J’ai beaucoup apprécié « le cas Einstein » le précédent roman de cet auteur. J’ai reçu celui-ci en cadeau et je l’ai lu avec grand plaisir. J’ai aimé sa construction, la vie de Léna Kotev, serait incompréhensible sans l’évocation de tous les morts de médecins juifs qui peuplent son histoire. L’alternance des chapitres assez courts, permet de supporter la lecture des violences antisémites. Le fait de retrouver Léna, dans sa vie de femme chef de service en cancérologie dans un grand hôpital parisien en 2015, me permettait de reprendre ma respiration. Car du souffle, il en faut pour supporter la description des pogroms de Ludichev en 1904, puis la folie des Nazis à Berlin en 1934, puis a Nice en 1943, et enfin à Moscou en 1953, la folie antisémite des communistes staliniens.
J’ai aimé également que le roman soit elliptique et fasse l’impasse sur les détails des connexions de tous les personnages. On a l’impression de n’avoir que les temps forts de cette histoire dont on peut imaginer les passages non écrits. Quand on referme ce roman après la page 296, comme l’histoire se déroule de 1904 à 2015, on a l’impression d’avoir lu des milliers de pages.
Si j’ai mis ce livre dans une bibliothèque, c’est que le père de Léna, Tobias, est un fou amoureux des livres, qui ont une grande importance tout le long du roman. Laurent Seksik, médecin, écrivain et historien, parle d’une façon très riche de l’être humain. Celui qui souffre dans son corps, comme celui qui souffre dans son âme. Ses personnages traversent différentes périodes de l’histoire, et on vit intensément chaque moment car il a su rendre réels les événements dont il parle. Les pogroms de Ludichev sont une pure horreur dont je n’avais pas vraiment pris conscience. La nuit de Cristal, la persécution Nazie en France, le procès des médecins juifs sous Staline tout cela est plus présent dans la littérature comme dans notre mémoire collective. Mais on doit au talent de Laurent Seksik de savoir nous en parler avec un nouvel éclairage et sans aucune lourdeur. Chaque personnage est habité par une foi indestructible d’abord dans la foi juive dans la vieille russie, puis dans le progrès scientifique à Berlin et enfin dans l’humanité en 2015. C’est vraiment un roman superbe : quelle leçon de vie !
Citations
Réflexion du médecin le soir chez lui, jolie phrase
Son cerveau était un dispensaire à l’heure où les douleurs languissent.
Description de la vérole
Pavel n’avait pas été alerté par la petite écorchure sur le pénis que présentait son patient. Le chancre avait rapidement disparu, la maladie s’était éclipsée. La vérole était revenue de longs mois plus tard, sous d’autres masques, plaques rosées sur la peau, gorge enrouée puis, lentement, le mal avait ravagé chaque partie du corps, de la plante des pieds au cuir chevelu, jusqu’à pourrir les chairs, briser les os, boucher les artères, broyer le visage, rendre taré, débile, estropié, tordu ; les tourments de la peste et du choléra réunis dans une lenteur programmée. À la fin, le mal avait mordu le cœur, liquéfié l’encéphale. La mort seule mettrait un terme au supplice.
Condition juive du temps des pogroms, débats à l’infini sur la théologie
Dans le doute, chacun faisait à sa manière. Trois ou quatre heures ? Cette seule question résumait aux yeux de Pavel toute la condition juive, une interrogation permanente, un questionnement de tous les instants, un interminable, dérisoire et splendide voyage dans un infini et vain champ de réflexion.
La vérité est dans les romans
Moi, je me moque de la stricte vérité. Si je veux le vrai, je lis le journal. Si je veux de l’intelligence, je lis la philosophie. Mais la vérité de l’homme – qui n’a rien à voir, j’en conviens, avec la vérité des faits- est dans l’émotion. Je la trouve dans les romans.
La plainte d’un hypocondriaque
Tu ne prends pas ma souffrance au sérieux. Personne n’a jamais pris ma souffrance au sérieux de toute façon. C’est à désespérer de souffrir.
Le communisme
Camarade Kotev, n’attends rien non plus de notre humanité. La compassion est au pouvoir communiste ce que l’autoritarisme est à la démocratie.
Citation du journal L’humanité de 1953
Un groupe de médecins terroristes vient d’être découvert en Union soviétique : ils ont été démasqués commis des agents des services de renseignement américains, certains d’entre eux avaient été recrutés par l’intermédiaire du Joint, organisation sioniste internationale.Les médecins français estiment qu’un très grand service a été rendu à la causé de la paix par la mise hors d’état de nuire de ce groupe de criminels…
Je ne savais pas trop de quoi il retournait, donc merci pour ce billet très éclairant. Nul doute que je me pencherai sur ce roman, que tu as autant apprécié, s’il croise ma route en bibliothèque.
un excellent roman, qui devrait plaire à un large public car il est bien écrit et raconte bien des faits historiques qui hantent notre mémoire.
Je ne connaissais pas cet auteur mais ton billet me donne très envie de lire ce livre. Je le met directement dans ma wish list.
Bonne journée
bonne soirée à toi, un excellent roman selon moi.
il est sur ma liste, j’avais été intéressée mais pas vraiment passionnée par le Cas Einstein mais le sujet de celui là m’attire nettement plus
J’ai aimé les deux, j’aime beaucoup sa façon d’écrire en s’appuyant sur des faits réels , cet auteur crée un univers romanesque étonnant. la première partie est excellente, et je ne connaissais pas bien cette période de l’histoire.
J’ai rencontré l’auteur récemment autour de ce livre. Il est très sympathique et c’était fort intéressant. Je le prendrai à la bibliothèque. J’ai acheté « les derniers jours de Stefan Zweig » en poche.
Cet auteur sait utiliser ses deux qualités : médecin et écrivain, pour donner un relief particulier à ses romans historiques. Celui ci m’a totalement enchantée.
Merci pour Les 5 coquillages, indice précieux qui, outre le texte sur l’ouvrage, me donnent toujours envie de lire !
Merci pour ce blog épatant et nourrissant.
A très bientôt !
MA de ST ENO
quand tu auras un créneau , je te garde ce roman , il te plaira….
Je note ce titre, j’aime les histoires de médecins… L Seksik est médecin et semble très talentueux. Il a été cité dans divers prix.
C’est un des meilleurs romans que j’ai lu dans ce début d’automne.