Édition Héloïse d’Ormesson 

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

 

Un livre surprenant pour un premier roman d’une jeune écrivaine, il est composé en trois parties dont l’intérêt est allé en diminuant (pour moi !).

La première partie est à deux voix : celle du père et de la mère d’Isor une enfant qui ne parle pas et dont aucun médecin ne peut dire exactement ce qu’elle a. On retrouve dans cette partie le désarroi des parents d’une enfant « pas comme les autres ». Sa mère sent que cette petite fille, sa fille, a des capacités qu’elle ne veut (ou ne peut) pas montrer, comme si elle avait peur du monde. Son père est souvent plus agacé par sa fille mais finit par trouver un lien avec elle à travers les DVD, ensemble ils regardent des reportages animaliers ou des films en langue étrangère. Elle imite très bien les animaux ou semble parler chinois ou arabe. Alors qu’elle ne dit pas un mot en français.

J’ai trouvé triste mais très bien décrite leurs démarches auprès du corps médical pour comprendre et aider leur fille. Tant de parents témoignent des mêmes errances quand ils veulent comprendre pourquoi leur enfant ne réagit pas comme tous les autres. Ils décident donc de s’en sortir seuls. Isore grandit et un jour elle veut faire ses propres découvertes, nous sommes dans la deuxième partie quand elle rencontre Lucien un vieil homme avec qui elle se sent bien. Dans la deuxième partie nous entendons la voix de Lucien, et je n’ai vraiment pas compris grand chose à cet amour absolu de Lucien pour Isore. Ce que la petite n’a jamais donné à ses parents (la communication) elle le donnera à cet homme qui partagera son secret avec elle : l’éloignement en Italie de sa fille Anellia ou Ani. Enfin, dans la troisième partie (un grand n’importe quoi – toujours pour moi) grâce à une correspondance fournie , Isor raconte à ses parents sa nouvelle vie en Sicile avec Aniella. Bref cette enfant qui n’a jamais eu aucune autonomie, n’a jamais parlé peut écrire est capable de se rendre seule en Sicile pour retrouver et vivre avec la fille de Lucien .

Une déception, après un bon début, pour ce roman qui visiblement plaît beaucoup. Cette toute jeune écrivaine a le temps pour écrire des romans qui, peut-être, me plairont davantage.

 

Extraits

Début .

 Mère 
Mon poussin, ma toute petite, moi qui t’ai formé au rythme des secrets de mon ventre, je t’ai vue finalement grandir en dépit de tout. Detoutes ces choses incompréhensibles et qui t’étaient contraires.

Florilège d’avis divers et variés sur leur fille,( j’en cite 2 sur 10).

Alexandre Petit (interne) ORL : » L’hypothèse d’un syndrome rare touchant les canaux lacrymaux n’est pas exclue : votre fille sécréterait trop de larmes. On a relevé un cas similaire en Birmanie il y a deux ans ».

 

Docteur Amandine Blanc, psychiatre : » Partez donc un peu en vacances, prenez du temps pour vous cela devient UR-GENT ! Isor a besoin de voir sa famille unie et heureuse. On continue de se voir tous les deux jours ? »

 

Souvent, le mercredi, je passe sur vos blogs pour dire que je lis peu, ou pas, de BD. Il m’arrive aussi de trouver des trésors comme « Le Chanteur Perdu » et cette fois, c’est moi qui vous suggère une lecture qui m’a beaucoup touchée. L’auteur a écrit cette BD car en peu de temps, il a dû faire face à l’Alzheimer de sa mère et à l’annonce de la trisomie de son fils :

À quelques mois d’intervalles, il me faut faire le deuil de la mère que j’avais connue et celui de l’enfant que j’avais attendu.

Morvandiau est rennais et cela a sûrement joué dans mon plaisir de lecture car c’est la ville où je suis née et où j’ai travaillé. Je reconnais bien les lieux qu’il décrit, j’apprécie qu’il ne fasse pas des dessins du Rennes touristique très connu mais plutôt des quartiers habités par les gens ordinaires, on sent que son œil de dessinateur est attiré par la transformation d’un quartier de petits pavillons avec jardin laissant la place à des immeubles. Morvandiau raconte ces années qui ont été douloureuses pour lui, il passe d’anecdotes de sa vie à l’expression de ses sentiments et de ses cauchemars, les réflexions des gens autour d’eux. Que de pudeur dans cette BD ! Il ne s’agit pas d’un récit linéaire, et c’est ce que j’ai aimé : par petites touches, Morvandiau nous fait participer à tout ce qui a fait sa vie.

