Édition La Table ronde, quai Voltaire, 377 pages, août 2020.
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Jean Esch
Richard Russo est un auteur qui ne me déçoit jamais, souvent quand je lis vos billets sur cet auteur je me dis encore un roman à lire pour mon plaisir. Pourtant, sur Luocine je n’ai que « le déclin de l’empire Whiting » avec 5 coquillages, bien sûr. Je dois à ce roman une grande première pour moi, la fin que j’avais lu en premier ne m’a rien appris sur l’intrigue, et surtout il m’a démontré que je suis capable de supporter le suspens quand il est dévoilé petit à petit et qu’il rajoute à l’intérêt du livre.
Le roman commence par un prologue assez long où l’on voit des anciens amis étudiants , se retrouver dans une île au large du Massachussets, Martha’s Vinehard, très vite on apprend qu’en 1971, ils y avaient passé quelques jours en compagnie d’une fille dont ils étaient tous amoureux , Jacy.
Ils ont aussi tous les trois été marqués par la guerre du Vietnam, surtout Michael qui avait tiré le numéro 9 ce qui aurait dû ne lui laisser aucune chance d’échapper à la guerre. On comprendra peu à peu, la phrase mise en épigraphe du roman :
Pour ceux dont les noms sont sur le mur
Nous allons donc, peu à peu connaître Lincoln, le propriétaire de la maison sur l’île, Teddy propriétaire d’une maison d’édition qui ne s’est jamais autorisé à écrire « son » roman, Michael le chanteur de rock qui détient une grande partie des réponses que se posent ses deux amis.
Sans déflorer le suspens, car ceci nous l’apprenons très vite, Jacy qui devait se marier avec un homme du même milieu social qu’elle, quelque temps après le premier séjour dans l’îl, a rompu ses fiançailles et a disparu. Son souvenir plane sur leurs retrouvailles dans l’île. L’intérêt du roman, comme toujours chez cet auteur, vient de l’analyse très poussée de trois milieux sociaux nord-américains différents. Le roman joue avec deux temporalités, la jeunesse des étudiants et le WE aujourd’hui.
Lincoln, est le fils d’un père sûr de toutes ses valeurs et étroit d’esprit, la seule révolte de sa mère aura été de garder sa maison sur cette île où elle a passé de bonnes vacances enfant. Aujourd’hui Lincoln est à la tête d’une agence immobilière, a failli faire faillite pendant la crise des subprimes. Il a réuni ses amis dans cette maison qu’il pense vendre, grâce à lui (ou à cause de lui) la disparition de Jacy l’amènera à soupçonner son voisin, puis son meilleur ami.
Teddy, est le fils de deux enseignants d’anglais, et il a toujours eu beaucoup de mal à s’imposer. Il a été victime d’une chute lors d’un match de basket, les conséquences de cette chute, étofferont l’intrigue du roman.
Michael est leur ami alors qu’il vient d’un milieu social très différent d’eux, en effet tous les trois se sont retrouvés dans une université de la côte Est « Minerva collège », alors que Michael est fils d’ouvrier et n’hésite pas à faire le coup de poing. Il est devenu rockeur et conduit une grosse moto. Il est beaucoup moins simple que son apparence ne le montre.
Quelques personnages secondaires enrichissent le roman, le voisin qui veut acheter la maison et qui se fait un point d’honneur à choquer le voisinage par ses propos outranciers. L’ancien policier alcoolique qui lance Lincoln sur des pistes d’explications à la disparition de Jacy qui vont beaucoup troubler Lincoln et permettre au lecteur de voir les mêmes faits sous un angle différent.
Non, non, je ne dirai rien de la disparition de Jacy, qui quand à elle doit comprendre sa propre famille et son origine biologique, une partie des réponses viennent de sa recherche.
