Édition stock, août 1995, 266 pages

Je suis allée vers ce roman car je suis très rétive à la Science Fiction mais que j’aime bien aussi changer d’avis sur mes a priori. le billet de Karine était tellement enthousiaste que j’ai immédiatement pensé voilà une bonne occasion de sortir de mes idées toutes faites.

Je reconnais, à Jacqueline Harpman, un vrai talent d’écrivaine, car on part sans aucune difficulté dans son histoire . Elle a une imagination féconde et le sens du détail. Dans la première partie du roman nous sommes avec la narratrice la plus jeune des quarante femmes enfermées dans une cave surveillée sans cesse, jour et nuit, par des gardiens. Les règles sont strictes, elles ne doivent jamais se toucher, ni s’isoler, elles doivent être vues par leurs gardiens à tout moment. La narratrice sait moins de choses que les femmes plus âgées mais elle comprend vite que tout manquement aux règles leur vaut des coups de fouet terribles. Elles ne peuvent pas non plus se suicider et sont donc « condamner » à attendre, attendre quoi ? rien si ce n’est de mourir. Elles sont nourries et survivent donc jour après jour. La narratrice se rapproche de Théa une de ces femmes qui lui explique le monde dans lequel elle vit. Et puis un jour … la porte de la cage est ouverte et les gardiens sont partis. Commence alors la deuxième partie du livre l’enfermement dans un monde extérieur qui n’existe plus. Les femmes organisent leur survie à l’air libre, c’est d’autant plus facile que la terre est couverte de petites guérites qui mènent à des caves et où elles trouvent nourriture et vêtements. Et aussi … à des cadavres de quarante femmes ou quarante hommes. Les survivantes vieilliront puis mourront les une après les autres sans jamais avoir la moindre explication de ce qu’il s’est passé. Bien sûr l’intérêt du roman ne vient pas du réalisme de l’histoire : c’est de la science fiction ! Il y a eu une catastrophe sur la terre et des gens très méchants ont pris le contrôle des humains. Une seule poignée de survivantes arrivent à se sauver des cages dans les caves et maintenant. ? Quel est le sens de ce livre ? « l’accès à la condition humaine » comme l’annonce la quatrième de couverture ? Pour moi non, la condition humaine n’a de sens que dans l’interaction entre les hommes alors que la narratrice réduit son personnage à la solitude totale.

Je l’ai dit en commençant ce billet, je reconnais à cette écrivaine une force narrative intéressante, j’ai suivi avec intérêt la façon dont cette femme se frotte à un monde dont elle ne connaît pas les codes puisqu’elle a grandi dans la cave et essaie de comprendre les bribes du monde d’avant qui lui parviennent. Quand je suis devant ce genre de lectures, je me demande toujours pourquoi les écrivains ont besoin d’imaginer de telles catastrophes pour nous faire réfléchir. Pour moi la science-fiction a du sens quand elle nous permet d’analyser notre monde. Le chef d’oeuvre dans le genre c’est Orwell et « 1984 » et aussi « la ferme des animaux ». Mais ici c’est gratuit et sans aucune explication ni sur la catastrophe initiale, ni sur la force dominatrice, alors je trouve cela gratuit. L’autre remarque que je me suis faite : pour tout le clan des antidivulgâcheuses (dont je ne fais pas partie) comment avez vous vécu que ce livre vous mette en attente d’une explication qui ne viendra jamais ?

 

Extraits

Début.

 Depuis que je ne sors presque plus je passe beaucoup de temps dans un des fauteuils, à relire les livres. Je ne me suis intéressée que récemment aux préfaces. Les auteurs y parlent volontiers d’eux-mêmes, ils expliquent pour quelles raisons ils ont rédigé l’ouvrage qu’ils proposent. J’en suis surprise : n’était-il donc pas plus évident dans ce monde là que dans celui où j’ai vécu de transmettre le savoir qu’on a pu acquérir ?

La mémoire.

 Y a-t-il dans le travail de la mémoire une satisfaction qui se nourrit d’elle-même et ce dont on se souvient compte-t-il moins que l’activité de se souvenir

La dignité humaine.

 Moi, je trouvais tout naturel, quand j’allais uriner de m’asseoir sur le siège des toilettes en continuant la conversation où j’étais engagée, les rares fois où je conversais. Les vieilles maugréaient furieusement, elles parlaient d’indignité et d’être ravalées au rang de la bête. Si si tout ce qui nous différencie des bêtes est de se cacher pour déféquer, la condition humaine me paraît tenir à peu de chose, pensais-je.

Le cœur du récit.

 Au début -enfin pas vraiment au début, car il y a une période dont personne n’a un souvenir clair, mais après, à partir du moment où les choses s’organisent dans nos mémoires, nous savons que nous réfléchissions tout le temps. Ils auraient pu te tuer, mais ils ne tuent pas ou te retirer, t’envoyer ailleurs, s’il y a d’autres prisons semblables à celle-ci, mais là ton arrivée aurait constitué une information, et la seule chose dont nous soyons sûres est qu’ils veulent qu’on ne sache rien. Nous avons fini par supposer qu’ils t’ont laissé ici parce que toute décision peut être examinée, et que leur absence de décision marquait la seule chose qu’ils veulent qu’on sache, et qui est que nous ne devons rien savoir.


Édition Sonatine . Traduit de l’anglais par Julie Sybonie.

 

Ce roman d’anticipation décrit ce que les américains ont ressenti lors de l’épidémie de Covid gérée par Donald Trump . Il appelait le Covid, le virus-chinois et cela a engendré dans la population américaine un rejet vis à vis des Chinois ou des gens d’origine asiatique. Mais, au lieu de décrire cela avec précision, l’autrice part dans une fiction où les asiatiques sont accusés d’une crise économique sans précédent. Les habitants acceptent peu à peu les restrictions de leur liberté et ne se rendent pas compte qu’ils vivent dans une dictature. L’aspect le plus sordide de cette dictature, c’est le placement des enfants que l’on a retirés à leur familles jugées dissidentes. Tout est raconté du point de vue d’un enfant, Noah, que sa maman appelait Bird. Sa mère a brutalement disparu et son père n’en parle plus jamais. Noah deviendra l’ami d’une petite fille qui est justement une enfant déplacée et, peu à peu, il ouvre les yeux et décide de se mettre à la recherche de sa mère une poétesse qui est entrée en clandestinité.

Tout ce qui est décrit est une simple exagération fictionnelle de ce que les USA ont connu. Les camps pour asiatiques en tant de crise rappelle ce qui s’est passé, lors de la deuxième guerre mondiale pour les japonais sur le sol américain, les enfants déplacés rappelle les enfants des peuples indigènes au Canada et plus récemment les enfants de migrants mexicains que le gouvernement voulait séparer de leurs parents, enfin la méfiance vis à vis des asiatiques et en particulier des chinois, tout ce qui s’est passé au temps du covid. Et maintenant que les tensions s’exacerbent entre les USA et la Chine communiste, il est sans doute plus difficile d’être chinois aux USA.

