Édition Acte Sud

et participation au mois du Québec de Yueyin et Karine

J’aime cet auteur autant pour son style que pour les histoires qu’il nous raconte. J’ai déjà chroniqué « La traversée du continent » mais j’en ai lu beaucoup d’autres (je dois les relire pour leur faire une place sur Luocine). Michel Tremblay raconte sa famille, mais au-delà de sa famille nous fait comprendre la vie au Québec au siècle dernier. C’est une vie de misère et de rudesse dominée par une église catholique toute puissante qui se mêle du moindre recoin de la vie de ceux et celles qu’elle veut intimement contrôler. Cela va de la vie sexuelle à la liberté de s’instruire.

Les deux personnages Victoire et Josaphat sont frère et sœur. Ils sont unis par un drame atroce, le jour de Noël leurs parents ainsi qu’une grande partie de la population du village meurt dans l’incendie de l’église lors de la messe de minuit. Le curé et le bedeau se sont enfuis par la sacristie sans chercher à sauver leurs paroissiens. Josaphat qui déjà avait perdu la foi, est fou de douleur. Sa sœur Victoire revient vers lui après avoir passé sept années dans un couvent pour y être éduquée par des sœurs qui feront tout pour qu’elle le devienne, elle aussi, mais sans succès. La voilà de retour près de son frère, dans son village natal. C’est l’occasion pour l’auteur de nous faire ressentir la force et la beauté de la nature, les ragots du village, l’absurdité de l’éducation catholique. Michel Tremblay s’amuse aussi à souligner les différences entre le français des sœurs cultivées et le français « d’icitte » : de Duhamel autrefois Preston, le village de Victoire et de Josaphat. Et puis peu à peu nous comprenons le lien qui se tisse entre ses deux orphelins mais si vous avez déjà lu les autres livres de Michel Tremblay seule la façon dont il le raconte sera une nouveauté .

Tout est dans le style de cet auteur, on le lit avec intérêt sans sauter une seule ligne pour en savourer le moindre mot.

 

Citations

Tout le charme de la langue du Québec discours de son père quand sa fille part au couvent.

 Prends tout ça, cette belle chance-là, pour toé. Pour toué tu-seule, Victoire. Fais-le pas pour nous autres, pour nous sauver, écoute-les pas, laisse-les pas te pousser à choisir des choses que tu veux pas. Y vont te donner ce qu’on aurait pas pu te donner, nous autres, une éducation complète. fait leur des accroires si y faut, conte-leur des mensonges, ça sera pas grave d’abord que tu vas apprendre des affaires qu’on connaîtra jamais nous autres… Deviens la fille la plus savante de Preston, pas une bonne sœur. Pis après, va-t-on d’icitte ! Explorer le vaste monde. Si des prêtres venaient m’offrir la même chose pour Josaphat, je dirais oui tu-suite. J’s’rais prêt à me briser le cœur une deuxième fois…

Les réalités du corps et le couvent

 Au couvent, ça s’appelait les cabinets d’aisances, ou les latrines, c’était situé à l’autre bout de l’immense bâtisse et c’était un sujet tabou. Quand nous avions besoin de nous y rendre, nous devions sortir le petit mouchoir glissé dans la manche gauche de notre uniforme et le montrer à une religieuse qui, chaque fois fronçait les sourcils comme si nous commettions une grave faute de bienséance avant de nous faire signe de nous retirer. Il ne fallait « jamais » en faire mention à haute voix. « Les basses fonctions », comme les appelaient les religieuses en plissant le nez, étaient honteuses et devaient être tues. Quant aux religieuses elles-mêmes, je n’ai jamais su où elles faisaient ça.

La cuisine de l’enfance

 Je n’ai pas touché au dessert, mais Josaphat a enfourné une énorme portion de poutine au pain -quel plaisir de retrouver le mot poutine après le mot « pudding » imposé par les religieuses, arrosée de sirop d’érable. Ce que j’avais devant moi n’était pas un pudding au pain, mais bien une poutine au pain, improvisée sans recettes, l’invention de plusieurs générations de femmes qui ne savaient pas lire et qui avait cependant une grande capacité d’improvisation. Rien de ce que j’avais mangé durant mon enfance ne venait d’un livre.

Sourire

Manger de la graisse de rôti en compagnie de quelqu’un qui sent le pipi ce n’est pas la chose la plus agréable du monde

 

 

16 Thoughts on “Victoire ! – Michel TREMBLAY

  1. keisha on 15 novembre 2021 at 08:56 said:

    Je te comprends, c’est un vrai bon auteur du coin (et du monde).

  2. J’en ai lu seulement deux de lui, il faudrait que je continue, j’avais beaucoup aimé.

  3. Et je n’ai toujours pas lu cet auteur pourtant très présent sur les blogs que je fréquente.

    • si tu es comme moi, ce que je ne sais absolument pas, parfois un auteur est dans notre mémoire inconsciente et quand on le découvre au hasard d’une sollicitation on se dit : « ah mais le voilà , je savais bien que je le connaissais par ouï-dire! « 

  4. Oh là là, je me rends compte que je n’ai jamais lu cet auteur !

  5. c’est toi qui m’a donné envie de le lire, je note celui ci dont le thème m’intéresse et je viens de le trouver en numérique hourra

  6. Je ne connais pas du tout cet auteur, mais le sujet et l’époque me tentent bien. Je note ! Je t’ai envoyé un SMS pour organisé une rencontre cette semaine si tu le souhaites et si tu es dispo ;)

    • Un auteur que tu devrais aimer et oui cela me ferait grand plaisir de te rencontrer . Je n’ai reçu aucun sms de ta part .
      Laisse moi si tu peux une adresse mail sur laquelle je peux te contacter.

  7. Je ne sais pas pourquoi je ne suis jamais revenue vers cet auteur, alors que j’avais adoré « Un ange cornu avec des ailes des tôle »..

    Et tu peux, avec ce billet, participer au Mois Québécois ! : http://chezyueyin.org/blog/quebec-en-novembre-top-depart-et-recap/

  8. J’aime vraiment beaucoup Michel Tremblay :-)

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