Édition le livre de poche , 347 pages, septembre 2021

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Stéphane Roques

Un roman chaudement recommandé par la blogosphère (par exemple Ingannmic , Je lis je Blogue ) et je comprends pourquoi. Nous allons suivre douze personnes indiennes ou ayant du sang indien, qui doivent se retrouver pour un grand « Pow-Wow » à Oakland. Je ne connaissais pas ces manifestations qui permettent aux Indiens de se retrouver entre eux en chantant et en dansant. Visiblement, ces manifestations ne sont pas uniquement folkloriques, elles font du bien aux participants qui ont si peu l’occasion de se sentir fiers de leurs origines.
Bien loin des images habituelles d’Indiens vivant dans les réserves en peine nature, nous sommes avec des urbains qui ont tous connu des graves difficultés. L’alcool, la drogue, la violence sont le quotidien des ces gens. À aucun moment, l’auteur ne cherche à simplifier les problèmes que ces êtres mal dans leur peau créent ou qu’ils rencontrent. Le passé est comme un poids énorme qui pèse sur leurs personnalités, cela permet à l’auteur de raconter les différentes exterminations dont les tribus indiennes ont été les victimes, et de faire prendre conscience que leurs difficultés actuelles, même si ces gens font parfois des actes violents cela est si peu de choses à côté de ce dont ont été victimes leurs ancêtres.

Mais si tous viennent à cette cérémonie dans un esprit de communion, malheureusement certains ont d’autres projets, et auront comme projet d’arriver avec des armes pour voler l’argent qui doit récompenser les participants aux différents concours de chants et de danses.

On suit au plus près le destin des jeunes qui souvent sont élevés sans père, ou avec des pères violents, des femmes qui ne sont pas capable d’être mères mais qui ont quand même des enfants. Comme Tony qui a été porté par une mère alcoolique et qui souffre donc du Syndrome d’Alcoolisation Fœtale, sa mère est en prison et hélas il va essayer de gagner de l’argent avec la drogue.

Chaque chapitre porte le nom d’un personnage qui va participer au « pow-wow » , positivement ou pour détruire. Tout le roman monte vers la catastrophe qui était annoncée dès le début. Un très beau roman, pour lequel j’ai une réserve car c’est compliqué de passer d’un personnage à l’autre puis de le retrouver. On passe, non seulement d’un personnage à l’autre, mais d’une histoire à une autre, cet éparpillement est à l’image de la façon dont vivent les Indiens d’aujourd’hui qui ne sont plus une communauté, ils vivent en effet en ville et le plus souvent dans des situation marginales ou la limite de la marginalité. Cet éparpillement ne facilite pas la lecture. J’ai dû faire de gros efforts pour garder à l’esprit l’engrenage fatal dans lequel l’auteur plonge son lecteur. Mais j’ai beaucoup aimé la façon dont chaque personnage est décrit.

 

 

Extraits

Début.

 Il y avait une tête d’Indien la tête d’un Indien, le dessin de la tête d’un Indien aux longs cheveux parée d’une coiffe de plumes d’aigle, dessinée par un artiste anonyme en 1939 et diffusée jusqu’à la fin des années soixante-dix sur tous les écrans de télé une fois les programmes terminés. Cela s’appelait la Mire à tête d’Indien. Si on laissait la télé allumée, on entendait le son d’une fréquence de 440 hertz -celle servant à accorder les instruments- et on voyait cet Indien, entouré de cercles pareils à ceux de la lunette de visée d’un fusil. Il y avait ce qui ressemblait à une cible au sens de l’écran, et des chiffres comme autant de coordonnées.

Exemple de massacres.

 En 1637 entre quatre cents et sept cent Pequots se rassemblèrent comme chaque année pour la Danse du Maïs vert. Les colons encerclèrent leur village l’incendièrent et abattirent tout Pequot qui tentait de s’échapper. Le lendemain, la colonie de la baie du Massachusetts organisa un banquet pour fêter l’évènement, et le gouverneur proclama un jour d’action de grâce. Ce type d’action de grâce survenait partout, chaque fois qu’il y avait ce qu’il fallait bien appeler « un massacre couronné de succès ». On raconte qu’au cours d’une de ces fêtes à Manhattan, les habitants célébrèrent l’évènement à travers les rues en donnant des coups de pied dans les têtes d’Indiens, comme s’il s’agissait de ballons.

Le Syndrome d’Alcoolisation Fœtale.

 Devant la télé juste avant de l’allumer, j’ai vu le reflet sombre de mon visage. C’est là que je l’ai vu pour la première fois. Mon vrai visage, celui que voyaient tous les autres. Quand j’ai posé la question à Maxine, elle m’a dit que ma mère buvait quand j’étais dans son ventre, et m’a dit très lentement que j’avais le syndrome d’alcoolisation fœtale.

Le titre.

 Cette citation est importante pour Dene. Ce « là, là ». Il n’avait pas lu Gertrude Stein en dehors de cette citation. Mais mais pour les Autochtones de ce pays, partout aux Amériques, se sont développés sur une terre ancestrale enfouie le verre, le béton, le fer faire et l’acier, une mémoire ensevelie et irrécupérable. Il n’y a pas de là, là :ici n’est plus ici.

Réflexion sur le temps.

 On ne l’a pas, le temps mon neveu. C’est le temps qui nous a. Il nous tient dans son bec comme le hibou tiens un rat des champs. On frissonne. On se débat pour qu’il nous relâche, et lui nous picore les yeux et les intestins pour se nourrir, et on meurt de la même mort qu’un rat des champs.

Réflexion sur le suicide des Indiens

Des jeunes sautent par la fenêtre d’immeuble en flamme et trouvent la mort. Et nous pensons que le problème c’est qu’ils sautent. Voilà ce que nous avons fait : nous avons tâché de trouver un moyen de les empêcher de sauter. Nous les avons convaincus qu’il vaut mieux brûler vif que s’en aller dès que les ennuis deviennent trop brûlants. Nous avons condamné les fenêtres et installer de meilleurs filets de protection pour les rattraper, nous avons trouvé de meilleures façons de les convaincre de ne pas sauter. Ils décident qu’il vaut mieux être mort et enterrer que vivant dans ce monde que nous avons façonné pour eux et dont ils ont hérité. 

Les pow-wows.

 Nous avons organisé des pow-wows parce que nous avions besoin d’un lieu de rassemblement. Un endroit où cultiver un lien entre tribus, un lien ancien, qui nous permet de gagner un peu d’argent et qui nous donne un but, l’élaboration de nos tenues, nos chants, nos danses, nos musiques. Nous continuons à faire des pow-wows parce qu’il n’y a pas tant de de lieux que cela où nous puissions nous rassembler, nous voir et nous écouter.


Édition Acte sud, 200 pages, Janvier 2024

Traduit de l’américain par Anne-Laure Tissut

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

Je lis ce livre le premier mai 2024, jour de la mort de Paul Auster, il résonne de façon très particulière car il s’agit justement, d’un roman sur la mort et la difficulté de rester dans le monde des vivants d’un auteur appelé Baumgartner marié à une Anna Blum . L’avoir lu ce jour là, en a changé complètement la perception. Tous les passages sur la mort et le deuil résonnaient comme des phrases prémonitoires et me rendaient triste car je comprenais que ce serait là le dernier roman que je lirai de cet auteur qui a accompagné ma vie de lectrice (avant Luocine).