Ce genre de roman, ce n’est vraiment pas ma tasse de thé, autant j’aurais aimé un roman qui se passe aujourd’hui pour les minorités asiatiques autant en faire une science fiction me dérange, l’histoire pour les amateurs du genre doit être intéressante. Je ne sais pas pourquoi, les Américains adorent qu’on leur décrive des catastrophes pas encore arrivées, comme si ils n’en avaient pas assez avec celles qui existent vraiment !

 

Extraits

Début

 La lettre arrive un vendredi. L’enveloppe ouverte et refermée par un autocollant, bien sûr, comme toujours : « inspecté pour votre sécurité – PACT. »

 Un monde sans livres.

 Derrière cette table se dresse une bibliothèque vide. Bird n’y a jamais vu le moindre livre, mais elle est toujours là, fossile d’une époque révolue.
 Savez-vous leur avait expliqué leur professeur l’année précédente, que les livres en papier sont obsolètes dès l’instant où ils sortent de l’imprimerie ?

La disparition des livres.

 Oh non, dit-elle, on ne brûle pas les livres, chez nous. C’est l’Amérique, pas vrai ?
Elle le dévisage en haussant un sourcil. Sérieuse, ou ironique ? il n’arrive pas à le dire.
 On ne brûle pas nos livres, poursuit-elle. On les pilonne. Beaucoup plus civilisé, n’est-ce pas ? On en fait de la pulpe et on les recycle en papier toilette. Ça fait longtemps que ces livres ont servi à torcher les fesses de quelqu’un.

Le cœur du roman.

 Les économistes ne se mettraient jamais complètement d’accord sur les raisons de cette crise. Certains diraient que c’était malheureusement cyclique, que ces choses là revenaient périodiquement comme les cigales ou les épidémies. D’autres accuserait la spéculation, ou l’inflation, ou bien un manque de confiance des consommateurs … même si les raisons de ces raisons ne seraient jamais très claires. Avec le temps beaucoup ressortiraient de vieilles rivalités cherchant à qui faire porter le chapeau ; au bout de quelques années ils s’accorderaient pour désigner la Chine, ce perpétuel et menaçant péril jaune. Ils verraient sa main derrière chaque échec et fracture de la Crise.

Les enlèvements d’enfants .

Margaret écoutait. Et commençait à apprendre qu’il y avait rien de nouveau sous le soleil. Elle entendait parler des écoles dans lesquelles les enfants amérindiens étaient tondus et déshabillés, rebaptisée, rééduqués, puis renvoyés chez eux brisés et traumatisés ou jamais renvoyés du tout. Les enfants qui franchissaient les frontières dans les bras de leurs parents pour finir enfermés dans des entrepôts, seuls et terrorisés. De ceux qui allaient de famille d’accueil en famille d’accueil, ballottés comme des boules de flipper, au point que leurs propre parents perdaient parfois leur trace.
 

 


Édition Seuil

 

Merci aux éditions Seuil et à Babelio d’avoir sollicité mon avis sur ce roman. Il m’a permis de passer un bon moment de lecture.
Nous sommes dans un commissariat de police et trois femmes vont devoir répondre à des questions de policiers que nous n’entendrons jamais. Elles sont toutes les trois interrogées car depuis deux ans, Thomas, le mari de Claire a disparu. Hélène et Joan sont ses amies. Nous devons d’abord comprendre pourquoi Claire n’a pas prévenu avant de la disparition de son mari. Elle, son mari et ses deux amies se sont connues à l’université, seule Claire s’est mariée, et après avoir été professeure, elle a repris les vignes de ses parents. Hélène a été aussi professeure, mais elle a voulu vivre du théâtre et disons pour faire simple qu’elle vit surtout des charmes de son corps. Joan est d’origine américaine et veut vivre en France sans avoir les bons papiers. Au fil des interrogatoires le destin de ces trois femmes se construit dans la France contemporaine, et dévoile peu à peu la personnalité de Thomas. Ensemble, elles décident de se retrouver dans un ailleurs genre ZAD qu’elles appellent « la commune ». Elles ont besoin d’argent et il devient donc urgent que Claire divorce de ce fantôme encombrant pour récupérer l’argent de sa ferme et l’investir dans la « commune ». Voilà pourquoi elle vient aujourd’hui parler de la disparition de son mari. Deux ans après.

On découvre peu à peu une autre Thomas sur lequel, visiblement, la police en sait beaucoup plus que Claire, sa femme. Hélène détient une part de la vérité mais si peu finalement.

L’intérêt du roman ne tient pas qu’à cette seule enquête mais aux trois destins de ces femmes. Tout n’est pas complètement expliqué en ce qui concerne Thomas et sa disparition, il y a aussi un côté science fiction dans ce qui est raconté comme une catastrophe écologique « le jour de l’Oural », cela ne m’a pas empêchée d’adhérer au récit . Mais ce qui m’a gênée c’est le côté solution dans le retour à la nature dans une communauté genre années 60, pour moi, c’est la preuve d’un militantisme dépassé, et qui hélas n’a jamais fait ses preuves, même si parfois il y a des exemples de réussite. Et, au cours du récit, il y a un petit côté générosité de gauche que je trouve facile. Le propriétaire de Joan un gros bourgeois qui loue la chambre de bonne au noir et qui la mettra à la porte sans aucun remords, la famille bourgeoise qui a adopté un petit enfant asiatique qui sert de jouet et de souffre-douleur à leur fils odieux. Cela me semble des passages obligés pour faire accepter la solution du retour aux vraies valeurs de partage dans la nature.

Citations

Premier interrogatoire de Claire.

 Le détail qui me rassurait dans les heures qui ont suivi le départ de mon mari, c’est qu’il n’avait pas pris ses affaires. Je veux dire tout était resté dans le dressing. Ses vêtements, ses valises. Il n’avait pas préparé un déménagement. Il était parti avec son portefeuille et son téléphone. Avec toutes ses absences depuis des mois, j’avais commencé à imaginer des histoires. J’ai pensé à toutes les hypothèses, comme vous le faites, là. Sauf que, et là je vais peut-être vous surprendre, c’est que ça ne me gênait pas outre mesure. C’est agréable aussi d’être seule. Non, là j’enjolive les choses. Ça fait longtemps qu’il est parti, c’est pour ça. il ne reviendra pas, on est d’accord. Vous le pensez aussi ? C’est quoi la statistique ? Il n’y a pas de statistique ?

Est-ce le COVID qui a fait penser à l’auteure au « Jour de l’Oural » ?

