Édition Pocket, 252 pages, décembre 2023

Voici un roman pour lequel je n’ai aucune réserve, il m’a permis de retrouver mon envie de transporter un livre partout avec moi, de grapiller tous les moments pour retrouver ma lecture là où, quelques instants auparavant, une activité quelconque m’avait obligée de le laisser.
Voici le fil narratif : Marwan est le frère jumeau d’Ali, les deux ainés de Foued. Ces trois garçons sont élevés par un couple de Marocains vivant à Clichy, leur père, Tarek, a un petit garage qui marche bien, et leur mère, qui sait à peine lire et écrire a réussi pourtant à avoir un petit emploi en France. Leurs parents élèvent bien leurs enfants et tous les trois réussissent leurs études. Ali est avocat, Marwan agrégé d’histoire et Foued encore à l’université.

Tarek meurt de crise cardiaque au premier chapitre, l’histoire peut commencer, à la grande surprise des enfants, leurs parents ont pris une assurance pour être enterrés au Maroc, eux qui se croyaient 100 pour cent arabe-français , ils vont devoir se découvrir français-marocain. Rien n’est gratuit dans l’intrigue, leur père avait tout prévu, ce n’est pas par hasard qu’il a choisi Marwan pour accompagner son cercueil en avion. Ses deux frères accompagneront leur mère en voiture. cela donne trois jours à Marwan, pour interroger Kabic qui l’accompagne car il est, le plus proche ami de la famille et visiblement, il sait tout sur le passé de son père.

Marwan vient de se faire larguer par Capucine, et cette rupture accompagne ce voyage dans le passé de sa famille. Marwan ne se souvient que d’une colère de son père, un jour Ali traitera son frère jumeau de « batard » , leur père, si doux d’habitude, laissera éclater une colère que seule sa femme réussira à calmer. Lorsque l’on referme ce livre , on comprend bien le pourquoi de cette énorme fureur.

Toute la tragédie, mais aussi la pulsion de vie de cette famille vient de la grand-mère, Mi Lalla. Tout le monde répète, qu’elle a été chassée de sa famille berbère d’une pauvreté extrême pour se retrouver à Casa, élevée dans la famille de Kabic. La vérité est autrement plus tragique.

Finalement, à la fin du roman Marwan comme ses deux frères, seront plus riches de leurs deux cultures, le Maroc leur a donné des racines et la force des liens familiaux , et la France la liberté d’être eux-mêmes loin des carcans qui emprisonnent les femmes et les rejettent quand elles ont le malheur d’être pauvres et violées par des hommes intouchables parce que très riches.

On découvre plusieurs aspects du Maroc, la présence des berbères avec leur langue et surtout la pauvreté dans laquelle les conditions climatiques réduisent ces populations nomades. La pratique chez la Marocains aisés d’avoir une fillette analphabète comme bonne à tout faire chez eux sans la payer, on n’est pas très loin d’une condition d’esclave, et la solidarité dans les quartiers pauvres entre populations de mêmes origines, et bien sûr la musique et la cuisine qui sont si caractéristiques du Maroc.

Un très beau roman qui fait découvrir le Maroc loin des images touristiques habituelles. Je me suis demandé comment les Marocains avaient reçu ce récit écrit par un « non marocain ».

 

Extraits

Début

Il a souvent fait ça : rentrer tard sans prévenir. Oh, il ne buvait pas et ma mère avait confiance, il travaillait. Il travaillait depuis trente ans, sans vacances et souvent sans dimanches. Au début c’était pour les raisons habituelles : un toit pour sa famille et du pain sur la table, puis après qu’Ali et moi avions quitté la maison, c’était pour ma mère et lui ; pour qu’ils puissent se le payer enfin ces vacances.

L’humour

À nous, les gosses, l’Aïd paraissait bien sanglant par rapport aux fêtes françaises ; celles que Sainte Laïcité à transformé en dessert – la galette des Rous, les crêpes de la chandeleur, les œufs de pâques, la bûche de Noël. Avec un régime pareil, comment aurions-nous pu nous sentir marocains ? La gourmandise est le plus grand des baptiseurs.

Une vision idéalisée (par le souvenir) ,de la misère.

 « On avait rien et quand on a rien, on joue au football à coups de pied dans une conserve vide et sous les cris de joie des copains. Une joie qu’on entendait jusqu’à l’océan. »

La honte de l’origine de son père.

Pourquoi ne l’ai-je jamais questionné sur son pays ? Je ne sais pas. J’avais honte ; de cette honte qui donne honte d’avoir honte. Comme lorsque je disais à mes camarades que ma mère était caissière alors qu’elle empilage des boîtes de conserve au supermarché. Mensonges minables de ceux qui ont vraiment honte.

Les femmes et la virginité.

 Dans une société où l’arrivée d’un fils est toujours fêtée et celle d’une fille est maudite, la virginité exerce une dictature à laquelle les femmes n’ont d’autre choix que de se soumettre. La tradition a la vie dure, et si le Coran recommande à tous l’abstinence jusqu’au mariage, celle-ci n’est imposée qu’aux femmes. Dans une paradoxale ironie, rester pure permet aux jeunes filles de manipuler le joug des hommes et de s’élever socialement même si, la plupart du temps leur père ou leur frère se chargeront de négocier leur virginité aux plus offrants. C’est la seule richesse qui ne se préoccupe ni de la naissance, ni de la fortune de celle qui la possède.

La pitié vue par des rescapés d’Auschwitz.

Ils savaient tous les deux que l’horreur dont ils sortaient à peine serait le ciment de leur résurrection. Qui d’autre pourrait comprendre ce qu’ils avaient traversé sans cet apitoiement dont ils ne voulaient surtout pas ? Et l’apitoiement a souvent vite fait de se transformer en justification pour minimiser la souffrance à coups de bien-sûr-c’est-effroyable-mais-ils-n’étaient-pas-les-seuls. Oh, pas pour atténuer l’insupportable, non, mais pour excuser les hommes et avec eux, notre propre humanité, pour occulter l’effroyable doute que, dans d’identiques circonstances, nous aurions nous aussi peut-être choisis le camp des tortionnaires.

 

 


Édition Pointillés Belfond, 264 pages, août 2020

 

J’ai soixante-seize ans. Je sais à peine lire et écrire. Je devais être la gloire de l’humanité. J’en suis la lie.