Je vous laisse avec ma planche préférée, mais surtout ne croyez pas que cette BD ne raconte que cela : la vie d’Emile et de ses progrès, c’est toute une période de la vie de l’auteur dans tous ses aspects, enfin ceux que le dessin peut exprimer  :

Traduit de l’allemand par Rose Labourie ; édition Acte Sud

Encore une fois un livre que je dois à la blogosphère mais en ayant oublié de noter précisément l’auteur du blog heureusement Keisha s’est rappelée à mon bon souvenir !. Je dois dire que j’ai failli passer à côté de cet essai, parce que cet homme m’a énervée au début de son récit. Il a de tels moyens financiers et ceci grâce aux prébendes que l’ONU distribue de façon écœurante à tous les membres de cette administration, et de voir les participants recevoir en plus de leur très confortable salaire de grosses enveloppes de liquides pour aller aux quatre coins du monde parler du sous-développement ou de l’écologie est absolument révoltant. Que ce soit de cette façon là que Wolf Küper ait réussi à mettre assez d’argent de côté pour passer deux années à ne rien faire d’autre que s’occuper de sa petite fille atteinte d’une maladie mentale qui l’empêche de se développer normalement a failli me faire refermer le livre. Et puis, le charme incroyable de cette petite fille m’a conquise moi aussi et j’ai donc suivi le parcours en camping car de cette famille à travers les plus beaux endroits de la planète.

Aucune famille avec un enfant handicapé ne peut prendre exemple sur cette famille, mais eux ont réussi à donner deux années de bonheur à leur petite fille qui est peut être plus armée maintenant pour affronter la vie qui, sans doute, ne sera pas très facile.

Citations

Un père face au handicap de sa fille

Je m’en souviens comme si c’était hier, peu avant notre départ, Nina avait fait la course avec d’autres enfants sur une grande pelouse. Évidemment, ils ne pouvaient pas se contenter de jouer tranquillement. Les enfants, en particulier les garçons, ont la compétition dans le sang. Ils ont besoin de se mesurer pour savoir qui court le plus vite, grimpe le plus haut, plonge le plus profond, saute le plus loin, et ainsi de suite. Et au milieu : Nina qui voulait absolument participer. Mrs. Lonte en en personne, qui m’avait fait blackbouler de toutes les courses de ma vie. Je n’arrivais pas à comprendre. Pourquoi s’obstinait-elle ? Pourquoi se mettait-elle sans arrêt en position de perdre contre les autres ? J’ai dit : « Y en a marre de toujours faire la course, venez, on va jouer à un autre jeu », et ce genre de choses. Dans le feu de l’action, les enfants ne m’ont même pas entendu, mais ce sont tous plus ou moins alignés, non sans que les garçons échangent quelques insultes – forcément. Mon cœur battait la chamade, ils se sont élancés en poussant des cris perçants.
En moins de trois secondes, Nina était déjà la dernière, alors qu’il y avait aussi des enfants bien plus petits qu’elle. À la moitié du trajet, elle était loin derrière. On aurait dit qu’elle allait disputer cette course tout seul. Presque en solitaire. Elle chancelait sur la pelouse, penchée en avant, les bras tendus sur les côtés, et elle tanguait tellement que je n’arrêtais pas de me dire : Cette fois, elle va tomber. J’arrivais à peine à la regarder. Quand elle est arrivée au bout, les autres avaient déjà repris leur jeu. J’ai vu Nina zigzaguer entre eux, hors d’haleine. Si je me souviens aussi précisément de cette scène, une parmi les centaines d’autres, c’est parce que ce moment-là, j’ai eu terriblement mal pour elle, mal pour un autre que moi.

