De cette auteure j’ai lu et beaucoup apprécié « la femme de l’Allemand« , je retrouve ici son sens de la nuance et la volonté de ne pas juger avec des principes moraux si répandus une situation somme toute très banale. J’ai donc suivie l’avis d’Aifelle qui voit dans ce roman une façon pour Marie Sizun de combler les manques d’une généalogie incomplète.
Un homme, Léonard, aime sa jeune femme Hulda à qui il fait cinq enfants. Il embauche une gouvernante, Livia qui deviendra sa maîtresse et qui aura aussi un enfant de lui. Cet amour à trois, sous le même toit à quelque chose de destructeur et effectivement la santé d’Hulda ne résistera pas à cette situation. L’amour ancillaire (oui la langue française à un même un mot pour décrire cela ! faut-il que cette situation soit banale !) n’est pas le seul responsable de la destruction d’ Hulda. Cette très jeune fille suédoise de la très bonne société s’est entichée d’un séducteur français qui devra divorcer de sa femme anglaise pour pouvoir l’épouser.
Ce Léonard est bien étrange, amoureux de la littérature française il devient représentant en vin et « ses affaires » le retiennent très souvent loin de sa famille. Hulda exilée à Meudon ne trouve que dans Livia la gouvernante suédoise et aussi la maîtresse de son mari, une amitié qui la réconforte.C’est un triangle infernal et Marie Sizun a beau vouloir redonner une dignité à chacun de ses personnages, j’ai vraiment eu du mal à accepter le rôle de Léonard. C’est d’ailleurs le personnage le plus faible. On ne comprend pas, l’auteure ne le dit pas, pourquoi il fait de mauvaises affaires, et quelles sont les raisons qui le poussent à être toujours aussi loin de chez lui. Ce qu’on sait de lui le rend peu sympathique à quarante ans marié à une femme anglaise dépressive, il séduit une jeune fille de dix sept ans. Puis Leonard et Hulda forment un couple presque heureux tant qu’ils sont en Suède. Ils partent en France et ce représentant en vin laisse sa jeune femme se débrouiller à Meudon sans beaucoup d’argent et gérer la grande maison de Meudon et leurs quatre enfants. De son amour avec la gouvernante, on ne sait pas non plus grand chose, le talent de Marie Sizun arrive à donner un peu de consistance au portrait de Livia.
Marie Sizun explique qu’il s’agit d’un roman d’amour, je trouve que c’est un roman de l’enfermement, j’ai étouffé dans ce triangle et j’ai regretté que personne ne renvoie à Léonard Sèzeneau son rôle de prédateur que j’ai ressenti pendant tout le roman. Hélas ! seul le frère d’Hulda , Anders, a une vision assez juste de la personnalité de Léonard, il sent le piège qui se referme sur sa sœur, mais c’est aussi un personnage falot parasite incapable d’aider quelqu’un d’autre. Je comprends bien la volonté de Marie Sizun de retrouver un sens à cette histoire qui est en partie la sienne, mais il y a trop d’éléments qui lui manquent . Elle n’a pas voulu inventer et elle s’est en tenue au plus probable et au plus digne de chaque personnages. Je suis souvent restée sur ma faim trouvant en quelque sorte qu’il y avait bien des « blancs » dans cette histoire.
Citations
Le professeur français séduit sa jeune élève suédoise
Noël en Suède
On prépare Noël. La maison n’a jamais été aussi lumineuse, aussi joyeuse, car on allume à plaisir lampes et bougies, on en met partout, jusque sur l’appui des fenêtres, et c’est beau dans la nuit toutes ces fenêtres éclairées. Les enfants, les bonnes sont tout excités à l’idée de la fête. Hulda elle-même se laisse gagner par cette gaieté. Avec Livia, elle parle de décoration de table, de sapin de Noël, de cadeaux. Comme tout semble harmonieux dans la musique des airs de Noël qu’elles jouent au piano à quatre mains, la gouvernante et elle, pour la grande joie des enfants !
Le drame
– Maman n’était pas malade, intervient Isidore. Elle était juste triste. D’être ici, dans cet affreux pays, comme nous, d’ailleurs, mais plus que nous. »
Surprise par la dureté de son regard, Livia regarde le petit garçon : « Je ne sais pas, Isidore. Et c’est vrai que la tristesse peut devenir une maladie… En tout cas, de bébé Alice n’y est pour rien, et elle a comme vous perdu sa mère. Elle a besoin de vous. »Et à travers les mots qu’elle s’entend prononcer, dont elle voit le reflet sur le visage des quatre petits, elle éprouve elle-même singulièrement la cohésion de ces enfants là, de cette fratrie, elle sent de façon presque douloureuse la force qu’ils représentent autour du bébé tous les cinq, dans la profondeur de leur unité. Alors qu’elle, la gouvernante, n’est et ne sera jamais qu’une étrangère.