Édition le livre de poche, 279 pages, mai 2024

Traduit de l’allemand par Dominique Autrand

 

Ce roman ira très bien dans le mois de littérature allemande

C’est à travers une rencontre agréable dans une librairie de Dinan que j’ai acheté ce roman. Le très jeune libraire qui venait de le finir m’a dit avoir été séduit par le cheminement de deux femmes qui arrivaient à se réparer mutuellement. C’est le cœur du roman, une jeune fille anorexique de 17 ans qui s’auto-mutile et qui fugue de tous les centres dans lesquels on la place pour « l’aider », rencontre une femme de 50 ans paysanne qui lui offre l’hospitalité. Cette femme ne cherche pas à la retenir, mais peu à peu elles vont s’apprivoiser et se faire confiance. On découvre au fil de la narration le lourd passé de Lizz, la paysanne que tout le village rejette. Dès le début, on sait qu’elle aussi était malheureuse dans sa famille, avec un père tellement strict qu’il enlevait toute joie de vivre aux gens qui vivaient à ses côtés. Elle fuira cette vie avec un garçon qui s’avère violent et peu intéressant. Ensemble ils auront un enfant. Je m’arrête là pour vous laisser découvrir le fil de la narration.

Sally, la jeune révoltée, fuit un milieu familial trop conformiste mais qui voudrait lui redonner le goût de la vie.

Lizz sans vouloir vraiment le faire s’y prend mieux que tous les thérapeutes , car elle n’oblige pas la jeune fille à vivre chez elle, elle peut partir quand elle veut, mais c’est à travers le travail de la ferme que Sally va retrouver le goût de vivre. Et voilà l’autre intérêt du roman, la description minutieuse du travail dans une ferme rhénane : la cueillette des fruits, leur transformation en alcool, le travail de la terre, les vendanges. L’auteur sait rendre les atmosphères humides et fraîches des petits matins dans les vignes. il sait décrire aussi le changement du regard de Sally sur la campagne environnante, et enfin visiblement, il connaît bien les tourments de l’adolescence.

J’ai une réserve sur la crédibilité des personnages, il est rare selon moi qu’une anorexie aussi sévère ne vienne que du côté routinier des parents. Le le secret de Lizz est bien lourd à porter et l’ouverture finale, le rapprochement possible de Lizz et de son fils me semble vraiment difficile à réaliser. Je demande sans doute trop à la création romanesque, alors que, Ewald Arenz, décrit si bien les tourments de l’adolescence et mieux encore une région agricole viticole allemande qu’il connaît visiblement très bien. Si je retourne à Dinan, je féliciterai le jeune libraire pour son conseil. Je sais qu‘Eva avait recommandé cette lecture.

 

Extraits

Début.

 Au sommet de la route étroite qui montait entre chants et vignobles, l’air chaud vibrait sur l’asphalte. Liss, qui grimpait lentement la côte sur son vieux tracteur sans cabine, croyait voir de l’eau, une eau plus fluide que la normale ; plus légère et plus endoyante Une eau qu’on ne buvait qu’avec les yeux.
 Sur les champs moissonné où luisaient les chaumes, le blé était encore présent dans la puissante odeur de paille ; poussiéreuse, jaune, saturée. Le maïs commençait à sécher ; son bruissement dans la brise d’été n’évoquait plus le vert, il se transformait en un chuchotement rauque à la lisière du champ.

Le ressenti de Sally en centre psy.

 On était vendredi, et personne n’avait encore retrouvé Sally, personne ne lui avait parlé longuement, gentiment, sans lui faire de reproches, rempli de compassion mais aussi d’une haine cachée derrière chaque mot gentil. De la haine contre elle, qui ne voulait pas se soumettre, qui fuguait sans arrêt, qui n’écoutait pas leurs voix douces, compatissantes, compréhensives, mais les regardait toujours dans les yeux, longtemps, jusqu’à ce que le faux mur de gentillesse professionnelle, de chaleur et de compréhension s’effrite, laissant transparaître l’ennui, et l’indifférence et la haine.

Toujours Sally, si mal dans sa peau dans sa peau.

La maison. L’école. Les cliniques. On y entrait, et voilà que les ficelles, les chaînes, les cordes et les filets se mettaient à pousser des murs et du plafond, il devenait de plus en plus difficile d’aller et venir à l’intérieur, ils devenaient de plus en plus impossibles de sortir- de la maison, de l’école, des maisons des amies et de partout. C’étaient des chaînes souples, des cordes élastiques et des filets en caoutchouc, mais plus on voulait partir, plus ils vous retenaient, vous tiraient doucement en arrière ; la nuit, ils devenaient collants et lourds et si on ne fermait pas la bouche, si on ne respirait pas par le nez ils pénétraient en vous. Ou bien, ils se collaient à la nourriture et on les avalait par mégarde comme un cheveu, un cheveu qui n’en finissait pas, de plus en plus épais il se liquéfie à l’intérieur jusqu’à vomir. Parfois il vaut mieux ne pas manger.

 


Édition Zulma, 267 pages, janvier 2023

Traduit du persan (Iran) par Christophe Balay

Dans ce roman, durant deux saisons, l’auteure va suivre les méandres des pensées de trois amies iraniennes : Leyla, Shabaneh et Rodja. Elles se sont rencontrées à l’université en spécialité mécanique. Chaque destinée est complexe, Leyla ne se remet pas du départ de son mari Misagh qui est parti au Canada. Elle n’a pas voulu le suivre, ou plus exactement quand elle a enfin compris que la décision de son mari était irrévocable, elle n’a pas pu le suivre. Obtenir des visas en Iran pour un pays occidental c’est très compliqué. Leyla est d’un milieu très riche et elle a mis trop temps à comprendre que son mari pouvait la laisser plutôt que de vivre en Iran. Elle est journaliste culturelle et son parcours permet de décrire les difficultés de la presse iranienne.

Shabaneh est empêtrée dans une histoire amoureuse avec un jeune homme qu’elle n’est pas sûre d’aimer, elle est aussi très sensible au sort de son jeune frère qui est handicapé mental, et qu’elle ne veut pas laisser seul avec leur mère dépressive et qui n’accepte pas le retard mental de son fils.

Rodja veut partir en France à l’université de Toulouse où elle a été acceptée. Grâce à son parcours, on comprend toutes les difficultés pour obtenir d’obtenir un visa (je doute que cela ce soit arrangé ! !)

Les trois destins s’entremêlent, et les pensées d’une fille à propos d’une autre éclairent la personnalité d’une façon nouvelle. La répression en Iran est présente mais ce n’est pas le sujet principal du livre. Par exemple, le journal dans lequel Leyla écrit et qui semble enfin lui apporter un certain bonheur est interdit de publication mais il semble que les journalistes pourront publier un nouveau titre et que la vie ne s’arrête pas. Le système de débrouille est la norme et oblige chacun à s’adapter sans cesse et à jouer avec la censure ou l’absurdité du système.

Rodja n’obtient passes papiers mais elle recommencera ! Shabaneh , c’est plus compliqué va-t-elle se marier juste parce que le garçon insiste et qu’elle ne sait pas ce qu’elle veut vraiment ?

J’ai aimé cette lecture, mais sans enthousiasme, les pensées de ces trois personnages ressemblent à celles de toutes les jeunes femmes qui cherchent à s’affirmer pour exister . Il y a un aspect exotique car cela se passe en Iran mais sans la répression telle qu’on la raconte aujourd’hui, elles tournent en rond autour de leurs problèmes de couple, de relations à leurs parents, de soirées à organiser …, bref je crois que j’oublierai vite ce roman.

Extrait

Le début.