Un bel endroit le lac Tepako et un beau moment dans les étoiles

L’illumination était donc venu lors de notre première nuit ici, au lac Tekapo, trois décennies plus tard, en montant sur un rocher, je m’étais rendu compte que les étoiles ne se trouvaient pas « au-dessus » mais tout autour de moi. Il y en avait même qui scintillaient en dessous de moi à l’horizon, et alors que mon vertige semblait se dissiper j’avais aperçu l’éblouissante Voie Lactée, tellement gigantesque que j’en avais eu le souffle coupé, brillant de milliards de feu, des centaines de milliers d’années lumière d’un horizon à l’autre, toute la folie de l’univers en 3D. Et en couleur. Et oui, il y a des étoiles bleues et vertes et rouges, et violette aussi, certaines clignotent frénétiquement, d’autres pulsent lentement, partout, des étoiles filantes zébraient le ciel tandis que les satellites traçaient paresseusement leur route. En Nouvelle-Zélande, il est impossible de croire que la terre est au centre de quoique ce soit, parce que rien qu’à l’oeil nu, on voit bien que nous ne sommes qu’une poussière perdue dans un coin de l’univers.

Je me demande si c’est vrai

Et avec les gens importants, il faut toujours garder son sérieux, ne jamais être de meilleure humeur que le client, c’est la règle numéro 1 quand on fait du conseil, surtout auprès d’hommes politiques.

Là où, ce livre m’a tellement écœuré que j’ai failli le laisser tomber.

Depuis que j’avais commencé à travailler régulièrement comme expert pour les Nations Unies, j’ai gagné pour la première fois beaucoup d’argent. Vraiment beaucoup. Rien que les indemnités de défraiement qu’on vous verse chaque semaine correspondent au revenu mensuel net d’un post doc avec douze années de formation universitaire en Allemagne. Le tout non imposable. Au Nations Unies, on vous remet sans ciller d’épaisses enveloppe marron avec des liasses de billets de cinquante dollars, presque comme dans un film de mafieux. Ça ne rentre même pas dans le porte-monnaie. Les billets sont soigneusement attachés par vingt à l’aide d’un trombone. Officiellement, ces indemnités exorbitantes servent à voyager dans des conditions « appropriées et représentatives ». Soudain, j’avais, ce qu’on appelle un niveau de vie élevé, accès aux lounges VIP et vol en première classe. Programme grand voyageur et ainsi de suite…..

Jusqu’à l’écœurement des réunions à l’ONU des ONG sur l’environnement

Le genre de chose qui ne mérite pas qu’on s’y attarde une seconde, sans même parler d’enfer débattre plusieurs milliers de délégués sur payer venu du monde entier.
Une civilisation qui se prend pour le fleuron de la création célèbre ici sa propre déchéance. Je fais un rapide calcul : le paragraphe comporte environ 70 mots. Au cours des 95 minutes que dure ce cirque, il y a 22 objections et 19 correction. Ça doit être incroyablement difficile de formuler le rien.

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard. Et vous remarquerez son coup de cœur !

Pourquoi Dinard ? Car c’est la ville d’où vient cet auteur. Pourquoi ce coup de cœur ? Parce que cet auteur vient de notre ville. Cela ne veut pas dire que ce soit un mauvais roman, mais quand même, mes amies n’étaient peut-être pas entièrement objectives. Ce roman raconte l’adolescence d’un jeune garçon, ses émois sexuels, sa passion pour la musique et son quotidien marqué par un père directeur d’un grand hôpital psychiatrique. Il passera son enfance parmi des gens de cet hôpital. Son meilleur ami, Francis, celui qui l’appelle « Mon gamin » a été abandonné par ses parents dans la cour de cet hôpital. Thierry, le personnage principal a le malheur de perdre sa mère trop tôt et Francis qui vouait un culte à ce médecin psychiatre qui avait été simplement humaine avec lui, protégera toute sa vie cet enfant. Le père de Thierry se remarie avec Emelyne une trop jeune et jolie belle mère. Un meurtre est commis et sans être un roman policier on est pris par les suites logiques de cet acte. Mais comme souvent ces faits sont vus à travers les yeux et les raisonnements de malades mentaux, ce n’est pas si simple de démêler le vrai du faux.

