Édition Iian Levi, 234 pages, Aout 2024
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Emmanuelle et Philippe Aronson
Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.
Le droit consiste surtout à savoir vendre son client.
Voilà un auteur qui ne me déçois jamais, vous trouverez sur mon blog « une canaille et demie » et « un voisin trop discret » , encore une fois je vais souligner les qualité de concision de cet auteur. On est si loin des 500 pages minimum des pavés nord-américains. Et pourtant, avec ces 234 pages, Iian Levison en dit beaucoup sur la justice américaine. On comprend bien que, si la justice française n’est pas parfaite, celle de ce pays où les juges et les procureurs sont élus entraînent des dérives dangereuses, que ce grand pays aux 52 états avec des lois différentes font que ce qui est punissable de prison dans l’un est accepté dans l’autre, on voit aussi combien le rôle d’un bon avocat -forcément très cher- peut changer complétement le sort d’un prévenu, et par dessus toutes ces difficultés combien les cadres du pays peuvent être corrompus par l’argent de la drogue. Oui, cet auteur sait nous faire comprendre tout cela et en plus, il ne manque vraiment pas d’humour. Bref je me suis régalée et comme en ce moment je lis la Saga de l’arrivée des paysans suédois aux États-Unis, j’ai pensé que ces gens qui avaient été amenés à quitter leur pays pour travailler dans un esprit de justice et de liberté, seraient bien étonnés de voir le pays qu’ils ont contribué à construire.
Il faut le dire tout de suite, l’intrigue est assez faible, on sait tout de suite que les rendez-vous au Night-club pour donner des conseils juridiques à des stripteaseuses, cachent une arnaque que nous comprenons avant ou en même temps que Justin Skyses, avocat commis d’office dont le rôle consiste essentiellement à négocier des peines pour éviter le procès à ses clients. Les ficelles de l’intrigue ont gêné certains lecteurs, mais, comme je suis peu sensible au suspens, l’histoire elle-même est anecdotique, en revanche ce qui m’a beaucoup plu, c’est la description du système judiciaire américain. Et quand on voit comment leur président actuel a réussi à contourner toutes les condamnations auxquelles sa conduite aurait dû normalement l’amener, on peut en conclure que Ian Levison ne force pas beaucoup le trait.
Extraits
Début (j’ai ri)
« C’est un garçon tellement gentil. Tellement doux. Il a toujours été facile. » Par-dessus mon bureau en désordre, Mme Novak me regarde avec ses grands yeux tristes. Son fils vient d’être arrêté, pour la troisième fois, après s’être exhibé dans le bus devant des lycéennes. En l’occurrence, il n’y a pas moyen d’élaborer une défense à proprement parler. Eric apparait sur la vidéo surveillance du bus, et il y a sept témoins dont deux officiers de police. Il nous faut donc plaider coupable et supplier le juge de se montrer clément. Nous présenterons les circonstances atténuantes demain.
Système judiciaire américain.
Chaque état a pu bénéficier de son propre système judiciaire, donnant ainsi naissance aux États-Unis d’Amérique. Désormais nous avons cinquante systèmes judiciaires, sans parler de celui du gouvernement fédéral.Ce qui signifie qu’aujourd’hui, si vous voulez fumer de l’herbe au bord de la Delaware River côté New Jersey grand bien vous fasse, le cannabis étant légal là-bas . Mais la Pensylvanie, de l’autre côté du fleuve possède les lois les plus restrictives du pays en matière de drogue . La notion de délit est donc géographique. Ce ne sont pas vos actes qui caractérisent le crime, mais l’endroit où vous vous vous trouvez. La morale, et toute l’idée de bien et de mal, disparaissent de l’équation.
Perversité du métier d’avocat aux US.
Aujourd’hui j’apprends qu’en Californie les abeilles sont légalement des poissons. Les instances de l’État ont légiféré en ce sens pour permettre d’allouer une partie du budget prévu pour la pêche à l’étude sur la diminution de la population de ces insectes hyménoptères. Très malin, et j’approuve cette façon créative de résoudre un problème, mais en tant qu’avocat j’imagine sans peine qu’une compagnie d’assurances ne tardera pas à refuser les frais d’hôpitaux d’une personne piquée par une abeille sous prétexte que la couverture en question ne prend pas en charge les blessures causées par des poissons. Et l’avocat qui aura enterré cette exception des poissons dans le verbiage contractuel des polices d’assurance sera promu, ce qui montre bien qu’en se tenant suffisamment au courant pour savoir par exemple que « les abeilles sont désormais des poissons » que l’on gravit les échelons dans ce métier.
Paradoxe.
Je ne dis pas que le système est raciste, mais qu’il vaut mieux être riche et noir que pauvre et blanc. Le système aime plus l’argent qu’il ne hait les Noirs, ce qui est certainement ce que je peux dire de mieux à ce sujet.