C’est comme avec le Jour de l’Oural. Quand les pluies ont commencé, le chiffre des morts nous tétanisaient. Mais on s’habitue à tout. Vous vous rappelez, toutes les conneries qu’on se disait pour se rassurer ? Que les masses d’air chaud étaient repoussées par le Gulf Stream ? On s’habitue à la menace permanente, on s’habitue à l’idée de la mort, c’est un long apprentissage mais ça vient. Pendant longtemps, ça nous a semblé lointain abstrait. Ces pluies touchaient des territoires qui nous apparaissaient éloignés comme si on ne vivait pas sur la même planète, comme si nous n’étions pas reliés par le même univers. Le drame était obscure. Quand les contaminations reprenaient ici et là dans les cours d’eau et sans raison apparente, je sentais que, Léo et Hortense se crispations. Ils avaient été particulièrement impressionnés par les Italiens train de pomper les dernières réserves d’eau douce. Vous vous rappelez ces images ? Après quelques semaines la pluie la brume la neige redescendaient sous des seuils supportable. Alors les activités reprenaient, jusqu’à la pénurie complète à laquelle on est arrivés. 

Les couples.

 Les gens sont rarement seuls. Il y a toujours quelqu’un qui vous suit où vous précède, dans le secret des souvenirs. J’ai toujours cru que les couples, tous les couples fonctionnaient ainsi. Ceux qui se tiennent par la main sont épaulés par d’autres, à leur gauche, à leur droite ; ils avancent parmi une foule de fantômes qui se frôlent.

 

 

Édition Acte Sud Babel, Traduit de l’anglais (États-Unis) par Céline Leroy

 

Quand j’ai fait paraître mon billet sur « la rivière » de Peter Heller plusieurs d’entre vous (le Bouquineur Kathel ) dans les commentaires ont parlé de ce livre comme un chef d’œuvre bien supérieur à « La rivière ».

Ce n’est pas du tout mon avis, mais je le dis tout de suite j’ai peu de goût pour les livres ou les films d’anticipation de catastrophes. Il faut dire que cette catastrophe décrite en 2013 (pour la traduction) rappelle étrangement le virus du Covid trop célèbre aujourd’hui. Le roman commence neuf ans après la « fin de Toute Chose », l’originalité du roman, c’est de ne pas être dans un développement chronologique, donc nous n’apprendrons qu’à la moitié du récit que le monde a été détruit par un terrible virus qui combine celui de la grippe avec celui de la grippe aviaire. C’est un virus extrêmement contagieux et mortel à 99,9 pour cent. L’origine à été attribuée à l’Inde mais la vérité est que ce virus vient d’un laboratoire et à été répandu à cause d’un accident d’avion.
Le roman raconte les rapports entre les humains après une catastrophe aussi terrible. Les deux hommes Hig et Bangley ont réussi à sécuriser un territoire autour d’un aéroport qu’ils protègent le mieux qu’ils peuvent. Et comme Bangley est un excellent soldat et Hig un pilote remarquable, ils peuvent repousser toutes les attaques de gens qui ne veulent que leur mort. Il y a aussi un petit groupe de religieux mennonites qui ne sont pas attaqués par les prédateurs car ils sont atteints d’une maladie du sang mortelle et contagieuse.
Tout le roman repose sur cette extrême violence qui vient de l’extérieur, tous les autres humains n’ont qu’une idée en tête : assassiner nos deux héros. Le pourquoi de cette haine violente n’est jamais expliquée.
La deuxième partie du roman se passe après la mort du chien de Hig. Comme dans tant de film américain la mort du chien fidèle est ressentie comme un si grand drame que cela change tout pour Hig qui va partir de son aéroport sécurisé à la recherche d’une autre histoire. Il va rencontrer une femme et son père qui avaient réussi à survivre dans un vallon bien protégé avec du bétail.
Ensemble, ils reviendront dans l’aéroport retrouveront Bangley bien mal en point .
La fin montre un renouveau possible. Les familles mennonites vont sans doute survivre et des avions qui survolent l’aéroport prouvent que la vie normale a peut être redémarré ailleurs.
Le style de l’écrivain est assez particulier. Le roman est une succession de petits chapitres et l’auteur ne nous explique rien qui ne relève pas du vécu actuel des personnages.
Outre l’extrême violence du récit, ce que je trouve très gênant c’est de ne pas comprendre pourquoi tous les hommes ne cherchent qu’à se tuer les uns et les autres sauf nos deux héros.
La nature en danger est sans doute le thème le plus important du roman. Comme dans « La rivière » l’auteur qui adore les grands espaces naturels les voit détruits chaque année par des incendies de plus en plus violents. C’est sans doute cela qui l’a poussé à écrire ce roman que vous êtes plusieurs à avoir tant apprécié.
Bref un roman qui donne pas le moral mais qui va plaire aux lecteurs très nombreux qui aiment ce genre de récit d’anticipation-catastrophe. Je me demande pourquoi les américains sont les grands spécialistes du genre, cela doit être le reflet de leur mauvaise conscience face à leur façon de maltraiter leur pays et même la planète.

Citations

 

Quand on commence à comprendre ce qui s’est passé

 Je ne veux pas perdre le compte : ça fait neuf ans. La grippe a tué presque tout le monde, puis la maladie du sang a pris le relais. Dans l’ensemble, ceux qui restent sont du genre pas gentils, c’est pour ça qu’on vit dans la plaine, pour ça que je patrouille tous les jours.

Réflexions face à la solitude

 La famine. Qui consume aussi lentement que le feu sur du bois humide. Fragilise les os, des sacs d’os ambulants, puis l ‘un meurt, puis l’autre. Ou peut-être qu’il vaut mieux être attaqué par des indigènes
 Qu’est-ce qui te manque le plus ? La foule babillant et sans visage, la célébrité, les fêtes, l’explosion des flash ? Les amants, la gaieté, le champagne ? La solitude taillée dans la célébrité, L’étude des cartes à la lumière d’une unique lampe sur un vaste bureau dans un hôtel vénérable ? Le room service, le café avant l’aube, la compagnie d’un ami, de deux ? le choix : tout ou rien ? Un peu ou rien ? Maintenant, pas maintenant, peut-être plus tard ?

L’aspect hilarant ? (dont parle la quatrième de couverture et que j’ai eu du mal à trouver)

 C’est fou à quel point le fait de ne pas devoir tuer quelqu’un simplifie la relation, en général. Même si papy a bien essayé de me tuer, moi. Bon. Passons l’éponge. Toujours est-il que je pouvais marcher jusque chez eux, les buter ou pas, et ça c’est une libération.

 


Édition Albin Michel Traduit de l’anglais (Canada) par Sarah Gurcel

Je dois cette lecture passionnante à Krol et je la remercie du fond du coeur. Je pense que toutes celles et tous ceux qui liront ce livre en resteront marqués pour un certain temps. À la manière des cernes concentriques d’une coupe transversale d’un arbre, le roman commence en 2038 avec Jacke Greenwood, guide dans une île préservée du Nord Canadien qui a gardé quelques beaux spécimens de forêts primitives. Puis nous remontons dans les cernes du bois avec son père Liam Greenwood, en 2008 charpentier, lui même fils de Willow Greenwood militante activiste écologique de la cause des arbres, élevée par un certain Harris Greennwood un puissant exploitant de bois en 1974, nous voyons la misère causée par la crise de 29 en 1934 et la naissance de Willow puis le début du récit en 1908. Ensuite nous remonterons le temps pour comprendre les décisions que devra prendre Jacke Greenwood en 2038.

