Éditions Pocket . traduit de l’anglais par France Camus-Pichon
lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard
Voilà un livre dont la critique est pour le moins compliquée. Je vous explique pourquoi : la plupart de mes critiques négatives sont tombées lors du dernier chapitre. Et évidemment le clan des anti-divulgâcheuses va me tomber dessus à bras raccourcis si je vous en explique davantage.
Alors tant pis je suis la chronologie du récit, sinon vous ne le lirez pas ce billet !
Sachez quand même qu’à la page 153 vous lirez ceci :
En un sens c’est là que l’histoire commença, lorsque je pénétrai dans ce bureau et que l’on me l’expliqua en quoi consistait ma mission.
Pauvre lecteur ! 153 pages où il ne se passe pas grand chose , enfin si, la vie de Serena une jeune fille de la classe moyenne Britannique qui aurait voulu étudier la littérature anglaise, pour assouvir sa passion de la lecture. Mais sa mère, une maîtresse femme, qui gère sa famille de main fer, son mari pasteur anglican puis évêque et ses deux filles décide que, puisque Serena est très bonne en mathématiques, elle ira étudier cette matière à Cambridge. Elle y passera une licence sans prestige mais rencontrera, d’abord Jeremy qui s’avérera préférer les hommes aux femmes et son premier grand amour un professeur plus âgé qu’elle qui la fera rentrer au service du contre-espionnage anglais.
la voici donc espionne et c’est particulièrement ennuyeux jusqu’à ce qu’on lui propose de participer à l’opération « Sweet Tooth » qui consiste à encourager des auteurs à écrire si possible des livres anti-communistes. Nous sommes en pleine guerre froide. Elle rencontrera alors Tom Haley à qui elle proposera de l’argent d’une fondation (qui est en réalité une officine des services secrets britanniques) pour écrire un roman. Elle en tombera follement amoureuse et sera tourmentée par le fait de dévoiler ou non son appartenance au service secret. Malheureusement à l’intérieur du service un homme est aussi amoureux d’elle et cherchera à lui nuire.
C’est donc un roman qui parle beaucoup du plaisir de la lecture et de la création littéraire. Serena est une dévoreuse de livres, on peut se retrouver dans ses réactions face aux personnages de romans. Il permet aussi de décrire les services secrets et la misogynie qui y règne.
Classer ce roman dans la catégorie roman policier (comme il l’était dans une bibliothèque que je fréquente parfois) risque d’induire les amateurs du genre en erreur. La création littéraire, voilà le thème principal. D’abord à travers les lectures de Serena qui décortique un roman et nous en fait comprendre les ressorts très rapidement, et à travers le travail de Tom Haley qui s’attelle à l’écriture de son premier grand roman.
Et c’est aussi un roman d’amour, car une des clés de l’intrigue ce sont les sentiments amoureux de Serena pour Tom Haley. Bien sûr le cadre dans lequel cela se passe c’est le contre espionnage, et l’auteur en fait une description qui n’est pas à l’honneur des services britanniques. Les femmes sont tenues à des rôles de subalternes quelles que soient leurs diplômes ou leur qualité. Qui enverra-t-on faire le ménage dans une planque qui a été occupée pendant des mois par un homme qu’on voulait cacher ? Serena et son amie bien sûr !
Pourquoi est ce que j’ai des réserves sur ce roman ? Même si j’en ai l’explication au dernier chapitre, je n’ai pas réussi à oublier l’impression d’ennui que m’a procuré les cent cinquante trois premières pages. Les personnalités des membres de la famille de Serena sont plus esquissées que réelles, on verra à la fin que c’est tout à fait normal. Mais bon, c’est aussi un procédé et je n’aime pas trop qu’un livre se construise de cette façon.
Je suis certaine que ce romans sera chaudement défendu à notre club de lecture, je suis souvent toute seule à ne pas aimer le suspens. Ici il n’y en a pas vraiment mais un superbe renversement de situation. J’espère ne pas en avoir trop dit pour vous.
Extraits.
Début.
Je m’appelle Serena Frome (prononcer « frume » comme dans plume) et, il y a près de quarante ans, on m’a confié une mission pour les services secrets britanniques. Je n’en suis pas sorti indemne. Dix-huit mois plus tard j’étais congédiée, après m’être déshonorée et avoir détruit mon amant, bien qu’il eût certainement contribué à sa propre perte.
Les portraits comme je les aime.
Elle représentait la quintessence ou la caricature de l’épouse de pasteur, puis d’évêque anglican : une mémoire phénoménale des noms, visages et tourments des paroissiens, une façon bien à elle de descendre une rue en majesté avec son foulard Hermès, une attitude à la fois bienveillante et inflexible envers la femme de ménage et le jardinier. Une courtoisie sans faille qui s’exerçait à tous les échelons de la société dans tous les registres.
Encore un portrait comme je les aime.
Il était mal habillé intelligent sans ostentation, et d’une politesse extrême. J’avais remarqué plusieurs spécimens du genre dans mon entourage. Tous semblaient descendre d’une seule et unique famille et venir d’école privée du nord de l’Angleterre, où on leur avait fourni les mêmes vêtements. Ils étaient les derniers hommes sur terre à porter des veste de tweed avec des parements et des coudières en cuir. J’appris mais pas de sa bouche, qu’il aurait sûrement sa licence avec mention très bien et avait déjà publié un article dans une revue universitaire sur la Renaissance.
