Édition le livre de poche, 279 pages, mai 2024
Traduit de l’allemand par Dominique Autrand
Ce roman ira très bien dans le mois de littérature allemande
C’est à travers une rencontre agréable dans une librairie de Dinan que j’ai acheté ce roman. Le très jeune libraire qui venait de le finir m’a dit avoir été séduit par le cheminement de deux femmes qui arrivaient à se réparer mutuellement. C’est le cœur du roman, une jeune fille anorexique de 17 ans qui s’auto-mutile et qui fugue de tous les centres dans lesquels on la place pour « l’aider », rencontre une femme de 50 ans paysanne qui lui offre l’hospitalité. Cette femme ne cherche pas à la retenir, mais peu à peu elles vont s’apprivoiser et se faire confiance. On découvre au fil de la narration le lourd passé de Lizz, la paysanne que tout le village rejette. Dès le début, on sait qu’elle aussi était malheureuse dans sa famille, avec un père tellement strict qu’il enlevait toute joie de vivre aux gens qui vivaient à ses côtés. Elle fuira cette vie avec un garçon qui s’avère violent et peu intéressant. Ensemble ils auront un enfant. Je m’arrête là pour vous laisser découvrir le fil de la narration.
Sally, la jeune révoltée, fuit un milieu familial trop conformiste mais qui voudrait lui redonner le goût de la vie.
Lizz sans vouloir vraiment le faire s’y prend mieux que tous les thérapeutes , car elle n’oblige pas la jeune fille à vivre chez elle, elle peut partir quand elle veut, mais c’est à travers le travail de la ferme que Sally va retrouver le goût de vivre. Et voilà l’autre intérêt du roman, la description minutieuse du travail dans une ferme rhénane : la cueillette des fruits, leur transformation en alcool, le travail de la terre, les vendanges. L’auteur sait rendre les atmosphères humides et fraîches des petits matins dans les vignes. il sait décrire aussi le changement du regard de Sally sur la campagne environnante, et enfin visiblement, il connaît bien les tourments de l’adolescence.
J’ai une réserve sur la crédibilité des personnages, il est rare selon moi qu’une anorexie aussi sévère ne vienne que du côté routinier des parents. Le le secret de Lizz est bien lourd à porter et l’ouverture finale, le rapprochement possible de Lizz et de son fils me semble vraiment difficile à réaliser. Je demande sans doute trop à la création romanesque, alors que, Ewald Arenz, décrit si bien les tourments de l’adolescence et mieux encore une région agricole viticole allemande qu’il connaît visiblement très bien. Si je retourne à Dinan, je féliciterai le jeune libraire pour son conseil. Je sais qu‘Eva avait recommandé cette lecture.
Extraits
Début.
Au sommet de la route étroite qui montait entre chants et vignobles, l’air chaud vibrait sur l’asphalte. Liss, qui grimpait lentement la côte sur son vieux tracteur sans cabine, croyait voir de l’eau, une eau plus fluide que la normale ; plus légère et plus endoyante Une eau qu’on ne buvait qu’avec les yeux.Sur les champs moissonné où luisaient les chaumes, le blé était encore présent dans la puissante odeur de paille ; poussiéreuse, jaune, saturée. Le maïs commençait à sécher ; son bruissement dans la brise d’été n’évoquait plus le vert, il se transformait en un chuchotement rauque à la lisière du champ.
Le ressenti de Sally en centre psy.
On était vendredi, et personne n’avait encore retrouvé Sally, personne ne lui avait parlé longuement, gentiment, sans lui faire de reproches, rempli de compassion mais aussi d’une haine cachée derrière chaque mot gentil. De la haine contre elle, qui ne voulait pas se soumettre, qui fuguait sans arrêt, qui n’écoutait pas leurs voix douces, compatissantes, compréhensives, mais les regardait toujours dans les yeux, longtemps, jusqu’à ce que le faux mur de gentillesse professionnelle, de chaleur et de compréhension s’effrite, laissant transparaître l’ennui, et l’indifférence et la haine.
Toujours Sally, si mal dans sa peau dans sa peau.
