Anna qui meurt de façon violente, le personnage principal toujours appelé Paul qui fait du jardinage, et bien d’autres détails qui je suis certaine ravissent ses fans. Cela ne me passionne pas de jouer aux ressemblances et aux différences. Mais ce roman a un autre intérêt : celui de décrire la société française depuis les années 1950 jusqu’en 2012. Toutes les périodes sont marquées politiquement par des présidents qui ont tous les défauts possibles quand ils sont de droite, seul Mitterand trouve grâce à ses yeux, à son deuxième mandat il est surtout défendu par sa mère. Le narrateur est marqué par la mort de son frère d’une appendicite mal soignée. Sa famille s’écroule à ce moment là, son père devient silencieux et sa mère l’ombre d’elle-même , se réfugie dans son travail de correctrice. Mai 68 sera l’occasion pour Paul de mettre le bordel partout, ce sont ses mots, il est très désabusé et très amer, il ne rencontre que des gens médiocres pour lesquels in n’a aucun respect, que ce soient ses profs de lycée ou les enseignants de l’Université de Toulouse le Mirail. La section de sociologie se résumait à des prises de position politiques toutes plus fumeuses les unes que les autres. La vie professionnelles sera du même acabit un supérieur sadique dans une administration et un proviseur pervers et qui ne cherchera qu’à lui nuire dans un lycée. Il épousera une femme riche et belle , ils auront deux enfants et lui gagnera beaucoup d’argent en faisant deux livres à grand succès, « les plus beaux arbres de France » et « les plus beaux arbres du monde » . Sa femme Anna meurt dans un accident d’avion, et il découvrira la faillite de son affaire de Jacuzzi, et son infidélité. Sa fille devient schizophrène et lui jardinier parce qu’il a perdu tout son argent dans la faillite des affaires de sa femme.
J’ai été surprise du nombre de personnes négatives que ce pauvre Paul rencontre dans sa vie, bien sûr il y a un dentiste sadique mais pas que. Les scènes de fêtes avec alcool, drogues, et sexe m’ont fait penser que nous n’avions pas eu la même jeunesse.
Malgré toutes ses réserves , c’est un roman qui se lit bien et cette plongée dans le passé que j’ai vécu moi aussi m’a permis de revivre ma jeunesse. Sauf que, comme beaucoup d’entre nous, je n’ai pas eu comme le narrateur la chance de faire un mariage qui m’aurait permis de ne pas travailler, ni de produire un livre qui m’aurait rendue riche pour le reste de ma vie. Cet écrivain journaliste qui s’épanouit dans l’entretien des jardins on n’y croit pas beaucoup mais ça fait un contrepoint à toutes les turpitudes des soi-disant intellectuels.

Extraits

Début.

 Et ma mère tomba à genoux. Je n’avais jamais vu quelqu’un s’affaisser avec autant de soudaineté. Elle n’avait même pas eu le temps de raccrocher le téléphone. J’étais à l’autre bout du couloir, mais je pouvais percevoir chacun de ses sanglots et les tremblements qui parcouraient son corps. Ses mains sur son visage ressemblaient à un pansement dérisoire. Mon père s’approcha d’elle, raccrocha le combiné et s’effondra à son tour dans le fauteuil de l’entrée. Il baissa la tête et se mus à pleurer. Silencieux, terrifié, je demeurai immobile à l’extrémité du corridor.

La place du deuil de son frère (de 10 ans le narrateur en a 8).

 La mort de Vincent nous a amputé d’une partie de nos vies et d’un certain nombre de sentiments essentiels. Elle a profondément modifié le visage de ma mère au point de lui donner en quelques mois les traits d’une inconnue. Dans le même temps, son corps s’est décharné, creusé, comme aspiré par un grand vide intérieur. La disparition de Vincent a aussi paralysé tous ses gestes de tendresse. Jusque-là si affectueuse, ma mère s’est transformée en une sorte de marâtre indifférente et distante. Mon père autrefois si disert, si enjoué s’est muré dans la tristesse, le silence, et nos repas jadis exubérants, ont ressemblé à des dîners de gisants. Oui, après 1958, le bonheur nous quitta, ensemble et séparément, et à table nous laissâmes au speaker de la télévision le soin de meubler notre deuil.

