Édition Robert Laffont, 405 pages, mai 2024

Encore une déception, et pourtant j’avais tant aime « L’été des quatre Rois » et « L’air était tout en feu » , j’ai commencé ce roman avec tant d’attente, et j’étais certaine d’éprouver un plaisir comparable aux deux autres lectures. Seulement voilà, le talent de cet auteur n’y est sans doute pour pas grand chose, cette histoire ne m’intéresse pas beaucoup. J’ai eu l’impression de fouiller dans les poubelles de l’histoire. Et même les traits d’esprit dont Camille Pascal est passé maître m’ont lassée.
Pour une fois, je peux sans craindre la levée de bouclier des anti-divulgâcheuses raconter toute l’histoire car elle est connue de tout le monde. Une intrigante « la comtesse de la Motte Valois, pas plus comtesse, que n’importe quelle jolie femme de Paris vivant de ses charmes, décide de faire reconnaître son lignage « Valois » et pour cela tape à toutes les portes qui veulent bien s’ouvrir. Par chance, elle tombe sur une benêt de service : le cardinal de Rohan. Elle devient sa maîtresse et lui soutire de l’argent et même une petite rente. C’est une femme d’intrigues, menteuse et fort intelligente. Comprenant que le cardinal souffre de sa disgrâce auprès de Marie-Antoinette, elle lui fait croire qu’elle peut l’aider à communiquer avec la Reine. Pour cela, elle utilise les services d’un faussaire qui écrit de fausses lettres signée Marie-Antoinette au Cardinal. Mais celui-ci s’impatiente et veut concrétiser ses investissements financiers, car il donne beaucoup d’argent à la comtesse, soi-disant pour les œuvres de la Reine afin d’aider les familles nobles désargentées. Finalement, la comtesse organise un faux rendez-vous le soir, tard, dans le jardin du labyrinthe proche du Trianon (d’où le titre), avec une jeune prostituée qui ressemble un peu à Marie-Antoinette.

Le duc est fou de joie et complètement à la merci de l’intrigante, mais notre comtesse a toujours besoin de plus d’argent, par hasard elle apprend que des joaillers parisiens ont sur les bras un collier valant une fortune et dont la Reine n’a jamais voulu, la machination est en place le duc se porte garant de cet achat pour la Reine , et les joaillers sont ravis. Ils déchantent assez vite car ils ne sont pas payés , en revanche le comte et la comtesse de la Motte deviennent très riches.

Commence alors l’intrigue de cour, le conseiller de la Reine le duc de Breteuil veut absolument que le Cardinal de Rohan soit jugé et coupable de vol, et au lieu de s’en prendre à la véritable coupable, avec la Reine qui déteste ce cardinal, ils font tout pour que la faute soit la responsabilité du Cardinal. Finalement, il sera acquitté et la fausse comtesse condamnée.

J’ai été intéressée, au début surtout, par cette course à l’argent de gens qui veulent appartenir au monde des nantis. Cette course sans fin aux dépenses somptuaires qui en entraînent d’autres, car il faut toujours tenir son rang est très bien décrite. On sent que cette femme ne peut que perdre, mais on ne peut, aussi, qu’admirer son talent. La description de l’état de la cour du Roi Louis XVI, permet de se rendre compte à quel point on s’ennuyait à Versailles, ce palais trop grand pour le manque d’ambition de ce roi. La vie vient de la cour de Marie-Antoinette, qui loin du décorum du grand château s’amuse et les courtisans autour d’elle aussi. Le jeu de pouvoir entre le mari et son épouse donne pour l’instant la femme gagnante, mais la façon dont elle s’acharne contre un des grands du Royaume, retourne une partie de la noblesse contre elle, le procès donne lieu à un déferlement de libelles et à l’époque le peuple pense qu’elle a vraiment commandé ce fameux collier, il faudra du temps pour se rendre compte que de cette dépense – au moment où les caisses de royaume sont vides -, on ne peut pas la rendre responsable. Quelques années plus tard , tout le peuple de Paris détestera cette femme qui aura bien du mal à comprendre ce déferlement de haine. J’ai souvent lu que cette affaire du collier a été le début du désamour des Français pour la Reine (autrichienne de surcroît) .

Un roman certainement proche de la vérité historique, qui se lit très bien, mais dans un monde qui ne m’intéresse pas beaucoup, et la distance avec la quelle je l’ai lu, a fait que j’ai été moins sensible aux procédés de style de l’auteur qui petit à petit m’ont lassée.