Baumgartner est un auteur vieillissant qui perd pied dans la lutte pour rester dans le monde des vivants. Le récit commence par ce que les américains appellent un « bad-day » : alors que l’auteur est en train d’écrire, il s’arrête parce qu’il sait qu’il doit appeler sa sœur, il se rend dans la cuisine, il voit qu’il a oublié une casserole sur le gaz, il se brûle en la prenant à pleine main, on sonne à la porte, un homme vient pour vérifier le compteur comme ce contrôleur est nouveau, il descend avec lui dans la cave en oubliant que sa main est brûlée, il tombe en voulant se retenir à la rampe et se se fait très mal…

Si je vous raconte ce début, c’est qu’une grand partie des journées de l’écrivain sont ainsi composées de faits qui s’enchâssent les uns dans les autres et qui montrent que l’homme vieillissant oublie souvent son projet initial. Ce qu’il n’oublie pas, en revanche, c’est son amour pour Anna, sa femme qu’il a aimée avec passion. Une femme libre et poétesse dont la mort violente l’a terrassé. Elle a été écrasée par une vague trop violente alors qu’il venait de lui conseiller de ne pas retourner se baigner. Dix ans plus tard, une femme beaucoup plus jeune lui redonnera le goût de l’amour, mais leurs différences d’âge et de vie les feront se séparer. Et à la fin du livre, on verra une jeune doctorante s’intéresser enfin à l’oeuvre d’Anna.
Vous l’avez compris, nous errons dans les pensées de ce vieil homme, le frère en littérature de l’écrivain (avec un certain humour car Paul Auster n’a pas écrit de romans sur… la roue !), et je sais que, beaucoup d’entre ses lecteurs, ont trouvé ce roman moins intéressant que ses autres livres. Je ne peux pas en juger, car j’étais trop émue en le lisant. Si je peux me permettre un avis contraire à ces spécialistes de l’oeuvre de ce grand écrivain, je trouve que c’est injuste de comparer cet ultime roman à ceux qu’il a écrit alors qu’il était en pleine possession de tous ses moyens. Pour moi ce roman est un petit chef d’oeuvre qui décrit si bien la vieillesse. La perte des êtres chers, la difficulté du quotidien, le détachement des biens de ce monde, la modernité qui nous dépasse et nous exclut du monde des actifs, l’esprit qui part en campagne et qui revient sans cesse sur les moments du passé heureux ou malheureux. Il est possible que cela intéresse moins la jeunesse qui justement est dans l’autre partie de sa vie, mais toutes celles et tous ceux qui, comme moi, ont lu cet auteur tout au long de leur vie ne peuvent qu’être émus par ce roman. Car on se retrouve tellement dans ce livre, pour moi, il s’agit d’une réflexion à portée universelle sur le vieillissement, que l’on soit puissant, riche, pauvre, intellectuel ou pas, on se trouve tous confronter aux mêmes voyages dans nos pensées. (Bien sûr l’argent aide au confort de vie, mais ce n’est pas le sujet du roman.)

Un coup de coeur pour ce livre, mais aussi une grande tristesse de savoir que je ne lirai plus de nouveaux romans de Paul Auster,( je sais que je peux relire les anciens, je le ferai sans doute) .

Extraits

Début.

Baumgartner est assis à son bureau dans la pièce du premier étage qu’il désigne parfois comme son bureau, son « cogitorium » ou son trou. Stylo en main, il est engagé à mi-chemin dans une phrase du troisième chapitre de sa monographie sur les pseudonymes de Kierkegaard quand il lui apparaît que le livre qui a besoin de citer se trouve en bas au salon, où il l’a laissé avant de monter se coucher la veille.

Le deuil de sa femme .

Baumgartner continue à sentir, aimer, désirer, à vouloir vivre mais son intériorité la plus intime est morte. Il le sait depuis dix ans, et durant ces dix ans il a fait tout ce qu’il était en son pouvoir pour ne pas le savoir. 

Texte prémonitoire .

 Il pense aux mères et père vivant le deuil de leurs enfants défunts, aux enfants vivant celui de leurs parents, aux épouses vivant le deuil de leurs maris, aux époux celui de leurs femmes, et à la ressemblance entre leur souffrance et les effets consécutifs à une amputation, car la jambe ou le bras manquant était jadis attaché à un corps vivant, la personne disparue à une autre personne vivante, et si vous êtes le survivant, vous allez découvrir que la partie de vous amputée, la partie fantôme, peut toujours être source d’une douleur profonde et sacrilège.

Les affres de l’écrivain.

 Un an et un mois plus tard Baumgartner est assis au même bureau dans la même pièce, à se demander s’il doit garder la phrase qu’il vient d’écrire ou la raturer pour recommencer. Il la rature, mais avant de recommencer il se soulève de son fauteuil, marche jusqu’à la fenêtre ouverte et regarde de jardin en bas, à l’arrière de la maison.

L’amour .

 Un petit sourire à l’automne, une deuxième rencontre fortuite au printemps, et maintenant un grand sourire : c’était là tout ce qui s’était passé jusqu’alors, et pourtant on eût dit que nous nous connaissions déjà depuis un moment, et peut-être était-ce le cas, car il était évident que chacun de nous avait continué à penser à l’autre de temps en temps au fil des nombreux mois entre alors et maintenant, et à présent que le sort nous avait de nouveau réunis, je sentis que nous étions également déterminés à ne pas tout foirer de nouveau en laissant ce moment disparaître.

Caractère d’Anna.

 Peu importait qu’elle ait tort ou raison, puisqu’elle avait toujours raison même quand elle avait tort, et Baumgartner avait vite appris que la capitulation était la seule défense raisonnable, car une fois qu’il s’était rendu, la dispute prenait fin et était oubliée en quelques secondes. 

C’est fou de lire cela le jour où on annonce la mort de Paul Auster.

 Qui sait si ce n’est pas la dernière belle journée qu’il verra jamais, ou sa dernière journée tout court d’ailleurs ? Non qu’il s’attendent à tomber mort avant le réveil des oiseaux demain matin, mais les faits sont les faits, et les chiffres ne mentent pas. Il a soixante et onze ans, un anniversaire de plus profil dans six semaines exactement, et une fois qu’on est entré dans cette zone de diminution de rendement tout peut arriver.


Édition 10/18, 402 pages, septembre 2013 

traduit de l’anglais (États-Unis) par Héloïse Esquié

Je sais que j’ai acheté ce roman après avoir lu un billet sur un de vos blogs , j’espère que vous me direz dans les commentaires si vous l’avez lu. Le roman raconte l’histoire tragique d’une famille qui vit la disparition d’une petite fille de cinq ans. Son grand frère et sa grand soeur, l’ont laissé se baigner dans une carrière remplie d’eau pendant qu’ils allaient chercher des baies dans la forêt. Les deux aînés se sentent responsables de la disparition de leur petite soeur.
Leur père a disparu en même temps, mais il l’a fait souvent, seulement cette fois il ne revient pas. La mère des enfants est incapable de réagir la famille s’enfonce dans le désespoir. L’auteure raconte cette tragédie en mêlant plusieurs temporalité, la plus ancienne, le temps où les esclaves ont creusé cette carrière au prix de tant de souffrance et de leur vie pour construire des belles maisons aux propriétaires blancs . Elle est maudite cette carrière, car elle connaît un drame qui a marqué la jeunesse du père de Willet et de Roberta les aînés qui ont laissé seule leur petite soeur. Le lien de toute ces vies meurtries c’est celle qui pense être leur grand-mère Clémentine qui aide les femmes à accoucher ou à avorter. Les enfants partiront dans le sud de la Floride où enfin ils trouveront des réponses.

