Édition la Table Ronde, collection la petite Vermillon, 1937 puis 1999 et Janvier 2024, 410 pages.
Traduit de l’anglais par Frédérique Daber
Dès que je saurai qui a été ma tentatrice (ou, mais cela m’étonnerait, mon tentateur) , je mettrai un lien vers son blog.
Je me réjouissais tellement de lire ce roman et de partir loin des horreurs mêmes bien décrites de l’antarctique, mais, malgré mon envie de me plaire chez les nobles anglais habitant l’Irlande, j’ai été déçue par ce roman.
Comme le dit Nathalie Crom dans sa préface , il fallait bien connaître de l’intérieur la noblesse protestante qui vit en Irlande pour décrire avec autant de minutie leur quotidien. Cela est certainement vrai, mais voilà, est ce que cette vie est intéressante ? pour moi à l’évidence la réponse est … pas trop !
Le roman commence dans une maison genre manoir aux apparences d’un château au bord d’une rivière aux eaux sombres, Garonlea. Les habitants au début du XX° siècle y sont particulièrement malheureux, car ils vivent sous l’autorité de la femme d’Ambrose un mari falot qui ne conteste jamais les décisions, même les pires, de son épouse Lady Charlotte McGrath. Leur fils, Desmond vit en pension loin de cet endroit qui suinte l’ennuie et la méchanceté mais les quatre filles sont tyrannisées par cette mère sans même penser à se révolter, sauf la petite dernière Diana. Muriel restera tout sa vie au service de son horrible mère, Enid sera mal mariée à Arthur qu’elle a cru aimer, Violette aura un vrai mariage .
La deuxième partie, voit l’arrivée de Cynthia la fiancé puis l’épouse de Desmond qui s’installe en face à Rathglass, voilà une jeune femme lumineuse qui va éteindre peu à peu le règne de Lady Charlotte. Hélas la guerre 14/18 verra la mort de Desmond mais aussi le bonheur de Diana qui vient vivre avec Cynthia et fuit l’horrible demeure de Garonlea. elle sera d’un grand secours pour sa belle soeur et ses neveux Simon et Sue pour qui la belle Cynthia n’a aucune tendresse, d’autant plus qu’ils ont tous les deux peur de monter à cheval ! Pourtant seule occupation digne d’un noble anglais
La boucle du roman se termine quand Simon hérite de Garonlea et que Cynthia arrache à cette demeure toutes les traces du passé, en luttant contre son fils qui pour s’opposer à sa mère qui n’a pas su l’aimer, ni lui ni sa soeur, veut redonner à cette demeure l’allure qu’elle avait sous le règne de sa grand-mère la méchante Lady Charlotte. Au grand désespoir de Diana qui a été si malheureuse quand elle était enfant à Garonlea.
À quoi s’occupent ces gens dont les revenus semblent sans limite ? La chasse et les fêtes , voilà tout. Dans cette Irlande où dans ces famille-là on passe son temps à se moquer des balourds d’Irlandais, on vit entre soi sans aucun rapport ni avec les domestiques ni avec la population. Le roman se concentre sur les décors des demeures, les détails des vêtements des femmes, et toutes les péripéties de la chasse et les chevaux. Pour faire une comparaison de la célèbre série Downton Abbey, ce serait les Crawley sans les domestiques ni le village. On passerait notre temps de réception en réception et la série n’aurait assurément aucun succès. Malgré les histoires d’amour de la belle Cynthia.
C’est le cas pour ce roman, avec, il est vrai une analyse très poussée des sentiments de chaque personnage, mais comme ils ne sont pas ancrés dans une réalité , leurs personnalités semblent venir ex nihilo, comme des données intangibles : Lady Charlotte est méchante, Cynthia est brillante, Diana est gentille et sera dévouée à Cynthia toute sa vie …
Bref un roman que j’ai lu sans grand intérêt , il faut dire que ma passion pour le belles robes et les bals est limitée, je reconnais quand même à cette écrivaine une honnêteté sans faille à propos de les description de la vie oisive et superficielle de la noblesse protestante qui vit au milieu d’Irlandais qui, un jour, les chasseront avec violence de leur pays.