Extraits

Début .

 « Jeudi 30 mais 1782
Paris, rue de la Verrerie, à l’enseigne de la Ville de Reims, puis à hôtel de Rohan-Strasbourg, rue Vieille-du-Temple au Marais.
 Une jeune trotteuse comme il s’en voit beaucoup rejoindre les boulevards aux beaux jours essayait, tant bien que mal, de tenir le haut du pavé de la rue étroite dans l’espoir d’épargner la soie bleue de ses petits souliers, pourtant déjà bien délavée par de multiples dégraissages. C’est là, dans un garni modeste à l’enseigne de La Ville de Reims, que Jeanne de La Motte et son mari logeaient leur gêne depuis qu’ils avaient quitté Bar-sur-Aube dans l’espoir de trouver à Paris le rang et la fortune dispersés depuis longtemps par les vents de l’Histoire, mais auxquels ils pensaient toujours avoir droit.

Le style et le vocabulaire j’ai appris ce mot « paraphernaux » .

 Une semaine plus tard, la jeune femme arriva à la tombée du jour dans un trait beau cabriolet de louage, monta directement à l’étage par le grand escalier d’honneur. Le cardinal, en grand seigneur méchant homme, exigea tout et elle ne lui refusa rien. À la nuit, elle repartit avec une aumônière brodée aux armes des Rohan pleines de deux cents Louis d’or, ainsi que la caution de son amant pour la petite dette de cinq mille livres, contractée deux ans plus tôt, qu’il s’engageait à régler l’année suivante dans le cas où elle ne serait pas encore rentrée en possession de ses biens paraphernaux

Mot d’esprit, humour .

 À la suite de quoi elle marqua une petite pause, de façon à bien fixer son interlocutrice et à juger de l’effet que cette phrase prononcée avec la douceur de l’évidence provoquait sur cette malheureuse fille dont la bêtise lui avait sauté aux yeux dès qu’elle avait franchi le pas de sa porte. Ce détail avait échappé à son mari, qui cherchait chez ce genre de femme une autre agilité que celle de l’esprit, mais il était de la plus grande importance à ses yeux car il faciliterait grandement leur plan.

La course à l’argent du temps des rois .

 Il connaissait les difficultés financières de cette maison où l’on vivait grand train sans véritable revenus, et où il était plus courant de porter les meubles au Mont-de-Piété que chez le tapissier.

Le salon de la réussite ou presque .

 Salon de la rue Neuve-Saint- Gille non-seulement ne désemplissait plus, mais il avait il avait bien changé de physionomie. Un mobilier complet garnie de tapisseries de Beauvais aux fables de La Fontaine, posé sur un grand tapis d’Aubusson, permettait de recevoir aisément une quinzaine de convives, la pendule au cadran ébréché avait rejoint la chambre de Rosalie, qui s’en montrait satisfaite, pour être remplacée par une autre, au mécanisme complexe, orné d’une figure de la sensibilité en marbre blanc. Elle était encadrée de de jolies vases de Sèvres flambant neufs, dont Jeanne laissait entendre, en baissant la voix, qu’ils étaient un présent de l’auguste souveraine.
 Le soir venu le fidèle Deschamps, promu au titre ronflant de premier valet de chambre du comte et de la comtesse de La Motte, allumait lui-même les girandoles d’or moulu supportées par d’orgueilleuses figures de bronze aux ailes déployées. Les invités arrivaient ensuite les uns après les autres ou par joyeux petit groupe et l’on accueillait sans trop de cérémonie – superflue entre gens du meilleur monde – le marquis de Saisseval ayant table de jeu ouverte dans tous les tripots du Palais-Royal, l’abbé de Cabre, conseiller au parlement de Paris, le comte d’Estain ou encore le receveur général d’Orcy.

Et le collier arrive .