Ce roman vaut surtout pour l’ambiance de ce petit village qui vit au rythme de l’institution psychiatrique. Comme mes co-lectrices, j’ai moins aimé le dénouement que le reste du roman. Les émois sexuels du jeune adolescent sont bien racontés, et l’histoire de Francis m’a beaucoup émue. Les rapports humains entre les malades et les « bien-portants » sont finement décrits. Bref il y a de très bons moments dans ce roman qui pourtant ne m’a pas entièrement enthousiasmée.

Citation

Une seule mais que j’aime beaucoup pour son humour et sa profondeur

 Là où les non-initiés pointaient du doigt un camp de concentration pour fous, Marc voyait une sorte de principauté où les malades mentaux étaient exonérés d’impôts sur la différence.

 

Ce petit déjeuner pluvieux a été égayé par la lecture de ce livre. J’avais trouvé l’idée sur le blog de Noukette qui parlait du « Retour de Jules » j’ai donc préféré lire son arrivée, d’autant qu’elle a été moins séduite par le tome 2. On sourit à cette lecture et on admire les prouesses du chien d’aveugle. Je n’apprécie pas que celui-ci porte le même prénom que mon petit fils, pour moi il y a une différence entre les hommes et leurs fidèles compagnon, ce n’est certainement pas une réflexion politiquement correcte pour tous les amis des animaux. Mais j’aime bien que les gens s’appellent Didier et leur chien Médor. Je m’égare ! Ce roman raconte les amours contrariés de Zibal, un homme super diplômé qui vend des macarons Laduré à l’aéroport d’Orly et d’Alice une aveugle, peintre à ses heures, guidée par Jules. Malheureusement pour le chien, Alice recouvre la vue et Jules perd son utilité mais pas l’amour de sa maîtresse. Le roman peut commencer avec des suites de rebondissements auxquels on n’a pas besoin de croire puisque Didier Van Cauwelaert vous les raconte si bien. C’est drôle, enlevé et comme cet écrivain sait croquer nos comportements contemporains un peu ridicules, ce roman se lit facilement. Je sais que je ne lirai pas le tome 2 (moins apprécié des fans de Jules 1 !), sauf si un jour de cafard j’ai juste envie de me divertir. C’est déjà beaucoup d’avoir ce don là : divertir une Dinardaise un jour de pluie !

Citations

L’amour des animaux et des chiens en particulier

Jacques Haussant est un misanthrope comblé qui voit depuis toujours dans le chien d’excellentes raisons de mépriser l’homme.

le personnage principal

Malgré moi j’ai béni la dégringolade sociale qui m’avait placé sur sa route. Avec un double diplôme d’ingénieurs biochimiste et d’astrophysicien, je suis devenu à quarante deux ans vendeur de macarons à Orly Ouest niveau Départ, hall 2.

Genre de petites observations que j’aime bien

Quant à la gestuelle des textos, elle crée dans les rues, les transports, les bureaux une chorégraphie digitale que je suis la seule à trouver grotesque

Elles ne sont mariées que depuis trois semaines mais au rythme où elles se disputent, elles risquent fort d’être les pionnières du « Divorce pour tous »

 

Lu dans le cadre du club de lecture de la média­thè­que de Dinard et coup de cœur de mon club

Je le mets dans la catégorie « Roman qui font du bien », avec ces quatre coquillages, il est aussi dans « mes préférences », parce qu’il raconte un très bel amour qui a duré tout le temps d’une vie de couple, brisé seulement par la mort trop précoce due à la chorée de Huntington. Il y a tellement d’histoires de couples qui n’arrivent pas à s’aimer dans la littérature actuelle. Certes, (et hélas !) la mort précoce de la jeune femme, est peut-être un facteur de réussite de cet amour, mais Tristan Talberg sous la plume de Patrick Tudoret raconte si bien cette relation réussie, pleine de passion, de tendresse, d’attention à autrui que cela m’a fait vraiment du bien au creux de cet hiver très gris. Ce roman n’est pas non plus un texte de plus sur le pèlerinage de Compostelle, mais plutôt un chemin vers la sortie du deuil.