Je te cherchais, je courais. Sur le carrelage blanc glacial du hall de l’aéroport. Dans un silence de mille ans. À chaque foulée, ma respiration haletante bourdonnait à mes oreilles, de plus en plus fort emplissant ma gorge d’amertume. Les vols internationaux étaient à l’autre bout. Ce n’était pas l’aéroport Imam Khomeini. 

Réflexion de Shabaneh.

 Faire semblant d’être heureuse. C’est la seule chose que je sache faire. On a de l’entraînement dans la maison. Moi, maman, papa. À la maison il n’y a que Mahanqui a l’air d’être heureux pour de vrai. Comment savoir ? Il est incapable d’énoncer une phrase correctement. Peut-être fait-il lui aussi semblant comme nous tous. Comme la fois où maman était si déprimée que papa nous a emmenés faire un petit voyage pour nous détendre. Mahan a vomi tout le long du trajet, en salissant toute la voiture. Où bien la foi ou on est allé à l’école de Manhan pour l’écouter chanter avec ses camarades, aussi dérangé que lui, personne n’y comprenait rien, mais on les a écoutés et applaudis, sourires figés aux lèvres. Ou le jour où maman avait organisé une fête pour célébrer mon admission à l’université et qu’elle avait confié Mahan à grand’mère pour s’épargner la honte devant les invités. Il y a longtemps qu’on fait semblant, on s’échine à mimer un bonheur simple perdu dans une suite tragique de malheur sans fin.

Les femmes iraniennes d’aujourd’hui .

On est des sortes de monstres, Shabaneh. On n’est plus du même monde que nos mère mais on n’est pas encore de celui de nos filles. Nos cœur penchent vers le passé et notre esprit vers le futur. Le corps et l’esprit nous tirent chacun de son côté, on est écartelées. 

 

 


Édition Pocket, 252 pages, décembre 2023

Voici un roman pour lequel je n’ai aucune réserve, il m’a permis de retrouver mon envie de transporter un livre partout avec moi, de grapiller tous les moments pour retrouver ma lecture là où, quelques instants auparavant, une activité quelconque m’avait obligée de le laisser.
Voici le fil narratif : Marwan est le frère jumeau d’Ali, les deux ainés de Foued. Ces trois garçons sont élevés par un couple de Marocains vivant à Clichy, leur père, Tarek, a un petit garage qui marche bien, et leur mère, qui sait à peine lire et écrire a réussi pourtant à avoir un petit emploi en France. Leurs parents élèvent bien leurs enfants et tous les trois réussissent leurs études. Ali est avocat, Marwan agrégé d’histoire et Foued encore à l’université.

Tarek meurt de crise cardiaque au premier chapitre, l’histoire peut commencer, à la grande surprise des enfants, leurs parents ont pris une assurance pour être enterrés au Maroc, eux qui se croyaient 100 pour cent arabe-français , ils vont devoir se découvrir français-marocain. Rien n’est gratuit dans l’intrigue, leur père avait tout prévu, ce n’est pas par hasard qu’il a choisi Marwan pour accompagner son cercueil en avion. Ses deux frères accompagneront leur mère en voiture. cela donne trois jours à Marwan, pour interroger Kabic qui l’accompagne car il est, le plus proche ami de la famille et visiblement, il sait tout sur le passé de son père.

Marwan vient de se faire larguer par Capucine, et cette rupture accompagne ce voyage dans le passé de sa famille. Marwan ne se souvient que d’une colère de son père, un jour Ali traitera son frère jumeau de « batard » , leur père, si doux d’habitude, laissera éclater une colère que seule sa femme réussira à calmer. Lorsque l’on referme ce livre , on comprend bien le pourquoi de cette énorme fureur.

Toute la tragédie, mais aussi la pulsion de vie de cette famille vient de la grand-mère, Mi Lalla. Tout le monde répète, qu’elle a été chassée de sa famille berbère d’une pauvreté extrême pour se retrouver à Casa, élevée dans la famille de Kabic. La vérité est autrement plus tragique.

Finalement, à la fin du roman Marwan comme ses deux frères, seront plus riches de leurs deux cultures, le Maroc leur a donné des racines et la force des liens familiaux , et la France la liberté d’être eux-mêmes loin des carcans qui emprisonnent les femmes et les rejettent quand elles ont le malheur d’être pauvres et violées par des hommes intouchables parce que très riches.

On découvre plusieurs aspects du Maroc, la présence des berbères avec leur langue et surtout la pauvreté dans laquelle les conditions climatiques réduisent ces populations nomades. La pratique chez la Marocains aisés d’avoir une fillette analphabète comme bonne à tout faire chez eux sans la payer, on n’est pas très loin d’une condition d’esclave, et la solidarité dans les quartiers pauvres entre populations de mêmes origines, et bien sûr la musique et la cuisine qui sont si caractéristiques du Maroc.

Un très beau roman qui fait découvrir le Maroc loin des images touristiques habituelles. Je me suis demandé comment les Marocains avaient reçu ce récit écrit par un « non marocain ».

 

Extraits

Début

Il a souvent fait ça : rentrer tard sans prévenir. Oh, il ne buvait pas et ma mère avait confiance, il travaillait. Il travaillait depuis trente ans, sans vacances et souvent sans dimanches. Au début c’était pour les raisons habituelles : un toit pour sa famille et du pain sur la table, puis après qu’Ali et moi avions quitté la maison, c’était pour ma mère et lui ; pour qu’ils puissent se le payer enfin ces vacances.

L’humour

À nous, les gosses, l’Aïd paraissait bien sanglant par rapport aux fêtes françaises ; celles que Sainte Laïcité à transformé en dessert – la galette des Rous, les crêpes de la chandeleur, les œufs de pâques, la bûche de Noël. Avec un régime pareil, comment aurions-nous pu nous sentir marocains ? La gourmandise est le plus grand des baptiseurs.

Une vision idéalisée (par le souvenir) ,de la misère.

 « On avait rien et quand on a rien, on joue au football à coups de pied dans une conserve vide et sous les cris de joie des copains. Une joie qu’on entendait jusqu’à l’océan. »

La honte de l’origine de son père.

Pourquoi ne l’ai-je jamais questionné sur son pays ? Je ne sais pas. J’avais honte ; de cette honte qui donne honte d’avoir honte. Comme lorsque je disais à mes camarades que ma mère était caissière alors qu’elle empilage des boîtes de conserve au supermarché. Mensonges minables de ceux qui ont vraiment honte.

Les femmes et la virginité.

 Dans une société où l’arrivée d’un fils est toujours fêtée et celle d’une fille est maudite, la virginité exerce une dictature à laquelle les femmes n’ont d’autre choix que de se soumettre. La tradition a la vie dure, et si le Coran recommande à tous l’abstinence jusqu’au mariage, celle-ci n’est imposée qu’aux femmes. Dans une paradoxale ironie, rester pure permet aux jeunes filles de manipuler le joug des hommes et de s’élever socialement même si, la plupart du temps leur père ou leur frère se chargeront de négocier leur virginité aux plus offrants. C’est la seule richesse qui ne se préoccupe ni de la naissance, ni de la fortune de celle qui la possède.

La pitié vue par des rescapés d’Auschwitz.

Ils savaient tous les deux que l’horreur dont ils sortaient à peine serait le ciment de leur résurrection. Qui d’autre pourrait comprendre ce qu’ils avaient traversé sans cet apitoiement dont ils ne voulaient surtout pas ? Et l’apitoiement a souvent vite fait de se transformer en justification pour minimiser la souffrance à coups de bien-sûr-c’est-effroyable-mais-ils-n’étaient-pas-les-seuls. Oh, pas pour atténuer l’insupportable, non, mais pour excuser les hommes et avec eux, notre propre humanité, pour occulter l’effroyable doute que, dans d’identiques circonstances, nous aurions nous aussi peut-être choisis le camp des tortionnaires.