 Son beau-père connaissait bien vos Boehmer et Bassenge, joaillier de la Couronne pour avoir aidé à quelques négociations délicates entre eux et le comte de Provence au sujet de l’écrin de la princesse, sa femme. Or il savait, pour en avoir souvent discuté avec les deux associés, qu’ils avaient en leur possession une parure de diamants unique au monde dont l’assemblage puis le précieux montage leur avait demandé plus de dix ans, mobilisant des capitaux immenses. D’abord destinée à la comtesse Du Barry, cette parure cherchait un acquéreur depuis la mort du feu roi, car Louis XVI avait bien pensé l’offrir à Marie-Antoinette à l’occasion de ses premières relevailles, mais elle l’avait repoussé par un caprice que personne ne parvenait encore à s’expliquer. À ce petit récit qui n’était pas uniquement de diversion après son faux pas de salon, l’avocat ajouta simplement :
 » Vous qui êtes en si grande faveur auprès de sa Majesté, peut-être pourriez-vous faciliter à ces pauvres bijoutiers la vente de leur collier avant qu’ils ne se le passent autour du cou pour se pendre avec. »

Une apparence de vérité dans cette scène .

 Si les conditions ainsi mises par écrit paraissaient plus favorables que celle évoquées par le cardinal quelques jours plus tôt, le contrat devait être impérativement signé par la reine en personne. On ne lâchait pas ainsi une pluie de diamants dans la nature sans une garantie solide. Rohan, qui ne s’attendait pas à une telle résistance en fut tout décontenancé. Il n’avait aucune habitude de la chicane, Dieu et sa naissance l’appelaient à diriger les âmes et à gouverner les hommes, pas à discutailler avec les marchands – il disposait pour cela d’intendants, de commis et d’un vicaire général. Pris au dépourvu car il n’avait pas prévu que la discussion irait plus loin, le cardinal cherchait des arguments et n’en trouvait aucun. Il offrait en garantie l’un des noms les plus illustres de France, une fortune certes ébranlée par les imprudences de son neveu Guémené mais immense et il couvrait leur accord de la pourpre cardinalice. Que voulait-on de plus ?

Style qui a fini par me lasser .

 Ce soudain tutoiement d’alcôve joint à la transparence d’un déshabillé et à ces regards mi-clos commença à faire vaciller le colosse de bordel au cœur d’argile. Jeanne, usant de séduction ne manqua pas d’ajouter l’intérêt à la concupiscence, en lui promettant de faire établir à son nom un contrat de six mille livres de rente viagère, puis après avoir déposé le petit encrier portatif posé sur la table à en-cas, elle intima :
« Prends cette plume et écrit au bas de ce marché le nom de la reine. »
Villette s’en empara sans discuter davantage et inscrivit la mention « Approuvée » là où le doigt de Jeanne le lui indiquait, puis avec toute l’application dont il était encore capable, il parapha l’ensemble d’un large « Marie-Antoinette de France … » Soulagé, le beau calligraphe se tourna vers Jeanne dans l’espoir d’obtenir sa récompense, car Priape palpitait à nouveau et réclamait maintenant son sacrifice. Cette fois-ci, le pont tomba, le verrou fut tiré et Jeanne renversée.

 


Édition Calmann Levy, août 2021, 343 pages

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

 

Le thème de notre club était l’aristocratie, donc, ce roman avait toute sa place : le baron de Testacceca , descendant d’une famille haute en couleur des Corbières, est propriétaire d’un château fort. Mais rien ne va bien dans cette famille de ce baron colérique qui fait facilement le coup de poing avec des gens du village qui se vengeront. Diane, la mère fait tout ce qu’elle peut pour maîtriser son diable de mari, et tenir à flots le peu de finances de cette famille, ensemble ils ont deux enfants Clémence une bricoleuse de génie et Pierre qui adore sa soeur et qui est un peu étrange .

L’auteur évoque cette région avec ses légendes et ses merveilleux paysages, on sent qu’il connaît et aime les Corbières. Léon essaie de faire du vin pour gagner de quoi réparer son château, mais la famille va être expropriée car leur château est classé et ils sont incapables de l’entretenir. Le maire est un malhonnête et leur vole une parcelle pour en faire un lotissement alors que celle-ci était classée inconstructible, mais par une entourloupe, il arrive en quelques jours à acheter le terrain et à le classer en zone à urbaniser. C’est peu crédible mais peu importe, cela permet à l’auteur d’imaginer une guerre entre les gens du château et les malhonnêtes du village.

Je pensais au début que cette histoire allait me plaire, mais je m’y suis beaucoup ennuyée, je ne me suis intéressée à aucun des personnages , sans être antipathiques ils ne m’ont pas semblé incarné . Je pense que ce récit manque d’humour ou de réalisme. On est entre deux eaux, le personnage du père, Léon , qui adore les bagarres aurait gagné à être drôle. L’histoire tourne au drame et à la tragédie sans que je ressente la moindre tristesse . Bref je suis passée à côte de ce roman dont j’ai aimé cependant les descriptions d’une nature si belle : les Corbières.