Cette longue marche à pied, permet grâce à l’effort physique souvent solitaire, un retour sur soi et une réflexion sur la foi. Les bruits du monde sont comme assourdis, s’ils parviennent aux marcheurs c’est avec un temps de réflexion salutaire. Ce n’est pas un livre triste, au contraire, il est souvent drôle, les différents marcheurs sont bien croqués, cela va de l’athée militant aux confits en religion. Tristan est un agnostique dans lequel je reconnais volontiers plusieurs de mes tendances. Beaucoup plus cultivé que moi, il se passionne pour les auteurs comme Pascal, Chateaubriand, Saint Augustin mais c’est pour réfléchir sur ses doutes et fuir tous les sectarismes. Et le prix Nobel dans tout cela ? disons que c’est un beau prétexte pour réfléchir sur la notoriété et la médiatisation du monde actuel. Un roman agréable à lire et j’ai déjà en tête bien des amies à qui je l’offrirais volontiers.

Citations

Ceux qui ont refusé le Nobel

Sartre en 1960, vexé peut-être que Camus l’eût devancé de trois ans… ; Beckett aussi, ascète incorruptible des Lettres (….) Beckett n’avait pas un rond vaillant et la gentillette somme attachée au prix l’eût sans doute bien aidé, mais sa soupente d’étudiant éternel était plus vaste que tous les palais

Ce portrait m’enchante

Fervent sectateur du guide Michelin, son ingénieur de père, pour qui la poésie du monde résidait davantage dans un roulement à billes que dans les vers impairs de Verlaine, en vantait sans fléchir l’objectivité et le sérieux .

La mort de l’aimée

Elle ne vit qu’une masse sombre effondrée sur le lit. Une masse sombre tranchant sur le drap clair, dans cette chambre étouffante et blanche. Un homme couché sur une femme aimée, ploye sur elle, la couvrant de tout son corps comme si elle avait froid. Mais elle n’avait plus froid

Agnostique et Athée

Mais, tu le sais, j’ai toujours eu les fondamentalistes en horreur, qu’ils fussent croyants ou athées. Leurs idées arrêtées en font des statues de sel, des cerveaux en jachère. Leurs certitudes m’emmerdent. Cette pensée enkystée me fait honte et m’effraie à la fois. Fondamentalisme athée, gonflé de prétention sur rationalistes, tenant dans le plus insupportable mépris les 9/10° de l’humanité pour qui Dieu et le sacré sont au coeur de tout, mais aussi fondamentalisme religieux qui nous fait le coup de la certitude « informée », fermée à toute autre forme de pensée

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Traduit du norvégien par Jean Baptiste Coursaud.

4
J’ai trouvé le premier tome de la trilogie des « Elling » dans ma médiathèque préférée. Alors, peu importe si j’avais déjà lu « Potes pour la vie« , je me suis précipitée sur le début de la vie d' »Elling ». Il n’y a aucune nécessité à commencer la trilogie par le début. De plus, ce premier tome peut même vous décourager de lire la suite ce qui serait bien dommage. La plus grande partie de ce roman raconte un voyage en Espagne avec sa mère. C’est triste et drôle à la fois, parfois c’est carrément tragique, mais le rythme du roman est beaucoup plus lent que « potes pour la vie ». C’est normal, il raconte sa vie avec sa mère qui malgré son immense amour n’a pas pu le lancer dans une vie indépendante d’elle. On le voit prendre toutes les mauvaises solutions, malgré son implacable logique. Mais son regard d’homme inadapté à la vie en groupe, nous fait aussi voir autrement les voyages organisés dans les lieux touristiques accueillant des milliers de touristes et Benidorm sur la « Costa Blanca » n’est pas exactement mon endroit de rêve même si au creux de l’hiver j’ai des envies de soleil.

Évidement, même cette image est trompeuse, la réalité pour Eling sera encore pire, lui et sa mère auront une chambre donnant sur une arrière cour, avec vue sur les poubelles. Et, catastrophe leur chambre n’aura qu’un seul lit, ce qui entraînera pour Elling un délire des plus fou sur ce qui peut se passer dans l’esprit de quelqu’un qui veut qu’un fils de 30 ans, couche dans le même lit que sa mère.

