Traduit de l’allemand (Autriche) par Elisabeth Landes
Encore un coup de cœur de notre club, qui avait déjà couronné Le Tabac Tresniek que j’ai préféré à celui-ci. On est vraiment pris par cette lecture et pourtant, il ne se passe pas grand chose dans ce roman, si ce n’est qu’une vie entière y est racontée. Egger a d’abord été un enfant martyrisé par un oncle paysan qui n’avait aucune envie d’élever cet orphelin « batard », puis il deviendra un paysan dur à la tâche dans une Bavière des années 30. Enfin, il connaîtra l’amour et quelques années il sera heureux avec une jeune femme malheureusement disparue dans une avalanche qui détruira son chalet et sa vie. Il sera alors employé dans une compagnie qui construira des téléphériques et verra peu à peu sa montagne se transformer en lieu de loisirs . La grande histoire lui passe au dessus de la tête, lui qui n’a connu l’amour et l’affection que si peu de temps. Les risques qu’il prend dans les constructions en montagne, la guerre et surtout sa captivité en Russie soviétique aurait dû le voir mourir lui qui a perdu sa raison de vivre, il en revient, en 1952, encore plus solitaire. Oui, c’est toute une vie d’un homme simple et mal aimé qui se déroule devant nos yeux et l’auteur sait nous la rendre présente sans pour autant qu’aucun pathos ne se mêle à cette destinée solitaire.
Citations
Un enfant martyre
Comme toujours, le fermier avait trempé la tige dans l’eau pour l’assouplir. Elles fendait l’air d’un trait en sifflant, avant d’atterrir sur le derrière d’Egger dans un bruit de soupir. Egger ne criait jamais, cela excitait le fermier qui frappait encore plus dur. Dieu endurcit l’homme fait à son image, pour qu’il règne sur la terre et tous ce qui s’affaire dessus. L’homme accomplit la volonté de Dieu et dit la Parole de Dieu. L’homme donne la vie à la force de ses reins et prend la vie à la force de ses bras. L’homme est la chair, il est la terre, il est paysan, et il se nomme Hubert Kranzstocker.
L’enfant mal aimé
Pendant toutes ces années passées à la ferme, il demeura l’étranger, celui qu’on tolérait, le bâtard d’une belle-sœur châtiée par -Dieu, qui devait la clémence du fermier au seul contenu d’un portefeuille de cuir pendu à son cou. En réalité, on ne le considérait pas comme un enfant. Il était une créature vouée à trimer, à prier et à présenter son postérieur à la baguette de coudrier.
Camp de prisonniers en Russie
Au bout de quelques semaines, Egger cessa de compter les morts qu’on enterrait dans un petit bois de bouleaux, derrière le camp. La mort faisait partie de la vie comme les moisissures faisaient partie du pain. La mort, c’était la fièvre. La mort, c’était la fin. C’était une fissure dans le mur de la baraque, qui laissait passer le sifflement du vent.
La fin des camps de prisonniers en Russie
Il s’écoula encore près de six années avant que ne s’achève le temps d’Egger en Russie. Rien n’avait annoncé leur libération, mais, un beau jour de l’été dix-neuf cent cinquante et un, les prisonniers furent rassemblés tôt le matin devant les baraquements et reçurent l’ordre de se déshabiller et d’entasser leurs vêtements les uns sur les autres. Ce gros tas puant fut arrosé d’essence, puis allumé, et, tandis que les hommes fixaient les flammes, leurs visages trahissaient leur terreur d’être fusillés sur-le-champ ou d’un sort plus terrible encore. Mais les Russes riaient et parlaient fort à tort et à travers, et quand l’un d’eux saisit un prisonnier aux épaules, l’enlaça et se mit à effectuer avec ce fantomatique squelette nu un grotesque pas de deux autour du feu, la plupart sentirent que ce jour-là serait un jour faste. Pourvus chacun de vêtements propres et d’un quignon de pain, les hommes quittèrent le camp dans l’heure même, pour s’acheminer vers la gare de chemin de fer la plus proche.
Je reviendrai à ton billet plus tard parce que je suis en pleine lecture de ce roman.
je pense qu’il va beaucoup te plaire si j’en juge par les romans que tu aimes.
J’ai beaucoup aimé les deux romans, avec une petite préférence pour Une vie entière (mais ça tient peut-être à l’ordre de la découverte…)
je suis sur la même longueur d’ondes avec une préférence pour le premier.
je l’ai noté celui là et j’espère le lire bientôt
Et je pense qu’il te plaira.
J’avais beaucoup aimé ce roman. Et dire que je n’ai toujours pas lu Le tabac Tresniek !
Oui mais tu en as lu d’autres qui me font aussi très envie!
Voilà encore un joli titre qui est toujours sur ma liste. Le récit que tu en fait est convainquant, il n’a pas manqué grand chose pour au moins un coquillage supplémentaire!
je crois que s’il lui manque un coquillage, c’est en comparaison inconsciente avec son premier roman que j’avais adoré.
J’ai adoré ce roman ! Il me reste à lire « le tabac » maintenant.
Oh oui il est pour moi encore plus extraordinaire.
Vous fréquentez un club de lecture ? comment cela fonctionne-t-il ?
Il fonctionne grâce à la bibliothécaire de la médiathèque. Elle sélectionne des livres dans l’actualité et aussi à propos d’un thème. Tous les mois nous réunissons nous sommes une vingtaine (je sais qu’elle refuse du monde) et nous défendons les livres que nous avons aimés si une majorité de lectrices (et oui nous sommes que des femmes!) défendent un livre, nous lui mettons un coup de cœur, et il est mis en valeur dans la médiathèque. La bibliothécaire nous a dit qu’elle n’a que des retours positifs des livres choisis.
Merci pour les informations Luocine. À bientôt.
à bientôt donc!
j’ai lu celui-ci il y a deux ans ? suite à l’article de Jérôme et que j’avais dans mon club de lecture j’avais bien aimé même s’il ne s’y passe pas grand chose. Je voulais lire l’autre mais je n’ai jamais pris le temps et j’ai vu des avis très mitigés
Tu le sais, j’ai préféré le premier . S’il croise ta route n’hésite pas.