Tous les personnages vivent en marge de la légalité, leur père fabrique des faux billets, et Willet gagnera de l’argent trop facilement dans des trafics de drogue. La grand-mère Clémentine soigne par les plantes des gens qui ne veulent pas ou ne peuvent pas aller voir des médecins officiels, et fait des avortements pour aider des femmes ou aide les femmes à confier leur bébé à des familles d’adoption. Ce roman décrit bien l’ ambiance si particulière du sud des USA, et bien sûr ce qui sous tend ce roman c’est le racisme contre les noirs et des gens qui ont du sang noir, ils ont si peur que les traits physiques des noirs réapparaissent chez leur enfants, car ils connaissent le rejet dont ils seront alors victime.

J’ai eu du mal à me plonger dans ce roman mais peu à peu j’ai été prise par le rythme du récit, un de mes freins pour aimer complètement ce roman, c’est le personnage de Roberta qui semble toujours être à côté de la plaque, deux exemples : elle ne dit pas ce qu’elle a vu le jour de la disparition de la petite soeur, elle veut absolument annoncer la découverte que son père est vivant alors que son frère veut lui annoncer son mariage. Elle semble une éternelle enfant ou adolescente ! En revanche, la description de la nature rend ce roman très beau même quand celle-ci est inhospitalière .

 

Extraits :

Début.

White Forest, Mississipi 
1976
 On était en août et il faisait plus chaud, bizarrement, qu’en juillet ; une chaleur lourde, étouffante qui nous laissait poisseux et nous empêchait de dormir même au plus noir de la nuit. Il pleuvait presque tous les après-midi dans le delta du Mississipi, de violents orages dans des ciels gris tendre. La pluie aurait dû nous soulager, mais dès que les nuages se dispersaient, laissant poindre le soleil, une vapeur s’élevait de l’herbe desséchée, du bitume craquelé et des champs bruns et il faisait encore plus lourd.

Portrait du père.

 Il apparaissait et disparaissait sans prévenir. Nous étions censés être content de le voir, et en général nous l’étions. Papa était charmant, comme les hommes malhonnêtes sont obligés de l’être, et trop beau pour son propre bien. Il ressemblait à si méprendre à Paul Newman. Il le disait lui-même.

Après l’appel à la télévision .

 Tous les jours des gens appelaient chez nous pour dire qu’ils avaient vu Pansy dans une supérette à Shreveport ou un centre commercial en Alabama. Un homme a appelé pour dire qu’il détenait Pansy et qu’elle allait bien, il ne fallait pas s’inquiéter. Une gamine, jouant une farce cruelle, a voulu se faire passer pour notre sœur elle criait dans le téléphone : « Maman viens me chercher ! je suis toute seule ici ! » Willet a arraché le combiné des mains de maman et à jurer à son adresse jusqu’à ce que l’enfant à l’autre bout du fil éclate en sanglots et raccroche.
 Une femme se prétendant médium a affirmé que Pansy se trouvait entre les mains d’un méchant homme. Elle disait qu’elle pouvait la trouver et la libérer de son emprise si maman lui envoyait trous cent trois-trois dollars dans les trente-trois heures le chiffre 3 avait une importance particulière mais je n’ai pas retenu les explications. Maman a voulu s’exécuter, mais Willet l’en a dissuadée. Les policiers l’ont félicité.
 » C’est une arnaque, à expliquer le maigrichon. Ça loupe pas chaque fois qu’une personne disparaît. »

Un des drames du roman.

 Lui et Fern avaient huit ans quand leur père les abandonna sur le bord de la route. On l’appelait Junior à l’époque, le premier des nombreux surnoms qui lui colleraient à la peau toute sa vie.  » Prend soin de ta sœur », lui avait recommandé son père avant de monter dans un train en direction du nord. Ils ne se désolèrent pas de son départ. Ils en étaient encore à se faire à la perte de leur mère.

Le caractère de leur mère .

 Et la vérité n’avait jamais intéressé maman. Elle couvrait la part sombre de notre père d’un joli glaçage comme elle l’aurair fait avec un gâteau au ccaramel. Elle ne pouvait pas supporter de regarder tout ce qui était laid ou douloureux.

Les paysages de Floride.

 Les palétuviers poussaient de travers malgré leurs hauteurs et, dans les zones où l’eau était moins profonde, je voyais que les racines formaient une masse enchevêtrée comme des lianes. Nous avons flotté pendant un moment dans une mare stagnante bordée d’herbe. Il faisait chaud pour une mi-janvier. Les moustiques sifflaient constamment. Un poisson a fait un bon en l’air. Un oiseau a lancé un appel dans les arbres. Une araignée tissait sa toile dorée sur une souche. Partout où je regardais, l’atmosphère était dense lourde et grouillante de vie. Nous avons traversé une nuée de moucherons et j’ai manqué laisser échapper ma pagaie en tentant de les écarter. Les feuilles, les branches et les fragments de mousse qui pendouillaient semblaient s’avancer pour nous caresser au passage. Les troncs d’arbres étaient recouverts de plaques de mousse vert fluorescent.

 

 


Édition Charleston, 437 pages, janvier 2024

Traduit de l’anglais par Sarah Tardy

J’avais beaucoup aimé « Pour que chantent les montagnes » et j’ai donc lu avec intérêt ce deuxième roman qui a pour sujet l’après de la guerre du Vietnam ; L’écrivaine construit son roman sur plusieurs temporalités et plusieurs personnages qui vont se retrouver dans les deux derniers chapitres.

La temporalité la plus ancienne se passe au Vietnam en 1969, deux très jeunes filles veulent sauver leurs parents du poids d’une dette et pour cela vont quitter leur village natal pour devenir « hôtesse » dans un bar à Saïgon. La plus âgée pense vivre une vie amoureuse avec un officier américain : Dan, un pilote d’hélicoptère, Quand Kim (de son vrai nom Thran) lui annonce sa grossesse, Dan s’enfuit. Ces deux filles seront un des fils de l’histoire, le deuxième fil est constitué par Phong, un enfant métissé Vietnamien et américain noir, il veut absolument retrouver son père américain, enfin le troisième fil, c’est Dan en 2016, qui avec sa femme est revenue au Vietnam .

On voit donc que le sujet principal est le sort des enfants métissés au Vietnam. L’écrivaine connaît bien le sujet et fait preuve d’une grande objectivité, il n’y a pas des bons et des méchants, la guerre bouleverse toutes les valeurs et la population est victime. Les soldats américains sont évidement les méchants, mais ce sont aussi des pauvres gosses assez paumés conduits à faire des actes qu’ils seront amenés à regretter toute leur vie quand ils ont survécu. En tout cas c’est la cas de Dan. Nous apprendrons peu à peu la raison de ses cauchemars récurrents, mais jamais l’auteure ne l’excuse d’avoir laissé Kim se débrouiller seule avec ce bébé à venir.