Je ne sais plus où j’ai trouvé ce roman mais peut-être que je retrouverai la trace de ce blogueur ou blogueuse dans les commentaires. Il s’agit d’un roman étrange, la personne qui dit « je » (Hildegard Müller) est une femme de 76 ans, elle dit qu’elle donne sa voix à un scribe qui va mettre en mot ce qu’elle ressent. Dans de courts chapitres qui ne dépassent pas une page, elle livre par fragments ses souffrances. Elle est une enfant du programme du « Lebensborn » des Nazis. Elle ne sait rien de sa naissance, ni surtout de sa conception. le plus probable c’est que sa mère était norvégienne et son père un SS . L’origine de sa mère lui vaut d’être envoyée en Norvège après la guerre , autre moment de souffrance, elle arrive dans un pays qui veut se refaire une virginité par rapport au Nazisme, que le pays a soutenu pendant la guerre, pas tous les habitants certes mais avec une participation officielle aux thèses Nazies . Que faire de ce bébé que l’on voit comme une bébé Nazie ? elle a été considérée comme retardée car elle ne parlait ni norvégien ni allemand, et a été mise dans une centre pour handicapées.

Dans tout le livre, Hidelgarde reproche à tous les organismes d’après guerre de n’avoir jamais considéré ces bébés du « Lebensborn » comme des victimes du Nazisme, et aucun Allemand n’a été jugé pour ces faits qui concernent tant d’enfants. Entre ceux qui sont nés comme elle, d’un accouplement guidé pour produire un bon « produit » aryen, et ceux qui ont été kidnappés en particulier en Pologne, il y avait largement de quoi examiner ce programme comme appartenant au crime contre l’humanité . Les Nazis devaient se douter que ce programme leur serait reproché car ils ont brûlé toutes les archives de ce programme. Elle compare son destin à Anne Franck , et considère que si elle est une vivante-morte grâce à son cahier, elle est une morte-vivante. Je dois dire que je retiens qu’elle est vivante.

Je ne sais pas ce qu’il aurait fallu faire pour lui redonner confiance en elle. Je peux comprendre sa souffrance , le début horrible de sa vie est tel ,qu’il aurait fallu tellement de finesse pour lui redonner un peu de bonheur et elle n’a jamais rencontré la moindre compassion. Bien au contraire toutes les portes se sont toujours fermées et elle s’est sentie jugée comme « bébé nazie ».

J’ai vu qu’il existait plusieurs livres d’historiens sur le « Lebensborn » et je crois que, comme souvent, pour ce sujet tragique je préfère les essais que le roman. Mais je reconnais à cet auteur le talent d’avoir imaginé un personnage crédible dont la mémoire se heurte sans cesse à la souffrance de sa naissance. Cela permet de comprendre l’horreur de ce programme que, l’après guerre, a voulu oublier sans se donner le mal de soigner ces pauvres petits nés dans ces pouponnières industrielles.

 

Extraits

Début.

Je m’appelle Hildegard Müller. Ceci est mon journal. Mon journal a de particulier que ça n’est pas moi qui l’écris. J’ai engagé un écrivain, un scribe ; un traducteur en quelque sorte. Il traduit ma vie en mot. Je parle, il écrit.

Le sort des femmes collabo.

 Cortège de la honte, ceux qui les insultaient, leur crachaient dessus, leur arrachaient leurs vêtements. Ils hurlaient cela même qui s’étaient tus quand on déportait leurs voisins. Proies faciles les femmes n’ont finissent jamais de payer les conflits initiés par les hommes.

Ce passage est intéressant, il constitue la page 156 : un chapitre entier.

 C’est tiède d’être orpheline de parents vivants. Disparus sans laisser d’adresse. Pas vraiment morts. Pas vraiment disparus. Pas vraiment parents. Une lettre de mère par-ci, une photo de père par-là. Ou alors en personne. Douche glacée. Ils nous demandent de la mettre en veilleuse. Notre naissance ne doit pas être. Même pour ceux qui nous ont conçus. Ils expliquent qu’ils ont refait leur vie. Ils ont fait notre vie aussi, mais elle ne doit pas avoir été. La mère cette clé du savoir devient un verrou supplémentaire. Un de nos amis la retrouver après vingt ans de recherche. Ses premiers mots : « Surtout tu m’appelles tante ! » Comme si maman devait lui être à jamais imprononçable. Il est repartit plus orphelin. Avec en lui le crime de sa naissance à ne pas révéler.

Personne n’a été condamné pour le programme d’enlèvement d’enfants ni pour le Lebensborn

 On sait tout de même qu’elle (Inge Viermetz) s’est occupée du « transfert » de trois cents enfants polonais. Elle est donc accusée d’enlèvement. Mais elle plaide son rôle subalterne. Je vais finir par croire que les nazis étaient une armée de débiles qui obéissaient sans jamais penser par eux-mêmes. Et puis, elle affirme avoir agi par compassion. Les juges la croient. Elle est acquittée le 10 mars 1948.

 


Édition Albin Michel, 292 pages, janvier 2024

Traduit du suédois par Anne Karila

 

J’ai encore perdu la trace de l’arrivée de ce roman dans ma pile, j’espère que c’est une personne qui suit mon blog pour que je puisse mettre un lien. C’est un roman au rythme aussi lent que peut l’être un auteur suédois. Le roman est construit en suivant plusieurs personnages sur trois générations, la dernière,une jeune femme, Yana a été élevée par une mère fantasque Harriet et un père, Oskar, qui n’explique rien de ce qu’il s’est passé avec sa mère dans ce curieux village de Malma au bout d’une ligne de chemin de fer. Harriet est la fille d’un père encore plus étrange, Bo, et d’une mère qui l’a abandonnée en partant du domicile familiale avec sa soeur Amelia.

On est souvent dans ce train à des moments très différents et au début le mystère est épais, on sent que l’on découvrira l’énorme cassure qui a brisé une famille sur trois générations. Est-ce que la pauvre Yana réussira à tout comprendre et à être un peu plus libre dans sa vie ?

Si je révèle le poids du secret du départ, cela pourrait sembler ne pas mériter l’autre catastrophe qui va obscurcir à jamais la vie de Yana. Les personnages sont profondément tristes, les hommes sont des taiseux bien incapables d’aimer les femmes qui essaient de vivre à tout prix. Je dis bien à tout prix, même celui du malheur de leurs enfants. Il faut dire qu’au départ les parents qui divorcent prennent une étrange décision de ne plus se revoir en prenant chacun une des filles. Harriet sera élevée par Bo, et Amelia par sa mère. Harriet ne se remettra jamais de n’avoir été choisie par aucun de ses parents, son père s’est résigné à garder Harriet alors qu’il avait choisi, lui aussi Amelia . Un jour, son père emmène sa fille retrouver sa soeur mais celle-ci dit quelque chose à Harriet, elles se battent, elles sont en maillot de bain et Harriet mord de toutes ses forces le téton de sa soeur jusqu’à l’arracher.

