Édition folio. Traduit de l’anglais par Suzanne V. Mayoux

 

Roman sous-tendu par une intrigue bien menée (décidemment les anglais sont bons dans le genre) . Nous suivons le destin de Clive un compositeur de Musique de renom et de Vernon un rédacteur en chef d’un grand journal londonien. Puisque l’auteur est Ian McEwan , on peut se douter que leur descente aux enfers est inéluctable. Je me souviens de « Solaire » et du personnage scientifique particulièrement odieux. Ici encore, les personnages sont peu sympathiques et comme dans « Solaire » il m’a manqué dans ce roman quelques valeurs humaines auxquelles me raccrocher.

L’histoire tourne autour d’une femme Molly qui a eu trois amants : un ministre qui a tout du politicard libidineux, un compositeur de musique qui se pense génial mais qui a du mal à retrouver l’inspiration de sa jeunesse, un journaliste qui veut faire monter les ventes de son journal. Ils sont tous les trois manipulés par Georges le mari de Molly qui, pour se venger, les détruira tous les trois.

Cela nous vaut de bons passages sur le monde de la presse, sur l’égoïsme du créateur que ce soit en musique ou en littérature, sur les côtés sordides des hommes de pouvoir et tout cela avec un humour grinçant qui est la marque de fabrique de cet auteur. La séance dans le commissariat est un bon exemple de ce que Ian McEwan sait faire de mieux. Il raconte la reconnaissance par Clive d’un homme soupçonné d’un viol que celui-ci a laissé se commettre pour ne pas perdre son inspiration musicale. Premier passage, Clive sûr de lui, désigne l’homme qui portait la casquette qu’il a lui-même décrite à la police. Deuxième passage, aucun homme ne porte de casquette mais Clive, toujours aussi sûr de lui, désigne celui qui pour lui est le même homme. Les policiers semblent ne pas porter la même importance à cette deuxième reconnaissance faciale et voici la fin du chapitre :

On le déposa juste devant les portes de l’aérogare. Tandis qu’il s’extirpait de la banquette arrière et faisait ses adieux, il s’aperçut que le policier au volant n’était autre que le type qu’il avait désigné lors de la seconde séance d’identification. Mais ni lui ni Clive n’éprouvèrent le besoin de commenter cette méprise au moment où ils se serrèrent la main.

 

Tout le style de Ian McEwan est dans ce passage : il traque mieux que quiconque les petites adaptations de notre conscience avec des faits qui peuvent avoir des conséquences très graves. Comme la condamnation pour viol et meurtre d’un homme que l’on est pas sûr de reconnaître. Mais son pessimisme sur la nature humaine est assez triste, trop sans doute pour moi.

 

 

 

Citations

La génération 68

Quelle énergie, quelle veine ! Nourris dans la situation d’après-guerre du lait et du jus vitaminé de l’État, puis soutenus par la prospérité timide, innocente de leurs parents, pour atteindre l’âge adulte en une période de plein-emploi, d’université nouvelles, de bons livres de poche, sous le règne néoclassique du rock n’ roll et des idéaux qu’on pouvait se permettre. Lorsque les barreaux de l’échelle s’étaient rompus derrière eux, lorsque l’État était passé de la Providence à la mise au pas, ils se trouvaient déjà en sûreté, ils avaient consolidé et entrepris d’établir telle ou telle éléments de leur existence – goût, opinion, fortune.

Vanité tout n’est que Vanité

Des tableaux impressionnistes anglais et danois étaient accrochés à proximité d’affiches fanées des premiers triomphe de Clive ou de concerts de rock mémorables -les Beatles au City Stadium, Bob Dylan à l’île de Wight, les Rolling Stones à Altamont. Certains de ces poster valaient plus cher que les tableaux.

Les caprices d’écrivains

Ces gens-là – les romanciers étaient de loin les pires – parvenaient à convaincre leur entourage que non seulement leur temps de travail, mais la moindre de leur sieste et de leur promenade, leur accès de mutisme, d’abattement ou d’ivrognerie étaient couverts par l’immunité des grands dessins. Un masque pour la médiocrité, estimait Clive. Il ne mettait pas en doute la noblesse de la vocation, mais se conduire mal n’en faisait pas partie. Peut-être pouvait-on admettre pour chaque siècle une ou deux exceptions, Beethoven, d’accord ; Dylan Thomas, en aucun cas.

L’homme fatigué

Il se coucha sur le côté et se demanda s’il était d’attaque pour se branler, s’il n’aurait pas intérêt à s’éclaircir les idées, vu la journée qui l’attendait. Sa main opéra quelques attouchements distraits puis il renonça. Ces temps-ci, il manquait apparemment la conviction et la tranquillité ou le vide mental, et l’acte en soi semblait bizarrement démodé et improbable, comme d’allumer un feu en frottant deux bouts de bois.

14 Thoughts on “Amsterdam – Ian McEWAN

  1. keisha on 24 septembre 2021 at 07:38 said:

    Quoi? Un McEwan que je n’ai pas lu? Il va falloir se rattraper! ^_^

    • Je sais que tu aimes cet auteur. Moi j’ai du mal avec son pessimisme surtout qu’il s’exerce sur les créateurs. Je n’ai pas envie de connaître la face cachée de gens dont je pourrai apprécier les œuvres, en tout cas pas aussi systématiquement.

  2. Un auteur que je n’ai pas encore lu, malgré son succès. Je ne suis pas sûre d’y arriver un jour avec tout ce que j’ai sous le coude.

    • on ne peut pas tout lire et en plus je crois que si j’avais le choix (et on a toujours le choix) ce n’est pas vers lui que je me tournerai, il est trop cruel avec des gens qui ont mon estime ou en tout cas que j’aimerais bien estimer.

  3. C’est avec ce titre que j’ai découvert l’auteur, et j’avais été un peu mitigée. Bien que consciente de ses grandes qualités stylistiques, j’avais eu un peu de mal à me sentir impliquée dans cette histoire d’hommes méprisables, pour la plupart…

  4. j’aime beaucoup cet auteur depuis ses débuts et à part un ou deux romans moins attrayants pour moi c’est toujours de bonne facture
    je retiens celui là que je n’ai pas encore lu

  5. Comme Dominique, je le lis depuis longtemps, mais il a pas mal publié, et celui-ci ne m’est pas encore tombé entre les mains ! Je pense que j’aimerais, d’après ce que tu en dis.

  6. C’est drôle …. Quatre coquillages et dans tes commentaires, tu es beaucoup plus critique ! Comme quoi, on peut apprécier la qualité littéraire d’un titre sans adhérer au propos.
    Mais comme moi, je suis curieuse de tout ce qu’a écrit cet auteur, et bien ma foi, j’irai me coltiner avec son pessimisme, tant pis pour moi !

    • Tu as tout compris , c’est exactement ça : « on peut apprécier la qualité littéraire d’un titre sans adhérer au propos. » il a de l’esprit et mène très (trop) bien ses récits!

  7. Et pourquoi un tel titre ? Puisqu’il ne semble pas être question de cette ville que j’ai tant aimé ?!
    Bon sinon, j’ai trop de livre dans ma PAL pour me pencher sur des romans exacerbant un pessimisme sur la nature humaine. Je vais donc passer.

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