L’horrible grand mère.

 Je pense que ma grand-mère est la seule personne dont j’ai réellement souhaité et espéré la mort. J’en ai aussi longtemps voulu à mes parents de ne pas remettre ce personnage à sa place, mais il est vrai qu’à l’époque il était normal d’endurer stoïquement la torture des ascendants fussent-ils de francs salopards.

La jeunesse du narrateur.

Drôle d’époque. La plupart d’entre nous traversaient cette période dans cette état d’hébétude caresse caractéristique des explorateurs qui découvrent un monde nouveau. Ce continent là était celui de toutes les libertés, de terre aussi inconnues qu’immenses, où l’air du temps nous encourageait à vivre sans temps morts, à jouir sans entraves. Ce que l’on nous proposait, ce qui s’offrait à nous c’était une aventure sans précédent, un bouleversement en profondeur des relations entre les hommes et les femmes, débarrassées de la gangue religieuse et des contrats sociaux. Cela impliquait la remise en cause de l’exclusivité amoureuse, la fin de la propriété des corps, la culture du plaisir, l’éradication de la jalousie, et aussi, pourquoi pas, « la fin de la paupérisation le soir après cinq heures ».

Dieu.

 

 L’idée de Dieu était la pire des choses que l’homme eût jamais inventé. Je la jugeais inutile, déplacée, vaine et indigne d’une espèce que l’instinct et l’évolution avaient fait se dresser sur ses pattes arrières mais qui, face à l’effroi du trou, n’avait pas longtemps résisté à la tentation de se remettre à genoux. De s’inventer un maître, un dresseur, un gourou, un comptable. Pour lui confier les intérêts de sa vie et la gestion de son trépas, son âme et son au-delà.

L’amour.

 Je tenais l’amour pour une sorte de croyance, une forme de religion à visage humain. Au lieu de croire en Dieu, on avait foi en l’autre, mais l’autre justement n’existait pas davantage que Dieu. L’autre n’était que le reflet trompeur de soi-même, le miroir chargé d’apaiser la terreur d’une insondable solitude. Nous avons tous la faiblesse de croire que chaque histoire d’amour est unique, exceptionnelle. Rien n’est plus faux. Tous nos élans de cœur sont identiques, reproductibles, prévisibles. Passer le foudroiement initial, viennent les longues journées de l’habitude qui précèdent le couloir infini de l’ennui.


Édition Quai Voltaire La table Ronde, 467 pages, paru en 1950 et réédité en mars 2022 .

Traduit de l’anglais par Denise Van Moppes

C’est un livre qui a enchanté plusieurs d’entre vous, si vous me le signalez, je mettrai un lien vers vos blogs.

Pour une fois, je peux raconter la fin, sans m’attirer le moindre reproche, puisqu’elle fait l’objet du premier chapitre. Une maison transformée en hôtel, a été complètement ravagée par l’effondrement d’une falaise qui la surplombait à l’arrière. Le pasteur qui doit écrire une homélie à la mémoire des disparus nous annonce que, le récit de ce qu’il s’est passé dans cet hôtel, lui a été fait par les survivants. Le récit, qui s’étale sur une semaine, suit les différents occupants de cette maison-hôtel,(on dirait chambre d’hôtes aujourd’hui) jour après jour, jusqu’à la catastrophe finale.