Harriet est à jamais déséquilibrée et son mari Oskar est bien incapable de calmer ses angoisses. Yana est leur enfant et grâce à ses recherches, le lecteur mettra peu à peu toutes les pièces de puzzles de cette tragédie à leur place.

L’intérêt du roman ne tient pas seulement à dénouer les différents fils du suspens, mais dans la peinture des personnalités des personnages. Le père d’Harriet , qui se cache avec sa fille dans les toilettes du train pour ne pas payer son billet, qui se révolte contre la police quand il est arrêté sur la route, n’est vraiment pas un personnage sympathique et contribue beaucoup à déséquilibrer la personnalité de sa fille.

La pauvre Harriet, se marie avec un Oskar encore un Suédois incapable de comprendre les traumatismes de sa femme.

J’ai beaucoup hésité pour mettre un jugement sur ce roman, la construction méritait selon moi 5 coquillages , l’intérêt des personnages 3, donc j’ai fait une moyenne.
Sachez que si vous lisez ce roman vous partez pour un roman profondément triste. On retrouve cette atmosphères si lourde qui m’avait tant troublée dans « les survivants« , de ce même auteur.

 

Extraits

Début.

 Debout dans l’ombre de son père, sur le quai, elle le voit plisser les paupières dans le soleil bas du matin. Elle guette les signes d’agacement dans son regard et dans ses gestes. Aujourd’hui, elle est particulièrement attentive, car c’est pour elle qu’ils font ce voyage, elle se sent donc redevable envers lui. C’est à cause d’elle que papa est là, sur ce quai, à cause d’elle la chaleur, à cause d’elle l’heure matinale, le retard du train, elle est responsable de tout ce qu’il doit endurer dorénavant, et lui se tait, indéchiffrable

Caractère de son père (humour ?).

 

 Papa lui n’est pas pressé. Il ne l’est jamais. Il y a quelque chose dans ses gestes, on dirait qu’il fait tout deux fois moins vite. Il n’improvise rien, n’agit jamais sur une impulsion, Harriet a le sentiment que chez lui tout est parfaitement réfléchi. Parfois, elle s’imagine que le matin il prévoit avec précision tous ses gestes de la journée, du petit déjeuner jusqu’au soir, et qu’il les accomplit ensuite exactement selon son plan. Peut-être est-ce pour cela qu’il est toujours impassible, parce que rien ne peut le surprendre, il n’est jamais pris de court.

Genre de phrase que je ne comprends pas bien :

 

 Une seule et unique fois dans la vie, on se rencontrera soi-même, et cet instant, celui-là seulement, sera le plus heureux ou le plus amer de notre vie

Une enfant trop grosse et malheureuse.

 

 La première fois qu’elle a pris l’avion, c’était pour aller sur l’île de Gotland avec le lycée. L’avion était petit, seulement quarante places, ils y étaient tous entrés en courbant la tête, avaient gagné leurs sièges. Une hôtesse de l’air s’était approchée d’elle juste avant le départ, aurait-elle l’obligeance de bien vouloir changer de place et d’aller s’asseoir un peu plus loin vers l’arrière ? C’était une question de répartition du poids pour l’équilibre de l’appareil. Elle s’était vite levée, gênée. Après cela, elle n’avait plus voulu prendre l’avion.


Édition l’Olivier, 158 pages, octobre 2023

 

Je n’ai jamais été chez moi chez moi.

 

J’ai encore oublié de noter la blogueuse qui m’a tentée mais elle se reconnaitra, je l’espère ; Voici le billet de « mot à mot » et celui de Anna-yes Mon biblioblog. C’est un livre qui raconte un rejet de la vie familiale incroyable, si fort, que l’autrice-narratrice a non seulement rejeté son milieu social -ses parents appartenaient à la classe ouvrière du Canada dans une ville petite (pour le Canada) grande pour la France : Kitchener, dans l’Ontario 230 000 habitants, mais elle a aussi, renié sa langue, l’anglais, son nom de famille pour trouver sa liberté de penser et d’écrire en français. Elle a donc vécu au Québec et est devenue traductrice en trois langues car elle parlait aussi l’espagnol. J’emploie le passé car Lori Saint-Martin est morte à Paris en 2022, c’est assez tragique que cette ville qu’elle a tant aimée soit aussi la ville qui l’a vue mourir.

J’ai voulu lire ce livre car j’aime bien le sujet de l’apprentissage des langues, et son cas est très particulier : elle n’a pas appris le français, elle a fait de cette langue sa langue d’élection. On peut l’écouter parler, elle est effectivement totalement à l’aise en français avec quelques traces d’accent québécois mais très légères. Je pense que lorsqu’elle arrivait à Paris, elle devait immédiatement prendre les intonations françaises.

Tout ce qu’elle dit sur la richesse que cela procure d’avoir plusieurs langues m’ont semblé très juste, surtout venant d’une anglophone qui pourrait visiter le monde entier en ne parlant que sa propre langue. Mais j’ai moins compris la violence du rejet de son milieu d’origine. Sa mère, même trop grosse et habillée en polyester de couleurs vives, ne mérite pas selon moi autant de rejet. Elle a sûrement mal aimé sa fille, mais elle l’a laissé aussi faire ce qu’elle voulait. D’ailleurs à la fin , elle le dit elle-même, c’est grâce à sa mère qui voulait parler anglais à ses petits enfants qu’elle élèvera ses propres enfants dans les deux langues le français avec leur père québécois, et l’anglais avec elle.

J’écris ce billet quelques jours après avoir fini le livre et je me rends compte qu’hélas, je garde plus dans mon souvenir le rejet de son milieu que le charme de savoir plusieurs langues.

Je trouve assez étonnant qu’elle ait réussi à surmonter son malaise de l’adolescence en se lançant à corps perdu dans l’apprentissage du français et pas dans l’anorexie qui lui tendait les bras si on comprend ce qu’elle subissait à table. Je me souviens aussi des différents professeurs de français qu’elle a eus, un homme seulement et de cette femme qui pendant tout son cours leur faisait réciter les conjugaisons des verbes ! Méthode au combien active, mais le plus bizarre, c’est qu’elle avoue avoir plus appris avec ce prof qu’avec celle, sympathique et vivante qui essayait de les faire parler ! Paradoxe intéressant !

Une femme remarquable qui a un nombre de récompenses incroyables pour ses traductions, elle a traduit de l’espagnol au français également et voulait découvrir l’allemand qui était la première langue de Kitchener qui s’est d’abord appelé Berlin. Mais la vie s’est arrêtée brutalement et elle n’en a pas eu le temps. Malgré mes réserves, je conseille ce roman à tous ceux et toutes celles qui s’intéressent à l’apprentissage des langues et au passage d’une culture à une autre.