 

 


Édition Quai Voltaire La table Ronde, 467 pages, paru en 1950 et réédité en mars 2022 .

Traduit de l’anglais par Denise Van Moppes

C’est un livre qui a enchanté plusieurs d’entre vous, si vous me le signalez, je mettrai un lien vers vos blogs.

Pour une fois, je peux raconter la fin, sans m’attirer le moindre reproche, puisqu’elle fait l’objet du premier chapitre. Une maison transformée en hôtel, a été complètement ravagée par l’effondrement d’une falaise qui la surplombait à l’arrière. Le pasteur qui doit écrire une homélie à la mémoire des disparus nous annonce que, le récit de ce qu’il s’est passé dans cet hôtel, lui a été fait par les survivants. Le récit, qui s’étale sur une semaine, suit les différents occupants de cette maison-hôtel,(on dirait chambre d’hôtes aujourd’hui) jour après jour, jusqu’à la catastrophe finale.

Un petit tour des différents protagonistes acteurs de cette histoire :

Mr. et MRS Siddal et leurs quatre garçons., Mr. Siddal est le propriétaire de la maison mais n’a jamais voix au chapitre, il est relégué au second plan dort dans un placard à chaussures parce qu’il n’ouvre jamais son courrier, il portera une lourde responsabilité dans la catastrophe que, pourtant, les autorités lui avaient annoncée.
Mrs. Siddal veut absolument avoir assez d’argent pour envoyer son plus jeune fils dans une bonne université. Elle n’aime pas son aîné, Gerry, médecin qui semble le seul à vraiment l’aider.

Nancibel une jeune fille du village qui vient aider.

Fred un homme à tout faire légèrement débile.

Ellis la cuisinière femme de chambre, colporteuse de ragots, la méchanceté personnifiée

Lady Gifford son mari Sir Henry Gifford et leurs enfants. La femme se prétend malade et veut être servie uniquement dans sa chambre, elle a visiblement quelque chose à cacher. Son mari a de plus en plus de mal à la supporter, leurs enfants, l’ainée Hebe, enfant adoptée jouera un rôle important dans l’histoire, Caroline leur fille, Luke et Mikael adoptés également

Mr Paley et sa femme Christina. Ils ont perdu un enfants et se sont enfermés dans une tristesse sans fond.

Mrs Cove et ses trois filles, Blanche, Beatrix et Maud , cette femme horrible martyrise ses enfants et ne pense qu’à l’argent

Mrs Wraxton le chanoine irascible et odieux avec sa fille Evangeline

Bruce secrétaire et amant de la vieille écrivaine Mrs Anna Lechene une femme aux mœurs dépravés et qui jouera un bien vilain rôle dans cette histoire.

Le drame va se nouer autour des enfants Cove qui rêvent de faire partie de la bande des enfants Gifford, les trois filles ont failli périr noyées pour le plus grand soulagement de leur mère qui ne rêve que d’une chose s’en débarrasser. Pour les consoler Christine Parley sortant enfin de son deuil et aidée par Evangeline Wraxton, va organiser pour les pauvres petites un festin (d’où le titre) en haut des falaises . Tous les gentils (ou presque gentils) de l’histoire s’y retrouveront et assisteront à l’effondrement d’une partie de la falaise sur l’hôtel tuant d’un seul coup les plus horribles des protagonistes du drame. L’intrigue du roman est remplie d’anecdotes tragiques, la pire sans doute est celle qui concerne Hebe que l’écrivaine aide à s’enfuir pour aller dans une communauté avec un vieux pervers qui veut abuser de la petite fille en la saoulant tout d’abord. L’horrible Mrs. Cove cette femme sans cœur essaie de faire de l’argent avec tout sans aucun scrupule, elle a essayé de rouler la grand-mère de Nancibel en lui rachetant pour trois sous un objet qui aurait pu en valoir 2000. Mais cette fois c’est elle qui sera trompée, sur la valeur de l’objet.

J’ai lu sans déplaisir ce roman, mais je me souviens d’avis enthousiastes, je suis beaucoup plus mesurée. D’abord cela m’a profondément agacée que les femmes soient celles par lesquelles tous les malheurs arrivent. La méchanceté voire la cruauté est essentiellement féminine, Ellis là colporteuses de ragots agit par pure méchanceté sans qu’on comprenne bien pourquoi, Mrs Siddal favorise outrageusement un de ses enfants au dépend de celui qui semble le seul prêt à l’aider, Lady Gifford est malhonnête et fait le malheur de son mari et de ses enfants, l’écrivaine célèbre est dépravée mais la pire de toutes c’est bien sûr Mrs. Cove.

Pour équilibrer, il y a le chanoine qui est colérique et empêche Evangeline d’être heureuse, et Mr. Siddal qui est paresseux et négligent.
Comme tous les méchants resteront sous les tonnes de cailloux on peut se dire que l’histoire finit bien.
Je n’ai pas pu croire à aucun des personnages proposés dans cette histoire, sauf Nancibel, qui est la jeune fille la plus sensée de ce récit. Le style de l’auteure est vieillot tout est exposé dans des dialogues et des réflexions intérieures des personnages sans nuance. J’ai eu parfois eu l’impression de lire un roman pour adolescent dans la forme et dans l’absence de nuance pour décrire la méchanceté. Un aspect m’a bien intéressé : les réalités économiques de l’Angleterre à la sortie de la guerre 39/45. Mais ce n’est vraiment pas le cœur du roman.
Bref, je suis contente d’avoir sortie ce roman de mes étagères, mais j’ai regretté de n’avoir pas ressenti l’enthousiasme que j’avais lu dans vos billets.

 

Extraits

Début du prologue.

En septembre 1947, le révérend Gérald Seddon, de St Frideswide, Roméo s’en fut comme chaque année passer quelques semaines chez le révérend Samuel Bott, de St Sody, Cornouailles.
 C’étaient de vieux amis et leurs vacances ensemble constituaient leur plus grand plaisir. Car Bott, qui n’avait pas les moyens de s’absenter, s’accordait une espèce de congé pendant que Seddon était chez lui. Il troquait alors la soutane qu’il portait en tout autre temps contre un vieux contagnel et un chandail et il s’en allait observer les oiseaux sur les falaises. Le soir, ils jouaient aux échecs. 

Les Paley.

 Les Paley donnaient toujours cet impression de tragédie momentanément suspendue Ils prenaient chaque matin leur petit déjeuner dans un silence farouche et concentré, comme pour se préparer à soutenir quelque énorme effort au cours de la journée. Quelques instants après, on pouvait les voir traverser la plage portant des livres, des coussins, et un panier de pique-nique. Ils marchaient l’un derrière l’autre, Mr Paley en tête. Ils montaient le sentier de la colline et disparaissait sur le promontoire. À quatre heures,caprès s’être, comme le disait l’impertinent Duff Siddal, débarrassé du cadavre, ils rentraient, toujours l’un derrière l’autre, prendre le thé sur la terrasse. On avait peine à croire qu’ils n’avaient rien fait d’autre de la journée que lire et manger des sandwichs.

La gouvernante , l’horrible Ellis.

