Traduit de l’italien par Danièle VALIN.
J’avais beaucoup aimé « Eva dort », ensuite j’ai lu dans les blogs que je fréquente tout le bien que vous pensiez de ce deuxième roman : Dominique qui a su trouver et les mots et les photos qui convenaient pour m’attirer, Krol à sa façon sans rien dire du roman mais en expliquant son plaisir de lectrice, et bien d’autres encore (j’ai malheureusement effacé ma liste des livres à lire de l’an dernier, je ne peux donc pas citer tous les blogs).
J’ai lu ce roman d’une traite, touchée par la douleur de Luisa et de Paolo qui viennent voir dans une prison de haute sécurité sur une île, l’une son mari violent et assassin, et l’autre son fils révolutionnaire et criminel. Leur souffrance est décrite de façon si exacte et si précise, que l’on ressort bouleversé par cette lecture. Francesca Melandri, a concentré tout son talent à ne parler que du point de vue des trois personnages : Luisa, l’agricultrice qui a dû subir les violences de son mari et qui n’est pas étonnée que celui-ci ait tué un des gardiens. Paulo qui porte en lui toute la culpabilité d’avoir un fils qui a commis de telles atrocités au nom d’un idéal qu’il lui a lui-même enseigné, et enfin le gardien Nitti Pierfrancesco, qui a peur de perdre son humanité tant la violence est importante dans ce genre d’univers carcéral.
Il ne s’agit pas d’un document et Francesca Melandri ne veut donner aucun renseignement qui pourrait écarter son lecteur de son propos : ce que ressentent les proches de ceux qui ont commis de tels actes. Au début cela me gênait de ne pas mettre un nom sur l’île où sont enfermés ces gens si dangereux . Mais peu à peu, j’ai accepté le parti pris de l’auteure. On ne saura pas, non plus, ce que pensent les détenus et la visite si importante pour leur famille n’est pas racontée. Il s’agit seulement de ceux qui n’ont rien fait de mal et qui souffrent d’avoir un membre de leur famille qui les oblige à fréquenter ce genre de lieux. Leurs peines sont différentes, le gardien Nitti perd son âme et commet souvent des actes qui le dégoutent, Paolo se sent responsable et coupable, Luisa est en quelque sorte soulagée de ne plus être confrontée à la violence, sans pour autant rejeter ce mari qui était un homme travailleur.
J’ai beaucoup aimé la fin du roman qui ne tombe dans aucune mièvrerie, mais je me serai volontiers passé du dernier chapitre (trente ans après), le fou-rire de Luisa et Paolo me suffisait.
Citations
La douleur d’une mère
Quand Emilia vit entrer son fils par la porte au bout de la salle, elle se mit à pleurer. Sans arrêt, tout au long de la visite. Des larmes silencieuses, sans gémissements ni sanglots, rien qu’un incessant jaillissement d’eau de ses yeux. « Les cataractes du ciel » se surprit à penser Paolo : sa femme femme pleurait comme un déluge divin. On aurait dit qu’elle voulait de verser hors d’elle tout le liquide organique, se dessécher, se réduire à l’état de momie.
La comédie de la souffrance
À la fin de la rencontre avec leurs parents, il n’y avait eu de ces drames, ces implorations, ces larmes, auxquels s’abandonnaient trop d’entre eux, beaucoup trop. C’étaient surtout les femmes des chefs de clan qui tenaient à montrer à leurs hommes combien cette séparation était insupportable. Le gardien Gamba soupçonnait justement les femmes qui piquaient des crises de nerfs à la fin de la visite d’être celles qui cocufiaient le plus leurs maris en prison. Naturellement, il avait toujours gardé pour lui cette conviction, il ne tenait pas à finir poignardé.
La lutte armée clandestine
En revanche, il avait connu très peu d’enfants de détenus, à part quelques-uns en bas âge. Ceux qui s’étaient engagés dans cette voix – clandestinité d’abord, prison ensuite – l’avaient fait jeunes, même très jeunes parfois : bien peu avaient eu le temps de se reproduire avant. L’objet de toute leur tendresse et de leurs soins était la lutte armée qui, à la différence d’un enfant, pouvait grandir aussi dans des appartements loués sous un faux nom.
Le pouvoir des mots
Le premier était sûrement « révolution ». Qui n’est pas laid en soi, pensa Paolo, comme chose et encore moins comme mot… C’était simple, au fond. Quand la chose correspond au mot on fait de l’Histoire. Mais s’il n’y a que le mot, alors c’est de la folie. Ou bien tromperie, mystification.
J’ai emprunté « Eva dort » à la bibli je vais commencer par là !
Alors je lirai avec plaisir ton commentaire.
C’est vraiment un très beau roman. J’ai « Eva dort » qui m’attend dans ma PAL.
Tu devais faire partie des blogs où je l’avais remarqué…. oui c’est un très beau roman , plus abouti que « Eva dort » selon moi.
Je l’avais acheté quand une blogueuse que j’aime beaucoup en avait fait un coup de cœur. Il m’attend depuis, il faut que je m’y plonge, ton avis me conforte dans l’idée que je vais me régaler.
Je le pense aussi , c’est un roman très bien fait et qui, tout en étant pas un documentaire, en dit beaucoup sur cette période de l’Italie contemporaine.
J’ai noté « Eva dort » grâce à toi, mais je suis bien sûr en retard, toujours à sauter d’une envie à l’autre, aussi n’ai-je pas encore concrétisé celle-là. Déjà en voilà une autre…
J’aime quand vous exprimez être débordé par les lectures que vous avez notées dans les blogs. Je suis tellement en retard que je me demande souvent si je ne suis pas trop lente. J’ai encore préféré ce roman à »Eva dort » . C’est dire. Cette auteure parle très bien de la douleur causée par des proches, cest très pudique et très fort.
Ravie que tu aies aimé et je suis d’accord avec toi, moi aussi je me serais volontiers contentée de la « première » fin.
Quel beau roman, quand même! J’ai vraiment été saisie par l’expression dela douleur de cette femme et cet homme. Bravo à cette écrivaine!
J’attends qu’il arrive à la bibliothèque, c’est long !
moi c’est là que je l’ai trouvé …patience!
Repéré sur les blogs, mais là faut attendre la bibli -ou pas. J’ai une pAL énorme! (dont deux Marias ^_^)
alors là la réponse est toute trouvée, j’échangerais volontiers la relecture de 2 Melandri conte un demi Marias….
je n’ai pas été tracassée par ces deux fins, il faut que j’aille relire ça car vous paraissez d’accord sur ce points
En tout cas un excellent roman, d’une grande maitrise narrative, cette capacité à dire beaucoup en peu de mots m’a énormément plu
une auteure à suivre assurément
merci à toi pour le lien
la première fin restait dans l’époque , celle des années de plomb; la deuxième nous ramène aujourd’hui et affadit le roman selon moi et Krol visiblement.
Mais tu nous avais conseillé là un excellent moment de lecture merci à toi.
Tu en parles très bien ! Il était déjà noté mais après ce billet, je pense que je vais craquer très vite !!! :)
Tant mieux pour ce livre qui le mérite largement.
Tant mieux pour ce livre qui le mérite largement. Et bon retour parmi le monde des blogs!
Bon, je vais faire comme tout le monde, je vais noter « Eva dort », et me plaindre de la hauteur des piles qui s’entassent autour de moi. Je les avais prise en photo pour en faire une petite note, mais depuis, elles ont encore grimpé !
C’est le problème je partage ton angoisse …mais lis ce roman , il en vaut la peine.