Édition Métallier, Traduit de l’espagnol par Myriam Chirousse

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

 

Sur Luocine, de cette écrivaine, vous trouverez » le territoire des barbares » « Le roi transparent » « L’idée ridicule de ne jamais te revoir » et mon grand coup de coeur : « La folle du logis« . « La bonne chance » m’a fait passer un très bon moment et pour une fois je recopie une phrase de la quatrième de couverture avec laquelle je suis d’accord :

La plume de Rosa Montero est un heureux antidote contre les temps qui courent.

J’aime que l’on me raconte des histoires et Rosa Montero fait partie des auteurs qui les racontent parfaitement. Je ne cherche pas à être objective, donc, je la remercie de m’embarquer dans son imaginaire.

Le récit démarre de façon magistrale et très accrocheuse : un homme dont on ne sait rien achète comptant un appartement qui longe la voie ferré, sur laquelle roule les trains à grande vitesse. Cet appartement est dans un immeuble crasseux dans une petite ville Pozonegro, autrefois riche d’une exploitation minière et complètement à l’abandon. Que fait cet homme dans cet endroit sinistre ? Quel lourd secret cache-t-il ? Que fuit-il ? Toutes ces questions trouveront leur réponse et peu à peu se mettra en place une intrigue romanesque qui oppose la gentillesse de Raluca la jeune fille d’origine roumaine, la bêtise des voyous du villages, en particulier l’homme qui a vendu l’appartement à Pablo car il soupçonne celui-ci d’avoir largement les moyens de leur donner encore beaucoup plus d’argent, mais surtout à la cruauté absolue de militants nazis qui planent comme une grave menace au-dessus de la tête de Pablo.

C’est le sens de tout le roman : que peut la gentillesse face à la bêtise et à la méchanceté ? La fin trop heureuse du roman m’a gênée et m’a empêchée de mettre 5 coquillages à ce roman. Je ne crois pas hélas que la gentillesse puisse lutter contre la cruauté, mais comme l’auteure j’aimerais le croire. La culpabilité de Pablo face aux choix de son fils, l’entraîne à inventer des histoires où il se donne à chaque fois le mauvais rôle , sans doute car il ne peut que s’en vouloir de la dérive ultra-violente dans laquelle s’est enfoncé celui-ci . J’ai bien aimé aussi l’évocation de la vie dans une petit ville autrefois ouvrière et où, aujourd’hui, le seul point vivant et le moins triste est un supermarché !

Sans doute pas le roman du siècle, mais un bon moment de détente et un écriture qui permet de comprendre un peu mieux la vie des espagnols d’origine modeste.

 

Citations

le cadre.

Pozonegro, une petite localité au passé minier et au présent calamiteux, à en juger par la laideur suprême des lieux. des maisons miteuses aux toitures en fibrociment, guère plus que des bidonvilles verticaux, alternant avec des rues du développement urbain franquiste le plus misérable, aux inévitables bloc d’appartements de quatre ou cinq étages au crépi écaillé ou aux briques souillées de salpêtre.

L’autocar arrive enfin à Pozonegro, qui confirme ses prétentions de patelin le plus laid du pays. Un supermarché de la chaine Goliat à l’entrée du village et la station-service qui se trouve à côté, repeinte et aux panneaux publicitaires fluorescents, sont les deux points les plus éclairés, propres et joyeux de la localité ; seuls ces deux endroits dégagent une fière et raisonnable d’être ce qu’ils sont, une certaine confiance en l’avenir. Le reste de Pozonegro est déprimant, sombre, indéfini, sale, en demande urgente d’une couche de peinture et d’espoir.

Une façon étonnante d’interpeller le lecteur.

L’AVE (train à grande vitesse espagnole) tremble un peu, il se balance d’avant en arrière, comme s’il éternuer, il s’arrête enfin. Surprise : cet hommes a levé la tête pour la première fois depuis le début du voyage et il regarde maintenant par la fenêtre. Regardons avec lui : un aride bouquet de voies vides et parallèles à la notre s’étend jusqu’à un immeuble collé à la ligne de chemin de fer.

La beauté.

Ou peut-être simplement parce qu’il est grand et mince et assez séduisant, ou que jeune il l’était. Pablo trouve ridicule cette valeur suprême que notre société accorde à l’aspect physique. C’est étudié par les neuropsychologues : les individus grands, minces et au visage symétrique sont considérés comme plus intelligents, plus sensibles, plus aptes, et comme de meilleures personnes. Quel arbitraire.

Vision du monde.

 Tu sais, à mon âge j’en suis venu à la conviction que les gens ne se divisent pas entre riches et pauvres, noirs et blancs, droite et gauche, hommes et femmes, vieux et jeunes, maures et chrétiens, dit-il finalement. Non. Ce en quoi se divisent vraiment l’humanité, c’est entre gentils et méchants. Entre les personnes qui sont capables de se mettre à la place des autres et de souffrir avec eux et de se réjouir avec eux, et les fils de pute qui cherchent seulement leur propre bénéfice, qui savent seulement regarder leur nombril.

Une personnalité heureuse et l’explication du titre.