 – Bon. Quand vous aurez fini le salon, vous irez aider à la cuisine. je descends tout de suite. »
 Ce questionnaire se répétait tous les matins et son caractère offensant était très net. Il sous-entendait que Nancibel n’avait ni assez d’intelligence pour se rappeler l’emploi du temps quotidien, ni assez de conscience pour le suivre sans qu’on l’y obligeât. Cela s’appelait Être-après-cette-fille et constituait, selon miss Ellis, sa principale fonction une tâche qu’on ne pouvait accepter pour moins de quatre livres par semaine.

Richesse et pauvreté après la guerre .

 Dans le wagon, les autres voyageurs se sentaient solidaires de la veuve, et l’image que renvoyaient les Gifford ne risquaient pas de les faire changer d’avis. Ils paraissaient particulièrement bien nourris, et aucune famille ne pouvait être aussi impeccablement habillée grâce aux seuls coupons de rationnement. De toute évidence, ils faisaient partie de ces gens qui se ravitaillement au marché noir, portaient des bas de contrebande et ne faisaient aucun scrupule, en temps de pénurie de prendre plus que leur part.
(…)
 Les nouvelles occupantes ne respiraient ni les dents rées du marché noir ni les cartes de rationnement textiles achetées à quelques femmes de ménage dans le besoin. Elles avaient l’air d’une illustration de propagande pour la campagne « Sauvez l’Europe ». Tout en elles était maigre. Les trois fillettes étaient longues et pâles comme des plantes poussées dans l’obscurité. Elles avaient des dents en avant mais ne portaient pas d’appareil dentaire ; leurs yeux bleu clair étaient myopes, mais elles n’avaient pas de lunettes. On leur avait coupé les cheveux au bol, et leurs robes de coton râpé couvraient à peine leurs genoux osseux.

La championne des ragots : la gouvernante miss Ellis.

 « Un jour, promit miss Ellis, je dirai à la jeune Hebe Gifford d’où elle vient. Gifford ! Elle ne s’appelle pas plus Gifford que moi. Ils l’ont adoptée. C’est une bâtarde, l’enfant d’une bonne probablement. Et c’est moi qui vide ses pots de chambre ! »

 

 

 

 


Édition points, 193 pages, mars 2024

 

J’aime bien cet auteur et je trouve que ses livres sont agréables à lire, on trouve sur Luocine : Loin des bras en 2009, Prince Orchestre en 2012, L’enfant qui mesurait le monde en 2017, Tu seras mon père en 2022.

Le sujet de celui-ci est très original : raconter la vie de Jésus en prenant en compte sa conception. Si, ce que nous a appris le catéchisme est vrai, Jésus n’est pas né de l’accouplement de Joseph et Marie, il est donc un « Bâtard » un « Mamzer » en hébreux et sa mère une femme qui a eu des rapports hors mariage, une « Sota » . Un des grands intérêts de ce court roman, c’est de nous faire découvrir la dureté des lois religieuses juives. Les docteurs, gardiens de la loi, sont d’un rigorisme incroyable, ils justifient toutes leurs positions en disant que le peuple « élu » doit être fort et pur. Il faut donc chasser tous les impurs, tous ceux qui ne suivent pas la loi, mais aussi les faibles : handicapés ou malades. Ce sont aussi des dogmes fondés sur la peur terrible de les enfreindre , car la condamnation , ne s’applique pas qu’à vous (le fautif) mais à toute votre descendance sur 5 ou 6 générations.

Toute la réécriture de la vie de Jésus par Metin Arditi, prend comme point de vue celui d’un Mamzer, (bâtard) qui a vécu dans sa propre famille ce rejet terrible pour l’époque. Il a été tendrement aimé par son père Joseph et sa mère Marie, et est donc très attaché à la religion juive de ses parents. La seule chose qu’il souhaiterait c’est d’humaniser ces lois si dures qu’elles rejettent hors de cette religion des gens qui n’ont eu, en somme, que des comportements trop humains. Face à l’adultère, il propose que l’on applique aux hommes la même dureté que pour les femmes : on pense alors à cette phrase « que celui qui n’a pas pêché lui jette la première pierre ». Il ne veut pas que l’enfant bâtard soit jugé pour la « faute » de ses parents, il conteste la loi du talion. Il refuse que les infirmes ou lépreux soient rejetés hors de la communauté. Il souhaite que les populations étrangères puissent devenir juives à leur tour. Pour avoir la force de prêcher tout cela, il s’appuie sur une phrase de l’ancien testament : « tu aimeras ton prochain comme toi-même ».

À travers cette façon de lutter contre les lois sclérosantes de la religion juive se dessine l’arrivée des valeurs chrétiennes. Jésus va donc s’adresser aux exclus de la religion juive et peu à peu, ses paroles d’amour et consolatrices vont convaincre une foule de malheureux.

Certains aspects de sa vie sont plus difficiles à expliquer : les miracles, le fils de Dieu, la résurrection, mais l’auteur ne s’en sort pas si mal.

C’est un livre très amusant qui se lit facilement, j’y ai retrouvé mes souvenirs de catéchisme, et j’ai admiré l’esprit de cet auteur. Ce n’est absolument pas une remise en cause de la religion chrétienne, si une religion est critiquée, c’est la religion juive du temps de Jésus. J’ai eu une pensée pour la religion musulmane aujourd’hui : il est si compliqué de donner du sens à des dogmes qui ne suivent pas l’évolution des sociétés. Le respect des lois trop strictes qui empêchent la sensibilité humaine de s’exprimer n’aideront pas à l’expansion de la religion juive, et sera une cause de son rejet, enfin, cela est une autre histoire.

 

 

Extraits

 

Début .

On ajoute deux pas, dit l’enfant.
 Samuel le regarda sans plaisir compter deux pas à partir de la ligne qu’ils avaient tracée sur la terre battue. De toute façon, quand ils jouaient à caillou touché, c’était toujours l’autre qui gagnait. De peu ou de beaucoup, c’était lui. En augmentant la distance au mur, ils en seraient à huit pas. Déjà que l’autre était plus habile … En plus, il le troublait avec ses phrases qui n’en finissaient pas.

Discussion de Jésus et Ézéchiel.

 Et pourquoi demanda Jésus, un autre jour, la représentation était-elle si cruellement punie ?
Était-ce juste de faire punir des générations de descendants pour l’erreur d’un seul homme, comme lorsqu’il est dit :
– » Tu ne te feras point d’image taillée, ni de représentation quelconque des choses qui sont en haut dans les cieux, qui sont en bas sur la terre, et qui sont dans les eaux plus bas que la terre. Tu ne te prosterneras point devant elles, et tu ne les serviras point ; car moi, l’éternel, ton Dieu, je suis un Dieu jaloux, qui punis l’iniquité des pères sur les enfants jusqu’à la troisième et la quatrième génération de ceux qui me haïssent, et qui fait miséricorde jusqu’en mille générations à ceux qui m’aiment et qui gardent mes commandements. »
 L’erreur était-elle héréditaire ?

Le baptême.

Jésus s’approcha du Baptiseur, et, soutenu par lui s’imergea tout entier dans l’eau de la mer de Génésareth, effleuré par le courant du Jourdain dont l’embouchure se situait une cinquantaine de coudées en amont.
 À l’instant ou il émergea de l’eau, les nuages s’écartèrent un rayon de soleil le frappa et une mouette vint se poser à son côté.
 De la foule s’éleva un long « Oh … » d’émerveillement.
– Es-tu celui qui doit venir ? demanda Jean
 Jésus le regarda en silence, sortit de la mer et se perdit dans la foule.

Remise en cause de la loi du talion.