Un petit tour des différents protagonistes acteurs de cette histoire :

Mr. et MRS Siddal et leurs quatre garçons., Mr. Siddal est le propriétaire de la maison mais n’a jamais voix au chapitre, il est relégué au second plan dort dans un placard à chaussures parce qu’il n’ouvre jamais son courrier, il portera une lourde responsabilité dans la catastrophe que, pourtant, les autorités lui avaient annoncée.
Mrs. Siddal veut absolument avoir assez d’argent pour envoyer son plus jeune fils dans une bonne université. Elle n’aime pas son aîné, Gerry, médecin qui semble le seul à vraiment l’aider.

Nancibel une jeune fille du village qui vient aider.

Fred un homme à tout faire légèrement débile.

Ellis la cuisinière femme de chambre, colporteuse de ragots, la méchanceté personnifiée

Lady Gifford son mari Sir Henry Gifford et leurs enfants. La femme se prétend malade et veut être servie uniquement dans sa chambre, elle a visiblement quelque chose à cacher. Son mari a de plus en plus de mal à la supporter, leurs enfants, l’ainée Hebe, enfant adoptée jouera un rôle important dans l’histoire, Caroline leur fille, Luke et Mikael adoptés également

Mr Paley et sa femme Christina. Ils ont perdu un enfants et se sont enfermés dans une tristesse sans fond.

Mrs Cove et ses trois filles, Blanche, Beatrix et Maud , cette femme horrible martyrise ses enfants et ne pense qu’à l’argent

Mrs Wraxton le chanoine irascible et odieux avec sa fille Evangeline

Bruce secrétaire et amant de la vieille écrivaine Mrs Anna Lechene une femme aux mœurs dépravés et qui jouera un bien vilain rôle dans cette histoire.

Le drame va se nouer autour des enfants Cove qui rêvent de faire partie de la bande des enfants Gifford, les trois filles ont failli périr noyées pour le plus grand soulagement de leur mère qui ne rêve que d’une chose s’en débarrasser. Pour les consoler Christine Parley sortant enfin de son deuil et aidée par Evangeline Wraxton, va organiser pour les pauvres petites un festin (d’où le titre) en haut des falaises . Tous les gentils (ou presque gentils) de l’histoire s’y retrouveront et assisteront à l’effondrement d’une partie de la falaise sur l’hôtel tuant d’un seul coup les plus horribles des protagonistes du drame. L’intrigue du roman est remplie d’anecdotes tragiques, la pire sans doute est celle qui concerne Hebe que l’écrivaine aide à s’enfuir pour aller dans une communauté avec un vieux pervers qui veut abuser de la petite fille en la saoulant tout d’abord. L’horrible Mrs. Cove cette femme sans cœur essaie de faire de l’argent avec tout sans aucun scrupule, elle a essayé de rouler la grand-mère de Nancibel en lui rachetant pour trois sous un objet qui aurait pu en valoir 2000. Mais cette fois c’est elle qui sera trompée, sur la valeur de l’objet.

J’ai lu sans déplaisir ce roman, mais je me souviens d’avis enthousiastes, je suis beaucoup plus mesurée. D’abord cela m’a profondément agacée que les femmes soient celles par lesquelles tous les malheurs arrivent. La méchanceté voire la cruauté est essentiellement féminine, Ellis là colporteuses de ragots agit par pure méchanceté sans qu’on comprenne bien pourquoi, Mrs Siddal favorise outrageusement un de ses enfants au dépend de celui qui semble le seul prêt à l’aider, Lady Gifford est malhonnête et fait le malheur de son mari et de ses enfants, l’écrivaine célèbre est dépravée mais la pire de toutes c’est bien sûr Mrs. Cove.

Pour équilibrer, il y a le chanoine qui est colérique et empêche Evangeline d’être heureuse, et Mr. Siddal qui est paresseux et négligent.
Comme tous les méchants resteront sous les tonnes de cailloux on peut se dire que l’histoire finit bien.
Je n’ai pas pu croire à aucun des personnages proposés dans cette histoire, sauf Nancibel, qui est la jeune fille la plus sensée de ce récit. Le style de l’auteure est vieillot tout est exposé dans des dialogues et des réflexions intérieures des personnages sans nuance. J’ai eu parfois eu l’impression de lire un roman pour adolescent dans la forme et dans l’absence de nuance pour décrire la méchanceté. Un aspect m’a bien intéressé : les réalités économiques de l’Angleterre à la sortie de la guerre 39/45. Mais ce n’est vraiment pas le cœur du roman.
Bref, je suis contente d’avoir sortie ce roman de mes étagères, mais j’ai regretté de n’avoir pas ressenti l’enthousiasme que j’avais lu dans vos billets.