Voici l billet de Sylire , avis qui rejoint un peu le mien

J’avais oublié que j’avais lui un livre qui m’avait bouleversée « Avant la longue flamme rouge »

Extraits

Début.

 Pierre passe sous l’aine, et enfonce le couteau au renflement du croupion dont il tient écartés les bords caoutchouteux. Il y a encore quelques heures, ce perdreau volait dans la campagne à la recherche d’une femelle avec qui partager son nid de paille et de boue beurrée. La chair cède. Les vaisseaux s’entortillent autour de la lame. Les entrailles apparaissent : le foie couleur guimauve, le cœur dans un liquide délié, la graisse cireuse, l’intestin, la vessie aux reflets grenadine. Pierre extirpe ensuite les poumons qui ont l’air chacun d’être le cœur d’un animal plus grand et, surtout moins mort.

Le vin des Corbières .

Non pas un de ces reglingards qu’on vous sert sur du pain noir avec un pot de mayonnaise, ni une de ces piquette tellement chargée en levure qu’elles ont moins un goût de raisin que de banana split aux champignons ; pas plus qu’une de ces imitations prétentieuse de médoc, à la sapidité d’écharde, fabriquée en trouillard des copeaux de chêne et du sucre pommade.

J’aime bien cette baronne.

La baronne Mahault, qui entreprit de mener une attaque pour détruire le Panthéon, en 1788, sous prétexte qu’elle le trouvait trop laid (« un téton de truies sur un coffre en or »)

Remarque exacte.

 Depuis dix ans, d’un bout à l’autre du département, les centres-villes se vident, tandis que leurs alentours se remplissent de maisons identiques, de rond-points bizarroïdes et de lampadaires.

Édition la Table Ronde, collection la petite Vermillon, 1937 puis 1999 et Janvier 2024, 410 pages.

Traduit de l’anglais par Frédérique Daber

 

Dès que je saurai qui a été ma tentatrice (ou, mais cela m’étonnerait, mon tentateur) , je mettrai un lien vers son blog.

Je me réjouissais tellement de lire ce roman et de partir loin des horreurs mêmes bien décrites de l’antarctique, mais, malgré mon envie de me plaire chez les nobles anglais habitant l’Irlande, j’ai été déçue par ce roman.

Comme le dit Nathalie Crom dans sa préface , il fallait bien connaître de l’intérieur la noblesse protestante qui vit en Irlande pour décrire avec autant de minutie leur quotidien. Cela est certainement vrai, mais voilà, est ce que cette vie est intéressante ? pour moi à l’évidence la réponse est … pas trop !

Le roman commence dans une maison genre manoir aux apparences d’un château au bord d’une rivière aux eaux sombres, Garonlea. Les habitants au début du XX° siècle y sont particulièrement malheureux, car ils vivent sous l’autorité de la femme d’Ambrose un mari falot qui ne conteste jamais les décisions, même les pires, de son épouse Lady Charlotte McGrath. Leur fils, Desmond vit en pension loin de cet endroit qui suinte l’ennuie et la méchanceté mais les quatre filles sont tyrannisées par cette mère sans même penser à se révolter, sauf la petite dernière Diana. Muriel restera tout sa vie au service de son horrible mère, Enid sera mal mariée à Arthur qu’elle a cru aimer, Violette aura un vrai mariage .
La deuxième partie, voit l’arrivée de Cynthia la fiancé puis l’épouse de Desmond qui s’installe en face à Rathglass, voilà une jeune femme lumineuse qui va éteindre peu à peu le règne de Lady Charlotte. Hélas la guerre 14/18 verra la mort de Desmond mais aussi le bonheur de Diana qui vient vivre avec Cynthia et fuit l’horrible demeure de Garonlea. elle sera d’un grand secours pour sa belle soeur et ses neveux Simon et Sue pour qui la belle Cynthia n’a aucune tendresse, d’autant plus qu’ils ont tous les deux peur de monter à cheval ! Pourtant seule occupation digne d’un noble anglais

La boucle du roman se termine quand Simon hérite de Garonlea et que Cynthia arrache à cette demeure toutes les traces du passé, en luttant contre son fils qui pour s’opposer à sa mère qui n’a pas su l’aimer, ni lui ni sa soeur, veut redonner à cette demeure l’allure qu’elle avait sous le règne de sa grand-mère la méchante Lady Charlotte. Au grand désespoir de Diana qui a été si malheureuse quand elle était enfant à Garonlea.