 Répondre à un bras brisé par un bras brisé, ne serait-ce pas contredire la parole la plus sacrée du Père ? Et cela ne ferait que des perdants.
– Plutôt que de briser le bras de ton voisin, ne préférerais tu pas qu’on l’oblige à labourer ton champ, le temps que tu guérisses ? Je suis convaincu qu’à le voir suer à retourner la terre pour ton compte durant un mois, tu seras si heureux que tu finiras par lui pardonner sa faute.
 L’homme regarda Jésus, l’air intrigué. Cet homme lui suggérait-il sérieusement d’accorder son pardon à celui qu’il avait blessé ? Avait-on jamais entendu une idée aussi absurde ? Elle ébranlait ses convictions les plus profondes !
 Pourtant ce qu’il proposait ne manquait pas de justesse.

Diviser ou réunir les juifs.

C’était l’inverse qu’il souhaitait . Rapprocher les Juifs de leur religion. Redonner aux Lois leur esprit. Appliquer l’injonction du Lévitique :

« Tu aimeras ton prochain comme toi-même. »

– La religion juive est faite de charité et d’amour. Pourquoi voudrais-je m’en séparer ?


Édition Grasset, 594 pages, janvier 2022.

Traduit de l’islandais par Eric Boury

 

Ma sœur aime beaucoup les atmosphères des pays du grand nord, et en me prêtant ce livre, elle m’a confié qu’elle avait aimé passer du temps avec tous les habitants des Fjords de l’Ouest en Islande. J’ai partagé ce plaisir même s’il faut vraiment prendre son temps pour aimer et comprendre tous les aspects du roman et se retrouver dans toutes les histoires de chaque personnage. C’est un gros pavé et on peut se perdre dans la construction romanesque, d’ailleurs le narrateur dit lui même qu’il ne sait pas trop où il va. Le Narrateur est un homme qui a perdu la mémoire et qui est le scribe de tous les témoignages des gens qui vont se réunir pour une fête où tout le monde est convié.

Pour une fois je suis allée voir sur Babelio les avis des lecteurs, et je n’ai pas été surprise de voir que certains (peu nombreux) avaient détesté ce roman, en particulier tous ceux qui s’attendaient à ce que le personnage retrouve la mémoire. J’ai lu, aussi une critique injuste, à mon avis, un lecteur a vu dans ce livre des leçons de vie un peu à la manière de Paolo Coelho, qui a tant plu aux lecteurs il y a une dizaine d’années (ou plus !) , je ne suis pas du tout d’accord : il n’y a aucun message dans ce roman. Et certains avis sont très enthousiaste, un peu comme moi.

On peut se perdre dans le nombre de personnages qui sont évoqués et toutes les histoires d’amour qui sont racontées. Et puis, ce narrateur qui se confie à un pasteur chauffeur de car, qui est-il vraiment ? Comme l’auteur rassemble les vivants et les morts, je me suis souvent demandé où il se situait . L’auteur qui s’appelle Jon comme l’enfant d’un amour adultérin entre le pasteur et une femme mariée Gudridur qui a dû partir au Canada pour résister à cet amour qui aurait détruit son couple, est-il lui aussi le résultat de toutes ses histoires. En tout cas ce qui est certain, c’est qu’il est le passeur entre nous et la civilisation islandaise. Il nous confie aussi ses doutes sur ses efforts de mémoire et en discutant avec « le pasteur » ou le « diable », il en arrive même à changer le sens de son récit et à faire revivre un personnage qu’il avait tué quelques pages auparavant. À la fin du roman de presque 600 pages, j’ai souri quand le Narrateur dit qu’il ne nous a pas encore tout raconté – l’auteur pouvait donc rajouter quelques centaines de pages !-, car il est vrai que nous ne savons pas ce qu’il devient de la mère d’Eirikur, ni si celui-ci fera de la prison pour avoir tiré sur des camions. C’est étrange cette façon que l’auteur a de réfléchir sur la création même de son roman.
La vie dans ce pays est très rude, la subsistance des hommes est due à l’élevage des moutons et pour certains à la pêche. Pendant six mois, le pays est dans l’obscurité, le froid et la pluie ou la neige, pendant l’été les jours sont longs mais il faut sans cesse travailler auprès des brebis et des agneaux. L’alcool permet souvent de supporter cette vie sans lumière , mais on connaît aussi les ravages de l’alcool. La communauté du Fjord ne s’arrête pas aux vivants, chacun porte en lui la lignée des morts qui a rendu sa vie possible

Ce roman est aussi un roman d’amour, des amours très forts et décrits avec un réalisme qui m’a étonnée. De ces amours vont naître des enfants adultérins dont le destin sera compliqué, évidemment. Et puis deux personnages importants Halldor et son fils Eirikur sont des musiciens l’auteur parsème son récit de grands classiques de la chanson surtout américaine et anglaise mais pas que . C’est étonnant aussi de voir des événements hors de leur frontière prendre de l’importance dans cette région reculée : la condamnation de Zola, par exemple. En revanche aucune allusion aux guerres du XX° siècle. Le récit n’est jamais linéaire, on commence avec un personnage, on le laisse puis on revient vers lui, il faut vraiment accepter de se promener au gré de la mémoire défaillante du narrateur . Certaines histoires sont étonnantes, comme celle de Gudrigur qui a écrit un article remarquable sur … le vers de terre ! La première histoire d’amour entre Haraldur et Aldis la jeune fille de la ville (Reykjavik), est superbe et en même temps un peu comme à l’image de toutes les histoires d’amour de ce roman, le coup de foudre du premier regard me laisse toujours un peu septique, mais je ne suis pas Islandaise ! Il y a aussi un récit d’amour homosexuel mais si tragique, le monde rural, quel que soit le pays, bien du mal à accepter ces amours là.

On sent dans tout le roman que tous les personnages ont soif d’apprendre et de lire. Aujourd’hui tous les Islandais doivent pouvoir satisfaire ce besoin.

J’ai aimé me perdre dans tous les méandres de ces histoires, même si je me suis souvent égarée : je ne savais plus avec qui j’étais, et puis je retrouvais les personnages que je connaissais un peu. Un livre à lire si vous avez du temps et de la patience. S’il n’a pas 5 coquillages, c’est que certains aspects ne m’ont pas convaincue : les histoires d’amour au premier regard, et surtout les allées et retour avec des personnages, on peut s’y perdre vraiment.

 

Extraits

Début.

Titre du chapitre : IL SE TROUVE TOUJOURS UNE CONSOLATION
C’est sans doute un rêve :
Je suis assis au premier dans une église de campagne, il fait froid : une profonde quiétude règne à l’extérieur, à peine troublée par les bêlements des moutons et les cris lointains des sternes, les vitre du bâtiment encadrent le bleu du ciel, la mer, une bande d’herbe verte et une montagne presque nue.

Le récit est ponctué de chansons :

Je roule lentement heureux d’entendre The Train Song de Nick Cave qui a pris le relais de Damien Rice sur l’autoradio. Nickel Cave est né en Australie en 1957, il entame donc la seconde partie de sa vie, parce que toute chose vieillir et que, pour finir, tous ceux qui sont aujourd’hui de ce monde sont condamnés à disparaître. Y compris les enfant. La mort est l’impeccable immobile, pourtant elle ne s’arrête jamais lit-on quelque part. Elle balaie des humains, les arbres, les empires, les présidents, les montagnes et les aveux les plus incandescents. Elle ne s’arrête jamais sauf peut-être l’espace de quelques chansons et de quelques poèmes :
Tell me how long’s thé train bien gone ? (…) And was she there ?
 Difficile de faire plus simple comme texte quelques apostrophes répétées à l’infini.
Dites-moi depuis combien de temps le train est-il parti ? Et ce qu’elle était là -est-ce qu’elle était à bord ?