 

Extraits

Début .

 Je voudrais que chaque page de ce livre soit la première page. Commencer par partout. Ça commence par partout, je pense. Tout me semble être le début. 
Mon nom n’est pas le nom de mon père.
Ma vie n’est pas la vie de ma mère.
Si j’ai changé de vie et de langue maternelle, c’était pour que ma mère ne puisse pas me lire.
 Si j’ai changé de vie et de langue maternelle, c’était pour pouvoir respirer alors que j’avais toujours étouffé. Je raconte ici l’histoire d’une femme qui a appris à respirer dans une autre langue. Qui a plongé et refait surface ailleurs.

Sa mère .

 Ma mère était grosse, mon père était gros, ma sœur était potelée, bientôt grosse. « You’re such à bony thing ! » disait ma mère je m’installais à sa table d’un air dégoûté et je touchais à peine à ses plats. J’avais horreur des viandes bon marché, à la fois coriace et étrangement molle, des pommes de terre et des carottes mijotées jusqu’à la fadeur jaunâtre dans le jus de cuisson. J’avalais un à un les petits pois en boîte chacun avec sa gorgée de lait, comme des aspirines. Malgré les haut-le-cœur, il fallait terminer son assiette.
 Ne pas gaspiller, l’obsession. Si on reçoit un paquet, on le déballe avec soin, on défroisse ce papier et on le range avec le moindre bout de ficelle,  » ça peut toujours servir ». On mange les restes jusqu’à la dernière miette,  » c’est passé mais tout de même m ». Pieds qui puent à cause des chaussures bon marché, vêtements choisis sur le présentoir « 2 pour 1 » : deux moches valent mieux qu’un beau.

Le pire c’est d’aller dans ces musées et de ne rien voir.

 Mes parents et, je crois aussi, ma sœur, ont vécu et sont morts sans mettre les pieds dans un musée d’art. Je les ai jugés sévèrement pour cette raison. Maintenant je pense aux barrières qui font qu’on n ‘entre pas dans certains endroits même si la porte en est ouverte 

Qui est l’autrice  ?

Mon histoire, c’est une histoire d’ascension sociale, de honte et d’orgueil, d’une fille qui mène la bataille de sa mère, d’une mère défaite par la victoire de sa fille.

Le titre ;

Who do you think you are ? You’re nobody special. Rengaine de ma mère devant mon désir -insultant, blessant, incompréhensible – d’un ailleurs.
« Pour qui te prends tu ? » la phrase est plus profonde qu’elle n’en a l’air. Si on l’entend vraiment comme une question, et non une rebuffade (« tu n’es pas aussi bonne que tu le penses ») , elle signifie qu’on peut se prendre pour quelqu’un d’autre et se transformer. 

 

 


Édition 10/18, 402 pages, septembre 2013 

traduit de l’anglais (États-Unis) par Héloïse Esquié

Je sais que j’ai acheté ce roman après avoir lu un billet sur un de vos blogs , j’espère que vous me direz dans les commentaires si vous l’avez lu. Le roman raconte l’histoire tragique d’une famille qui vit la disparition d’une petite fille de cinq ans. Son grand frère et sa grand soeur, l’ont laissé se baigner dans une carrière remplie d’eau pendant qu’ils allaient chercher des baies dans la forêt. Les deux aînés se sentent responsables de la disparition de leur petite soeur.
Leur père a disparu en même temps, mais il l’a fait souvent, seulement cette fois il ne revient pas. La mère des enfants est incapable de réagir la famille s’enfonce dans le désespoir. L’auteure raconte cette tragédie en mêlant plusieurs temporalité, la plus ancienne, le temps où les esclaves ont creusé cette carrière au prix de tant de souffrance et de leur vie pour construire des belles maisons aux propriétaires blancs . Elle est maudite cette carrière, car elle connaît un drame qui a marqué la jeunesse du père de Willet et de Roberta les aînés qui ont laissé seule leur petite soeur. Le lien de toute ces vies meurtries c’est celle qui pense être leur grand-mère Clémentine qui aide les femmes à accoucher ou à avorter. Les enfants partiront dans le sud de la Floride où enfin ils trouveront des réponses.

Tous les personnages vivent en marge de la légalité, leur père fabrique des faux billets, et Willet gagnera de l’argent trop facilement dans des trafics de drogue. La grand-mère Clémentine soigne par les plantes des gens qui ne veulent pas ou ne peuvent pas aller voir des médecins officiels, et fait des avortements pour aider des femmes ou aide les femmes à confier leur bébé à des familles d’adoption. Ce roman décrit bien l’ ambiance si particulière du sud des USA, et bien sûr ce qui sous tend ce roman c’est le racisme contre les noirs et des gens qui ont du sang noir, ils ont si peur que les traits physiques des noirs réapparaissent chez leur enfants, car ils connaissent le rejet dont ils seront alors victime.

J’ai eu du mal à me plonger dans ce roman mais peu à peu j’ai été prise par le rythme du récit, un de mes freins pour aimer complètement ce roman, c’est le personnage de Roberta qui semble toujours être à côté de la plaque, deux exemples : elle ne dit pas ce qu’elle a vu le jour de la disparition de la petite soeur, elle veut absolument annoncer la découverte que son père est vivant alors que son frère veut lui annoncer son mariage. Elle semble une éternelle enfant ou adolescente ! En revanche, la description de la nature rend ce roman très beau même quand celle-ci est inhospitalière .

 

Extraits :

Début.

White Forest, Mississipi 
1976
 On était en août et il faisait plus chaud, bizarrement, qu’en juillet ; une chaleur lourde, étouffante qui nous laissait poisseux et nous empêchait de dormir même au plus noir de la nuit. Il pleuvait presque tous les après-midi dans le delta du Mississipi, de violents orages dans des ciels gris tendre. La pluie aurait dû nous soulager, mais dès que les nuages se dispersaient, laissant poindre le soleil, une vapeur s’élevait de l’herbe desséchée, du bitume craquelé et des champs bruns et il faisait encore plus lourd.

Portrait du père.

 Il apparaissait et disparaissait sans prévenir. Nous étions censés être content de le voir, et en général nous l’étions. Papa était charmant, comme les hommes malhonnêtes sont obligés de l’être, et trop beau pour son propre bien. Il ressemblait à si méprendre à Paul Newman. Il le disait lui-même.

Après l’appel à la télévision .