Si les deux sœurs ont été amenées à se prostituer, ce sont pour des raisons économiques et on sent que pour les soldats ce sont des filles qui aiment ça , pour les Vietnamiennes c’est une façon de se sortir de la misère. quand elles commencent à croire à l’amour elles sont perdues car c’est toujours à sens unique.
Pour les enfants métis, c’est l’horreur car ils sont le témoignage vivant des conduites de leurs mères avec les soldats ennemis, on les appelle de toutes sortes de nom racistes mais de toutes façon ils sont pour tout le monde des « poussières de vie »  : Phong, qui a la peau noire est deux fois rejeté comme métis et comme noir. Mais les USA se sentant un peu coupable de leur sort permettra à ces enfants de faire une demande d’exil pour venir vivre dans un pays qui semble un pays de rêve pour le Vietnam qui est très pauvre . Le pauvre Phong sera deux fois victime d’une arnaque, la première fois une riche famille vietnamienne prétendra l’avoir adopté pour pouvoir partir tous ensemble en Amérique. La supercherie est découverte et sa demande est rejetée quand 10 ans plus tard, il renouvelle sa demande en ayant donné toutes ses économies à un escroc qui s’enrichit sur des naïfs du genre de Phong. Pourtant, il a réussi à construire sa vie grâce à la gentillesse de sa femme et il a deux enfants.

Enfin il reste le couple de Dan et Linda qui sont revenus au Vietnam, Dan pour retrouver si possible son enfant et Linda pour aider son mari à vaincre ses fantômes. Le couple aura du mal à ne pas se séparer lorsque peu à peu Dan révèlera son passé.

Pourquoi j’ai quelques réserves sur ce deuxième roman ? Je lui reconnais de grandes qualités d’objectivité, c’est que l’on sent trop l’envie de construire une histoire cohérente qui sans se finir par un happy end, se termine d’une façon optimiste Je reconnais que je n’avais rien lu sur les enfants métis de soldats américains au Vietnam mais cela n’a pas suffit à provoquer chez moi un enthousiasme que je pourrai partager avec vous.

Extraits

Début.

« La vie est un bateau, avait dit sœur Nhã la religieuse qui avait élevé Phong. Dès lors que ce bateau quitte son port d’attache qu’est le ventre de la mère, sa course se poursuit au gré des courants. Mais si le bateau renferme assez d’espoir, de fou en lui-même, de compassion, de curiosité, alors il peut affronter toutes les tempêtes de la vie. »

Un vétéran marqué par la guerre.

Dan ouvrit les yeux. Certains passagers riaient de soulagement. Les turbulences étaient passées.
 Il cligna des yeux, le visage brûlant de colère et de honte, puis secoua la tête pour tenter de chasser les images qui l’avaient assailli, mais dans son esprit tout était encore parfaitement vif : son mitrailleur, Ed Rappa, posté à la porte faisant le signe de croix et embrassant le sol après chacune de leur mission ; son chef d’équipe, Neil Hardesty qui mâchait son chewing-gum la bouche ouverte ; son copilote Reggie McNair, inspectant ses chaussettes porte-bonheur trouées par les mite, qu’il portait toujours en vol. Dan aurait aimé pouvoir leur dire combien il était désolé.
Pourquoi avait-il survécu et pas eux ? Cette question Dan se l’était posée un nombre incalculable de fois au cours des quarante-cinq dernières années.

Les enfants des vétérans.

 Beaucoup de vétérans refusent tout simplement de reconnaître leurs enfants quand ces derniers les retrouvent. Il peut y avoir de nombreuses raisons. Par exemple certains de ces hommes ignoraient qu’ils avaient engendré des enfants au Viêt Nam. D’autres sont traumatisés et ne veulent plus entendre parler de leur passé. Retrouver des membres de la famille est plus complexe qu’on ne le pense.

 

 


Édition du sous-sol paru en août 2023

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Johan-Frédérik Hel Guedj

Oh là là ! quel roman ! À vous dégoûter de mettre un pied sur un bateau . Si vous vous embarquez dans ce roman de 370 pages, sachez que vous connaîtrez le pire des éléments naturels et le pire des conduites humaines. J’ai lu plusieurs avis positifs dont celui de Claudia-lucia . Puis bien d’autres que j’ai oublié de noter : Sandrine et Kathel très récemment. David Grann a fait un travail colossal pour écrire un roman qui décrit les difficultés de la navigation au XVIII° siècle sur un bateau de la Navy, la rudesse de la nature dans l’extrême sud du Chili, la violence des hommes qui font naufrage et qui pensent mourir de faim sur une île inhospitalière, enfin la complexité de la justice britannique pour les marins qui ne sont pas restés sous les ordres de leur capitaine. Mais avant tout cela, on assiste à la façon dont les bateaux sont préparés, armés et équipés d’hommes qui sont loin d’être volontaires pour monter à bord de ce qui est pire qu’une prison car on ne peut jamais s’en échapper. La vie sur les bateaux est un véritable enfer, la promiscuité des hommes d’équipage est inimaginable, et quand les éléments se déchaînent alors les marins n’ont plus de mots pour décrire ce qu’ils doivent supporter ; rappelons que pour cette expédition

Sur les presque deux mille hommes qui avaient pris la mer, plus de mille trois cents avaient péri – un tribu effarant, même pour un périple aussi long.

La façon dont a été préparée cette expédition est en grande partie responsable du naufrage, surtout le recrutement des marins. Comme personne n’est vraiment volontaire, les recruteurs écument les campagnes, les prisons et même les hôpitaux. Ainsi des hommes malades et invalides seront embarqués de force sur les bateaux. Évidemment, ces mêmes malades mourront en grand nombre par les différentes maladies qui s’abattent sur les bateaux qui font de très longues traversées, la plus terrible d’entre elle, le scorbut, dont on ne connaissait pas, à l’époque, l’origine.

Les descriptions des tempêtes australes sont très réalistes (et comme il y en a beaucoup un peu répétitives) enfin le naufrage sur une île déserte et balayée par les vents termine cette navigation dantesque. Là encore les marins ont continué à subir la loi de la Navy et doivent obéissance au Capitaine Cheap, mais la faim et le caractère violent de certains marins – il ne faut pas oublier que plusieurs d’entre eux avaient été recrutés en prison- ont fait voler en éclat les beaux principes de la marine anglaise.

Il existe pourtant des populations qui vivent dans ces régions inhospitalières. En particulier des « Nomades de la mer » les Kawésquar qui vivent sur des canoë à fond plat menés par des femmes. Ils résistent au froid en s’enduisant le cops de graisse et en utilisant des fourrures de bêtes pour se couvrir. Ils viendront en aide aux naufragés mais peu de temps car ces indiens se méfient des populations blanches qui les ont exterminés ou réduits en esclavage.