La maison. L’école. Les cliniques. On y entrait, et voilà que les ficelles, les chaînes, les cordes et les filets se mettaient à pousser des murs et du plafond, il devenait de plus en plus difficile d’aller et venir à l’intérieur, ils devenaient de plus en plus impossibles de sortir- de la maison, de l’école, des maisons des amies et de partout. C’étaient des chaînes souples, des cordes élastiques et des filets en caoutchouc, mais plus on voulait partir, plus ils vous retenaient, vous tiraient doucement en arrière ; la nuit, ils devenaient collants et lourds et si on ne fermait pas la bouche, si on ne respirait pas par le nez ils pénétraient en vous. Ou bien, ils se collaient à la nourriture et on les avalait par mégarde comme un cheveu, un cheveu qui n’en finissait pas, de plus en plus épais il se liquéfie à l’intérieur jusqu’à vomir. Parfois il vaut mieux ne pas manger.
J’ai commencé ce roman pour les Feuilles allemandes mais j’ai arrêté.J’ai bien conscience que c’est une histoire belle et forte mais pour moi c’est trop lent, j’ai du mal avec ce genre de lecture…
les écrivains allemands ont souvent un rythme plus lent que les français mais il ne faut pas trop généraliser.
Je l’avais commencé (n gros caractères ‘où mon abandon), mais j’accrochais pas mal à l’histoire.
pour moi ce fut une lecture agréable avec quelques réserves. je suis d’accord avec toi le=s gros caractères n’aident pas la lecture .
Il y a eu une lecture commune la semaine dernière, tu dois donc être la quatrième à en parler récemment. Je l’avais noté chez Fabienne l’an dernier, aux « feuilles allemandes ». Il est à la bibliothèque, je l’emprunterai tôt ou tard.
c’est tout à fait par hasard je garde mes billets de littérature allemandes pour novembre mais je l’ai lu il t a un mois ou deux.
j’ai une petite prévention envers ce genre de livre qui donnent à penser que c’est simple d’aider et de guérir
Dans la réalité ce n’est pas vraiment comme ça hélas donc prudence
comme beaucoup de gens qui ont rencontré dans leur vie la maladie mentale, tu sais (et moi aussi je le sais) , que non il n’y a pas de « déclic » , pas de « baguettes magiques » ce sont de lentes reconstructions vers la vie et quelque fois, l’adolescent, dans le cas de l’anorexie l’adolescente le plus souvent, ne guérit jamais , hélas! mais ce livre reste agréable à lire.
Je ne connaissais pas du tout ce roman, qui pourrait bien me tenter.
tu vois que je ne suis pas la seule à avoir aimé , c’est un bon point pour lui
Je fais partie de celles qui ont aimé ce roman. De plus, je l’ai lu au bon moment et ça joue beaucoup ! Je trouve que le comportement de Sally était crédible (l’auteur est prof au lycée), ses réactions, son regard sur ses parents…, pour sa guérison ce sera sûrement plus compliqué. J’avoue avoir eu surtout beaucoup d’empathie pour Lizz, sa solitude m’a beaucoup touchée – la fin enlève la fatalité de son destin et lui donne un peu d’espoir, mais bon…
Il y a de bons libraires à Dinan !
Merci pour cette nouvelle participation.
C’était un jeune employé de la grande librairie de Dinan, et son enthousiasme m’a conquise. J’ai lu plus attentivement ce roman grâce à cette rencontre.
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Comme Sandrine, je me suis lassée de la lenteur de l’intrigue. Je suis allée au bout de la lecture sans déplaisir mais il y a quelques bémols et je suis loin d’être aussi enthousiaste que les autres lectrices.
je l’ai sans doute lu au bon moment pour moi, les lenteurs ne m’ont pas dérangée.
Un titre que j’avais noté, mais finalement jamais lu.
il reste toujours dans les rayons si tu veux il t’attendra !
Parfois les guérisons peuvent paraître trop faciles, mais dans plusieurs cas on ne sait pas vraiment ce qui va provoquer le déclic libérateur. Je note tes réserves, mais il pourrait m’intéresser.
selon mon expérience il n’y a jamais de « déclic » mais une lente reconstruction vers la vie .