 Tous les jours des gens appelaient chez nous pour dire qu’ils avaient vu Pansy dans une supérette à Shreveport ou un centre commercial en Alabama. Un homme a appelé pour dire qu’il détenait Pansy et qu’elle allait bien, il ne fallait pas s’inquiéter. Une gamine, jouant une farce cruelle, a voulu se faire passer pour notre sœur elle criait dans le téléphone : « Maman viens me chercher ! je suis toute seule ici ! » Willet a arraché le combiné des mains de maman et à jurer à son adresse jusqu’à ce que l’enfant à l’autre bout du fil éclate en sanglots et raccroche.
 Une femme se prétendant médium a affirmé que Pansy se trouvait entre les mains d’un méchant homme. Elle disait qu’elle pouvait la trouver et la libérer de son emprise si maman lui envoyait trous cent trois-trois dollars dans les trente-trois heures le chiffre 3 avait une importance particulière mais je n’ai pas retenu les explications. Maman a voulu s’exécuter, mais Willet l’en a dissuadée. Les policiers l’ont félicité.
 » C’est une arnaque, à expliquer le maigrichon. Ça loupe pas chaque fois qu’une personne disparaît. »

Un des drames du roman.

 Lui et Fern avaient huit ans quand leur père les abandonna sur le bord de la route. On l’appelait Junior à l’époque, le premier des nombreux surnoms qui lui colleraient à la peau toute sa vie.  » Prend soin de ta sœur », lui avait recommandé son père avant de monter dans un train en direction du nord. Ils ne se désolèrent pas de son départ. Ils en étaient encore à se faire à la perte de leur mère.

Le caractère de leur mère .

 Et la vérité n’avait jamais intéressé maman. Elle couvrait la part sombre de notre père d’un joli glaçage comme elle l’aurair fait avec un gâteau au ccaramel. Elle ne pouvait pas supporter de regarder tout ce qui était laid ou douloureux.

Les paysages de Floride.

 Les palétuviers poussaient de travers malgré leurs hauteurs et, dans les zones où l’eau était moins profonde, je voyais que les racines formaient une masse enchevêtrée comme des lianes. Nous avons flotté pendant un moment dans une mare stagnante bordée d’herbe. Il faisait chaud pour une mi-janvier. Les moustiques sifflaient constamment. Un poisson a fait un bon en l’air. Un oiseau a lancé un appel dans les arbres. Une araignée tissait sa toile dorée sur une souche. Partout où je regardais, l’atmosphère était dense lourde et grouillante de vie. Nous avons traversé une nuée de moucherons et j’ai manqué laisser échapper ma pagaie en tentant de les écarter. Les feuilles, les branches et les fragments de mousse qui pendouillaient semblaient s’avancer pour nous caresser au passage. Les troncs d’arbres étaient recouverts de plaques de mousse vert fluorescent.

 

 

 


Édition La peuplade Roman, octobre 2023, 190 pages, 

traduit du Croate par Chloé Billon

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

 

En un peu moins 200 textes assez courts, souvent moins d’une demi page, cette auteure veut nous faire comprendre les horreurs de la guerre qui a vu s’affronter les Croates et les Serbes au début des années 1990. L’enfant a bien du mal à comprendre ce qu’il faut faire pour être du bon côté et elle a surtout envie de garder sa part d’enfance et de jeux avec ses amis. Toute guerre est certainement atroce et le pire certainement ce sont les guerres civiles qui voient s’entretuer des populations qui ont vécu ensemble de longues années. Il ne faut plus être Serbe, ni coco (communiste) ni garder un portrait de Tito. Pour être un bon Croate, il faut être baptisé .
L’enfant a bien du mal à comprendre et elle perçoit les horreurs sans les comprendre.

Je n’ai malheureusement pas beaucoup aimé le procédé, ni les chapitres si courts, ni le fait de découvrir cette réalité avec des yeux d’une petite fille. Peut-être suis-je passée à côté du charme de cette écriture ? Je verrai bien si vous, êtes plus positifs que moi sur ce roman.

 

Extraits

Début.

Lola
 Papy est allé derrière la maison, dans le jardin. Derrière la grange. On a quand même entendu le coup de feu. J’ai défait mon bandage et j’ai dit que j’irais à l’école le lendemain. Le matin, j’ai enlevé du portail de la cour le panneau « Chien méchant ».

Logique de l’enfant.

Trois garçons de la 7e A5 étaient allongés dans la neige bourrés
 » Je vais te tirer comme un lapin ! » à crié le papa de Mate.
Une paire de gifles, et il la rebalancé dans la neige. Il l’a tout de suite relevé et a dit on rentre à la maison. Sa mère avait l’air triste et tremblait de froid en tenant le vélo.
 Heureusement que le papa de Mate est venu à vélo parce que sur un vélo, tu ne peux pas à la fois rouler dans la neige et tenir un fusil à la main

Édition la Table Ronde, collection la petite Vermillon, 1937 puis 1999 et Janvier 2024, 410 pages.

Traduit de l’anglais par Frédérique Daber

 

Dès que je saurai qui a été ma tentatrice (ou, mais cela m’étonnerait, mon tentateur) , je mettrai un lien vers son blog.

Je me réjouissais tellement de lire ce roman et de partir loin des horreurs mêmes bien décrites de l’antarctique, mais, malgré mon envie de me plaire chez les nobles anglais habitant l’Irlande, j’ai été déçue par ce roman.

Comme le dit Nathalie Crom dans sa préface , il fallait bien connaître de l’intérieur la noblesse protestante qui vit en Irlande pour décrire avec autant de minutie leur quotidien. Cela est certainement vrai, mais voilà, est ce que cette vie est intéressante ? pour moi à l’évidence la réponse est … pas trop !

Le roman commence dans une maison genre manoir aux apparences d’un château au bord d’une rivière aux eaux sombres, Garonlea. Les habitants au début du XX° siècle y sont particulièrement malheureux, car ils vivent sous l’autorité de la femme d’Ambrose un mari falot qui ne conteste jamais les décisions, même les pires, de son épouse Lady Charlotte McGrath. Leur fils, Desmond vit en pension loin de cet endroit qui suinte l’ennuie et la méchanceté mais les quatre filles sont tyrannisées par cette mère sans même penser à se révolter, sauf la petite dernière Diana. Muriel restera tout sa vie au service de son horrible mère, Enid sera mal mariée à Arthur qu’elle a cru aimer, Violette aura un vrai mariage .
La deuxième partie, voit l’arrivée de Cynthia la fiancé puis l’épouse de Desmond qui s’installe en face à Rathglass, voilà une jeune femme lumineuse qui va éteindre peu à peu le règne de Lady Charlotte. Hélas la guerre 14/18 verra la mort de Desmond mais aussi le bonheur de Diana qui vient vivre avec Cynthia et fuit l’horrible demeure de Garonlea. elle sera d’un grand secours pour sa belle soeur et ses neveux Simon et Sue pour qui la belle Cynthia n’a aucune tendresse, d’autant plus qu’ils ont tous les deux peur de monter à cheval ! Pourtant seule occupation digne d’un noble anglais

La boucle du roman se termine quand Simon hérite de Garonlea et que Cynthia arrache à cette demeure toutes les traces du passé, en luttant contre son fils qui pour s’opposer à sa mère qui n’a pas su l’aimer, ni lui ni sa soeur, veut redonner à cette demeure l’allure qu’elle avait sous le règne de sa grand-mère la méchante Lady Charlotte. Au grand désespoir de Diana qui a été si malheureuse quand elle était enfant à Garonlea.