Une autre chanson :

Son tee-shirt est noir est à l’effigie d’Édith Piaf, chanteuse de la douleur, née au pied d’un réverbère au début du siècle dernier, qui vomissait du sang sur scène, pas plus grande qu’une bouteille de vin rouge, mais dotée d’une voix plus vaste que la mort laquelle venait d’ajouter à l’instant le morceau  » Non je ne regrette rien » à sa compilation. La chanteuse regardait droit devant elle, l’air habité comme si elle venait d’entonner :  » Avec mes souvenirs, j’ai allumé le feu, mes chagrins, mes plaisirs, balayé mes amours, ni le bien, ni le mal, car ma vie, aujourd’hui ça commence -avec toi !
 Non ! je ne regrette rien, je ne regrette rien …

Le personnage principal, narrateur.

 J’ai l’impression d’avoir oublié tout ce qui se rapporte à ma personne, j’ignore quelle profession j’exerce, je ne sais rien de mes aptitudes, je ne sais pas s’il y a quelqu’un qui m’aime, je ne sais pas si j’ai des enfants – comment oublier tout ça ? Mes souvenirs ont disparu sans laisser de traces, il ne reste que cette douloureuse nostalgie. J’ai l’impression… qu’on avait effacé mon identité et que quelqu’un a comblé le vide ainsi laissé avec le monde, son histoire, ses agacements, sa nostalgie, son désir d’équilibre … une question se pose dans quel but ?

J’aime ce genre de description sans savoir expliquer pourquoi, les chiens d’Eirikur.

 Les chiens d’Eirikur apprécient plus que tout d’être assis dans la jeep aux côtés de celui qu’ils aiment et qui a leur confiance, c’est une expérience fascinante de se tenir immobile tandis que le paysage qui jamais ne bouge et qui est la chose la plus statique de toutes, défile sous vos yeux à grande vitesse. C’est là un prodige dont ils ne se lassent pas.

L’amour et le couple.

Mais cela n’expliquait pas pourquoi l’amour qu’il portait à son épouse avec commencé à faiblir en lui.. à faiblir si lentement que, pendant longtemps, il ne s’en était pas rendu compte, qu’il n’en avait rien soupçonné. Et quand enfin, il en avait pris conscience, il avait d’abord cru que c’était de la simple lassitude, peut-être parce que la vie à Copenhague lui manquait tout comme les opportunités qu’offrait la grande ville, peut-être que la monotonie de la campagne lui pesait ou peut-être qu’il vieillissait et se désolait de n’avoir pas encore réussi à accomplir ses rêves de jeunesse.

Dureté de la vie.

 Il suffit que le printemps soit tardif et capricieux, que gèle l’herbe neuve et fragile, pour qu’ils soient forcés de nourrir le troupeau de foin y compris pendant l’agnelage et que leur subsistance ne tienne qu’à un fil. Et là, on compte jusqu’au moindre brin de fourrage. Et leur nombre dépend entièrement impitoyablement, du travail acharné qu’on a fourni l’été précédent, sans jamais se perdre dans ses rêveries, quitte à se priver de sommeil et à tout délaisser en dehors de sa tâche elle-même. Il n’y a alors pas de place pour la lecture. Pas de place pour réfléchir à ce qui se trouve loin d’ici. Parce que si le printemps est tardif et capricieux, on a besoin de foin bien plus que de pensées profondes.

L’ailleurs.

Elle savait que Björg serait tellement contente et impatiente qu’elle risquait d’en perdre le sommeil. Mais elle savait aussi que si sa fille acceptait, elle la perdrait. Parce que celui qui quitte une ferme pauvre et isolée a deux pas de la lande pour faire des études, n’y revient jamais sauf en tant qu’invité.

Le message du miroir.

 Elle se revoit devant ce miroir avec son père, elle presque nue, et Eirikur tout habillé, souriant le nez fin, les cheveux bruns et épais, le regard bouillonnant et chaleureux, qui l’encourageait à s’admirer, à explorer son corps, parce que le corps humain était une merveille, à la fois simple et complexe, et parce qu’il nous a été donné pour nous rappeler que nous ne sommes pas des dieux. Nous rappeler que nous supportons mal le passage du temps et que nous avons donc le devoir d’en faire bon usage.

La mort d’être cher.

 Tu sais jeune homme reprend Elias en balayant le fjord du regard, on ne voit aucune trace de vie sur Terre depuis la Lune, quant à la plupart d’entre nous, nous sommes des phénomènes tellement éphémères par rapport à l’histoire géologique que dans une centaine d’années, plus personne ne se souviendra de nous et que toutes nos traces auront disparu. Malgré ça, l’existences est parfois difficile, extrêmement difficile. Tu sais à quel point il me manque ?


Édition l’Olivier, 158 pages, octobre 2023

 

Je n’ai jamais été chez moi chez moi.

 

J’ai encore oublié de noter la blogueuse qui m’a tentée mais elle se reconnaitra, je l’espère ; Voici le billet de « mot à mot » et celui de Anna-yes Mon biblioblog. C’est un livre qui raconte un rejet de la vie familiale incroyable, si fort, que l’autrice-narratrice a non seulement rejeté son milieu social -ses parents appartenaient à la classe ouvrière du Canada dans une ville petite (pour le Canada) grande pour la France : Kitchener, dans l’Ontario 230 000 habitants, mais elle a aussi, renié sa langue, l’anglais, son nom de famille pour trouver sa liberté de penser et d’écrire en français. Elle a donc vécu au Québec et est devenue traductrice en trois langues car elle parlait aussi l’espagnol. J’emploie le passé car Lori Saint-Martin est morte à Paris en 2022, c’est assez tragique que cette ville qu’elle a tant aimée soit aussi la ville qui l’a vue mourir.

J’ai voulu lire ce livre car j’aime bien le sujet de l’apprentissage des langues, et son cas est très particulier : elle n’a pas appris le français, elle a fait de cette langue sa langue d’élection. On peut l’écouter parler, elle est effectivement totalement à l’aise en français avec quelques traces d’accent québécois mais très légères. Je pense que lorsqu’elle arrivait à Paris, elle devait immédiatement prendre les intonations françaises.

Tout ce qu’elle dit sur la richesse que cela procure d’avoir plusieurs langues m’ont semblé très juste, surtout venant d’une anglophone qui pourrait visiter le monde entier en ne parlant que sa propre langue. Mais j’ai moins compris la violence du rejet de son milieu d’origine. Sa mère, même trop grosse et habillée en polyester de couleurs vives, ne mérite pas selon moi autant de rejet. Elle a sûrement mal aimé sa fille, mais elle l’a laissé aussi faire ce qu’elle voulait. D’ailleurs à la fin , elle le dit elle-même, c’est grâce à sa mère qui voulait parler anglais à ses petits enfants qu’elle élèvera ses propres enfants dans les deux langues le français avec leur père québécois, et l’anglais avec elle.

J’écris ce billet quelques jours après avoir fini le livre et je me rends compte qu’hélas, je garde plus dans mon souvenir le rejet de son milieu que le charme de savoir plusieurs langues.

Je trouve assez étonnant qu’elle ait réussi à surmonter son malaise de l’adolescence en se lançant à corps perdu dans l’apprentissage du français et pas dans l’anorexie qui lui tendait les bras si on comprend ce qu’elle subissait à table. Je me souviens aussi des différents professeurs de français qu’elle a eus, un homme seulement et de cette femme qui pendant tout son cours leur faisait réciter les conjugaisons des verbes ! Méthode au combien active, mais le plus bizarre, c’est qu’elle avoue avoir plus appris avec ce prof qu’avec celle, sympathique et vivante qui essayait de les faire parler ! Paradoxe intéressant !