Ne croyez pas vous perdre dans ce récit aussi dense qu’une forêt profonde. L’auteur a besoin de tout ce temps pour nous faire comprendre les catastrophes écologiques qui se sont passées dans son pays dont la nature semblait résister à tous les prédateurs, l’homme aura raison de ses résistances. On suit avec passion l’histoire de la filiation de Jacke Grennwood, mais ce n’est vraiment pas aussi important que l’histoire des arbres canadiens que Michael Christie raconte sur plus d’un siècle. Les récents incendies de forêts et les inondations de la région de Vancouver prouvent que l’écrivain n’écrit pas tant un roman du futur mais plutôt ce qui se passe aujourd’hui. Dans un article de Wikipédia voilà ce que vous pourrez trouver :

Facteurs aggravants

Les scientifiques sont d’avis que les coupes à blanc et les feux de forêts des dernières années ont joué un rôle dans les inondations dans l’intérieur de la Colombie-Britannique. La coupe à blanc a tendance à faire augmenter le niveau de la nappe phréatique et la perte des arbres par les deux phénomènes conduit à un plus grand ruissellement. Une étude par l’université de la Colombie-Britannique constate que la suppression de seulement 11 % des arbres d’un bassin versant double la fréquence des inondations et en augmente l’ampleur de 9 à 14 %93.

 

Tout commence donc par l’installation des colons au Canada qui chassent sans aucune pitié les habitants de cette région boisée. Dans cet univers très violent certains (très peu) font fortune et exploitent la misère de ceux qui ont cru trouver dans ce nouveau monde un pays accueillant. Puis nous voyons l’argent que l’on peut se faire en exploitant des arbres qui semblent fournir une ressource inépuisable, c’est vraiment le coeur du roman et qui peut s’appliquer à toutes les ressources que la terre a fournies aux hommes. Bien sûr, au début tout semble possible, il s’agit seulement d’être plus malin que les autres pour exploiter et vendre le bois dont les hommes sont si friands. Et puis un jour, des pans entiers de régions aussi grandes que des départements français sont rasés et rien ne repousse. La fiction peut s’installer : et si les arbres qui restent étaient tous en même temps atteint d’un virus mortel ? Alors comme dans le roman nous serions amenées à ne respirer qu’à travers un nuage de poussière de plus en plus dense ? Tous les personnages acteurs de ce grand roman, ont des personnalités complexes même si parfois, ils enfouissent au plus profond d’eux-mêmes leur part d’humanité.
Avec Keisha et Kathel je vous le dis : lisez et faites lire ce roman je n’ai vraiment aucun autre conseil à vous donner.
Et si, encore un conseil, je me permets de faire de la publicité pour une petite entreprise bretonne (Ecotree) qui vous permettra d’offrir un arbre comme cadeau. L’idée est originale et a plu à tous les parents à qui j’ai fait ce cadeau pour la naissance d’un bébé qui sera donc propriétaire d’un arbre dans des forêts françaises.

 

 

Citations

La catastrophe planétaire sujet de ce roman.

Dans l’absolu, Jake est libre de mentionner les orages de poussières endémiques, mais la politique de la Cathédrale est de ne jamais en évoquer la cause : le Grand Dépérissement – la vague d’épidémies fongiques et d’invasions d’insectes qui s’est abattue sur les forêts du monde entier dix ans plutôt, ravageant hectare après hectare.

Formule percutante.

Il n’y a rien de tel que la pauvreté pour vous faire comprendre à quel point l’intégrité est un luxe

Je pense souvent à ce paradoxe lorsque je vois la jeunesse écologique partir en vacances en avion aux quatre coins de la planète.

 Y en a-t-il seulement un parmi vous, poursuit Knut, pour apprécier « l’indicible ironie » de voir les membres de l’élite dirigeante est des célébrités venir jusqu’ici se revigorer spirituellement avant de pouvoir retourner, ragaillardis, à des vies qui, directement ou indirectement, portent notre planète à ébullition, condamnant un peu plus encore les merveilles de la nature auxquelles appartiennent les arbres sacrés qu’ils prétendent vénérer ?

Époque où on pense la ressource en bois éternelle.

Le papier lui-même a la couleur des amandes grillées. Il s’en dégage une robustesse qui date d’un temps où les arbres, en nombre illimité, étaient une ressource inépuisable. Un temps où l’on épongeait ce qu’on venait de renverser avec un rouleau entier d’essuie-tout et où l’on imprimait l’entièreté de sa thèse (ce fut son cas à elle) sur les seuls rectos d’une grosse pile de papier blanc comme neige.

1934.

Au cours de sa carrière, Harris Greenwood a présidé à l’abattage de plus de deux cent cinquante millions d’hectares de forêts primaires. certains arbres parmi les plus larges, les plus beaux, que la planète ait jamais portées sont tombés sur son ordre.
Sans les journaux et le papier, Greenwood Timber aurait déjà sombré. Harris fournit tous les périodiques canadien et la moitié de l’édition américaine. Il sera bientôt obligé de réduire en pâte à papier des arbres qui, jadis, auraient servi de colonne vertébrale à des palais, ce qui pour un homme du métier, revient à faire des saucisses avec un filet de choix. Tout ça pour que les gens puissent faire leurs mots croisés idiots et lire des romans de gare.

L’installation des colons en 1908.

 Quand le couple arriva au « Pays des Arbres », ils découvrirent que les trente arpents densément boisés qu’ils avaient demandés au Bureau du cadastre canadiens étaient déjà occupés par une bande d’Iroquois nomades, chassés des territoires où ils posaient d’ordinaires leurs pièges par une entreprise locale exploitation forestière. Malgré ses façons charitables James Craig acheta un fusil et monta une milice de gens du coin pour chasser les Indiens de sa propriété un acte brutal mais nécessaire auquel beaucoup d’entre nous avaient déjà été contraints. Certains ont refusé de partir, montrant tant d’arrogance qu’il n’y eût eu d’autre choix que de les exécuter pour l’exemple et de brûler leurs femmes et leurs enfants.

En 1934 des Américains vendent du bois aux Japonais.

Je ne suis toujours pas convaincu qu’il soit dans notre intérêt de conclure ce contrat. le Japon a envahi la Mandchourie et s’est retiré de la Ligue des Nations. Kes gens parlent de cette Hirohito comme si c’était le frère aîné de Jésus et on ne pourrait pas jeter une balle de baseball dans le port sans toucher un navire de guerre. À mon avis ils n’ont qu’une envie c’est se battre. Et devinez avec qui ?