Enfin un homme arrivera à mener une mutinerie et à s’enfuir par le passage de Magellan . C’est sa version qui fera autorité tant que l’on croie le capitaine mort. Mais celui-ci reviendra trois ans plus tard après une incarcération par les espagnols. Personne ne sera jugé coupable par le tribunal car personne n’a vraiment intérêt à faire la lumière sur ce naufrage. Ni les autorités anglaises qui ne veulent plus entendre parler de cette expédition qui a été trop lourde en pertes humaines, Ni ceux qui ont peur d’être traités de mutins et donc être pendus, ni le capitaine Cheap qui n’a pas non plus la conscience tranquille car il a tué un de ses marins .

 

Le travail de recherche de cet auteur est absolument colossal et son souci d’objectivité remarquable mais cela rend le récit très fouillé donc répétitif . C’est pourquoi j’ai une petite réserve, je dois avouer qu’il m’est arrivé de lire en diagonal certains passages.
Je pense que tous les amoureux de navigation, et ils sont nombreux autour de moi sur la côte d’émeraude, seront ravis de lire ce roman.

 

Extraits

Début.

 Chaque membre de l’escadre embarqués à bord avec un coffre de marine est le poids de son histoire intime : chagrin d’amour, peine de prison passer sous silence, femme enceinte éplorée laissée sur le carreau. Ou encore soif de gloire et de richesses, peur de la mort.

J’adore cette image et ce portrait.

Cheap semblait ne pas avoir d’avenir sur la terre ferme, incapable de naviguer par-delà les hauts-fonds inattendus de la vie. Mais juché sur la dunette d’un vaisseaux de ligne britannique, croisant sur les vastes océans, coiffé d’un bicorne et armé d’une longue-vue, il débordait d’assurance avec, diraient certains, un soupçon d’arrogance.

L’équipage.

 L’équipage comptait au minimum un homme noir  » John Duck, esclave affranchi originaire de Londres. La British Navy défendait le commerce des esclaves, mais les capitaines en manque de marins expérimentés enrôlaient souvent des hommes noirs et libres. Quoique la société d’un bateau ne fût pas toujours aussi soumise à la ségrégation que sur la terre ferme, il s’y exerçait une discrimination omniprésente. Et sur Duck, qui n’a laissé aucun écrit, pesait une menace dont nul autre n’avait à s’inquiéter : s’il était capturé outre-mer, il risquait d’être vendu comme esclave.
 Il y avait également à bord des dizaines de très jeunes mousses dont certains n’avaient peut-être pas plus de six ans qui s’entraînaient à devenir marins ou officiers, et de vieux bonshommes fléchissement : le cuisinier Thomas Maclean avait dans les quatre-vingts ans.

Dicton pour parler d’un pendu.

Il était monté à la ruelle de l’échelle, descendu dans la rue du Chanvre.

Le cap Horn.

Au fil des ans, des marins se sont efforcés de trouver un nom adapté à ce cimetière marin aux confins de la Terre. Certains l’ont appelé le « Terrible », d’autres « la route des hommes morts » . Rudyard Kipling l’a surnommé « la haine aveugle du Horn ».
David Cheap étudia de près les cartes sommaires dont il disposait. Les noms des autre sites de la région n’étaient pas moins effrayants : l’île de la Désolation. Le port de la Famine. Les rochers de la Tromperie. La baie de la Séparation des amis.

Sur les flots déchaînés.

 Chaque fois que le Wager franchissait une vague, Bulkeley sentait le navire dévaler une avalanche liquide comme précipité dans un gouffre privé de lumière. Il ne distinguait qu’une montagne d’eau derrière lui, et devant lui, une autre montagne non moins terrifiante. La coque basculait d’un bord à l’autre, piquant parfois si fortement du nez que les vergues plongeaient sous l’eau tandis que les gabiers tout en haut s’agrippaient aux cordages comme des araignées à leur toile

Les Kawésquars.

 Des explorateurs européens déconcertés de découvrir des populations capables de survivre dans les environs et cherchant à justifier leurs attaques brutales contre ces groupes d’indigènes, traitaient souvent les Kawésquars et les autres peuples aux canoës de « cannibales » mais il n’existe aucune preuve de leur anthropophagie. Ces habitants avaient conçu quantités de moyens de puiser leur subsistance de la mer. Les femmes qui se chargeaient de presque toute la pêche, attachaient les patelles à des tendons longs comme des cordes et les lâchaient dans la mer, en attendant de pouvoir remonter une proie d’un coup et l’attraper à la main


Édition Robert Laffont, 361 pages, février 2024.

 

J’ai failli arrêter la lecture de ce roman au premier chapitre, j’ai eu beaucoup de mal à croire au coup de foudre qui y est décrit : une jeune fille de 17 ans, croise sur un trottoir de son village, un jeune homme très sale mais son sourire lui soulève le coeur. Et paf ! elle est amoureuse et lui aussi et cela pour toute la vie. Evidemment la famille de la jeune Victoria est très dysfonctionnelle, sa mère sa tante et son cousin son morts dans un accident de voiture. Son père est muré dans un silence douloureux, son oncle revenu blessé de la guerre est complètement aigri et se déplace dans un fauteuil roulant , son frère Seth est la méchanceté incarnée. Son grand amour s’avère être un Indien, dont elle aura un enfant. Et lui sera assassiné par le frère de son amante et un ami de celui-ci .
Dans la deuxième partie, on voit cette jeune Victoria accoucher seule dans la montagne et confier son bébé à une jeune femme qui est en train de pique niquer dans une clairière avec son mari et son propre bébé. Ensuite on suivra Victoria d’abord dans son retour dans son village qui doit être inondé par un barrage hydraulique, elle acceptera l’argent du gouvernement pour déménager et reconstruire une ferme dans une autre vallée. Elle sera aidée pour déménager ses merveilleux pêchers par un ingénieur agronome. La vie reprend donc des couleurs pour elle, il lui restera à retrouver son fils. Mais non, je ne vous dévoilerait pas la fin.

L’histoire s’étale de 1948 à 1971, et permet à l’auteur d’évoquer les différentes tragédies ou seulement différentes façon de voir le monde qui ont traversé les USA pendant cette longue période : le retour des hommes blessés pendant la deuxième guerre mondiale, le racisme contre les indiens, la protection de la nature, la guerre du Vietnam , le poids de la religion, la place des femmes …

À aucun moment, je n’ai pu croire croire à « l’héroïne inoubliable » que me promettait le « Sunday Express », pas plus qu’à son abruti de frère Seth qui est le diable incarné. Il y a tant de rebondissements (souvent très invraisemblables) dans ce récit que cela peut peut-être plaire à un certain public, je n’en sais rien. L’évocation de notre « mère  » nature est tellement américaine ! Bref une énorme déception pour un livre que je vais très vite oublier.

À ne lire que si vous voulez bien que je divulgâche ce roman

Lorsque Victoria a accouché seule dans sa cabane dans la forêt, elle réussit à réanimer son bébé puis part et se retrouve dans une clairière où un couple pique nique et la femme donne le sein à un bébé. Elle dépose son nouveau né sur la banquette arrière de la voiture. Cette femme avait elle même accouché, à l’hôpital deux jours avant dans des conditions terribles et n’aura pas d’autres enfants, or son mari voulait avoir deux fils.. Attendez, ! ce n’est pas fini, par le plus grand des hasards le couple n’avait pas encore déclaré la naissance, ils vont donc déclarer la naissance de jumeaux…

 

Extraits

Début .