À quoi s’occupent ces gens dont les revenus semblent sans limite ? La chasse et les fêtes , voilà tout. Dans cette Irlande où dans ces famille-là on passe son temps à se moquer des balourds d’Irlandais, on vit entre soi sans aucun rapport ni avec les domestiques ni avec la population. Le roman se concentre sur les décors des demeures, les détails des vêtements des femmes, et toutes les péripéties de la chasse et les chevaux. Pour faire une comparaison de la célèbre série Downton Abbey, ce serait les Crawley sans les domestiques ni le village. On passerait notre temps de réception en réception et la série n’aurait assurément aucun succès. Malgré les histoires d’amour de la belle Cynthia.

C’est le cas pour ce roman, avec, il est vrai une analyse très poussée des sentiments de chaque personnage, mais comme ils ne sont pas ancrés dans une réalité , leurs personnalités semblent venir ex nihilo, comme des données intangibles : Lady Charlotte est méchante, Cynthia est brillante, Diana est gentille et sera dévouée à Cynthia toute sa vie …

Bref un roman que j’ai lu sans grand intérêt , il faut dire que ma passion pour le belles robes et les bals est limitée, je reconnais quand même à cette écrivaine une honnêteté sans faille à propos de les description de la vie oisive et superficielle de la noblesse protestante qui vit au milieu d’Irlandais qui, un jour, les chasseront avec violence de leur pays.

 

Extraits

Début.

Comme nous connaissons mal les premières années du xxe siècle. 1901, 1902, 1903 et jusque 1914 : les années de brume. Loisirs, richesse, espace, premiers automobilistes en cache- poussière, courage des pionniers de l’aviation, certes tout cela nous impressionne. Mais nous ne ressentons pas vraiment cette époque, du moins pas comme nous ressentons celle de la guerre mondiale. Là, nous sommes véritablement conscients.

Portrait de la mère tyrannique.

Lady Charlotte French-McGrath, qui marchait derrière ses filles, était un abominable tyran, littéralement bouffi de vanité familiale et d’un effroyable orgueil de caste. Elle avait une vision étrange de sa propre puissance, vision qu’elle avait bel et bien réalisée en vivant surtout à Garonlea, en compagnie d’un époux dévoué, d’enfants terrorisés et de nombreux fermiers et serviteurs. Elle avait vécu à Garonlea, elle y avait souffert, elle en était le chef suprême.

Le père.

Ambrose French-McGrath, l’homme qui avait conçu ces jeunes filles, était un être triste et inquiet qui préférait nettement la compagnie de ses inférieurs à celle de ses égaux par la naissance et la position sociale.
Il était terriblement fier de sa maison et de sa terre et sa fierté était émouvante : c’était celle de locataire à vie (…)
Il y avait si peu de choses à dire lorsqu’on voulait parler d’Ambrose, cet homme falot, triste et tendre. Sa personnalité était comme camouflée dans les circonstances de sa vie : « fils du vieux Desmond McGrath, le type le plus drôle du monde », « sa femme est étonnamment efficace », « meilleure chasse à la bécasse de toute l’Irlande », voilà ce qu’on disait d’Ambrose. De sa personne jamais rien.

Tenir son rang.

 Cynthia, la vie et l’âme de ces lieux. Cynthia, l’hôtesse modèle. La mère accomplie. La châtelaine vénérée de Garonlea, accusée d’avoir l’indécence de paraître malheureuse. Le malheur était un attribut de l’échec. C’était une incorrection envers ses invités que de laisser voir de la tristesse en une si joyeuse occasion. On ne devait pas se laisser aller un seul instant.

Les tenues de la jeunesse des filles de Lady Charlotte.

 Comment se faisait-il que ce temps de leur jeunesse pût paraître à présent comique ? À l’époque romantique où elles les portaient, ces vêtements leur avaient semblé parfaits. Tout ce que l’on trouvait à dire pour leur défense maintenant, c’était qu’ils ne différaient pas tellement de ceux d’aujourd’hui. Il était impossible de dire ; « Nous étions ravissantes dans ces vêtements. Les hommes n’avaient d’yeux que pour nos seins rebondis. Nous avions des principes auxquels nous croyions dur comme fer. Nous n’étions pas grossières, malheureuse, et plates comme le sont nos filles. »
Pas malheureuse ? Cette façon de nier l’évidence, aussi, était typique de l’époque.