Réflexions sur le Canada

S’il est vrai que les États-Unis se sont construits sur l’esclavage et la violence révolutionnaire, songe-t-elle en regardant les hommes travailler, alors assurément son propre pays, le Canada, est né d’une indifférence cruelle, vorace, envers la nature et les peuples autochtones. « Nous sommes ceux qui arrachent à la terre ses ressources les plus irremplaçables et les vendent pour pas cher à quiconque a trois sous en poche, et nous sommes prêts à recommencer le lendemain » telle pourrait être la vie la devise de Greenwood et peut-être même du pays tout entier.

 

 

 

Ce livre reçu en cadeau, m’a vraiment intéressée. Je n’en fais pas un coup de cœur pour des raisons qui lui sont reprochées par son éditeur à l’intérieur (en effet c’est un roman qui raconte entre autre la création d’un roman qui s’appelle « l’Anomalie »), son éditeur lui reproche le trop grand nombre de personnages, et je suis d’accord on se perd un peu et il faut vraiment s’accrocher pour suivre tous ces destins . Il est temps que je vous raconte un peu l’histoire sans pour autant divulgâcher le suspens . (Tâche au combien délicate, surtout pour moi qui adore commencer les romans par la fin … ) Tous les personnages ont un point commun : ils ont pris un vol Paris- à New-York et ont été victimes de turbulences absolument catastrophiques et tous ont cru en leur mort prochaine. Mais ils ont finalement bien atterri. Surtout ne cherchez pas, comme je l’ai fait, un lien entre tous ses gens, il n’y en pas. On commence donc par connaître la vie d’un tueur, puis celle du de l’écrivain Victor Miesel qui écrit le roman « l’anomalie » et ainsi de suite avec sept autres personnages. Et puis … le même avion revient sur terre quelques mois plus tard … avec les mêmes personnes à bord. C’est là que le roman devient passionnant même si c’est un sujet très traité, il l’est ici de façon originale : comment l’humanité réagirait à un phénomène qui dépasse notre raison. Les débats entre les scientifiques, les philosophes, les religieux sont très bien menés et le lecteur se demande alors ce qu’il aurait pensé et comment il aurait agi s’il avait eu un quelconque pouvoir. L’auteur pour rendre le questionnement plus vivant imagine que c’est un phénomène qui s’est déjà produit en Chine. Evidemment les Chinois ne se sont pas embarrassés de considérations humanitaires, ils ont fait disparaître le deuxième avion et tous ceux qui étaient dans cet avion. Aux États-Unis, on a plus de scrupules et commence alors une autre partie du roman : la confrontation de ces revenants avec eux-mêmes . Je ne peux pas vous raconter la suite sinon vous ne viendrez plus sur Luocine .

J’ai toujours un peu de mal avec le genre science-fiction mais j’apprécie aussi que l’on me confronte à des interrogations qui me font sortir de mes pensées ordinaires. Hervé Le Tellier croque assez bien les défauts de notre époque. Mais il reste que ce roman avec tous ces personnages m’a un peu perdue en route.

J’ai lu et bien aimé de cet auteur Toutes les familles heureuses, un peu moins Assez parlé d’amour

 

Citations

Une rupture

Peu à peu, face à l’exaltation d’André, à ces bras qui veulent l’enserrer , à ces baisers qui lui infligent à tout instant devant ces amis à qui il veut absolument la présenter, comme le butin d’une bataille qu’il aurait gagné, elle recule. Pourquoi les chats qui attrapent les souris refusent-il de les laisser vivre ? Elle n’était pas disposée à un tel envahissement, elle aurait voulu moins d’impératif, un engagement plus lent et plus serein. L’avidité de ses mains d’homme l’effraie, leur convoitise oppressante interdit à son propre désir de naître.

Patriotisme

À Guantanamo, on avait bien balancé des tranches de jambon dans les cages. Des ordures seront toujours trouvé refuge dans le patriotisme.

Le racisme aux USA

Elle discerne dans le rictus de Prior cet indicible du Sud qu’il porte sur lui, ces signes et ces nuances symboliques qui imprègnent toutes les relations raciale, elle reconnaît cette posture spontanée qui autorise une riche dame blanche aux cheveux bien mis à offrir à son chauffeur noir le plus radieux des sourires, un sourire d’affection écrasant où se déchiffre son impérieuse certitude de l’infériorité naturelle de ce petit- fils d’esclave, ce sourire empoisonné qui n’a pas bougé d’un pouce depuis « Autant en emporte le vent » et que toute son enfance Joanna a vu se dessiner sur le visage poudré des clientes blanches de sa mère couturière.

L’âge entre amants

La différence d’âge rendait tout invraisemblables. Jeanne, sa fille, aura bientôt l’âge de Lucie. Voici peu, il a demandé à une femme, pour rire. Voulez-vous être ma veuve ? La veuve putative n’avait pas ri. Et pourquoi ses compagnes sont-elles désormais si jeunes ? Ses amis vieillissent avec lui, mais pas les femmes qu’il aime. Il fuit, il a peur. Il peut dîner avec la mort à venir, mais ne parvient pas à coucher avec.

 

Édition Presse de la Cité. Traduit du japonais par Jean-Baptiste Flamin

 

C’est avec « Treize marches » que j’avais découvert cet auteur et malgré la classification thriller de celui-ci et ses 740 pages je m’étais promis de le le lire. Voilà qui est fait mais je ne suis pas certaine de relire de sitôt un thriller ! Les trois coquillages s’expliquent par ma grande difficulté à lire un roman où le ressort essentiel est dans le suspens. Mais si cela ne vous dérange pas, précipitez vous sur cet énorme roman, car dans le genre il doit être bienfait et le côté « science à peine fiction » fonctionne bien. Pour une fois, le point de vue n’est pas américain mais japonais et ça change pas mal de choses. D’abord sur les révélations des pratiques peu glorieuses des services secrets américains. Par exemple : les lieux de tortures et d’assassinats des personnes soupçonnées de terrorisme, pour respecter les règles du droit américain ces prisons sont dans des pays étrangers. Le plus grand scandale c’est certainement la guerre en Irak qui a laissé cette région complètement dévastée. Un jour où l’autre les États-Unis seront jugés pour avoir déclenché une guerre sous un prétexte qu’elle savait faux. Dans ce roman, il y a quelques personnages positifs des hommes désintéressés qui œuvrent pour le bienfait de l’humanité et qui prennent des risques incroyables pour réussir à créer un médicament qui sauvent des enfants atteints d’une maladie rare, ce sont des scientifiques japonais, et c’est très amusant de voir les rôles habituellement tenus par des américains donnés à de jeunes nippons.
Je dois évoquer le côté science fiction du roman.Un enfants est né dans une tribu pygmée dans la forêt africaine au Congo avec une tête très bizarre mais surtout des capacités cognitives complètement hors normes. Une expédition organisée par la CIA sous la responsabilité directe du président des États-Unis veut absolument liquider cet enfant. Comme tout roman de science-fiction celui-ci repose sur une question intéressante que ferait notre espèce à l’arrivée d’une mutation d’hommes avec des capacités nous dépassant complètement. Dans ce roman tout est mis en œuvre pour la détruire et cela permet de décrire tous les plus mauvais côtés de la puissance américaine, relayée par les pires instincts de violence des humains plongés dans les guerres tribales. Les violences dans les villages africains sont à peine soutenables et hélas elles ne sont pas loin de la vérité. Bref, 750 pages de tensions et d’horreurs de toutes sortes, ce n’est vraiment pas pour moi. Mais je suis quand même contente de l’avoir lu car je trouve que cet auteur pose de bonnes questions, et n’hésite pas à décrire ce qui d’habitude est soigneusement dissimulé. Après la peine de mort du Japon, (dans treize marches) voici les pratiques de la CIA américaine, l’humanité est vraiment loin d’être un havre de paix !