J’ai beaucoup aimé cette plongée dans la civilisation nord-américaine. Et Bravo, à cet auteur d’avoir vaincu mon impatience à connaître la fin avant de me lancer dans la lecture. Mais je dois avouer qu’une fois que j’avais toutes les solutions j’ai relu avec un très grand plaisir le roman : on ne peut jamais se refaire complètement !
Extraits
Début du prologue (de 35 pages).
Les trois vieux amis débarquent sur l’île en ordre inversé, du plus éloigné au plus proche. Lincoln, agent immobilier, a pratiquement traversé tout le pays depuis Las Védas. Teddy, éditeur indépendant, a fait le voyage depuis Syracuse. Mickey, musicien et ingénieur du son, est venu de Cape Cod, tout à côté. Tous les trois sont âgés de soixante-six ans et ont fait leurs études dans la même petite université de lettres et science humaine du Connecticut, où ils ont travaillé comme serveur dans une sororité du campus
Analyse des études et des prof à l’université américaine.
D’après les registres de l’administration, Teddy avait suivi plus de cours dans plus de matières que n’importe quel autre étudiant depuis la création de Minerva Collège. Tom Ford, son professeur préféré, lui avait dit de ne pas s’inquiéter pour ça, mais évidemment Tom Ford était fait de la même étoffe. Se qualifiant de « dernier des généralistes », il occupait la chaire des humanités et dispensait un cours sur les Grands Livres, mais il donnait également des cours « sur des sujets spéciaux » en anglais, philosophie, histoire, art et même en science. En fait, il inventait des cours qu’il aurait aimé se voir proposer quand il était jeune étudiant. Teddy en avait suivi tellement que Mickey disait pour plaisanter qu’il était le seul étudiant diplômé en Fordisme. Teddy avait découvert seulement en dernière année que son mentor était tenu en piètre estime par ses collègues. Il n’avait jamais dépassé le statut de maître de conférences car non seulement il ne publiait jamais rien, mais il voyait d’un mauvais œil ceux qui le faisaient. Leurs ouvrages, affirmait-il, apportaient la preuve de leur manque de savoir et de l’étroitesse de la sphère de l’heure connaissances. Plus que n’importe qui, c’était Tom Ford qui avait donné à Teddy la permission de satisfaire sa curiosité sans attendre en retour des bénéfices de réussite professionnelle. « Un jour » avait-il écrit en bas d’une de ses dissertations de Teddy, « vous écrirez peut-être quelque chose qui mérite d’être lu. Je vous conseille de retarder le plus possible ce jour « .
Compassion et pitié.
Ses amis, pour peu qu’ils aient un peu suivi ce qui se passait, devaient savoir que Las Vegas avait été l’épicentre de l’ouragan financier des subprimes, mais comme il n’avait jamais laissé entendre que lui-même était menacé, ils avaient dû le croire à l’abri. Aujourd’hui encore, alors que l’agence avait enfin la tête hors de l’eau, il voulait leur cacher qu’ils avaient failli sombrer. Il ne craignait pas qu’ils s’en réjouissent. Au contraire, ils compatiraient. Néanmoins, la membrane qui sépare la compassion de la pitié est parfois fine comme du papier à cigarette et Lincoln -digne fils de son père, là aussi – ne voulait pas prendre ce risque.
Faire la guerre du Vietnam.
C’était donc ça. Son père, Michael Sr., un vétéran de la Seconde Guerre, avait détesté chaque instant passé sous l’uniforme, mais il était fier, avait-il expliqué à Mickey, d’avoir rempli son rôle. » Quand on t’appelle, tu y vas. Tu ne demandes pas pourquoi. Ça ne marche pas comme ça. Et ça n’a jamais marché comme ça, mais. Ton pays t’appelle, tu y vas. » Tuyauteur de profession, Michael Sr. était de, de l’avis général un type carré qui n’aimait pas le baratin. Bourru et inculte, assurément, mais un gars bien.
Sourire.
-Vous aimez les animaux ?– Comme la plupart des flics, je les préfère aux gens. Encore jamais connu un qui mentait.