 

Extraits

Début du prologue.

En septembre 1947, le révérend Gérald Seddon, de St Frideswide, Roméo s’en fut comme chaque année passer quelques semaines chez le révérend Samuel Bott, de St Sody, Cornouailles.
 C’étaient de vieux amis et leurs vacances ensemble constituaient leur plus grand plaisir. Car Bott, qui n’avait pas les moyens de s’absenter, s’accordait une espèce de congé pendant que Seddon était chez lui. Il troquait alors la soutane qu’il portait en tout autre temps contre un vieux contagnel et un chandail et il s’en allait observer les oiseaux sur les falaises. Le soir, ils jouaient aux échecs. 

Les Paley.

 Les Paley donnaient toujours cet impression de tragédie momentanément suspendue Ils prenaient chaque matin leur petit déjeuner dans un silence farouche et concentré, comme pour se préparer à soutenir quelque énorme effort au cours de la journée. Quelques instants après, on pouvait les voir traverser la plage portant des livres, des coussins, et un panier de pique-nique. Ils marchaient l’un derrière l’autre, Mr Paley en tête. Ils montaient le sentier de la colline et disparaissait sur le promontoire. À quatre heures,caprès s’être, comme le disait l’impertinent Duff Siddal, débarrassé du cadavre, ils rentraient, toujours l’un derrière l’autre, prendre le thé sur la terrasse. On avait peine à croire qu’ils n’avaient rien fait d’autre de la journée que lire et manger des sandwichs.

La gouvernante , l’horrible Ellis.

 – Bon. Quand vous aurez fini le salon, vous irez aider à la cuisine. je descends tout de suite. »
 Ce questionnaire se répétait tous les matins et son caractère offensant était très net. Il sous-entendait que Nancibel n’avait ni assez d’intelligence pour se rappeler l’emploi du temps quotidien, ni assez de conscience pour le suivre sans qu’on l’y obligeât. Cela s’appelait Être-après-cette-fille et constituait, selon miss Ellis, sa principale fonction une tâche qu’on ne pouvait accepter pour moins de quatre livres par semaine.

Richesse et pauvreté après la guerre .

 Dans le wagon, les autres voyageurs se sentaient solidaires de la veuve, et l’image que renvoyaient les Gifford ne risquaient pas de les faire changer d’avis. Ils paraissaient particulièrement bien nourris, et aucune famille ne pouvait être aussi impeccablement habillée grâce aux seuls coupons de rationnement. De toute évidence, ils faisaient partie de ces gens qui se ravitaillement au marché noir, portaient des bas de contrebande et ne faisaient aucun scrupule, en temps de pénurie de prendre plus que leur part.
(…)
 Les nouvelles occupantes ne respiraient ni les dents rées du marché noir ni les cartes de rationnement textiles achetées à quelques femmes de ménage dans le besoin. Elles avaient l’air d’une illustration de propagande pour la campagne « Sauvez l’Europe ». Tout en elles était maigre. Les trois fillettes étaient longues et pâles comme des plantes poussées dans l’obscurité. Elles avaient des dents en avant mais ne portaient pas d’appareil dentaire ; leurs yeux bleu clair étaient myopes, mais elles n’avaient pas de lunettes. On leur avait coupé les cheveux au bol, et leurs robes de coton râpé couvraient à peine leurs genoux osseux.

La championne des ragots : la gouvernante miss Ellis.