J’aime bien les romans de Iain Levison (mais n’ai pas encore lu celui-ci). C’est un auteur américain un peu « hors-circuit » puisqu’il publie directement en traduction en français. Il n’est pas publié aux Etats-Unis, depuis plus d’une dizaine d’années.
Je ne savais pas ça. Mais, j’ai déjà remarqué que des auteurs que nous aimons beaucoup ont peu la côte outre-Atlantique. Et le contraire est souvent vrai : je m’ennuie beaucoup avec les pavés américains présentés comme des chef d’œuvre.
Mais au point de ne pas être publié dans son propre pays, ça je ne l’avais pas imaginé. Alors lisons toutes et tous ce roman pour lui donner le succès qu’il mérite.
Ah mon billet est prêt, et tes passages sont bien choisis (j’en ai un en commun, pour les autres j’ai souvent la flemme) N’hésite pas à lire ceux que tu n’as pas lus. Un bon opus.
j’ai hâte de te lire.
Comme toi, Levison ne me déçoit jamais. Je lirai sans doute ce titre.
je t’encourage dans la limite de ton temps disponible !
Tes extraits sont excellents et m’amènent à penser que l’auteur est peut-être trop critique pour être apprécié du public américain
il ne faut pas désespérer de l’intelligence de ce grand peuple ! mais bon on a tous un peu peur en ce moment!
Kathel m’apprend qu’il n’est plus publié aux Etats-Unis ; et ça ne va sûrement pas s’arranger pour un certain nombre d’entre eux. J’ai passé un excellent moment avec ce roman, c’est un art de faire rire avec des sujets aussi désespérants.
Tu as tout dit en une seule phrase, merci pour ce commentaire.
Un auteur à part, il sait toujours écrire beaucoup de choses en peu de mots, je le lirai un jour celui-ci même si je suis « passée à côté » d’un des titres de l’auteur il y a peu de temps.
pour l’instant j’ai tout aimé de lui, celui-ci est une description très critique (même si on rit) de la justice américaine.
De cet auteur je n’ai lu que Trois hommes, deux chiens et une langouste et j’avais beaucoup aimé.
tu peux continuer si tu en as le temps !
Un roman que j’avais trouvé un peu moins bon que ses précédents.
Sans doute à cause de l’intrigue ? Car pour la critique du système judiciaire américain il est très pertinent , non ?
Je crois que ce qui nous est le plus difficile à comprendre c’est que cela a beau être un pays légalement parlant, c’est surtout une agrégation de territoires…Il ne faut pas nous comparer ) eux en tant que France ou Belgique, mais en tant qu’Union Européenne. Et au final, chez nous en Union Européenne c’est un peu similaire : ce qui est autorisé en France, peut ne pas l’être en Pologne par exemple. Après, l’exemple américain est vraiment extrême.
Et au passage, on se sentirait probablement moins inférieurs et/ou capables si on se comparaient à eux de cette manière UE vs Etats-Unis. Mais on a encore trop cette forme de pensée « nationale », plutôt qu’européenne.
Bon désolée, ce commentaire n’a pas trop à voir avec la littérature! ;)
en ce moment c’est vraiment un pays difficile à comprendre . Je trouve ta comparaison entre eux et nous européens très pertinente !
Comme il me tarde de lire ce roman ! J’adore l’auteur !
on est nombreux parmi les blogueurs et blogueuses , et puis il nous fait sourire
Si on ajoute le racisme et la peine de mort au tableau que tu dresses au début, c’est la totale.
oui tout cela est vrai et en même temps tant de gens que j’aime y vivent , ils croisent les doigts en ce moment pour que toutes les valeurs auxquelles ils sont attachés ne s’effondrent pas
C’est un titre qui a été proposé à l’occasion de l’activité autour du monde du travail et que j’ai repéré.. j’ai lu un Levison il y a longtemps (je n’ai même pas trouvé de billet sur mon blog), et je me souviens d’un titre bien divertissant.
le thème c’est plutôt la mafia, la corruption et la justice
Je l’ai réservé depuis un moment à la bibliothèque…. j’attends !
le plaisir n’en sera que plus grand !
J’aime beaucoup cet auteur moi aussi. Je pense que je n’aurai pas de mal à retenir le titre, qui n’est pas banal !
oui oui le titre est long mais très facile à retenir.
J’aime bien cette « grille de lecture ».
Je l’avais lu au premier degré, attiré par le billet de dasola.
Effectivement, on sent vite qu’il y a un loup tellement c’est flou, mais je n’avais pas capté tout de suite le but de la chose…
(s) ta d loi du cine, « squatter » chez dasola
je crois que si on lit ce roman pour lire un bon polar on sera déçu mais si on veut se rendre compte des failles du système judiciaire américain tout en s’amusant c’est un roman parfait
Tu donnes envie ! J’ai envie de mieux comprendre ce système judiciaire américain…visiblement cet auteur fait l’unanimité.
C’est un regard unique sur l’Amérique.
Je ne connais pas l’auteur, mais je note le titre :)
c’est un bon auteur!