Une femme remarquable qui a un nombre de récompenses incroyables pour ses traductions, elle a traduit de l’espagnol au français également et voulait découvrir l’allemand qui était la première langue de Kitchener qui s’est d’abord appelé Berlin. Mais la vie s’est arrêtée brutalement et elle n’en a pas eu le temps. Malgré mes réserves, je conseille ce roman à tous ceux et toutes celles qui s’intéressent à l’apprentissage des langues et au passage d’une culture à une autre.

 

Extraits

Début .

 Je voudrais que chaque page de ce livre soit la première page. Commencer par partout. Ça commence par partout, je pense. Tout me semble être le début. 
Mon nom n’est pas le nom de mon père.
Ma vie n’est pas la vie de ma mère.
Si j’ai changé de vie et de langue maternelle, c’était pour que ma mère ne puisse pas me lire.
 Si j’ai changé de vie et de langue maternelle, c’était pour pouvoir respirer alors que j’avais toujours étouffé. Je raconte ici l’histoire d’une femme qui a appris à respirer dans une autre langue. Qui a plongé et refait surface ailleurs.

Sa mère .

 Ma mère était grosse, mon père était gros, ma sœur était potelée, bientôt grosse. « You’re such à bony thing ! » disait ma mère je m’installais à sa table d’un air dégoûté et je touchais à peine à ses plats. J’avais horreur des viandes bon marché, à la fois coriace et étrangement molle, des pommes de terre et des carottes mijotées jusqu’à la fadeur jaunâtre dans le jus de cuisson. J’avalais un à un les petits pois en boîte chacun avec sa gorgée de lait, comme des aspirines. Malgré les haut-le-cœur, il fallait terminer son assiette.
 Ne pas gaspiller, l’obsession. Si on reçoit un paquet, on le déballe avec soin, on défroisse ce papier et on le range avec le moindre bout de ficelle,  » ça peut toujours servir ». On mange les restes jusqu’à la dernière miette,  » c’est passé mais tout de même m ». Pieds qui puent à cause des chaussures bon marché, vêtements choisis sur le présentoir « 2 pour 1 » : deux moches valent mieux qu’un beau.

Le pire c’est d’aller dans ces musées et de ne rien voir.

 Mes parents et, je crois aussi, ma sœur, ont vécu et sont morts sans mettre les pieds dans un musée d’art. Je les ai jugés sévèrement pour cette raison. Maintenant je pense aux barrières qui font qu’on n ‘entre pas dans certains endroits même si la porte en est ouverte 

Qui est l’autrice  ?

Mon histoire, c’est une histoire d’ascension sociale, de honte et d’orgueil, d’une fille qui mène la bataille de sa mère, d’une mère défaite par la victoire de sa fille.

Le titre ;

Who do you think you are ? You’re nobody special. Rengaine de ma mère devant mon désir -insultant, blessant, incompréhensible – d’un ailleurs.
« Pour qui te prends tu ? » la phrase est plus profonde qu’elle n’en a l’air. Si on l’entend vraiment comme une question, et non une rebuffade (« tu n’es pas aussi bonne que tu le penses ») , elle signifie qu’on peut se prendre pour quelqu’un d’autre et se transformer. 

 

 


Édition Stock janvier 2024

 

En 1720, le roi de France, Louis XV, a décidé que la Louisiane serait une terre française, et pour cela il faut peupler cette région, donc y envoyer des femmes : c’est le thème de ce gros roman de 550 pages. Le premier envoie fut une catastrophe car les femmes ne voulaient pas partir et ont résisté jusqu’au bout. Les autorités s’y prennent donc autrement et réussissent à convaincre des femmes de s’embarquer à Lorient sur un navire appelé « la Baleine », direction la Louisiane, le mariage et surtout la procréation car il s’agit avant tout de peupler cette région de bons petits français.

Le roman commence à la Salpêtrière, où sont retenues prisonnières, pour des raisons les plus diverses, de très jeune filles. Nous allons y rencontrer connaître les héroïnes du roman : Geneviève la plus âgée, dont les parents qui cultivaient les vers à soi en Provence, ont tout perdu dans un incendie, Pétronille qui a une tâche blanche sur le visage et dont les parents se sont débarrassés , Etiennette et Charlotte deux orphelines élevées à la Salpêtrière . Les conditions de vie dans cet asile pour jeunes filles et jeunes femmes sont absolument horribles et on comprend qu’un ailleurs les ait tentées.

La deuxième partie c’est le voyage, on peut imaginer l’horreur de cette traversée sous le regard sévère des bonnes sœurs, heureusement sujettes au mal de mer ce qui donne un peu de liberté aux passagères. Pendant le voyage des liens se créent, une histoire d’amour avec un marin et des liens amoureux entre Charlotte et Etiennette. Un abordage de pirates puis, enfin, plus mortes que vives, leur arrivée en Louisiane

Troisième partie : le destin de ces pauvres filles qui sont mariés à des rustres pour la plupart et qui vivent dans des conditions très hostiles : une nature difficile à supporter et des populations indiennes qui voient d’un mauvais œil ces gens qui leur volent leur terre.
L’autrice a recherché sérieusement ce qu’elle a pu trouver dans les archives de ces faits historiques et à partir de là elle a construit une intrigue romanesque. Autant la toile de fond historique m’a intéressée autant le romanesque m’a semblé plaqué et je n’ai pas du tout adhéré aux personnalités qu’elle a choisies de mettre en scène. L’intrigue amoureuse entre Charlotte et Geneviève n’est pas passionnante et les tourments psychologiques de la pauvre Charlotte m’ont quelque peu lassée. Comme ces femmes ont la sympathie de l’autrice, elles sont « évidemment » proches des Indiens (les Natchez) et s’offusquent du sort qui leur ait réservé et elles essaient d’être « gentilles » avec le esclaves noirs.

La description de la situation des Natchez de leurs révoltes et finalement de leur extermination par les Français m’a beaucoup intéressée .

Une déception pour ce roman dont j’attendais beaucoup, car je n’avais encore rien lu sur ce sujet. La quatrième de couverture annonce une série télévisée à partir de ce livre, je pense que cela peut donner de belles images et peut être que le romanesque passera mieux.

Extraits

Début.

Paris, mars 1720
 Marguerite doit dresser une liste. Elle replie la lettre de l’avocat général, s’efforce de trouver une meilleure posture pour sa jambe raide. Après la pluie de ces derniers jours, la douleur enfle de ses orteils à sa cuisse, bourgeonne jusque dans les articulations de ses mains. C’est l’heure où les filles ont quitté les ouvroirs, où les voix récitant les derniers psaumes se sont tues, où les sœurs officières lui ont remis leurs derniers inventaires. Les atelier sont fermés et les artisans retirés dans leurs logements. On n’entend même plus les prisonnières des loges aux folles.

L’état des prisons en 1720.

 Comme tous les hivers, le système d’évacuation qui longe le mur à l’est de la Salpêtrière à débordé quand les eaux épaisses de la Seine se sont mises à couler trop vite ; la prison trempe dans une odeur aussi solide que de la boue séchée, de la fiente d’oiseau.

Consoler une enfant de la mort de son père.

 Elle envie la tristesse simple, abyssale de sa fille. Hier, en voyant le cercueil pour la première fois, la petite s’est mise à sangloter, et Geneviève lui a raconté une histoire pour l’apaiser. Une fois sous terre, le cercueil se transformerait à nouveau en chêne, ses planches se feraient racines. Un arbre invisible jaillirait et ses branches deviendraient des échelles, hautes et biscornues. Elles mèneraient jusqu’aux nuages.