 « Un jour, promit miss Ellis, je dirai à la jeune Hebe Gifford d’où elle vient. Gifford ! Elle ne s’appelle pas plus Gifford que moi. Ils l’ont adoptée. C’est une bâtarde, l’enfant d’une bonne probablement. Et c’est moi qui vide ses pots de chambre ! »

 

 

 

 


Édition Rivages/noir, 444 pages, août 2016

Traduit de l’anglais (Irlande) par Fabienne Duvigneau

Encore une lecture que je dois à la blogosphère pour faire un cadeau à une amatrice de polars. Mais cette fois-ci je vais l’offrir car dans le genre je le trouve très intéressant. Le titre « Ratline » est le nom qu’on donnait aux filières d’exfiltration pour mettre les nazis à l’abri de la justice, surtout en Amérique latine, mais aussi et cela on le sait moins en Irlande Je raconte rapidement le propos (rassurez-vous, je n’en dévoilerai pas trop !) : un espion irlandais, Albert Ryan qui est le héros de cette histoire se trouve mêler à une enquête de meurtres d’ancien Nazis en 1963, quelques mois avant l’arrivée de Kennedy en visite officielle en Irlande. L’histoire est très embrouillée et très violente, trop pour moi, mais ce que j’ai aimé c’est qu’on découvre l’après guerre 39/45 en Irlande, ce pays n’a pas pris part au conflit car il ne voulait pas aider l’Angleterre son ennemi de toujours, et après la guerre, il a servi de refuges à des anciens Nazis mais aussi aux dirigeants du mouvements autonomistes bretons. J’ai aimé aussi la peinture de l’Irlande avec ses intolérances religieuses, le héros Ryan est protestant et surtout s’est engagé dans l’armée anglais pour lutter contre Hitler. Cela explique à quel point il se sent seul dans son propre pays. On découvre aussi le personnel politique irlandais vu sous un aspect peu sympathique : corruption en tout genre !

La peinture de ces personnages peu reluisants a suffit à mon bonheur de lectrice, ensuite pour l’intrigue, je vous en laisserai juge . J’ai trouvé un peu compliqué de comprendre qui manipule qui. Et je déteste les scènes de tortures, et il y en a beaucoup. Qui est le puissant ? L’ancien Nazi ? le ministre de la justice irlandaise ? les anciens espions anglais qui veulent récupérer l’or des nazis ? le Mossad ? Un vrai panier de crabes où tous les coups sont permis, mais c’est le genre qui veut ça.

C’est Sandrine qui m’avait donné envie de lire et d’offrir ce livre et son billet est beaucoup plus détaillé que le mien car elle aime le genre policier et a su voir en celui-ci une originalité que d’autres romans du même genre n’ont pas. Je suis d’accord avec elle, le principal intérêt de ce roman, c’est l’analyse de l’Irlande d’après guerre, et l’auteur s’appuie sur une recherche historique sérieuse et fouillée.

 

Extraits

Début.

 « Vous ne ressemblez pas à un Juif » dit Helmut Krauss à l’homme qui se réflétait dans la vitre.
 De l’autre côté de la fenêtre les vagues furieuses de l’atlantique lançaient leur écume contre les rochers de la baie de Galway. La maison d’hôte offrait un confort rudimentaire mais c’était propre. Les pensions et hôtels de Salthill, petite ville proche de Galway accueillait en été des familles venues de toutes l’Irlande pour profiter de quelques jours d’air salé et de soleil.

Les divisions des Irlandais.

 « Je sais pas de quoi tu parles. Si ton vieux ne supporte pas la concurrence il n’a qu’à faire ses valises et fiche le camp. » Prenant de l’audace, Lahon se dressa de toute sa hauteur.  » Il aurait dû partir depuis longtemps. On n’apprécie pas trop les gens comme vous par ici.
– Les gens comme nous ? c’est-à-dire ?
Mahon s’humecta les lèvres, déglutition, tira sur sur sa cigarette. « Les protestants, répliqua-t-il, en envoyant sa fumée au visage de Ryan. Surtout quand leur rejeton copine avec les anglais. »

Les autonomistes bretons.