 Le garçon ne payait pas de mine.
Du moins à première vue
 » Excusez-moi, dit-il, portant des doigts sales à la visière d’une vieille casquette rouge. C’est par là la pension ? »
Aussi simple que ça. Une question banale posée par un inconnu crasseux remontant la Grand-Rue, juste au moment où j’arrivais au croisement avec la rue North Laura.

Le coup de foudre.

 En quittant la ferme ce matin-là, j’étais une fille ordinaire un jour ordinaire. Si je n’étais pas encore capables d’identifier quelle nouvelle carte s’était dépliée en moi, je savais que je n’étais plus la même en rentrant à la maison. Je ressentais ce que devaient ressentir les explorateurs dont on nous parlait à l’école, lorsqu’ils apercevaient un rivage lointain et mystérieux dans une mer qu’il croyait sans fin. Devenu le Magellan de mon voyage intérieur, je m’interrogeais sur ce que je découvrais. La tête posée sur la large épaule de Will, je me demandais d’où il venait, qui il avait quitté, et s’il arrivait à un vagabond de rester longtemps au même endroit. 

Les femmes.

 Une règle que ma mère m’avait apprise par l’exemple, c’est qu’une femme a tout intérêt à parler le moins possible. Elle m’avait souvent paru distante au cours des conversations, en particulier avec les ouvriers agricoles qui partageaient notre table. Mais j’avais fini par comprendre qu’elle, comme moi, comme les femmes de toute temps, utilisait le silence pour protéger sa vérité. En ne me montrant en surface qu’une petite fraction de sa vie intérieure, une femme offrait moins à piller aux hommes.

L’amour…

 Une fille de dix sept ans peut être idiote, surtout si elle ignore tout du pouvoir extraordinaire de l’amour jusqu’à ce qu’il la submerge telle une crue soudaine. Mais mon intuition selon laquelle Will était proche et ma certitude de le trouver en train de m’attendre dans la propriété voisine où Ruby-Alice recueillait ses étranges créatures étaient parfaitement fondées.

Fin de son amoureux pas de son amour .

 Et pourtant… Je connaissais la vérité : le monde était trop cruel pour protéger un garçon innocent ou pour évaluer ce que l’on ait ou non capable d’endurer ; Will avait trouvé la mort au fond de Black Canyon parce qu’il était resté pour m’aimer. 

La survie dans la nature .

 Je scrutai la forêt où vie et mort se superposaient dans l’immobilité froide et la pénombre, et où seuls les chants d’oiseaux rompaient le silence. Des arbres abattus gisaient entre les rochers au milieu des branches tombées et de pommes de pins. Des troncs bruns et massifs se dressaient vers la voûte de feuillages. Des dizaines de jeunes tiges luttaient pour exister, certaines à peine assez hautes pour pointer leur tête hérissée au dessus du charme et de la neige, d’autres émergeant au centre de bûches en décompositions comme des bébés sortie de ventres ouverts. Il y avait de la beauté dans ce chaos. Chaque élément avec son rôle a jouer dans le cycle éternel de la vie. Je me sentais toute petite et inutile, mais pas complètement malvenue.


Édition Sonatine . Traduit de l’anglais par Julie Sybonie.

 

Ce roman d’anticipation décrit ce que les américains ont ressenti lors de l’épidémie de Covid gérée par Donald Trump . Il appelait le Covid, le virus-chinois et cela a engendré dans la population américaine un rejet vis à vis des Chinois ou des gens d’origine asiatique. Mais, au lieu de décrire cela avec précision, l’autrice part dans une fiction où les asiatiques sont accusés d’une crise économique sans précédent. Les habitants acceptent peu à peu les restrictions de leur liberté et ne se rendent pas compte qu’ils vivent dans une dictature. L’aspect le plus sordide de cette dictature, c’est le placement des enfants que l’on a retirés à leur familles jugées dissidentes. Tout est raconté du point de vue d’un enfant, Noah, que sa maman appelait Bird. Sa mère a brutalement disparu et son père n’en parle plus jamais. Noah deviendra l’ami d’une petite fille qui est justement une enfant déplacée et, peu à peu, il ouvre les yeux et décide de se mettre à la recherche de sa mère une poétesse qui est entrée en clandestinité.

Tout ce qui est décrit est une simple exagération fictionnelle de ce que les USA ont connu. Les camps pour asiatiques en tant de crise rappelle ce qui s’est passé, lors de la deuxième guerre mondiale pour les japonais sur le sol américain, les enfants déplacés rappelle les enfants des peuples indigènes au Canada et plus récemment les enfants de migrants mexicains que le gouvernement voulait séparer de leurs parents, enfin la méfiance vis à vis des asiatiques et en particulier des chinois, tout ce qui s’est passé au temps du covid. Et maintenant que les tensions s’exacerbent entre les USA et la Chine communiste, il est sans doute plus difficile d’être chinois aux USA.

Ce genre de roman, ce n’est vraiment pas ma tasse de thé, autant j’aurais aimé un roman qui se passe aujourd’hui pour les minorités asiatiques autant en faire une science fiction me dérange, l’histoire pour les amateurs du genre doit être intéressante. Je ne sais pas pourquoi, les Américains adorent qu’on leur décrive des catastrophes pas encore arrivées, comme si ils n’en avaient pas assez avec celles qui existent vraiment !

 

Extraits

Début

 La lettre arrive un vendredi. L’enveloppe ouverte et refermée par un autocollant, bien sûr, comme toujours : « inspecté pour votre sécurité – PACT. »

 Un monde sans livres.

 Derrière cette table se dresse une bibliothèque vide. Bird n’y a jamais vu le moindre livre, mais elle est toujours là, fossile d’une époque révolue.
 Savez-vous leur avait expliqué leur professeur l’année précédente, que les livres en papier sont obsolètes dès l’instant où ils sortent de l’imprimerie ?

La disparition des livres.

 Oh non, dit-elle, on ne brûle pas les livres, chez nous. C’est l’Amérique, pas vrai ?
Elle le dévisage en haussant un sourcil. Sérieuse, ou ironique ? il n’arrive pas à le dire.
 On ne brûle pas nos livres, poursuit-elle. On les pilonne. Beaucoup plus civilisé, n’est-ce pas ? On en fait de la pulpe et on les recycle en papier toilette. Ça fait longtemps que ces livres ont servi à torcher les fesses de quelqu’un.

Le cœur du roman.

 Les économistes ne se mettraient jamais complètement d’accord sur les raisons de cette crise. Certains diraient que c’était malheureusement cyclique, que ces choses là revenaient périodiquement comme les cigales ou les épidémies. D’autres accuserait la spéculation, ou l’inflation, ou bien un manque de confiance des consommateurs … même si les raisons de ces raisons ne seraient jamais très claires. Avec le temps beaucoup ressortiraient de vieilles rivalités cherchant à qui faire porter le chapeau ; au bout de quelques années ils s’accorderaient pour désigner la Chine, ce perpétuel et menaçant péril jaune. Ils verraient sa main derrière chaque échec et fracture de la Crise.