Bon résumé de la vie de cette noblesse

Elle avait beaucoup aimé ses vêtements. Elle les avait choisis avec un goût sûr et original, les avait portés avec le plus grand succès et les avait appréciés bien au-delà de tout de utilitaire. Parce qu’ils faisaient partie d’elle, de sa beauté, de son prestige et de sa puissance, la moindre intrusion dans cette garde-robe de fantômes et de souvenirs l’eût enragé. Toutes ces robes étaient à elle, elles étaient sa vie. Pas un passé vague et indistinct. Elles avaient souligné sa beauté, lui avaient été chaudes ou légères, avaient vécu avec elles des heures d’amour, de terrible solitude, de vive satisfaction.

Je n’aime pas ce genre de procédé.

( en plus on attend évidemment la suite, mais en réalité ici rien ne va se passer autrement que la continuité roman)

Supporter cette première éclipse de son autorité. Tout cela l’épuisait. Mais elle eût souffert plus encore si elle avait su où cela allait la mener.

 


Édition Albin Michel janvier 2024

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

 

Je ne connaissais pas cette baronne Oettingen à la vie incroyable, d’origine russe ou ukrainienne, elle est arrivée à Paris dans les années 1900 et a fréquenté et fait vivre le Paris des artistes. À la tête d’une immense fortune elle et son frère Serge Férat (qui est peut-être plutôt son cousin) vont connaître une vie faite de rencontres avec les artistes qui tous veulent vivre à Paris : Modigliani, Picasso, Apollinaire. La révolution de 1917 réduira la fortune de ces deux Russes à néant, heureusement pour elle, elle avait su acheter des tableaux qui avaient pris de la valeur , en particulier ceux du Douanier Rousseau. C’est ce qui lui permettra de survivre jusqu’en 1950.

L’auteur rend un hommage à cette femme libre qui vit en dehors de toutes les conventions et il fait revivre le Paris des années d’avant la guerre 14/18 qui semblait le phare de toutes les créations artistiques.

Mais alors que le travail de Thomas Snégaroff est très honnête et très fouillé le livre m’a terriblement ennuyée . Je suis très déçue car je pensais me passionner pour ce récit et j’ai eu l’impression de lire un excellent article de presse sans plus. Je suis restée spectatrice de cette femme qui est capable de toutes les excentricités, des plus folles passions amoureuses, et qui avait certainement du talent, malgré tout cela elle est restée une image pas un véritable personnage. Dommage !

 

Extraits

Début .

La baronne d’Oettingen ! On ne l’aimait pas dans la famille. Je me demandais, petit, pourquoi on disait du mal d’une personne au nom si romanesque, si séduisant. On ne l’avait pas, sans raison, c’était ainsi. Et puis, en grandissant, je l’ai oubliée. 

Détail amusant, vrai ?

 À la suite d’une remarque, vers 1830, faite par un ingénieur américain selon laquelle Napoléon aurait envahi la Russie s’il avait possédé le chemin de fer, le tsar Nicolas Ier avait pris la décision d’opter pour un écartement des rails plus large qu’en Europe occidentale. Depuis lors le voyage en train était interminable.

Je ne savais pas qu’Apollinaire avait séjourné à La Baule.

 Dans la villa de la Baule, le poète s’installe dans une chambre indépendante. Il y a un petit bureau. Il pourra écrire si le cœur lui en dit. Ça lui ferait du bien, s’est imaginé Hélène. Il serait bien ici : par la fenêtre, la mer n’étant pas loin, l’air est un peu plus frais que de l’autre côté, sur le jardin arboré Mais pour ne pas lui faire trop de peine, Hélène n’ose lui dire qu’il ouvre sur le Bois d’Amour.