Il sera d’ailleurs beaucoup question de sexualité dans ce roman, la scène dans le bain au milieu des jeunes femmes espagnoles est un peu lourde mais très drôle. Et puis il y a le tragique, son enfance où des jeunes l’ont pris comme souffre douleur, en lui faisant subir des violences sexuelles et autres. Dans ce récit tourmenté où tous ses souvenirs prennent corps on comprend combien sa vie et celle de sa mère ont été compliquées et ce qui est très triste, combien l’amour n’a pas suffi à faire de lui un être à part entière. Non, Elling n’est ni débile ni fou mais sa différence ne lui permet pas d’affronter le monde extérieur. Par contre l’analyse qu’il en fait nous met face à nos travers de façon très drôle.

Finalement, il se retrouve avec Kjell Bjarne dans un centre psychiatrique et lui invente des histoires amoureuses, ensemble ils réussiront à mieux affronter le monde extérieur. Je lirai certainement le troisième tome, et si j’espère que nos sociétés peuvent faire une place à des gens aussi différents, je n’en suis pas sûre.

Citations :

La vision des bains de mer selon Elling

Ne mettrais-je pas plutôt ces vacances à profit pour me baigner, ou éventuellement faire des promenades sous les palmiers ? Eh bien non, justement, ce n’était pas dans mon intention. ! Une promenade pédestre vite expédiée sous les palmiers – je voulais bien . Mais la baignade comme le nom l’indiquait c’était une activité que je pratiquais dans la baignoire. Et en compagnie de nul autre que moi-même. Non pas que j’ai honte de mon propre corps, loin de là, il n’était guère différent de la plupart des autres corps . Mais ce n’était pas une raison pour l’accumuler à une centaine d’autres qui déjà se serraient comme des sardines sur une plage. De plus, je nourrissais une profonde aversion pour la fréquentation collective d’une eau souillée par un bataillon entier d’hommes n’ayant pas fait leur toilette et de femmes en plein cycle menstruel.

Voyage en avion remarque pertinente d’Elling

Une fois sur le tarmac, il s’est produit cette anecdote singulière. Quelques-uns des passagers se sont mis à frapper dans leurs mains. Voilà des gens qui sans vergogne, applaudissaient ! Mais pour quoi ? Si je peux me permettre de demander, et je le fais d’ailleurs. Ah ici ça aurait bonne mine si les passagers de la ligne 3 du métro d’Oslo se mettaient à frapper dans leurs mains chaque fois que la rame s’arrêtait à une nouvelle station. Ce serait ridicule.ce serait ni plus ni moins qu’une ridiculisation du chauffeur.

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Traduit de l’anglais par Odile Demange.
Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

3
C’est un roman qui a connu un grand succès, si j’en juge par les critiques très positives de Babelio. Je l’ai lu rapidement et avec beaucoup d’intérêt. L’auteur raconte une histoire du point de vue d’un jeune autiste, et mieux qu’un grand discours théorique sur l’autisme, il nous fait parfaitement comprendre combien leur façon d’appréhender le monde est différent du nôtre. A aucun moment, l’auteur ne quitte la façon qu’à Christopher d’appréhender les nombreuses difficultés liées à l’enquête dans laquelle il se lance.

Un chien a été sauvagement trucidé par un coup de fourche en face de chez lui. Il veut savoir qui a fait cela et pour cela, pose des questions à son voisinage. Il découvrira la vérité mais hélas , également que son père lui a menti. Un autiste ne sait pas mentir et le mensonge d’une personne à qui il avait accordé sa confiance provoque un séisme dans sa conscience.

On sent à travers ce roman toute la difficulté d’élever un enfant autiste. Ses parents ne sont ni meilleurs ni pires que les autres, mais pour élever un tel enfant il faut être à la fois un génie et un saint. Incapables de compromis, ils peuvent se mettre en danger et mettre en danger les autres sans se rendre compte de ce qu’ils font. Et puis, si jamais vous voulez les contrarier, comme Christopher, ils peuvent se rouler en boule et commencer à hurler. Et puis, heureusement, il y a les mathématiques, domaine où enfin les choses sont bien rangées dans un ordre qu’aucun affect ne saurait déranger. Alors loin de tout ce qui lui fait peur, le jeune Christopher s’adonne à sa passion et est certain qu’il a une place dans le monde.

Je ne peux pas dire que je partage l’enthousiasme de la centaine de critiques de Babelio, mais cela m’a fait du bien d’accompagner les efforts d’un écrivain qui veut aider à comprendre le monde si étrange des autistes.