Les enlèvements d’enfants .

Margaret écoutait. Et commençait à apprendre qu’il y avait rien de nouveau sous le soleil. Elle entendait parler des écoles dans lesquelles les enfants amérindiens étaient tondus et déshabillés, rebaptisée, rééduqués, puis renvoyés chez eux brisés et traumatisés ou jamais renvoyés du tout. Les enfants qui franchissaient les frontières dans les bras de leurs parents pour finir enfermés dans des entrepôts, seuls et terrorisés. De ceux qui allaient de famille d’accueil en famille d’accueil, ballottés comme des boules de flipper, au point que leurs propre parents perdaient parfois leur trace.
 

 

Édition de L’Olivier

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Céline Leroy

 

Un roman, ou plutôt une autobiographie qui commence par la fin : l’assassinat de la mère de l’auteure. Celle-ci part dans ses souvenirs pour comprendre les raisons de cette mort. Elle est , elle même la fille d’un poète universitaire irlandais et d’une femme noire américaine du Mississipi. Ses parents se sont mariés au début de l’assouplissement des lois régissant les mariages mixtes, mais cela ne veut pas dire qu’ils ne souffriront pas du racisme. L’auteure n’explique pas pourquoi le mariage de ses parents n’a pas résisté , ni le rôle que son père biologique a joué dans sa vie. Hélas, pour elle sa mère se remariera avec un homme ancien soldat qui a fait la guerre du Vietnam. Ils ont un enfant ensemble, et c’est la raison pour laquelle elle ne le quitte pas immédiatement. L’enfant sera malheureuse et cet homme la fera souffrir en cachette de sa mère, l’enfant ne le lui dira pas et s’en voudra parce que cela aurait peut être sauvé sa mère. Je ne vous apprends rien en disant qu’un jour celui-ci tuera sa femme. Ce qui révolte sa fille c’est que la police n’a pas cherché à protéger sa mère. Un témoignage terrible qui est, hélas, bien banal .

Le livre se termine par la retranscription des enregistrements des dernières conversation de sa mère avec son mari. On devine une femme lucide et courageuse , mais qui ne pourra pas se défendre face au pistolet de celui qui n’a qu’une idée en tête : l’empêcher de vivre.

Un livre qui a connu un grand succès aux États-Unis, (enfin c’est ce que dit la quatrième de couverture) qui m’a intéressée sans me passionner je n’arrive pas à savoir pourquoi. En revanche j’ai bien aimé la façon dont cette auteure raconte le racisme ordinaire des américains et aussi le courage des femmes qui s’y opposent. Par exemple, sa tante qui ne veut pas qu’un homme blanc l’appelle « hé , Tantine  » et qui lui répond  :

Ça alors, j’aimerais bien savoir quand est ce que mon frère a épousé votre mère !

Mais avec un fusil à portée de main .. on ne sait jamais !

 

Citation

L’enfant métissée.

 

 J’ai mis leurs mains côte-à-côte et j’ai demandé pourquoi ils n’étaient pas de la même couleur, pourquoi je ne correspondais à aucun d’eux. « Qu’étais-je » « Tu as le meilleur des deux mondes », m’ont ils répondu, une réponse que j’avais déjà entendue.
À l’extérieur, seule avec l’un ou l’autre, un profond sentiment de dislocation s’emparait de moi. Si j’étais avec mon père, je mesurais les réactions polies des Blancs, la façon dont ils s’adressaient à lui en l’appelant « monsieur » alors qu’ils appelaient ma mère « ma fille », jamais « mademoiselle » ni « madame » comme la politesse l’exigeait, comme on me l’avait appris. Le traitement que je recevais variait tellement selon que je me trouvais avec ma mère ou mon père que je n’étais pas sûre de savoir à qui ou à quel lieu j’appartenais.




Éditions Pocket . traduit de l’anglais (États-Unis) par Christine Auché

lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

 

La mythologie grecque a toujours été, depuis l’enfance, une de mes passions. Et pour une fois, je ne suis pas encombrée par le suspens car, oui, je connais la fin de l’histoire et vous aussi n’est ce pas ? Ce qui peut vous conduire à lire ce livre, ce n’est donc pas si Achille survivra à la guerre de Troie, ni même comment il mourra, tous les épisodes de sa courte vie, on les connaît. Achille celui qui a choisi la gloire et la mort précoce plutôt que la survie et l’oublie pour les générations futures peut-il encore passionner les générations actuelles. Vous toutes, les antidivulgâcheuses qui me surprennent tant malgré votre nombre, je sais comment vous attirer vers ce roman : je trouve très intéressante la relecture d’une autrice américaine à propos de ce personnage grec. J’ai quelques réserves sur ses partis pris , pour elle le personnage d’Achille se définit à travers son amour homosexuel pour Patrocle et elle décrit avec une sensibilité contemporaine cet amour plus ou moins interdit. Elle dit bien que le sexe entre garçons était accepté mais pas pas l’amour. Ça se discute. Ce que j’ai aimé c’est le rôle des dieux et déesses qui interviennent tout le temps dans les histoires humaines, c’est simplifié par rapport à mes souvenirs mais cela rend le roman facile à lire. Ensuite la deuxième partie du roman la guerre, elle même, est aussi horrible que dans mes souvenirs.

J’ai bien aimé retrouver les personnages tels qu’on les connaît : le rusée Ulysse, l’horrible Agamemnon qui n’hésite pas à trancher la gorge de sa douce Iphigénie, les différents rois de la Grèce. Leurs débats sans fin, leur jalousie et leur mesquinerie . Pour résumer mes réserves je dirai que je me suis senti à Hollywood au pays de la culture mythologique grecque (cet avis ‘engage que moi) mais si ce livre permet à une jeune génération de se mieux connaître cette culture, alors, pourquoi pas ! J’ai été loin, très loin du plaisir que m’avait procuré  » L’univers, les Dieux Les hommes » de Pierre Vernant.

 

Citations

Les demi dieux

 Le sang divin coulait différemment dans les veines de chaque enfant né d’un dieu. La voix d’Orphée faisait pleurer les arbres, et Héraclès pouvait tuer un homme en lui tapant dans le dos. Ce qui était miraculeux chez Achille, c’était sa rapidité. Lorsqu’il entama la première passe d’armes, sa lance bougeait si vite que je n’arrivais pas à la suivre du regard.

Discussion à propos de la guerre.

 -Peut-être bien, mais je ne vois pas de raison de le tuer, répondit froidement Achille. Il ne m’a rien fait. 
Ulysse s’esclaffa comme s’il venait d’entendre une bonne plaisanterie.
– Si chaque soldat ne tuait que les ennemis qui l’ont personnellement offensé, Pélides, il n’y aurait aucune guerre, oberva-t-il narquois. Quoique ce ne soit peut-être pas une si mauvaise idée.