 

Citations

 

Le personnage principal japonais.

Kento n’avait pas décidé de continuer en doctorat parce que le monde de la recherche l’attirait, mais parce qu’il n’avait plus se résoudre à rentrer dans celui du travail. Au contraire, depuis son premier jour à l’université, Kento ne s’était jamais senti à sa place, comme s’il s’était trompé de voie. Il n’avait pas éprouvé une once d’intérêt pour la pharmacie ou la synthèse organique. Comme il ne pouvait rien faire d’autre, il s’était résigné à poursuivre, sans plus. Si rien ne changeait, dans vingt ans, il serait devenu un de ces chercheurs ennuyeux ayant trouvé refuge dans une niche, comme son père.

Les rapports amoureux chez les scientifiques (Humour)

On s’approche, on s’éloigne, sans jamais se heurter. Une vraie liaison de van der Waals.
– Ah, le plaignit Doi. Dommage.
– Et toi, tu as quelqu’un ? Il y a une fille mignonne dans mon labo. Avec elle c’est plutôt une liaison métallique. On bouge comme des atomes dans un groupe sans parvenir à se toucher. 
– Ce serait bien si je pouvais avoir une petite liaison covalente…
-Pareil…

Le danger

Le conseiller scientifique avait mesuré avec justesse l’ampleur de la menace biologique née dans la jungle congolaise. Cette menace c’était « le pouvoir » . Ce qu’il fallait craindre, ce n’était ni la force destructrice de la bombe nucléaire ni le potentiel des technologies et des sciences les plus avancées, mais la puissance intellectuelle qui les engendrait.

La guerre des drones

La brusque onde de choc l’assaillit par-derrière transperça tout son corps, la vague de chaleur et le souffle embrasé le firent voler en avant.

Il tomba la tête la première dans un ruisseau, ce qui lui évita de perdre conscience. Il ne récolta que des éraflures au visage. L’explosion l’avait rendu sourd, il se tapota les côtés du crâne pour tenter de retrouver l’ouîe. Il se releva, se retourna, et là, à cinquante mètres de l’endroit qu’il avait foulé quelques secondes plus tôt, découvrit un gigantesque cratère, bordée d’arbrisseaux aplatis par le souffle.
Yeagger se coucha à plat ventre, dégaina son fusil, sans la moindre idée du point de tir de les nuits. Il leva finalement les yeux, regarda à travers les branches qui recouvraient sa tête, et frémit. L’ennemi était dans le ciel. À six cents mètres d’altitude un Predator, drone de reconnaissance armée, avait lancé un missile antichar Hellfire. Son pilote avait déclenché ses flammes infernales depuis une base de l’armée de l’air situé dans le Nevada : un dispositif de pilotage semblable à une console de jeux lui permettait de manœuvrer cet engin à distance, de l’autre côté du globe.

Ce passage résonne aujourd’hui :

Il y a entraide parce qu’il est lucratif de s’entraider. Un exercice simple : l’aide publique au développement des pays industrialisés n’a d’autre but que de permettre à terme d’investir dans les pays en développement. Tôt ou tard, l’Afrique sera suffisamment développée pour garantir assez de ressources et de consommateurs. Allons plus loin : prenez les traitements médicaux. Dans ce domaine le profit passe avant tout le reste, même dans le développement de traitements contre les maladies graves. Les remèdes aux infections les plus rares ne sont pas développés faute de débouchés assez juteux.

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard. 

Quel roman ! Je suis peu sensible à la science fiction, je ne l’apprécie que, lorsque le côté futuriste n’est qu’une légère exagération de notre réalité. Et c’est le cas ici ! Aussi bien pour la société dans laquelle l’écrivain au chômage a retrouvé du travail que dans la vie de sa fille qui s’adonne à un jeu vidéo.

J’ai eu peur et je me suis sentie oppressée aussi bien par l’ambiance de l’entreprise « Larcher » que par le jeu « Yourland » interactif de sa fille. On sent très bien que les deux vont vers une chute angoissante, évidemment, je ne raconterai rien de ce suspens d’autant plus facilement que ce n’est pas ce qui m’a fait apprécier ce roman. Le narrateur est un écrivain en panne d’inspiration au bout de ses droits au chômage, sa femme l’a quitté et il ne voit plus beaucoup sa fille qu’il aime beaucoup. Il retrouve du travail – et donc l’espoir de sortir du marasme- dans une grande société : Larcher, qui l’emploie à rédiger des modes d’emploi. En apparence en tout cas, car cela semble la couverture pour des tâches qui pourraient êtres anodines si on n’exigeait pas de ses employés un secret absolu qui cachent des phénomènes étranges qui seront dévoilés peu à peu. Et le jeu vidéo de sa fille ? Et bien, il rejoint en partie les problèmes de son père. Bien sûr c’est une fiction, mais qui nous interroge de façon percutante sur tous les renseignements que nous laissons sur nos personnalités dans les différents réseaux connectés entre eux. Et s’il y avait derrière tout cela une intelligence capable de nous manipuler ? D’ailleurs, n’est-ce pas déjà le cas, nous entendons à longueur de temps que la richesse et la puissance de Google et autres GAFA proviennent des DATA, c’est à dire de toutes les données que nous laissons un peu partout en utilisant nos ordinateurs, téléphones, tablettes et autres appareils connectés. On retrouve la roman de Pierre Raufast, « Habemus Piratam« , sans l’humour, ce que j’ai (un peu) regretté. La description des nouvelles techniques de managements des grandes entreprises sont très bien vues et on retrouve les comportements grégaires même de gens qui seraient censés réfléchir plus que d’autres, comme cet écrivain. Et Dieu dans tout ça ? Ce n’est pas pour moi la partie la plus intéressante du roman, le narrateur (l’auteur ?) semble avoir des comptes à régler avec une certaine forme de catholicisme représentée ici par le nouveau conjoint de son ex-femme. Ce petit bémol et une fin qui ne m’a pas totalement convaincue lui ont fait rater un cinquième coquillage, sur Luocine. Mais j’espère bien qu’il trouvera son public car ce roman a le mérite de nous captiver et de nous faire réfléchir.