Extraits
Début.
Comme nous connaissons mal les premières années du xxe siècle. 1901, 1902, 1903 et jusque 1914 : les années de brume. Loisirs, richesse, espace, premiers automobilistes en cache- poussière, courage des pionniers de l’aviation, certes tout cela nous impressionne. Mais nous ne ressentons pas vraiment cette époque, du moins pas comme nous ressentons celle de la guerre mondiale. Là, nous sommes véritablement conscients.
Portrait de la mère tyrannique.
Lady Charlotte French-McGrath, qui marchait derrière ses filles, était un abominable tyran, littéralement bouffi de vanité familiale et d’un effroyable orgueil de caste. Elle avait une vision étrange de sa propre puissance, vision qu’elle avait bel et bien réalisée en vivant surtout à Garonlea, en compagnie d’un époux dévoué, d’enfants terrorisés et de nombreux fermiers et serviteurs. Elle avait vécu à Garonlea, elle y avait souffert, elle en était le chef suprême.
Le père.
Ambrose French-McGrath, l’homme qui avait conçu ces jeunes filles, était un être triste et inquiet qui préférait nettement la compagnie de ses inférieurs à celle de ses égaux par la naissance et la position sociale.
Il était terriblement fier de sa maison et de sa terre et sa fierté était émouvante : c’était celle de locataire à vie (…)Il y avait si peu de choses à dire lorsqu’on voulait parler d’Ambrose, cet homme falot, triste et tendre. Sa personnalité était comme camouflée dans les circonstances de sa vie : « fils du vieux Desmond McGrath, le type le plus drôle du monde », « sa femme est étonnamment efficace », « meilleure chasse à la bécasse de toute l’Irlande », voilà ce qu’on disait d’Ambrose. De sa personne jamais rien.
Tenir son rang.
Cynthia, la vie et l’âme de ces lieux. Cynthia, l’hôtesse modèle. La mère accomplie. La châtelaine vénérée de Garonlea, accusée d’avoir l’indécence de paraître malheureuse. Le malheur était un attribut de l’échec. C’était une incorrection envers ses invités que de laisser voir de la tristesse en une si joyeuse occasion. On ne devait pas se laisser aller un seul instant.
Les tenues de la jeunesse des filles de Lady Charlotte.
Comment se faisait-il que ce temps de leur jeunesse pût paraître à présent comique ? À l’époque romantique où elles les portaient, ces vêtements leur avaient semblé parfaits. Tout ce que l’on trouvait à dire pour leur défense maintenant, c’était qu’ils ne différaient pas tellement de ceux d’aujourd’hui. Il était impossible de dire ; « Nous étions ravissantes dans ces vêtements. Les hommes n’avaient d’yeux que pour nos seins rebondis. Nous avions des principes auxquels nous croyions dur comme fer. Nous n’étions pas grossières, malheureuse, et plates comme le sont nos filles. »Pas malheureuse ? Cette façon de nier l’évidence, aussi, était typique de l’époque.
Bon résumé de la vie de cette noblesse
Elle avait beaucoup aimé ses vêtements. Elle les avait choisis avec un goût sûr et original, les avait portés avec le plus grand succès et les avait appréciés bien au-delà de tout de utilitaire. Parce qu’ils faisaient partie d’elle, de sa beauté, de son prestige et de sa puissance, la moindre intrusion dans cette garde-robe de fantômes et de souvenirs l’eût enragé. Toutes ces robes étaient à elle, elles étaient sa vie. Pas un passé vague et indistinct. Elles avaient souligné sa beauté, lui avaient été chaudes ou légères, avaient vécu avec elles des heures d’amour, de terrible solitude, de vive satisfaction.
Je n’aime pas ce genre de procédé.
( en plus on attend évidemment la suite, mais en réalité ici rien ne va se passer autrement que la continuité roman)
Supporter cette première éclipse de son autorité. Tout cela l’épuisait. Mais elle eût souffert plus encore si elle avait su où cela allait la mener.