Citations

 Les sentiments de Christopher

J’aime bien les chiens. On sait toujours ce qu’ils pensent. Ils ont quatre humeurs. Content, triste, fâché, et concentré. En plus, les chiens sont fidèles et ils ne disent pas de mensonges parce qu’ils ne savent pas parler.

Sa difficulté à comprendre les autres

Je trouve les gens déconcertants.

Pour deux raisons essentielles.

La première raison essentielle est qu’ils parlent beaucoup sans se servir de mots. Sioban dit que si l’on lève un sourcil, ça peut signifier plusieurs choses différentes. Ça peut signifier « J’ai envie d’avoir des relations sexuelle avec toi » mais aussi « Je trouve que ce que tu viens de dire est complètement idiot. »

SONY DSCTraduit du Norvégien par Jean-Baptiste Coursaud.
Un énorme merci Keisha  pour ce petit joyau.

5
J’espère vous donner envie de lire ce roman qui est sur ma liste de juillet 2014. Avec un talent rare, Ingvar Ambjørnsen raconte le quotidien de deux hommes que l’hôpital psychiatrique a réuni. Ils sont différents des gens dits « normaux », Elling le personnage principal est très cultivé, s’exprime dans une langue très recherchée mais il est absolument incapable d’affronter les réalités du quotidien. Tout devient très compliqué quand, comme lui, on essaie de tout comprendre, ce qui se voit et ce qui ne se voit pas avant la moindre action. Heureusement, dans sa vie, il y a Kjell Bjarne son « pote pour la vie » et à deux, ils finissent par s’en sortir. J’oubliais un personnage clé, Frank, l’infirmier psychiatrique qui les aide à se reconstruire en dehors de l’institution. Il mérite une médaille cet homme, car il sait malgré tous les obstacles que l’ont peut ramener vers la vie en société ces deux olibrius, qui passent leur temps à le critiquer alors même qu’ils lui font une confiance absolue.

Les situations font vraiment rire, car à travers tout le sérieux avec lequel Elling nous explique le pour et le contre de telle ou telle décision, on imagine les réactions des gens autour de lui qui pensent qu’il serait si simple d’agir au lieu de tant réfléchir. Imaginez par exemple à quel point il peut-être difficile de prendre un billet pour aller en train dans une ville de la banlieue d’Oslo. Ceci pour aller voir Frank qui n’a pas jugé utile de venir les chercher en voiture. Finalement tout se passera correctement, même si Elling a été un peu long au guichet, il a tenu à expliquer à l’employé qui était Frank, quelle partie de sa famille avait un rapport avec la ville de banlieue en question… et évidemment derrière lui les gens s’impatientaient un peu… Mais les deux compères sont arrivés, un peu en avance (quatre heure d’avance) dans un pays ou attendre dans le froid n’est pas sans conséquence !

Je ne peux évidemment tout raconter, je vous laisse découvrir le rapport entre la poésie et la choucroute, l’utilité de changer de slips, la difficulté d’utiliser les toilettes publiques, l’importance des statues dans les jardins… Mais surtout laissez-vous embarquer pour une grande, très grande leçon d’humanité et des bonnes tranches de rire.

Citation

L’aménagement de l’appartement , l’imaginaire bridé par Frank (celui qui doit les aider depuis leur sortie de l’hôpital psychiatrique)

Je me plaisais à me présenter notre appartement comme étant le mien .Comme étant le nôtre, à Kjell Bjarne et moi. Lequel , toujours à Broynes , m écrivait pour me demander comment se passait les rénovations . Je répondais qu’elles se passaient mal . Qu’un dénommé Frank s’interposait en permanence. Notre idée d’installer un jardin suspendu dans le salon tombait salement à l’eau. Frank n’avait même pas voulu en discuter.

La rencontre amoureuse de Kjell Bjarne et la psychologie torturée d’Elling

Je ne parvenais pour ainsi dire pas à m’emparer de l’image représentant Kjell Bjarne et Reidun Nordsletten dans la cuisine . De quoi parlaient-ils ? Kjell Bjarne était-il aussi peu loquace qu’il en avait pris l’habitude avec moi ? Ou brillait-il grâce à des mots d’esprit et des tournures amusantes maintenant qu’une femme lui prêtait une oreille avide ? Lui prêtait-elle d’ailleurs autre chose d’avide que sa seule oreille ? Y avait-il déjà quelque chose entre eux ? Non. Sans quoi je m’en serais rendu compte . Il ne fallait pas pousser !