Edition Gallmeister traduit de l’Américain par Stéphanie Levet

Ce livre est absolument stupéfiant, l’auteur américain a fait la guerre 14/18, il en est revenu et a mis 10 ans à écrire ce livre. C’est la première fois que je lis un récit vu du côté américain, par quelqu’un qui a fait cette guerre. Il a pris l’identité de 113 de ses camarades, ceux de la compagnie « K » et, à travers des récits parfois très courts, il nous raconte mieux que bien des roman, la guerre dans toute son horreur. La lecture est éprouvante car l’auteur ne cherche pas à édulcorer la cruauté de ce qui s’est passé dans les tranchées, dans les assauts, sous les bombardements au gaz, dans les hôpitaux et au moment du retour dans des foyers. Aujourd’hui on n’ en parle plus souvent mais que savait-on alors du choc post-traumatique ? Bien sûr, ne pas savoir nommer cette douleur, ne l’empêchait pas d’exister. Et les derniers textes où l’on voit toute la souffrance de ces hommes blessés dans leur chair et ayant perdu leurs repères de valeurs humaines sont bouleversants.

Nous les verrons monter à l’assaut et mourir, pour la simple raison qu’un capitaine n’a pas su revenir par orgueil sur un ordre qu’il savait absurde. Nous les verrons râler sur la nourriture jamais suffisante, le plus souvent froide. Nous les verrons aller se divertir dans des cafés y rencontrer des prostitués et ramener les maladies qui vont avec. On trouve aussi un moment étrange de paix en pleine guerre sur les bords de la Moselle. On suivra un poète qui n’a jamais su à quel point il a marqué un simple soldat qui n’a pas osé lui dire combien il aimait l’entendre réciter des poèmes. On sera avec ceux qui rêvent d’être blessés pour échapper à cette horreur. On suivra même un petit malin qui réussira à faire cette guerre sans trop souffrir. Mais le coeur du récit, le plus insoutenable, c’est cet acte de barbarie : tuer des prisonniers sans défense. Cela marquera à jamais les hommes de la compagnie K. Et rendra fous ceux qui ont participé à ce crime de guerre, mais à l’époque on ne parlait pas de crime de guerre. C’était la guerre !

Ce livre est une réflexion sur la guerre absolument implacable et chacun des 113 témoignages sont autant de réflexions sur le fait qu’on n’a pas le droit de jouer ainsi avec la vie des hommes.

 

Citations

Le bien et le mal en temps de guerre.

 – J’enlèverai le passage sur l’exécution des prisonniers.
– Pourquoi ? je lui ai demandé
– Parce que c’est cruel et injuste de tirer de sang-froid sur des hommes sans défense. C’est peut-être arrivé quelques fois, d’accord, mais ce n’est pas représentatif. Ça n’a pas pu se passer souvent.
– La description d’un bombardement aérien, ça serait mieux ? Ce serait plus humain ? Ce serait plus représentatif ?
– Oui, elle a dit, oui. Ça, c’est arrivé souvent on le sait. 
– Alors c’est plus cruel quand le capitaine Matlock ordonne l’exécution de prisonniers, parce qu’il est tout simplement bête et qu’il estime que les circonstances l’exigent, que quand un pilote bombarde une ville et tue des personnes qui ne se battent même pas contre lui ?
– Ce n’est pas ausi révoltant que de tirer sur des prisonniers, s’est entêtée ma femme.
 Et puis, elle a ajouté :
– Tu comprends le pilote ne peut pas voir l’endroit où tombe sa bombe, ni ce qu’elle fait, il n’est donc pas vraiment responsable. Mais les hommes de ton récit, eux, les prisonniers étaient sous leurs yeux … Ce n’est pas la même chose du tout. 
Je suis parti d’un rire amer 
– Tu as peut-être raison, j’ai dit. tu as peut-être formulé là quelque chose d’inévitable et de vrai.

Héros ou pas

 J’ai attrapé mon téléphone pour avertir les canonniers et les mécaniciens qu’il y avait un périscope dissimulé sous un cageot. Le navire a viré d’un coup et au même moment l’artillerie a ouvert le feu. Aussitôt on a vu un sous-marin remonter en surface, vaciller puis se retourner dans un jet de vapeur. 
Tout le monde m’a fait la fête et m’a demandé comment j’avais pu repérer que le cageot à tomates camouflait un périscope. Je n’en savais rien, en fait, j’avais simplement deviné juste, c’est tout. Alors comme j’étais un héros intelligent, on m’a donné la Navy cross. Si je m’étais trompé, s’il n’y avait rien eu sous le cageot, j’aurais été une ordure et le dernier des couillons, un déshonneur pour la troupe et, à tous les coups, ils m’auraient envoyé au trou. On me la fait pas à moi.

L’absurdité .

 On a été momentanément détaché de notre division et rattachés aux Français, et pendant six jours et six nuits on a combattu sans sommeil et sans trêve. Comme on se battait sous les ordres des Français, c’étaient eux aussi qui nous donnaient le ravitaillement et les vivres. Quant le premier repas est arrivé, il y avait du vin rouge et une petite ration d’eau de vie pour chacun d’entre nous. On avait faim et froid, on était extrêmement fatigués, l’eau-de-vie nous a réchauffé les sangs et nous a rendu les longues nuits supportables.
 Mais le deuxième jour, quand ils ont apporté le repas, le vin et l’eau-de-vie avaient disparu des rations des soldats américain. Les œuvres de bienfaisance françaises s’étaient élevées contre le fait qu’on nous distribue de l’alcool : on craignait que la nouvelle ne parvienne jusqu’aux États-Unis, où elle risquait de contrarier l’Union des femmes chrétiennes pour la tempérance, et le bureau des méthodistes pour la tempérance, la prohibition et les bonnes mœurs.

Un moment de paix pendant la guerre .

 La nuit où on a pris la relève, les Français nous ont expliqué les règles du jeu et nous ont demandé de les respecter : le matin les Allemands pouvaient descendre au bord de l’eau pour nager, faire la lessive ou ramasser des fruits dans les arbres de l’autre côté du fleuve. L’après-midi, ils devaient disparaître et on avait toute liberté de nager, de jouer ou de manger des prunes de notre côté à nous. Ça marchait impeccablement.
 Le matin les Allemands nous ont laissé un mot où il s’est excusé de devoir nous informer qu’on allait être bombardé dès ce soir là, à 10 heures, et que le tir de barrage allait durer vingt minutes. Et ça n’a pas raté, l’artillerie a ouvert le feu mais tout le monde s’était repliée d’un kilomètres vers l’arrière et était allé se coucher, et il n’y a pas eu de mal. On a passé douze jours magnifiques stationnés près de la Moselle et puis à notre grand regret, on a levé le camp. Mais on avait tous appris une chose : si les hommes de rang de chaque armée pouvaient simplement se retrouver au bord d’un fleuve pour discuter calmement, aucune guerre ne pourrait jamais durer plus d’une semaine.

La fin et l’oubli.

 J’étais là à réfléchir , à essayer de me rappeler le visage des hommes avec qui j’avais servi, mais je n’y arrivais pas. Je me suis rendu compte, alors, que je ne me serai pas rappelé la tête de Riggin lui-même si je n’avais pas su avant qui il était. J’ai commencé à me sentir triste, tout ça s’est passé il y avait tellement longtemps, il y avait tellement de choses que j’avais oubliées . Je regrettais d’être venu au camp. Pig Iron et moi, on restait plantés là, à se regarder. On avait rien à se dire finalement. On a refermé l’ancien bâtiment et puis on est sortis.