 Par contre, j’ai été inconsciente tout le temps, à ce qu’on m’a raconté. C’est merveilleux, non ? tu imagines si j’avais été consciente de tout, tu imagines si je m’étais rendu compte que ce bout de ferraille s’était planté dans mon œil, quelle horreur super horrible, j’en ai la chair de poule rien que d’y penser ! Mais au lieu de ça je me suis évanouie et, quand je me suis réveillé, il m’avait déjà vidé l’orbite et ils avaient fait tout ce qu’ils avaient à faire. Quelle chance ! C’est que moi, tu sais, j’ai toujours eu une très bonne chance. Et heureusement que je suis aussi gâtée par la chance, parce que, sinon, avec la vie que j’ai eue, je ne sais pas ce que je serais devenue.

Remarque sur le pouvoir d’une belle voiture.

 Et puisque on en parle, à quel instant démentiel a-t-elle eu l’idée de s’acheter une lexus etc ? Elle a toujours aimé les voitures, mais s’infliger une telle dépense, commettre un tel excès… Elle a fait comme ces pathétiques vieux croûton bourrés d’argent qui s’achètent une décapotable pour draguer. Même si, à vrai dire, elle ne l’a pas tant acheter pour draguer que pour se sentir un peu moins minable que ce qu’elle se sent réellement. Les voitures donnent du pouvoir, et les vieux croûtons le savent bien.

Felipe a décidé de se suicider à 82 ans.

 Les mois de sa dernière année s’écoulaient et Felipe ne trouvait pas le jour pour se tuer, tantôt parce qu’il était fatigué, tantôt parce qu’il était enrhumé et d’autres fois encore parce qu’il se sentait plus ou moins à son aise. Et ainsi, bêtement, le temps avait passé, et il avait eu quatre-vingt-trois ans, puis quatre-vingt-quatre, et il a maintenant quatre-vingt-cinq ans et il est toujours là sur ses pieds, sans avoir la force de prendre la décision finale, bien qu’ils dépendent désormais complètement des bonbonnes d’oxygène et qu’il ait été pris en otage par un vieillard qu’il ne reconnait pas. Car vieillir, c’est être occupé par un étranger : à qui sont ces jambes des décharnées couverte d’une peau fragile et fripée, se demande l’ancien mineurs, hébété. Eh bien, même comme ça Felipe n’est pas capable de se tuer. Trop de lâcheté et trop de curiosité. Et la fascination de cette vie si âpre et si belle.

 

 

 

22 Thoughts on “La bonne chance – Rosa MONTERRO

  1. Je n’ai lu que « l’idée ridicule de ne jamais te revoir » que j’ai aimé, sans plus. Je n’ai pas eu l’occasion de la relire depuis.

  2. keisha on 17 février 2022 at 09:06 said:

    Je pense avoir lu tous ses livres traduits (hé oui) sauf ce dernier, déjà noté.
    La folle du logis, qui n’est pas franchement un roman, est incontournable (lu deux fois!!!)

  3. Et oui, on aime tellement qu’on nous raconte des histoires ! Celle de cet homme et de ce village me tente bien … Quand elle sera en poche. Je renote La fée du logis, titre que tu m’avais déjà donné envie de lire.

  4. J’aime beaucoup Rosa Montero, je lirai ce roman-là…

  5. Les livres lus de l’auteur m’ont beaucoup plu alors je vais noter celui là grâce à toi
    je te suis quand tu dis qu’hélas la gentillesse est de peu d’effets sur le mal en général mais je crois malgré tout qu’elle apporte une petite étincelle de lumière aux autres, aux hommes bons si l’on peut dire et par là gentillesse est indispensable et précieuse

  6. D’elle j’ai lu et aimé Instructions pour sauver le monde, Des larmes sous la pluie et La chair… J’ai encore de quoi faire, donc !

  7. J’ai découvert cette auteure récemment, via « l’essai » la peur ridicule. j’ai beaucoup aimé sa plume, et il faut que je découvre maintenant ses « vrais » romans… Et si l’histoire finit trop bien, ça me va bien ! La littérature est aussi évasion, moments passés hors de la réalité !

  8. Je n’ai pas lu celui-ci, de Rosa Montero. Sur l’interpellation du lecteur, il y a cela aussi, à peu près de cette façon, dans quelques romans de Stefànsson que je lis en ce moment.
    A propos de la gentillesse (c’est Dominique qui sur mon blog a évoqué votre article et m’a donc incitée à venir par ici), je pense qu’elle gagne toujours. Pas forcément sur l’instant, ni le jour-même, ni le lendemain. Mais un jour. Oui, j’en suis persuadée.

    • Bonjour, Dominique est une blogueuse qui m’a fait découvrir des livres inoubliables et peu connus. Ce qui est certain c’est que la gentillesse met de l’huile dans les rouages d’une société qui parfois est bien rude.

  9. Bonjour Luocine, j’ai acheté ce roman pour la bibliothèque loisir dont je m’occupe. J’espère qu’il plaira. Merci pour cette chronique.

    • Je l’espère aussi cela dépend de ton public. Cette auteure ne vise pas un public très intellectuel mais qui aime les histoires bien racontées.

  10. LaSourisJaune on 20 février 2022 at 16:04 said:

    Bonjour Luocine ! Comme toi, j’aime cette auteure, énormément même. Je la trouve talentueuse, créative, elle parvient à apporter du renouveau et de la fraîcheur au genre du roman. J’ai autant aimé L’idée ridicule de ne jamais te revoir, qui mèle avec une grande finesse biographie de Marie Curie et travail sur le deuil sans que le livre ne soit à aucun moment plombant, et La Folle du logis. Je n’ai pas lu celui-ci, quelle bonne nouvelle qu’il reste à découvrir ! Bises :)

  11. Un bon moment de détente, c’est toujours bon à prendre !

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