 L’avènement du Reich était apparu comme un baiser de Dieu. Un cadeau offert, le moyen de parvenir à l’objectif que les Bretons n’avaient pas le pouvoir d’atteindre seuls. Aussi tandis que la France tombait devant l’offensive ennemie, Lainé organisa ses hommes, leur procura des armes fournies par les allemands et prit la tête des opérations.
 Bientôt Lainé se découvrit un talent qu’il ne soupçonnait pas. Ingénieur chimiste de formation, il avait déjà mis à profit son savoir en fabriquant des engins explosifs, mais sa nouvelle vocation surprit tout le monde, à commencer par lui-même : il excellait à soutirer les informations aux prisonniers.

Une autre autonomiste .

– Vous avez collaboré ?
 Elle ramena son regard sur Ryan, ses yeux comme des aiguilles qui lui transportaient la peau. « Appelez ça comme vous voudrez. Moi je me considère comme patriote et socialiste. Les Allemands nous promettaient notre indépendance, notre propre gouvernement nous les avons crus. Nous étions naïfs, peut-être, mais n’est-ce pas l’apanage de la jeunesse ? »

Paroles d’un espion du Mossad.

 La guerre ne finit jamais. Je me bats pour un minuscule territoire entouré d’une douzaine de pays qui veulent le mettre à feu et à sang jusqu’à ce qu’ils ne restent plus aucune trace de nous sur cette terre. S’ils ne se haïssaient pas entre eux autant qu’ils nous haïssent, ils nous auraient poussé dans la mer il y a dix ans.

 

 

 


Édition Grasset, 238 pages, janvier 2024.

 

Depuis sept ans j’avais édifié toute la vie imaginaire de mon oncle d’Australie sur du sable

 

Ce roman étant sur la table des nouveautés, je me suis souvenue de « L’effroi« , qui m’avait tant plu, du même auteur. Ce roman a plusieurs centre d’intérêt, l’effort d’un écrivain pour résoudre un secret de famille, les dégâts que provoquent le dévoilement du secret et le travail d’un écrivain pour créer un roman.

Le secret de la famille Garde est celle d’un oncle Marcel qui pour toute la famille est allé vivre en Australie en 1900 et y est mort en 1910. Le père de l’écrivain, a été élevé dans ce secret sans jamais avoir questionné son père ni sa mère, l’écrivain après avoir trouvé la solution décide de laisser son père dans ce mensonge. La création littéraire permet de comprendre tout le talent, la première partie nous permet de suivre l’oncle Marcel en Australie et nous lecteur, avide de connaître la vérité nous avons bien l’impression que l’auteur nous fait revivre la vie de son oncle exilé en Australie. L’auteur nous permet au passage de comprendre combien la vie des émigrants en Australie était difficiles surtout quand on était français.

Comme souvent, autour de la solution de la découverte, le lecteur est surpris à quel point c’était facile de trouver la solution du secret. Tout était dans les archives militaires, Marcel n’est donc jamais allé en Australie et il a été condamné pour vol, et s’il a bien été exilé c’est au bagne qu’il a fini sa vie.

Vous, les antidivulagâcheuses, ne soyez pas inquiètes, l’intérêt du roman ne vient pas de ce suspens mais du travail de l’écrivain pour créer une narration. Il réussit très bien à faire revivre sa famille et l’époque.

Je n’ai pas été passionnée par ce roman mais très intéressée par les réflexions sur la créations littéraire, l’auteur sait si peu de choses sur la vie de Marcel que le point essentiel que je me pose le pourquoi de ce parcours tragique ne trouve aucune explication.

 

Extraits

Début du prologue.

 Mon père avait souhaité des obsèques simples dans la banale église de son quartier à Aix-en-Provence. Pour des raisons tenant à l’organisation des paroisses en fin de pandémie, elle se déroulèrent dans la nef solennelle et sombre de la cathédrale Saint-Sauveur. Des touristes déambulaient tout autour, étrangers à la cérémonie, bruyamment discrets.