 

Citations

Début du roman

Cette histoire a de multiples débuts. Pour moi, elle commence en 2003 : je suis marié, j’ai 31 ans et je regarde par la fenêtre le monde changer. Les voitures prennent des rondeurs de nuages comme pour circuler dans des tubes à air comprimé. Les costumes se cintrent à la taille ils épousent la sveltesse capitalistique à la mode et le rêve d’un corps social dégraissé. Les téléphones se changent en ordinateur, les ordinateurs en home cinéma, les films en jeux vidéos, les jeux vidéos en film, l’argent en abstraction, les licenciements en plan de sauvegarde de l’emploi. Le vingt et unième siècle sera robotique, virtuel et plus sauvagement libéral encore que le vingtième , proclament les experts. Comme ça les excite – et quelle peur on sent derrière.

 

Formation d’adultes

Un seul candidat montre une application à la hauteur de la mienne : Brice. Il devient l’ami à côté duquel je m’assieds chaque matin, preuve que renvoyer des adultes à l’école les rend à leur sociabilité d’enfants.

Dialogue d informaticiens

– Et si j’ai un programme parallèle à mémoire partagée en C +++ que je veux faire migrer sur l’infrastructure Hadhop ?
-Tu sais que sur Hadhop les hommes ne communiquent pas ? On t’a appris quoi à l’ ESDI ? Passe sur Spark. Avec Apache ignite, t’auras une couche partagée. Sinon tu viens au bowling vendredi ?- – Ouais. On t’invite le nouveau ?
-Tu as pas vu ? Il boit des menthe à l’eau, donc il aime pas le bowling.
– S’il n’aime pas le bowling il risque pas de nous griller dans les promos.
-Toute façon pour moi l’an prochain c’est le siège.
-C’est con que ce soit pas réversible. Je veux dire, si j’arrive devant toi dans le tableau des promos, je baiserai ta femme et c’est cool mais si je baise déjà ta femme, j’arriverai pas forcément devant toi dans le tableau.

Portait de sa fille qui lit « Le père Goriot » pour le bac de français.

Si l’enfance est un fluide, une rivière chantante, alors l’adolescence se compose de ciment à prise rapide. Je l’ai vue se déverser sur Emma depuis ses 12 ans. Pour figer ma petite mousquetaire qui n’aimait rien tant que rire, se faire peur et passer de l’un à l’autre en un bloc de réticence figé depuis une heure sur la page 112 du « Père Goriot ». L’adolescence d’Emma se concentre dans sa moue, qui semble dire au monde. « Vous avez beau être bien décevant, vous n’ajouterez pas à ma déception ». Ou plutôt elle surgit dans le contraste entre cet air blasé et ses regards de mésange affolée, perdue hors de ses couloirs migratoires. Et aussi dans le mouvement de sa tresse manga attachée comme une balancelle entre ses oreilles.

 

J’avais repéré ce roman chez Keisha, Jérôme, Kathel, AifelleKrol (qui ne tient pas à jour son Index des auteurs).J’ai fait plusieurs tentatives pour le finir car ce livre est une vraie claque mais le genre de claque qui rend triste et plombe le moral. Il faut un certain courage pour affronter cette réalité : oui, les hommes se conduisent mal sur la seule planète qu’ils seront sans doute capables d’habiter. Ils dominent tout, saccagent tout, pour pouvoir vivre confortablement leur vie de « Maîtres et possesseurs » comme nous l’avait enjoint Descartes∗. Alors, à la manière d’un Montesquieu avec ses Persans et d’un Swift avec Gulliver, Vincent Message veut nous faire réfléchir sur ce que nous faisons sur notre planète, il imagine qu’à notre tour, à une époque différente, nous sommes « Dominée et Possédés ». Son roman est très fort car il n’a pas cherché à fabriquer des extra terrestres un peu ridicules, nous ne savons rien de ces « Dominateurs » sauf que ces êtres nous ont étudiés et qu’ils ont parfaitement compris comment nous avons fait pour êtres des « Maîtres » et à leur tour, il sont devenus « Nous » mais en nous remplaçant. Les hommes sont maintenant traités comme nous le faisons avec les animaux aujourd’hui.

  • Les animaux de compagnie qui ont le droit de vivre confortablement auprès de leur maître.
  • Des esclaves qui triment jusqu’aux limites de leur forces puis sont abattus.
  • Et enfin la pire des conditions, des hommes d’élevages qui seront abattus et consommés sous forme de viande.

Comme ces êtres ont d’abord cherché à nous comprendre, cela permet à l’auteur d’écrire quelques pages terribles sur nos absurdes comportements destructeurs, par exemple dans la mer. Les pages sur la pêche industrielle sont insupportables mais tellement vraies. Le roman alterne des périodes d’actions intenses car le héros Malo est un être supérieur et un haut cadre de la nouvelle société, il est l’instigateur d’un projet de loi qui demande que l’on autorise les hommes à vivre dix ans de plus : jusqu’à 70 ans, car dans cette fiction, il sont systématiquement abattus à 60 ans pour éviter les problèmes liés à la vieillesse des humains. Malo s’est épris d’une jeune femme humaine, Iris qui était une femme d’élevage. Il veut la sauver à tout prix, alors qu’elle a été victime d’un accident de voiture. Le système implacable que les maîtres ont mis en place se referme peu à peu sur lui. En dehors de cette action intense, l’auteur nous offre des périodes de réflexions sur le traitement de la nature. Ces êtres supérieurs ont, en effet, seulement cherché à dominer et à faire mieux que nous, en conséquence de quoi la planète est aussi malmenée que lors de la domination humaine. Une petite lueur d’espoir dans ce roman si sombre, les hommes ont une caractéristique que ceux qui nous ont dominé n’ont pas, ces « maîtres » ne sont pas des créateurs. Alors l’art saurait-il nous sauver ? Et puis, à la fin du roman on parle d’un lieu sur terre où les choses se passent différemment et finalement pouvons nous réjouir de cette certitude les dominateurs connaîtront un jour, eux-aussi leur fin ?

 

 

Citations

 

∗Extrait du discours de la méthode de Descartes

« Car [ces connaissances] m’ont fait voir qu’il est possible de parvenir à des connaissances qui soient fort utiles à la vie, et qu’au lieu de cette philosophie spéculative, qu’on enseigne dans les écoles, on peut en trouver une pratique, par laquelle connaissant la force et les actions du feu, de l’eau, de l’air, des astres, des cieux et de tous les autres corps qui nous environnent, aussi distinctement que nous connaissons les divers métiers de nos artisans, nous les pourrions employer en même façon à tous les usages auxquels ils sont propres et ainsi nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature. Ce qui n’est pas seulement à désirer pour l’invention d’une infinité d’artifices, qui feraient qu’on jouirait, sans aucune peine, des fruits de la terre et de toutes les commodités qui s’y trouvent, mais principalement aussi pour la conservation de la santé, laquelle est sans doute le premier bien et le fondement de tous les autres biens de cette vie.”