À quoi s’occupent ces gens dont les revenus semblent sans limite ? La chasse et les fêtes , voilà tout. Dans cette Irlande où dans ces famille-là on passe son temps à se moquer des balourds d’Irlandais, on vit entre soi sans aucun rapport ni avec les domestiques ni avec la population. Le roman se concentre sur les décors des demeures, les détails des vêtements des femmes, et toutes les péripéties de la chasse et les chevaux. Pour faire une comparaison de la célèbre série Downton Abbey, ce serait les Crawley sans les domestiques ni le village. On passerait notre temps de réception en réception et la série n’aurait assurément aucun succès. Malgré les histoires d’amour de la belle Cynthia.

C’est le cas pour ce roman, avec, il est vrai une analyse très poussée des sentiments de chaque personnage, mais comme ils ne sont pas ancrés dans une réalité , leurs personnalités semblent venir ex nihilo, comme des données intangibles : Lady Charlotte est méchante, Cynthia est brillante, Diana est gentille et sera dévouée à Cynthia toute sa vie …

Bref un roman que j’ai lu sans grand intérêt , il faut dire que ma passion pour le belles robes et les bals est limitée, je reconnais quand même à cette écrivaine une honnêteté sans faille à propos de les description de la vie oisive et superficielle de la noblesse protestante qui vit au milieu d’Irlandais qui, un jour, les chasseront avec violence de leur pays.

 

Extraits

Début.

Comme nous connaissons mal les premières années du xxe siècle. 1901, 1902, 1903 et jusque 1914 : les années de brume. Loisirs, richesse, espace, premiers automobilistes en cache- poussière, courage des pionniers de l’aviation, certes tout cela nous impressionne. Mais nous ne ressentons pas vraiment cette époque, du moins pas comme nous ressentons celle de la guerre mondiale. Là, nous sommes véritablement conscients.

Portrait de la mère tyrannique.

Lady Charlotte French-McGrath, qui marchait derrière ses filles, était un abominable tyran, littéralement bouffi de vanité familiale et d’un effroyable orgueil de caste. Elle avait une vision étrange de sa propre puissance, vision qu’elle avait bel et bien réalisée en vivant surtout à Garonlea, en compagnie d’un époux dévoué, d’enfants terrorisés et de nombreux fermiers et serviteurs. Elle avait vécu à Garonlea, elle y avait souffert, elle en était le chef suprême.

Le père.

Ambrose French-McGrath, l’homme qui avait conçu ces jeunes filles, était un être triste et inquiet qui préférait nettement la compagnie de ses inférieurs à celle de ses égaux par la naissance et la position sociale.
Il était terriblement fier de sa maison et de sa terre et sa fierté était émouvante : c’était celle de locataire à vie (…)
Il y avait si peu de choses à dire lorsqu’on voulait parler d’Ambrose, cet homme falot, triste et tendre. Sa personnalité était comme camouflée dans les circonstances de sa vie : « fils du vieux Desmond McGrath, le type le plus drôle du monde », « sa femme est étonnamment efficace », « meilleure chasse à la bécasse de toute l’Irlande », voilà ce qu’on disait d’Ambrose. De sa personne jamais rien.

Tenir son rang.

 Cynthia, la vie et l’âme de ces lieux. Cynthia, l’hôtesse modèle. La mère accomplie. La châtelaine vénérée de Garonlea, accusée d’avoir l’indécence de paraître malheureuse. Le malheur était un attribut de l’échec. C’était une incorrection envers ses invités que de laisser voir de la tristesse en une si joyeuse occasion. On ne devait pas se laisser aller un seul instant.

Les tenues de la jeunesse des filles de Lady Charlotte.

 Comment se faisait-il que ce temps de leur jeunesse pût paraître à présent comique ? À l’époque romantique où elles les portaient, ces vêtements leur avaient semblé parfaits. Tout ce que l’on trouvait à dire pour leur défense maintenant, c’était qu’ils ne différaient pas tellement de ceux d’aujourd’hui. Il était impossible de dire ; « Nous étions ravissantes dans ces vêtements. Les hommes n’avaient d’yeux que pour nos seins rebondis. Nous avions des principes auxquels nous croyions dur comme fer. Nous n’étions pas grossières, malheureuse, et plates comme le sont nos filles. »
Pas malheureuse ? Cette façon de nier l’évidence, aussi, était typique de l’époque.

Bon résumé de la vie de cette noblesse

Elle avait beaucoup aimé ses vêtements. Elle les avait choisis avec un goût sûr et original, les avait portés avec le plus grand succès et les avait appréciés bien au-delà de tout de utilitaire. Parce qu’ils faisaient partie d’elle, de sa beauté, de son prestige et de sa puissance, la moindre intrusion dans cette garde-robe de fantômes et de souvenirs l’eût enragé. Toutes ces robes étaient à elle, elles étaient sa vie. Pas un passé vague et indistinct. Elles avaient souligné sa beauté, lui avaient été chaudes ou légères, avaient vécu avec elles des heures d’amour, de terrible solitude, de vive satisfaction.

Je n’aime pas ce genre de procédé.

( en plus on attend évidemment la suite, mais en réalité ici rien ne va se passer autrement que la continuité roman)

Supporter cette première éclipse de son autorité. Tout cela l’épuisait. Mais elle eût souffert plus encore si elle avait su où cela allait la mener.

 


Édition l’Atalante 

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

 

Il est rare que je déteste autant un roman et pourtant cette auteure a une belle plume (ce qui explique les deux coquillages, j’en aurais bien mis qu’un sans le style). Mais voilà pour faire comprendre, c’est elle qui le dit que chacun doit pouvoir vivre sa vie sans accepter les normes sociales , ni les règles qui pèsent sur lui, elle nous entraîne dans une fable où toutes les pires horreurs sont permises.