Début du roman.

 Depuis Fontaine-de-Vaucluse qui en 1900 s’appelait encore simplement Vaucluse, Gustave Garde se renseigne sur les mouvements des navires vers les destinations les plus lointaines. Aux soucis quotidiens de la gestion de son usine électrique s’ajoutent ceux de la préparation du voyage de son fils aîné. Du dernier voyage songe-t-il avant de se raviser. Le cimetière n’en est pas le but et les croque-morts ne sont pas convoqués. Du dernier voyage de Marcel Garde pour ce qui concerne son père.

Vérité et roman.

« Votre roman, c’est d’après une histoire vraie ? »
 Cet interrogation m’a longtemps décontenancé. Je n’ai jamais osé rétorquer :  » Si vous ne voulez que des histoires vraies, contentez-vous de lire des actes notariés, des biographies ou des rapports de police ! » les premières fois, je bredouillais :  » Est-ce donc si important pour vous ? » Désormais, je réponds d’une boutade qui n’amuse que moi  : » Ce roman-là c’est d’après une histoire fausse. »
 La véracité d’un récit est-elle un atout ou une pesanteur ? Visiblement, pour ceux qui veulent s’en assurer, une forme de réconfort, ou plutôt de garantie. Ils n’acceptent de s’abandonner au risque délicieux de la lecture qu’avec la paisible bouée du certificat d’authenticité.

Réalité et personnage.

 Marcel Garde n’est plus rien. Je n’ai toujours pas la moindre idée de ce qu’il est devenu. Aucune tombe sur laquelle se recueillir. Aucune descendance connue. Mon oncle d’Australie n’est plus rien – que ces mots.
 À ce quasi inconnu, je consacre un livre entier, en complétant les vides et les silences. J’exporte tous les possibles, j’écris dans les blancs de cette histoire qui en comporte tant.
 Comme romancier, je décide de ma guise du sort des personnages que j’ai créés Ici je ne peux que suivre quelques-uns de mes parents, sans pouvoir modifier leur trajectoire ni les alerter sur les conséquences de leurs actes. De ces vies préexistantes, je ne suis que le scribe et non le grand ordonnateur mais même les scribes parfois sont attristés.

Vérité.

 « Condamné par la cour d’assises des Bouches-du-Rhône le 30 juillet 1907 à dix ans de travaux forcés et à la relégation pour vol qualifié »
Depuis sept ans j’avais édifié toute la vie imaginaire de mon oncle d’Australie sur du sable

 


Édition Pointillés Belfond, 264 pages, août 2020

 

J’ai soixante-seize ans. Je sais à peine lire et écrire. Je devais être la gloire de l’humanité. J’en suis la lie.

Je ne sais plus où j’ai trouvé ce roman mais peut-être que je retrouverai la trace de ce blogueur ou blogueuse dans les commentaires. Il s’agit d’un roman étrange, la personne qui dit « je » (Hildegard Müller) est une femme de 76 ans, elle dit qu’elle donne sa voix à un scribe qui va mettre en mot ce qu’elle ressent. Dans de courts chapitres qui ne dépassent pas une page, elle livre par fragments ses souffrances. Elle est une enfant du programme du « Lebensborn » des Nazis. Elle ne sait rien de sa naissance, ni surtout de sa conception. le plus probable c’est que sa mère était norvégienne et son père un SS . L’origine de sa mère lui vaut d’être envoyée en Norvège après la guerre , autre moment de souffrance, elle arrive dans un pays qui veut se refaire une virginité par rapport au Nazisme, que le pays a soutenu pendant la guerre, pas tous les habitants certes mais avec une participation officielle aux thèses Nazies . Que faire de ce bébé que l’on voit comme une bébé Nazie ? elle a été considérée comme retardée car elle ne parlait ni norvégien ni allemand, et a été mise dans une centre pour handicapées.