Lorsqu’il est redescendu, sifflotant, sa boîte à outils sous le bras, j’ai été soudain très accaparé par la lecture du journal du jour. S’il croyait que mille et une question me brûlaient la langue, il pouvait toujours se brosser. A peine si j’ai daigné lui accorder un regard avant de retourner à mon article.Tiens donc : le parti social-démocrate réclamait une baisse des taxes d’importation sur les véhicules ! Il valait mieux lire ça que d’être aveugle. Et, ailleur , ils annonçaient qu’il allait faire plus froid. On se couche décidément moins bête le soir à chaque seconde qui passe, ai-je songé.

Coup de téléphone non prévu

Il voulait savoir s’il me dérangeait, si j’étais très occupé. Ce que j’étais à l’évidence étant donné que je rangeais mon tiroir. Mais quelque chose me retenait de lui fournir cette explication. J’ai menti, répondant que je m’ennuyais à cent sous de l’heure.

Portrait de Frank vu par le Elling le rouspéteur

Frank ? Mais que croyait-elle à la fin ? que nous sortions de notre plein gré manger une pizza avec ce misérable espion des services communaux qui fourrait son nez dans tout ce que nous disions et faisions ? Nous n’avions pas le choix, si tant est que nous voulions conserver notre appartement ainsi que les maigres privilèges qui y étaient liés. Frank ? Un gauchiste minable qui ramenait sa fraise de façon intempestive et se mêlait même du choix de la pizza que les gens allaient consommer et qui, par dessus le marché, était payé par la ville d’Oslo pour le faire !

Et pour le fun si vous voulez un petit air de Norvège.. Et imaginez Terry, un Togolais qui fait la vaisselle à l’hôpital royal qui devient en quatre mois un expert en Halling

Ce que j’ai trouvé sur Youtube sur les films réalisés à partir de l’œuvre de Ingvar Ambjørnsen (que j’aimerais pouvoir les voir !).

https://www.youtube.com/watch?v=pjMTVGdH2v8

SONY DSCLu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

3
Deux heures de lecture, pas plus, mais deux heures agréables et très drôles. C’est visiblement compliqué de grandir avec deux parents sourds quand soi-même on entend très bien. Dans de très courts chapitres Véronique Poulain raconte son quotidien. Et si, comme moi, on ne connaît pas du tout ce monde là, c’est très instructif. Est-ce qu’il y avait matière à un livre ? Je ne sais pas trop, disons… que je suis contente de ne pas avoir eu à l’acheter, mais que je ne regrette pas ma lecture. Je sais maintenant que les sourds sont très bruyants et que leurs enfants sont malheureux qu’on les remarque, surtout quand ils pètent trop fort dans un bus ! Pour moi qui ne suis pas spécialiste, c’est un excellent livre pour les adolescents, cela permet de comprendre le handicap présenté sous une forme humoristique.

Il paraît que le film : « La famille Bélier » qui a été tourné à partir du livre connaît un cerain succès. J’imagine les éclats de rire à la scène du « prout » . Lire le billet de Dasola pour ne pas aller voir le film.

Citations

Les textos ont aidé la communication mais il reste quelques difficultés

Aussi habituée que je sois au langage de ma mère, je ne comprends pas toujours ses textos. « oui café pas pu venir cause occupe dernière minute surprise invite. » Phrase limpide.

« Je ne sais pas Françoise appelle plusieurs mon skype déjà. Pour ça. » Pour ça quoi ? Je laisse tomber.

Humour

Dans la langue de mes parents, il n’y a pas de métaphores, pas d’articles, pas de conjugaisons, pas de proverbes, maximes, dictons, Pas de jeux de mots. Pas d’implicite.Pas de sous-entendus. Déjà qu’ils n’entendent pas, comment voulez vous qu’ils sous entendent.

On en parle

Un concert de louanges sur Babelio que je trouve un peu excessives, ce n’est quand même pas le livre du siècle.