Le coup de poing.
Son père, un bagarreur dans sa jeunesse, l’avait mis en garde contre la violence, ses dangers, mais surtout ses plaisirs. Quand vous décrochez un coup de poing, tout ce qui est enfermé en vous se libère, et il n’existe pas de sensation plus agréable.
Fatalité ou Destinée .
Et comme l’avaient bien compris les Grecs, il n’était pas possible d’interrompre, ni de modifier de manière significative, l’enchaînement des événements une fois que l’histoire avait commencé.
Je l’ai lu et aimé, comme à peu près tous les livres de Richard Russo. Pour mon plus grand plaisir, j’en ai encore quelques uns à lire.
on partage ce goût ! j’aime bien cet auteur.
J’ai lu plusieurs romans de Richard Russo, l’an dernier, avec Keisha et, comme toi, je n’ai jamais été déçue. Mon préféré (pour l’instant) reste quand même « Le déclin de l’empire… ». Russo est vraiment très fort lorsqu’il s’agit de brosser le portrait de la société américaine. Et souvent drôle aussi.
je suis d’accord pour ton préféré ! mais celui-ci est très bien aussi
un auteur que j’ai apprécié mais au fil de ses livres mon intérêt a diminué et je me suis un peu ennuyée
je crois qu’il faut éviter de lire trop à la suite des livres du même auteur même quand on les apprécie.
Un auteur que je dois toujours découvrir, mais on ne se refait pas non plus, je retourne toujours vers mes auteurs français…
et puis tu le sais si un jour tu manques d’idées ses livres sont dans toutes les bonnes médiathèques
Encore un chouette roman de Richard Russo : un autuer selon mes goûts !
il a dans la blogosphère son petit (ou grand) fan club !
Je vois que cet auteur plaît énormément et déçoit rarement. C’est noté !
oui, oui il faut le noter après il faut avoir le temps de lire tout ce que nous notons ….
Je ne connais pas du tout cet auteur, mais je suis curieuse, je vais me renseigner et peut-être que je me laisserais tenter, car ce que tu en dis donne envie :)
Beaucoup de blogs peuvent te donner envie , c’est un excellent auteur.
Une lecture que j’avais aimé.
tu avais fait un billet ?
Hélas il m’en reste peu à découvrir , un recueil de nouvelles (sinon je peux relire) J’aurais pu n faire un chouchou, mais avec quels nouveaux titres? ^_^
il est très présent dans les blogs que j’apprécie !
Excellent voyage que ce Retour à Martha’s Vineyard.
ce n’est pas , pourtant, l’idée de voyage qui prédomine, un voyage dans le temps peut-être.
C’est un auteur que je n’ai jamais lu.
la blogosphère permet de faire de belles découvertes. Cet auteur en est une !
je ne sais pas pourquoi je n’ai jamais encore rien lu de lui, à découvrir donc !
C’est facile pour moi de dire oui, c’est un auteur à découvrir.
Je crois que je n’ai lu qu’un livre de cet auteur, et j’avais bien aimé. Alors il faut que je m’y replonge
là je ne doute pas de moi et je te dis donc, que je ne connais pas de livres inintéressants de cet auteur
A part « Ailleurs », je n’ai commenté aucun livre de Russo donc je les ai lus avant la création de mon blog ! Mais c’est un auteur que j’aime. Moi aussi, c’est le déclin de l’empire que je préfère.
Je continuerai avec cet auteur de temps en temps je ne suis jamais déçue.
L’auteur retient un peu sa plume satirique dans celui-ci, mais j’avais beaucoup aimé les personnages et aussi leur nostalgie … Mais bon, j’aime cet auteur dont j’ai un autre titre cet été, je crois, comme toi, qu’il vaut mieux les espacer ( surtout que ses romans sont quand même assez longs !)
Je le pense vraiment lire à la suite plusieurs livres du même auteur ce n’est pas une si bonne idée que cela.