Dans tout le livre, Hidelgarde reproche à tous les organismes d’après guerre de n’avoir jamais considéré ces bébés du « Lebensborn » comme des victimes du Nazisme, et aucun Allemand n’a été jugé pour ces faits qui concernent tant d’enfants. Entre ceux qui sont nés comme elle, d’un accouplement guidé pour produire un bon « produit » aryen, et ceux qui ont été kidnappés en particulier en Pologne, il y avait largement de quoi examiner ce programme comme appartenant au crime contre l’humanité . Les Nazis devaient se douter que ce programme leur serait reproché car ils ont brûlé toutes les archives de ce programme. Elle compare son destin à Anne Franck , et considère que si elle est une vivante-morte grâce à son cahier, elle est une morte-vivante. Je dois dire que je retiens qu’elle est vivante.

Je ne sais pas ce qu’il aurait fallu faire pour lui redonner confiance en elle. Je peux comprendre sa souffrance , le début horrible de sa vie est tel ,qu’il aurait fallu tellement de finesse pour lui redonner un peu de bonheur et elle n’a jamais rencontré la moindre compassion. Bien au contraire toutes les portes se sont toujours fermées et elle s’est sentie jugée comme « bébé nazie ».

J’ai vu qu’il existait plusieurs livres d’historiens sur le « Lebensborn » et je crois que, comme souvent, pour ce sujet tragique je préfère les essais que le roman. Mais je reconnais à cet auteur le talent d’avoir imaginé un personnage crédible dont la mémoire se heurte sans cesse à la souffrance de sa naissance. Cela permet de comprendre l’horreur de ce programme que, l’après guerre, a voulu oublier sans se donner le mal de soigner ces pauvres petits nés dans ces pouponnières industrielles.

 

Extraits

Début.

Je m’appelle Hildegard Müller. Ceci est mon journal. Mon journal a de particulier que ça n’est pas moi qui l’écris. J’ai engagé un écrivain, un scribe ; un traducteur en quelque sorte. Il traduit ma vie en mot. Je parle, il écrit.

Le sort des femmes collabo.

 Cortège de la honte, ceux qui les insultaient, leur crachaient dessus, leur arrachaient leurs vêtements. Ils hurlaient cela même qui s’étaient tus quand on déportait leurs voisins. Proies faciles les femmes n’ont finissent jamais de payer les conflits initiés par les hommes.

Ce passage est intéressant, il constitue la page 156 : un chapitre entier.

 C’est tiède d’être orpheline de parents vivants. Disparus sans laisser d’adresse. Pas vraiment morts. Pas vraiment disparus. Pas vraiment parents. Une lettre de mère par-ci, une photo de père par-là. Ou alors en personne. Douche glacée. Ils nous demandent de la mettre en veilleuse. Notre naissance ne doit pas être. Même pour ceux qui nous ont conçus. Ils expliquent qu’ils ont refait leur vie. Ils ont fait notre vie aussi, mais elle ne doit pas avoir été. La mère cette clé du savoir devient un verrou supplémentaire. Un de nos amis la retrouver après vingt ans de recherche. Ses premiers mots : « Surtout tu m’appelles tante ! » Comme si maman devait lui être à jamais imprononçable. Il est repartit plus orphelin. Avec en lui le crime de sa naissance à ne pas révéler.

Personne n’a été condamné pour le programme d’enlèvement d’enfants ni pour le Lebensborn

 On sait tout de même qu’elle (Inge Viermetz) s’est occupée du « transfert » de trois cents enfants polonais. Elle est donc accusée d’enlèvement. Mais elle plaide son rôle subalterne. Je vais finir par croire que les nazis étaient une armée de débiles qui obéissaient sans jamais penser par eux-mêmes. Et puis, elle affirme avoir agi par compassion. Les juges la croient. Elle est acquittée le 10 mars 1948.