Comparaison amusante.
De même qu’à l’armée on initie les jeunes recrues à l’heure nouvelle vie en leur faisant éplucher des pommes de terre et récurer la cour avec une brosse à dents avant un défilé, je passai mes premiers mois à compiler les liste des membres de toutes les sections du parti communiste de Grande-Bretagne et à créer des dossiers sur ceux qui n’apparaissaient pas encore sur nos fichiers.
On entend souvent le même genre d’arguments.
C’est un déshonneur collectif de n’avoir pas localisé ces cellules terroristes ni démantelé leurs circuits d’approvisionnement. Et – thèse principale du général- cet échec s’expliquait avant tout par le manque de coordination entre les différents services de renseignement. Trop d’agences, trop d’administrations défendant leurs prérogatives, trop de conflits d’attributions, un commandement insuffisamment centralisé.
Portrait de la sœur ex- hippie.
Elle pointait au chômage, fumait du haschich, et, trois heures par semaine, elle vendait des bougies arc-en-ciel sur le marché du centre ville. Lors de ma dernière visite chez nos parents, elle évoqua ce monde névrosé, concurrentiel, « formaté » qu’elle avait laissé derrière elle. Quand j’indiquais que c’était également le monde qui lui permettait de mener une existence oisive, elle avait ri et répondu : » Ce que tu peux être de droite, Serena ! »
L’heure d’hiver.
Avec la fin du mois d’octobre revint le rite annuel de la mise à l’heure d’hiver des pendules, qui referma le couvecle de l’obscurité sur nos après-midi, assombrissant encore l’humeur de la nation
Regard sur une génération.
Luke tombait dans le travers inexcusable des fumeurs de cannabis, qui ne parlent de rien d’autre et donnent tous les détails une résine célèbre provenant d’un petit village de Thaïlande, la terrifiante descente de police à laquelle ils avaient échappé de justesse un soir, la vue sur un lac sacré au coucher du soleil après avoir fumé, un malentendu désopilant dans une gare routière et autres anecdotes assommantes. Qu’arrive-t-il à notre génération ? Nos parents nous avaient ennuyé avec la guerre. Pour nous, voilà ce qui la remplaçait.
Moi qui adore McEwan, c’est le seul titre de lui que je n’ai pas prévu de lire, car j’avais lu plusieurs avis mitigés à son sujet (dont un d’Athalie, si j’ai bonne mémoire, qui est pourtant fan de l’auteur).
C’est un roman construit sur une astuce qui explique ce qu’on ressent au début mais n’enlève en rien l’impression d’ennui. Moi aussi j’aime bien cet auteur.
PS je suis allée sur le blog d’Athalie et j’aime bien la façon dont elle parle de ce roman.
Le contexte et le sujet m’intéresse, mais 153 pages sans rien ou presque, c’est fichtrement long tout de même !
Il faut aussi noter que tu as l’explication de cet ennuie relatif
M’en fiche, McEwan je lis (OK je l’ai déjà lu mais je le relirais bien)
quand on aime , on ne discute pas …
C’est un peu le problème avec l’auteur : à la lecture de certains de ses romans, je me suis ennuyée.
ce n’est pas tant l’ennui dans ce texte qu’un côté un peu convenu des personnages qui s’explique très bien à la fin.
En tout cas, je ne me suis ennuyée du tout en lisant ta chronique, bien au contraire !
C’est très sympa merci. C’était un billet difficile à écrire car si j’avais connu la fin je crois que j’aurais préféré ce roman, mais sur les blogs les gens détestent qu’on leur révèlent la fin.
j’avais adoré ! un de mes préférés de l’auteur. Je l’avais justement trouvé très complet, je ne me souviens pas de moments d’ennui mais je l’ai lu il y a longtemps.
C’est un auteur qui a ses fans moi je n’aime pas toute son œuvre . La construction de celui-ci est amusante.
Certains de ses romans me sont également tombés des bras mais j’ai adoré Sur la plage de Chesil et je dévore son dernier depuis hier !
un romancier qui a visiblement ces fans!
En bref, il ne faut pas commencer par celui-ci pour faire connaissance avec l’auteur, ce qui est mon cas. J’en ai un autre dans ma PAL depuis une éternité.
Il y a toujours dans ses romans un ressort qui explique la dramaturgie. Pour moi son meilleur roman c’est « Expiation »
Ça tombe bien, c’est celui que j’ai dans ma PAL :-)
J’ai beaucoup aimé ce roman mais je suis une fan absolue de l’auteur !
cet auteur a son « fan-club » sur la blogosphère !!!
Bonjour Luocine, si je te disais que j’ai lu ce roman mais que je n’en ai aucun souvenir et pourtant j’en ai dit beaucoup de bien il y a 10 ans. Comme quoi. Bonne fin d’après-midi.
c’est une question que je me pose souvent , nous qui lisons beaucoup de quels livres nous souvenons nous ?
Tu as dit juste ce qu’il faut pour très fortement m’intriguer ! J’ai un peu peur de l’ennui des 150 premières pages, mais le thème de la création littéraire m’attire.
alors tu vas être servi, c’est vraiment le sujet ici.