Lu grâce au club de lecture de la médiathèque de Dinard. Il a obtenu un coup de cœur.
J’aime à penser que cet homme si bien habillé à côté des nouveaux arrivants qui semblent harassés par leur traversée avec une étiquette collée sur leur chapeau est venu vers Gaëlle Josse afin qu’elle écrive ce roman :
S’il est quelque chose que j’ai apprise de cette étrange aventure d’écrire, c’est avant tout celle-ci : la liberté de l’auteur, telle que j’ai pu l’éprouver, ne réside pas dans l’invention de figures, de décors et d’intrigues, mais dans l’écoute et l’accueil de personnages venus un jour à ma rencontre, chacun porteur d’une histoire singulière, traversée par quelques-uns de mes questionnements et quelques-unes de mes obsessions.
Lors de ma visite à Ellis Island, haut lieu de la mémoire américaine, comme Gaëlle Josse, j’avais été saisie par les milliers de photos et de noms qui s’imprimaient devant mes yeux comme autant de destins remplis de souffrances et d’espoirs. J’ai gardé cette carte postale car le contraste entre cette cohorte d’hommes aux yeux effrayés et aux habits froissés et cet homme « bien comme il faut » m’avait interpellée. Je comprends qu’on ait eu envie d’écrire un roman sur le dernier gardien, j’en ai voulu au début à Gaëlle Josse de ne parler que de lui, de son amour détruit et d’une jeune émigrée italienne. Tous les autres, les multitudes d’autres, sont des fantômes sans nom en arrière plan du récit. Et finalement, j’ai accepté son parti pris.
L’énorme solitude de ce gardien, face à la multitude de ceux qui ont frappé à la porte de l’Amérique est peut être le meilleur moyen de faire comprendre ce qu’était Ellis Island. C’est un lieu si chargé dans la mémoire collective des Américains mais au moins à cette époque les émigrés ne mourraient pas en mer sur des canots de fortune. Fuir son pays, pour des raisons économique politiques ou religieuses, est toujours une tragédie et être en contact avec ces êtres qui ont tout perdu et détenir une partie de la solution à leur survie est une bien lourde peine.
Citations
Ellis Island
L’île d’espoir et de larmes. Le lieu du miracle, broyeur et régénérateur à la fois, qui transformait le paysan irlandais, le berger calabrais, l’ouvrier allemand, le rabbin polonais ou l’employé hongrois en citoyen américain après l’avoir dépouillé de sa nationalité.
Les émigrés italiens
Ils étaient des conquistadors, des vainqueurs, et leur parole contribuait à l’édification d’une légende sacrée. Leurs lettres, qui mettaient parfois jusqu’à deux mois pour leur parvenir, portaient des timbres colorés de L’US Mail, preuve tangible d’un au-delà des mers. Bien plus qu’une correspondance privée porteuse de nouvelles intimes, ces lettres avaient pour vocation, auprès des membres de la famille restés au pays, d’attester devant la communauté de la réussite des leurs, en faisant l’objet de lectures collectives répétées de foyer en foyer, de café en café, et dont les informations données se trouvaient comportées à l’envi. Le fils de Gironde avait vu de ses propres yeux, des rues pavées d’or…
Cela me fait penser au très beau film de James Gray : The Immigrant
je n’ai pas vu ce film ce livre est bien écrit et de façon surprenante on ressent mieux la difficulté de ces exilés en ne s’intéressant qu’au gardien. C’est étrange mais ça fonctionne bien.
Son parti pris est intéressant et surtout change de ce que l’on peut lire d’habitude autour d’Ellis Island.
pas tant que ça, je crois mais je n’ai pas lu beaucoup sur le sujet elle a seulement changé son regard .
J’aime ta façon de reconnaître que tu as accepté le parti pris de l’auteur malgré une vision des choses différentes. Je n’ai jamais lu Gaëlle Josse mais si je devais la découvrir ce serait avec ce roman je pense.
Oui, j’ai accepté son point de vue car si on regarde bien la photo que j’avais gardé d’une visite de ce lieu, ce que je voulais connaître c’était la vie de tous ces hommes, mais comment faire et finalement l’homme représentant l’Etat américain permet de faire un livre plus pertinent. On sent qu’il va se perdre à devoir se confronter à tant de misères . Ne serait-ce pas notre cas si nous devions trier les gens qui arrivent des lieux de conflits actuels?
C’est intéressant ce que tu racontes sur ta lecture, accepter le parti pris de l’auteure alors que dans un premier temps, tu n’étais pas d’accord. Elle doit être forte pour avoir réussi à te retourner !
Le seul livre que j’ai lu de Gaëlle Josse ne m’avait pas convaincue mais pourquoi pas lui redonner une chance avec cet opus ?
je me suis mise à la place de l’auteur, comment raconter ce que ces milliers de personne ont vécu, la solution la plus classique suivre une partie d’entre eux dans leur périple, faire un roman choral à plusieurs voix et les réunir dans un destin croisé mais cela ne concernera qu’une minorité. Si on réfléchit bien celui qui a fait sa carrière à Ellis Island était bien le personnage qui peut en dire le plus, et elle a superbement décrit un personnage qui se détruit à ce poste .
Je suis passée à côté mais j’ai ensuite donné une seconde chance à l’auteure et ai adoré Nos vies désaccordées.
elle a une belle plume très précise je lirai volontiers un autre titre de cette auteure
C’est le premier roman que j’ai lu de l’auteure et j’ai énormément aimé. J’ai continué depuis.
J’en lirai volontiers d’autres de cette auteure. Elle a un style net et précis qui me va bien.
C’est une visite inoubliable
si tu ne l’as pas déjà lu je te recommande le petit livre de georges Perrec sur le sujet, j’ai fait un billet il y a déjà pas mal de temps
C’est mon souvenir le plus marquant de NY
j’ai déjà vu le livre de Georges Perrec qui me tente beaucoup avec des photos non? et moi ce sont les gratte-ciel qui m’ont le plus marquée , je n’avais pas idée que c’était très beau. Mais Ellis Island est passionnant, en effet!
très tentée, surtout que je n’ai toujours pas lu cet auteur !
Ce roman ne peut laisser personne indifférent aujourd’hui.
J’ai fait connaissance avec l’auteure via son roman « L’ombre de nos nuits ». Une très jolie plume.
Oui je suis d’accord elle a un style qui va bien à notre époque : net, précis et sans pathos.
J’ai aimé ce que j’ai lu de Gaëlle Josse, du coup celui ci me tente assez je dois dire !
C’est une auteure de notre époque. Elle a le style net et précis qui va bien à la rapidité dun rythme actuel. Je n’ai lu que ce roman mais je pense que j’en lirai d’autres.
Un bon livre sur un sujet toujours très actuel. J’espère le lire prochainement.
oui l’exil est toujours d’actualité , hélas! que de souffrances derrière ce mot!
Ben, tu vois, moi, elle n’a pas réussi à me retourner, le parti pris m’a gênée jusqu’au bout, et même un peu agacée … Il n’en reste pas moins que c’est un bon bouquin, même si j’ai préféré Nos vies désaccordées et Les heures silencieuses …
je comprends d’autant mieux que c’est ce que ressentais au début de ma lecture. Cependant, quand je regarde la photo , je me dis « qui pourrait raconter le destin de chaque homme sur la photo? » . Il est évident que l’homme seul qui se sent différent d’eux est plus facile à cerner et il se croit à l’abri du destin des exilés mais on peut très bien imaginer que finalement il a subi le contre coup de leurs malheurs.
Un thème qui me tente…
comment ne pas être, aujourd’hui, alerté par le thème du malheur des exilés?