 

 

 

 


Édition Seuil Janvier 2004

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

Le thème de notre club de lecture de Mars 2024 est original et, pour moi, très intéressant : la bibliothécaire est allée chercher dans la médiathèque des romans qui ont eu du succès il y a 20 ans , donc en 2004 !

J’ai beaucoup lu Andreï Makine et souvent avec grand plaisir, je n’avais pas lu ce beau roman d’amour désespéré – nous sommes en URSS !- je n’ai pas du tout regretté cette découverte . Donc après « la vie d’un homme inconnu« , « Le livre des brèves amours éternelles » « L’archipel d’une autre vie », voici le destin de cette femme qui depuis trente ans attend le retour de son grand et seul amour.

Ce roman nous permet de découvrir les ravages de l’hécatombe d’hommes soviétiques morts lors de la deuxième guerre mondiale. Véra vit dans un village près de la mer blanche, Mirnoïe, elle est institutrice mais passe aussi toute sa vie à s’occuper de vieilles femmes complètement seules car leurs maris et leurs fils sont morts à la guerre. La description de ces destinées est vraiment tragique. Le narrateur est un jeune homme de Léningrad et il est séduit par Véra qui a l’âge d’être sa mère, nous dit-il.

Il va l’aimer mais ne saura pas l’embarquer dans sa propre vie, elle qui n’avait été que la fiancée de seize ans d’un jeune homme qui ne revient pas.

On vit avec l’auteur le froid et la violence des rapports humains en URSS, ce n’est sans doute pas son meilleur roman, mais c’est un bel hommage à son pays en particulier aux femmes russes. Les tragédies russes nous donnent souvent envie de pleurer (encore plus fort dans notre actualité de 2024 !)

Extraits

Le début .

« Une femme si intensément destinée au bonheur (ne serait-ce qu’à un bonheur purement physique, oui, à un bien-être charnel) et qui choisit, on dirait avec insouciance, la solitude, la fidélité envers un absent, le refus d’aimer… »
J’ai écrit cette phrase à ce moment singulier où la connaissance de l’autre (de cette femme-là, de Véra) nous semble acquise.

 

Évocation de la nature .

Plus tard, j’apprendrais le dénivelé des chemins, la vêture vivante des arbres, nouvelle à chaque tournant, les courbes fuyantes du lac dont je pourrais bientôt suivre la berge les yeux fermés. 

Les Russes soviétiques.

 Devant nous, serrés sur les banquettes, ils formaient le tableau vivant de ce que le régime pouvait faire d’un être humain : lui enlever toute individualité, l’abêtir à ce point que, de son propre gré, il lisait la « Pravda » (plusieurs journaux étaient ouverts ici ou là), mais surtout lui enfoncer dans le crâne l’idée de son bonheur. Car qui parmi ces rouages ensommeillés ne se serait pas reconnu heureux ?

Flirter.

 Chaque génération a sa façon de flirter. Dans les années soixante, quand j’étais à Leningrad, les hommes qui vous abordaient et qui voulaient surtout brûler les étapes n’avaient que cela à la bouche : « la théorie du verre d’eau » de Kolantaï. Dans la fièvre révolutionnaire la belle Alexandra grande amie de Lénine avait concocté ce précepte : assouvir son instinct charnel est aussi simple que boire un verre d’eau. Cela paraissait tellement vital que, durant les premières années après 1917, on projetait très sérieusement de construire dans les rues de Moscou des cabines où les citoyens pourraient satisfaire leurs désirs physiques. Le meilleur flirt est l’absence de tout flirt. Le passage à l’acte immédiat. On se croise dans la rue, on trouve la cabine la plus proche, on boit « son verre d’eau », on se sépare. Une grosse pierre dans le potager des convenances bourgeoises.

 

 

 

 

 

l’abonnement est de nouveau possible sur mon blog (merci à mon fils qui est passé me voir !)

Édition Grasset

Keisha avait suffisamment aimé ce roman pour me tenter. Je suis loin d’être aussi enthousiaste qu’elle, ni que je lis je blogue , ou qu’ Athalie. Sauter de lettre en lettre, garder en mémoire tous les protagonistes des sombres complots qui secouent Florence au XVI° siècle, cela a épuisé mes ressources d’attention et de patience. Ce livre pourrait faire l’objet de plusieurs romans : la vie dans les couvents, la condition des femmes, le statut des ouvriers de la peinture, la montée de la pensée protestante, la répression de l’inquisition, le pouvoir du Pape, la lutte entre les grandes puissances de l’époque : la cour espagnole et la cour du roi de France, et par dessus tout cela, le travail des peintres qui jouent plus ou moins bien contre la censure. C’est trop éparpillé pour moi et contrairement à Keisha, je soupirais à chaque changement de destinataire, je cherchais alors dans quelle histoire j’allais me retrouver, avec la pauvre petite Maria de Médicis qui succombe à l’amour, ou avec Michel Ange avec qui on va parler peinture, mais pas que … non je n’en dis pas plus (il ne faudrait pas qu’en plus, je vous dévoile la fin !) mais c’est lui qui détient une grande partie du mystère de la mort du pauvre vieux peintre Pontormo.

L’enquête sur cette mort est aussi un des ressort du roman, mais cela se complique car cela se mêle à la recherche d’un tableau qui représente une Vénus avec la tête de Marie de Médicis, les multiples ruses pour obtenir et essayer de détruire ce tableau sont semées de cadavres et de tortures en tout genre.

Bref, je me sens un peu seule dans ma déception et c’est certainement due à mon manque d’agilité cérébrale !

Un avis qui rejoint le mien La Petite Liste

 

Extraits

Le début .

S’il savait que je vous écris, mon père me tuerait. Mais comment refuser une faveur si innocente à votre altesse ? Il est mon père mais n’êtes-vous pas ma tante ? Que me font à moi vos querelles, et votre Strozzi, et votre politique ? À la vérité votre lettre m’a causé une joie que vous ne pouvez concevoir. Quoi ? la reine de France me supplie de l’entretenir sur sa ville natale en échange de son amitié ?

Opinion tranchée des bonnes sœurs.

 Voilà pourquoi rappeler à Dieu un peintre sodomite réformé, dont la punition dans cette vie ou dans l’autre était inévitable, ne peut être un crime. C’est au contraire une sainte action qui sera portée au crédit de son auteur à l’heure du jugement 

La condition de la femme, c’est une Reine de France qui parle.

 Si vous épousez le jeune prince de Ferrare, ce sera pour la seule raison de réconcilier votre père avec la puissante famille d’Este. Nous, femmes, sommes les pièces qu’on déplace sur l’échiquier des empires, et si nous ne sommes pas sans valeur assurément nous ne sommes pas libres de nos mouvements. Votre devoir de fille de duc est d’obéir à votre père, votre devoir d’épouse du duc sera de servir votre époux selon son plaisir en lui donnant des enfants en bonne santé 

Conception de l’honneur .

 L’honneur repose uniquement sur l’estime du monde, et c’est pourquoi une femme doit user de tout son talent pour empêcher qu’on débite des histoires sur son compte : l’honneur, en effet, ne consiste pas à faire ou ne pas faire mais à donner de soi une idée avantageuse ou non. Péchez si vous ne pouvez résister, mais que la bonne réputation vous reste.

Le but de la peinture pour les bonnes sœurs.

 La fin du peintre est de mener les hommes à quelque idée vertueuse au moyen d’une représentation convenable, à la façon dont un aliment fait horreur si on le représente sous l’aspect d’une chose abominable, ou bien au contraire fait envie de si on le représente sous l’aspect d’une chose belle et admirable.