Une jeune femme a des yeux si laids que toutes les personnes qu’elle regarde en sont horrifiées, ses parents ont tellement honte d’elle qu’il la mettent dans une institution où on cache des femmes porteuses de tares plus ou moins monstrueuses. Peu à peu cette enfant appelée « Méduse » va se rendre compte qu’elle a des pouvoirs pour se défendre.

Voilà en gros l’histoire, mais ce que je reproche à ce roman c’est la complaisance avec laquelle l’auteure nous décrit les sévices subis par les pensionnaires (et elle-même) par des hommes libidineux.

 

Extraits

 

Début.

Je n’ai jamais versé une larme de ma vie. Ni de tristesse, ni de colère, ni de détresse, ni de douleur – encore moins de rire ou de bonheur. Pas la moindre petite larme de crocodile.

 

 

Je ne connaissais pas le vert péridot .

 Mes deux sœurs plus vieilles que moi de quelques années avaient des yeux de biche, d’un vert péridot ensorcelant, et des chevelures luxuriantes qui leur tombaient sur les reins en boucles soyeuses et lustrée.

 

 

Édition l’iconoclaste

 

Un vrai roman comme je les aime, je suis complètement partie dans cette histoire au point où j’ai dû vérifier si Michelangelo Vitaliani avait vraiment existé, car l’auteur mélange si bien la fiction avec l’Histoire qui a secoué l’Italie au Vingtième siècle que c’est compliqué de faire la part entre le réel et son son imagination. Une petite réserve sur la longueur du roman et le côté invraisemblable de cette histoire d’amour.

Nous sommes avec un homme qui va mourir, il longtemps vécu et terminé sa vie en 1986, dans un couvent . Le père responsable de ce couvent, Vicenzo, est aussi le gardien d’un très lourd secret que le romancier mettra du temps (trop peut-être ?) à nous dévoiler. La chronologie est quelque peu bousculée mais nous suivrons l’enfance misérable de Mimo que sa mère a confié en 1916 à un individu sans coeur Zio. Le père de Mimo était sculpteur et Zio aussi . Le roman se situe en Ligurie dans un village Pietra d’Alba.

De ce lieu, le romancier met en lumière les oppositions de l’Italie de cette époque. La famille noble, les Orsini, qui ont un château et les pauvres comme Zio et les deux enfants dont il a hérité, bien malgré lui ,de la charge. Alinéa (Vittorio) et Mimo.

Celui-ci va s’avérer un artiste de grand talent, cela nous vaut de très belles pages sur la création artistique d’un sculpteur. Dans ce petit village, il va faire la connaissance de Viola la cadette des Orsini, le destin de ces deux enfants est intimement lié, ils découvrent qu’ils sont nés le même jour et se déclarent jumeaux cosmiques. Viola est une enfant surdouée qui retient tout ce qu’elle lit et veut devenir une savante. Un jour elle grandira pour devenir une très belle jeune femme mais pas Mimo qui est atteint de achondroplasie c’est à dire qu’il ne fera jamais plus d’un mètre quarante.

C’est un roman touffu, il s’y passe beaucoup d’évènements liés à l’histoire de l’Italie. La montée du fascisme est bien rendu, car si Mimo ne s’occupe pas de politique, il en est un témoin privilégié. La famille Orsini est toujours aux manettes du pouvoir et manipule tout le monde, les deux frères de Viola, le brutal fasciste qui a su retourner sa veste juste à temps et le prélat à l’air si doux tiennent dans leurs mains le destin de Mimo et Viola. L’amour de Mimo pour Viola est impossible mais également très beau. Elle sera victime de sa beauté, de sa richesse et surtout de son intelligence, ce roman décrit bien la condition des femmes de cette classe en Italie à cette époque. C’est un roman à la gloire des femmes italiennes et à leur courage, la révélation finale en est un superbe symbole.

Tout au long du roman on parle aussi de ce que Vicenzo doit garder bien caché dans des souterrains sous son église, je peux vous le dire, car on le sait assez vite, il s’agit d’une sculpture de Mimo, mais on ne sait qu’à la toute dernière page (ou presque) pourquoi il fallait la dissimuler à tous les regards.

J’ai passé des heures merveilleuses avec ce roman et j’ai beaucoup regardé la Pieta de Michelangelo et consulté Wikipédia pour vérifier les faits historiques. Si vous ne l’avez pas encore fait lisez le vite, dépaysement garanti. Mais sachez quand même qu’Athalie a beaucoup plus de réserves que moi et et que « mot à mot » est bien d’accord avec elle.

 

 

 

 

Extraits

 

Début.

 Ils sont trente-deux. Trente-deux à habiter encore l’abbaye en ce jour d’automne 1986, au bout d’une route à faire pâlir ceux qui l’empruntent. En mille ans rien n’a changé. Ni la raideur de la voie ni son vertige. Trente-deux cœurs solides -il faut l’être quand on vit perché au bord du vide-, trente-deux corps qui le furent aussi dans leur jeunesse. Dans quelques heures, ils seront un de moins.

Le marbre et la sculpture.

 Il fronça les sourcils. Son regard alla du marbre à moi, de moi au marbre, puis il écarquilla les yeux. – Oh non, non. non Mimo. Zio va te tuer il y a un chefs-d’œuvre dans ce bloc.
– Je sais. Je le vois.
(Et 10 jours plus tard)
 Je ne me relevais pas aussitôt admirant l’ours, qui se dressait au dessus de moi. Il émergeait du bloc de marbre à mi-hauteur, une patte appuyée sur la pierre comme pour s’en arracher, l’autre tendue vers le ciel. Sa gueule pointait aussi, ouverte en un grognement que sa tête légèrement penchée, rendait moins menaçant. Je n’avais sculpté que la moitié supérieure du bloc, à partir de la taille, de plus en plus en détails. Si bien que l’œil du spectateur, partant du bas du socle jusqu’au sommet du museau, entreprenait un voyage de la brutalité à la délicatesse, de l’immobilité vers le mouvement. On dira ce qu’on veut de mon travail, mais je crois qu’il y avait là quelque chose du divin, dans cette genèse de marbre qui n’était d’abord rien, un condensé d’angles et de néant, puis se brisant, donnait naissance dans un jaillissement de blancheur à un monde violent, tendre, tourmenté une oursonne abandonnée qui en saluait une autre.

L’Italie.

 Ce n’est pas pour rien qu’un Italien, Mercalli, donna son nom à une échelle de destruction, celle de l’intensité des tremblements de terre. Une main démolit ce que l’autre a bâti, et l’émotion est la même.
 l’Italie, royaume de marbre et d’ordures. Mon pays

Jolie façon de raconter.

