Éditions Livre de poches. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Pierre Brévignon
Cette fois, c’est un merci sans aucune réserve que j’adresse à Krol qui m’a fait découvrir ce recueil de nouvelles, qui avait aussi bien plu à Aifelle et à bien d’autres blogueuses. La construction de ce recueil est intéressante, car s’il s’agit de treize nouvelles qui se passent toutes à Crosby, une petite ville sur la côte du Maine, le personnage principal, Olive Kitteridge, une grande femme au fichu caractère est présente dans toutes les nouvelles sans toujours être le personnage principal, loin de là. Donc, on finit par connaître à la fois le lieu mais aussi les différents personnages de la petite ville et nous évoluons avec eux en laissant passer les années, à peu près une trentaine d’années.
Olive a un fils Christopher qui aura besoin d’une psychothérapie assez longue pour comprendre qu’il peut vivre et aimer sa mère sans en avoir peur. Car, oui, Olive a fait peur à de nombreuses personnes, à ses élèves quand elle était professeure de mathématiques au collège de Crosby et à bien d’autres habitants. Mais pas à Henry son mari qui lui n’était que gentillesse et qui était aimable avec tout le monde. Dans une des nouvelles une femme se demande comment il fait pour la supporter et une autre lui répond mais parce qu’il l’aime.
Il est beaucoup question d’amour dans ces nouvelles et cela jusqu’à la dernière page où le coeur d’Olive va s’ouvrir pour un « abruti » de républicain !
Toute une Amérique défile devant nous yeux et pour une fois ça n’est ni glauque ni violent, pour autant ce n’est pas un monde à l’eau de rose en réalité c’est une plongée dans la vraie vie et c’est incroyablement sensible et même passionnant alors que le plus souvent il ne se passe pas grand chose : juste la vie, d’êtres normaux dans une petite ville américaine mais c’est raconté avec un talent qui m’a séduite à mon tour.
Citations
L’enterrement après l’accident de chasse.
À la fin de la cérémonie, six jeunes hommes portèrent le cercueil le long de l’allée centrale. Olive donna un coup de coude à Henry, et ce dernier hocha la tête. L’un des porteurs – parmi les dernier- avait un visage si blanc, une expression si accablée qu’Henry craignait qu’il lâche le cercueil. C’était Tony Kuzio qui, quelques jours plus tôt, ayant pris Henry Thibodeau pour un cerf dans la pénombre du petit matin, avait pressé la détente et tué son meilleur ami.
Portrait de la mère du marié .
La robe d’Olive -un élément important de cette journée, naturellement, puisqu’elle est la mère du marié- est taillée dans une mousseline vaporeuse verte imprimée de motifs de géraniums d’un rose tirant sur le rouge. En s’allongeant, Olive prend bien garde de ne pas la froisser et la dispose de façon à préserver sa décence si quelqu’un venait à entrer. Olive est une grosse femme. elle en a parfaitement conscience mais comme elle n’a pas toujours été aussi grosse, elle doit encore se faire à cette idée. Certes, elle a toujours été grande et c’est souvent sentie pataude, mais le fait d' »être grosse » est venu avec l’âge. Ses chevilles ont gonflé, ses épaules ont enflé jusqu’à faire des plis derrière son cou, et elle a désormais des poignées et des mains d’homme. Ça prèoccupe Olive -bien sûr bien que ça la préoccupe. Parfois, en privé, ça la préoccupe même terriblement. Mais à ce stade de la vie, elle n’est pas prête à se priver du réconfort de la nourriture, et tant pis si, en cet instant, elle ressemble à un phoque gras et assoupi enveloppé dans une sorte de bandages en gaze.
Propos à la sortie de la messe : Olive cherche à ne pas dire ce qu’elle pense.
À côté d’Olive Kitterige, attendant elle aussi comme tout le monde. Molly Collins vient justement de se retourner pour regarder l’épicerie. Elle soupire.« Une femme si gentille. Ça n’est pas juste. »Olive Kitteridhe, dont la robuste charpente dépasse d’une tête MollyCollins, prends ses lunettes de soleil dans son sac à main et, une fois qu’elle les a enfilées, plisse les paupières et jette un regard sévère à cette femme qui vient de proférer une telle bêtise. Quelle idée stupide, de penser que la vie pouvait être juste. Mais elle répond tout de même « c’est une femme gentille, c’est vrai « en se tournant pour admirer le forsythia près de la salle des fêtes.
Olive et ses belles filles .
Olive pris la décision d’accepter tout en bloc. La première fois, il avait épousé une femme méchante et autoritaire, cette fois elle était gentille et Idiote. Bah, ça ne la regardait pas, après tout. C’était la vie de son fils.