Édition Sabine-Wespieser

 

Après « Avant que les ombres s’effacent » , voici ma deuxième rencontre avec cet auteur. Et ce récit a été encore un vrai plaisir de lecture, au moins pour les trois quart, j’avoue avoir été moins intéressée par le personnage de Laura qui termine l’histoire de cette étonnante famille italienne, romaine, plus exactement. D’un côté la famille maternelle représentée par une comtesse qui est la quintessence de la noblesse catholique italienne. Le talent de l’auteur c’est de nous la rendre drôle même quand elle tyrannise toute sa famille ; il faut dire qu’elle a eu beaucoup de mérite de garder à flot cette famille car son mari qui ne pense qu’à ses maîtresses a dilapidé toute la fortune la sienne et presque toute celle de sa femme. Il fallait « paraître » et organiser des réceptions pour le gotha romains et cela « la comtesse » sait le faire mieux que tout le monde à Rome. Sa fille, Elena va épouser Giuseppe, un enfant d’une vieille famille juive romaine, le pendant de la comtesse, c’est Zia Rachele qui est la bonté même . Grâce à Giuseppe on découvrira le sort des juifs sous le fascisme et leurs difficultés, même s’ils ont survécu, à oublier leur peur. Dans cette grande maison vit aussi un concierge tout dévoué à Rachele et toute la famille. Ce sont des juifs non pratiquants, mais la soeur de Giuseppe partira vivre en Israël, même si toute sa famille cherche à l’en dissuader, elle partira quand même mais deux ans après l’avoir annoncé.

J’ai moins aimé le personnage de Laura la fille d’Elena et de Giuseppe qui va d’errance en errance sans que l’on sache bien pourquoi, elle permet à l’auteur de décrire les années noires de l’Italie , celles des attentats et des engagements politiques hasardeux. Laura risquera même d’y être mêlée de plus près qu’elle ne l’imaginait en fréquentant son professeur spécialiste de la littérature russe. Elle ne rêvait que d’une aventure sexuelle et sera fort déçue de ne pas parvenir à ses fins. Les rapports de Laura et de sa famille en particulier sa jalousie vis à vis de sa soeur m’ont carrément ennuyée. Dommage, car j’étais bien avec tous les autres membres de sa famille.

Ce qui fait le charme de cet auteur c’est son style et son humour et c’est sans doute plus facile d’avoir de l’humour sur des événements moins tragiques ou plus lointains que les attentats qui ont endeuillé l’Italie des années de jeunesse de Laura .

 

Extraits

 

Début.

« NONNA » ADÉLAÏDE, la grand-mère maternelle de Laura, autrement nommée la « comtessa », qui tenait à ce titre de noblesse hérité du défunt père des enfants -le seul apport conséquent de celui-ci à leur union, selon les dires de la vieille dame-, descendant d’une longue lignée d’aristocrates désargentés .

Un bilan de vie séquelle raconte avec humour.

Au delà de la crainte de lier les dernières années que Dieu lui concédait de vivre avec un tire au flanc libertin et de l’imposer qui pis est, à ses enfants et petits-enfants, elle n’avait nulle envie d’exposer aux yeux d’un inconnu sa nudité chiffonnée – elle n’était pas si décatie non plus. En dernière analyse, si elle n ‘avait connu, bibliquement parlant, que le père de ses enfants, se faire secouer tel un prunier par un érotomane, au moment de se mettre au lit en quête de sommeil bien mérité, ne lui manquait pas le moins du monde, sauf à tisser une liaison qui viendrait l’aider à redorer les lustres ternis au fil des ans…. On n’était jamais à l’abri d’une bonne surprise, n’est ce pas ?

Humour.

 Non par conviction républicaine, si tant est qu’il eût jamais une conviction dans la vie, hormis l’entrecuisse des femmes ….

J’adore cette grand mère .

 Elle avait des principes auxquels elle n’aurait dérogé pour rien au monde, comme laisser choir dans sa gorge quelque breuvage que ce fût qui n’eût transité par de la porcelaine de Limoges ou du pur cristal taillé de Murano, le rebord dûment doré à l’or fin.

Le passage par les psychologues (Leur fille, Laura, demande à ses parents d’aller voir un psychologue )

 … sans s’imaginer un instant qu’avec son mari, ils ouvraient la boîte de Pandore et engageaient leur fille sur une voie tordue de plusieurs décennies, où elle irait de gourou à gourou dans une éternelle insatisfaction. L’un lui laisserait entendre qu’elle était un haut potentiel intellectuel, normal d’être incomprise de la majorité des êtres humains, de niveau plutôt moyen, voire médiocre ; l’autre la traiterait comme une servante, la rabaisserait plus bas que terre, ramassant les miettes dès qu’elle ferait mine de changer de boutique, mais tous lui expliqueraient la nécessité vitale de payer à prix d’or leur écoute, de la budgétiser au même titre, si ce n’est en priorité, que se nourrir et d’avoir un toit sur la tête.