 Je dois beaucoup aux femmes dite « perdues », et mon oncle Alberto était le fils de l’une d’elles. Une fille courageuse qui se couchait sous les hommes, au pont de Gênes, sans colère ni honte. C’était la seule personne dont mon oncle parlait avec respect, une ferveur confinant à la vénération

L’après guerre en Italie.

 Les nations victorieuses se disputaient la charogne des vaincus. Les tensions de l’année passée se répandaient comme une peste dans tout le pays, obéissant au schéma précis dont j’avais été témoin : revendication de justice suivies d’une répression impitoyable par des groupes à la solde des tout jeunes Faisceaux italiens de combat, créés par un ancien socialiste à Milan.

Un moment d’humour (il n’y en a pas beaucoup).

-J’ai bientôt seize ans. Et je ne vole toujours pas. Je ne serai jamais Marie Curue.
– Quelle importance ? Tu es toi Viola, et c’est beaucoup mieux.
Viola leva les yeux au ciel et sortit sans prendre la peine de refermer la porte de la grange, nous laissant spéculer dur les,énigmatiques vertus du mystérieux Maricuri.

L’arrivée de Mussolini au pouvoir.

 Le 28 octobre de cette année-là, les plus forts d’entre eux, fascistes, squadristes, anciens partisans tentèrent leur chance. Une bande dépareillée marcha sur Rome, bien décidée à intimider le gouvernement en place. Malgré leur succès à réprimer les émeutes socialistes, dont j’avais été témoin, ils étaient mal armés, hésitants et, surtout peu sûrs de leur coup. Tellement peu sûrs que leur courageux chef Mussolini, tremblant dans ces pantalons bouffants d’ancien socialiste et de futur dictateur avait préféré rester à Milan. Il avait jugé plus prudent de ne pas rejoindre la marche, pour pouvoir décamper en Suisse au cas où les choses tourneraient mal. L’ère était à la lâcheté. Et parce que L’ère était à la lâcheté, le gouvernement puis le roi décidèrent de laisser faire au lieu d’envoyer l’armée, pourtant prête à agir. Le planqué de Milan se retrouva du jour au lendemain à la tête du gouvernement ce dont il fut le premier surpris.


Édition Sonatine . Traduit de l’anglais par Julie Sybonie.

 

Ce roman d’anticipation décrit ce que les américains ont ressenti lors de l’épidémie de Covid gérée par Donald Trump . Il appelait le Covid, le virus-chinois et cela a engendré dans la population américaine un rejet vis à vis des Chinois ou des gens d’origine asiatique. Mais, au lieu de décrire cela avec précision, l’autrice part dans une fiction où les asiatiques sont accusés d’une crise économique sans précédent. Les habitants acceptent peu à peu les restrictions de leur liberté et ne se rendent pas compte qu’ils vivent dans une dictature. L’aspect le plus sordide de cette dictature, c’est le placement des enfants que l’on a retirés à leur familles jugées dissidentes. Tout est raconté du point de vue d’un enfant, Noah, que sa maman appelait Bird. Sa mère a brutalement disparu et son père n’en parle plus jamais. Noah deviendra l’ami d’une petite fille qui est justement une enfant déplacée et, peu à peu, il ouvre les yeux et décide de se mettre à la recherche de sa mère une poétesse qui est entrée en clandestinité.

Tout ce qui est décrit est une simple exagération fictionnelle de ce que les USA ont connu. Les camps pour asiatiques en tant de crise rappelle ce qui s’est passé, lors de la deuxième guerre mondiale pour les japonais sur le sol américain, les enfants déplacés rappelle les enfants des peuples indigènes au Canada et plus récemment les enfants de migrants mexicains que le gouvernement voulait séparer de leurs parents, enfin la méfiance vis à vis des asiatiques et en particulier des chinois, tout ce qui s’est passé au temps du covid. Et maintenant que les tensions s’exacerbent entre les USA et la Chine communiste, il est sans doute plus difficile d’être chinois aux USA.

Ce genre de roman, ce n’est vraiment pas ma tasse de thé, autant j’aurais aimé un roman qui se passe aujourd’hui pour les minorités asiatiques autant en faire une science fiction me dérange, l’histoire pour les amateurs du genre doit être intéressante. Je ne sais pas pourquoi, les Américains adorent qu’on leur décrive des catastrophes pas encore arrivées, comme si ils n’en avaient pas assez avec celles qui existent vraiment !

 

Extraits

Début

 La lettre arrive un vendredi. L’enveloppe ouverte et refermée par un autocollant, bien sûr, comme toujours : « inspecté pour votre sécurité – PACT. »

 Un monde sans livres.

 Derrière cette table se dresse une bibliothèque vide. Bird n’y a jamais vu le moindre livre, mais elle est toujours là, fossile d’une époque révolue.
 Savez-vous leur avait expliqué leur professeur l’année précédente, que les livres en papier sont obsolètes dès l’instant où ils sortent de l’imprimerie ?

La disparition des livres.

 Oh non, dit-elle, on ne brûle pas les livres, chez nous. C’est l’Amérique, pas vrai ?
Elle le dévisage en haussant un sourcil. Sérieuse, ou ironique ? il n’arrive pas à le dire.
 On ne brûle pas nos livres, poursuit-elle. On les pilonne. Beaucoup plus civilisé, n’est-ce pas ? On en fait de la pulpe et on les recycle en papier toilette. Ça fait longtemps que ces livres ont servi à torcher les fesses de quelqu’un.

Le cœur du roman.

 Les économistes ne se mettraient jamais complètement d’accord sur les raisons de cette crise. Certains diraient que c’était malheureusement cyclique, que ces choses là revenaient périodiquement comme les cigales ou les épidémies. D’autres accuserait la spéculation, ou l’inflation, ou bien un manque de confiance des consommateurs … même si les raisons de ces raisons ne seraient jamais très claires. Avec le temps beaucoup ressortiraient de vieilles rivalités cherchant à qui faire porter le chapeau ; au bout de quelques années ils s’accorderaient pour désigner la Chine, ce perpétuel et menaçant péril jaune. Ils verraient sa main derrière chaque échec et fracture de la Crise.

Les enlèvements d’enfants .

Margaret écoutait. Et commençait à apprendre qu’il y avait rien de nouveau sous le soleil. Elle entendait parler des écoles dans lesquelles les enfants amérindiens étaient tondus et déshabillés, rebaptisée, rééduqués, puis renvoyés chez eux brisés et traumatisés ou jamais renvoyés du tout. Les enfants qui franchissaient les frontières dans les bras de leurs parents pour finir enfermés dans des entrepôts, seuls et terrorisés. De ceux qui allaient de famille d’accueil en famille d’accueil, ballottés comme des boules de flipper, au point que leurs propre parents perdaient parfois leur trace.