 

La vision des nouveaux maîtres de la planète sur les hommes

L’ironie c’est qu’ils avaient cru être supérieurs, eux aussi, en leur temps, mais c’était dans leur cas au prix d’un aveuglement qui prenait avec la distance un aspect un peu pathétique. Ce qui les mettait à part, c’était, disaient-ils, leur intelligence redoutable, leur maniement fin du langage, leur créativité. Ne pas être capable de réguler pour de bon sa démographie, déterrer et brûler le carbone jusqu’à rendre l’air irrespirable, c’était pour eux le signe d’une intelligence redoutable. Réduire de force plusieurs milliards de leurs propres congénères à une vie de quasi esclave pour qu’une minorité concentre les richesses, c’était l’indice certains de leur inventivité exceptionnelle. Ils ne se demandaient presque jamais si le fondement de l’intelligence ne consiste pas à se donner des moyens de survivre sur le long terme, si la capacité à une auto-conservation durable n’est pas le premier signe de la raison. Ils méprisaient comme des aberrations de la nature des rebuts de la création toute une série d’espèces qui les avaient précédés sur terre et qui leur auraient survécu de quelques millions d’années s’ils n’avaient pas eu la chance que nous reprenions les choses en main. Nous les avons trouvés pullulant à certains endroits et ne se reproduisant pas assez à d’autres. Tout aussi incapables de répartir le travail que la population. Et cette inconséquence, d’une constance tout à fait remarquable, elle tenait pour beaucoup à leur emprisonnement dans le chaos des intérêts particuliers. Pour rien au monde ils n’auraient accepté quelque chose qui favorise plus le pays voisins que le leur, ou consenti à des efforts substantiels pour des gens qui n’étaient même pas encore nés. C’était là des traits qui, si on en faisait la somme justifiait assez la rapidité de leur effondrement et la légitimité de notre domination.

Les Hommes comme nourriture

Naturellement, des esprits critiques, des polémiqueurs -j’ai dit déjà que nos rangs en comptent plus que de raison- affirment qu’il y a une sorte de schizophrénie à élever certains hommes pour les aimer et partager notre quotidien avec eux, et d’autres hommes pour les tuer les manger. On peut juger cela étrange, mais tout comme le réel nous ne sommes pas à une étrangeté prêt. C’est la moindre des schizophrénies dont nous nous avérons capables. Jamais, il faut l’avouer, il ne nous viendrait à l’idée de manger ceux qui nous servent d’animaux de compagnie, nous aurions le sentiment, en mordant dans leur chair, de reconnaître implicitement que nous sommes nous-mêmes comestible, et que tout être vivant, entre les murs que nous habitons, pourrait parfaitement, à son tour, se retrouver équarri , mis au four, découpé sur une planche, réparti par tranches fines dans des assiettes que l’on tend à la ronde en disant commencez, commencez, n’attendez pas que ça refroidisse.

 Lu dans le cadre du club de lecture de la média­thè­que de Dinard, où il a obtenu un coup de cœur. Traduit de l’américain par Josette Chicheportiche.


Véritable emballement de la blogosphère, ce livre mérite les coups de cœur qu’il a reçu chez Krol, Dominique, Aifelle, Jérôme et Noukette et beaucoup d’autres dont je mettrai les noms au fur et à mesure des commentaires. J’avais une réserve à cause de la référence à « La Route« , roman que j’avais peu apprécié. Ici l’apocalypse supposée est beaucoup plus crédible, et elle ne constitue pas l’essentiel du roman. D’ailleurs avant même que le monde s’effondre, on ne sait pas trop pourquoi, cette famille avait choisi de vivre au cœur d’une forêt. les deux filles Neil et Eva ne vont pas à l’école et sont éduquées par leurs parents, l’une sera danseuse et l’autre prépare son entrée à Harvard. Mais peu à peu le monde s’arrête et tout le confort que notre société nous procure disparaît, et finalement les deux jeunes filles doivent vivre seules au milieu d’une forêt et de rencontres pas toujours amicales. On retrouve un peu les efforts de survie que doit faire l’héroïne du « mur invisible » pour assurer sa survie mais le message est différent. Ce n’est pas, en effet, le savoir de l’homme qui va sauver les deux filles mais la connaissance de la nature. Et si ce roman, s’appelle « dans la forêt », c’est parce que leur salut viendra de ce que la forêt peut leur apporter. Comme avant elles, les rares indiens qui ont pu échapper à l’extermination programmée de leurs peuple.

Je relis en ce moment « Sapiens une brève Histoire de l’humanité » on y retrouve ce même message, la révolution agricole nous dit Yuval Noah Harari est la plus grande escroquerie de l’histoire et elle a asservi l’homme au lieu de le libérer. Nos deux héroïnes vont donc revenir au stade des « chasseurs cueilleurs » beaucoup plus adapté à la survie en forêt. Je pense que les écologistes vont adorer ce roman qui a tout pour leur plaire, de plus l’écrivaine vit au fond des bois de l’écriture de ses livres et de l’apiculture. Mais ce n’est pas qu’un roman à messages, c’est aussi une intrigue bien menée et les personnages sont intéressants et crédibles. J’ai vu le film qui a été tiré de cette histoire, il insiste beaucoup sur la rivalités et le lien entre les deux sœurs, encore un film qui est beaucoup mins intéressant que le roman. Si j’ai une petite réserve, c’est que je garde, malgré moi, un certain agacement vis à vis des Américains qui sont les plus farouches défenseurs de l’environnement et en même temps les plus grands pollueurs de la planète.

Citations

Le plaisir d’habiter un lieu isolé ,un plaisir que je ne partage pas

Voilà le vrai cadeau de Noël, nom de Dieu -la paix, le silence de l’air pur. Pas de voisins à moins de six kilomètres , et pas de ville à moins de cinquante. Bénis soient Bouddha, Shiba, Jéhovah et le service des Forêts de Californie, nous vivons tout au bout de la route !

Nell et Eva s’approprient la forêt

Petit à petit , la forêt que je parcours devient mienne, non parce que je la possède, mais parce que je finis par la connaître. Je la vois différemment maintenant. Je commence à saisir sa diversité -dans la forme des feuilles, l’organisation des pétales, le millions de nuances de verts. Je commence à comprendre sa logique et à percevoir son mystère. Où que j’aille, j’essaie de noter ce qu’il y a autour de moi – un massif de menthe, une touffes de fenouil, un buisson de manzanita ou d’amarante à ramasser maintenant ou plus tard quand je reviendrai, quand le besoin se fera sentir ou que ce sera la saison.