Éditions Voix autochtones Seuil
Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.
Elie Mestenapeo est un Innus , c’est à dire un Autochtone qui vivait dans l’immense forêt canadienne. Il a commis l’irréparable : le meurtre de son père, un homme ultra violent qui battait sa femme. Elie est définitivement banni de son clan et fait 10 ans de prison. Sa seule solution c’est de venir à Montréal vivre au milieu des Autochtones qui pour des raison variées deviennent SDF dans cette grande ville. Ils peuvent être Chris, Atikamekw, Anishinabe, Innus, Inuit, Mikmaks, Mohawks tous ont en commun un parcours fait de douleurs, d’alcool, de drogue et de violences subies ou exercées. Ce roman décrit avec une délicatesse surprenante le parcours d’Elie au milieu de ceux qui vont l’aider à se reconstruire. Les horreurs traversées par ces adultes qui, enfants, ont été arrachés à leur famille pour être élevés dans des pensionnat religieux où ils ont connu tant de sévices sont sous-entendues mais jamais décrites.
C’est la force de ce roman, c’est un livre tout en douceur mais c’est au lecteur de supposer (et ce n’est pas si difficile ! ) ce qui s’est passé pour que le père d’Elie devienne alcoolique et si violent. Un jour, le grand père d’Elie lui raconte que son fils était un chasseur remarquable avec lequel il avait un grand plaisir à se promener dans la forêt immense. Mais hélas le gouvernement lui a enlevé son fils, pour le mettre pendant de longues années dans un pensionnat tenu par des frères. Il lui est revenu tellement triste et alcoolique. C’est tout ce que nous saurons sur ce père tué un soir de beuverie par un fils qui le hait profondément. Mais il en veut à sa mère aussi, car elle buvait autant que son père et surtout n’a jamais cherché à le revoir. On comprendra à la fin du roman pourquoi.
À travers l’histoire de son père, j’espère vous faire comprendre comment est construit ce récit, on sait peu de choses sur les difficultés qui ont amené ces êtres à choisir la rue plutôt qu’une vie plus agréable mais on le comprend trop bien. Et aujourd’hui ? ce qui est terrible c’est que ce n’est guère mieux. Les jeunes s’ennuient souvent dans les réserves. Car les territoires des Autochtones se réduit sans cesse , et surtout ce qui faisait la valeur de la transmission c’était le fait de savoir chercher la nourriture dans un lieu hostiles. Aujourd’hui tout le monde fait ses courses au supermarché du coin mais, alors, que peuvent transmettre les pères à leurs enfants ?
L’histoire d’Elie se termine bien, trop peut-être ? pour la réalité mais un peu de bonheur m’a fait du bien.
Ce même jour Kathel faisait paraître un billet sur ce roman
Extraits
Début .
L’odeur. Toujours pareille. Peu importe les veines dans lesquelles le sang court, son parfum âcre rappelle à ceux qui vivent leur vulnérabilité. Il y avait dans ce cœur trop de haine pour que ça se termine autrement.-Tu dis rien maintenant ? Hein ?Élie soulève le corps et le plaque contre le mur puis approche son visage. Les yeux noirs de son père n’ont plus rien de menaçant.
La vie dans la rue.
Dix ans de prison vous libèrent à tout jamais de l’emprise du temps qui s’écoule. Et il vit au jour le jour en retournant chaque nuit avec Geronimo au village.Les premiers gels frappent sans prévenir, comme une lame enfoncée dans le flanc. Élie se réveille en sursaut au beau milieu de l’obscurité. Le froid mort sa chair et il enfile des vêtements supplémentaires. La fragilité de son abri lui saute alors au visage.
Les saumons et les hommes.
Les scientifiques ignorent ce qui pousse des poissons à quitter l’eau douce pour l’océan salé. Ces mondes ne se mêlent pas. Pourtant le poisson retrouve l’exact endroit où il est né comme si cela était inscrit en lui.Ce destin à la fois magnifique et tragique a toujours fasciné les hommes. Peut-être parce que, comme les poissons, ils sont souvent eux aussi épris d’un irrésistible désir de partir dans leur jeunesse, pour revenir à leur lieu d’origine plus tard.
Bonjour,
Voilà un roman qui ne doit pas manquer d’intérêt.
Merci
Anne
Un excellent roman tout en pudeur et valeurs humaines.
Une lecture commune?
Cinq étoiles carrément…
Non juste le hasard. J’ai beaucoup aimé ce roman.
Kathel a posté ce matin un billet sur ce même titre : https://lettresexpres.wordpress.com/2024/03/04/michel-jean-tiohtiake-montreal/.
J’ai lu Maikan sur les pensionnats, et bien qu’ayant apprécié l’intrigue, je l’avais trouvé un peu « plat », d’un point de vue littéraire. Mais je ne suis pas réfractaire à une nouvelle lecture de cet auteur..
Je préfère tellement la pudeur aux effets de tensions sur l’horreur. Et pourtant rien n’est gommé c’est aux lecteurs de comprendre et de réaliser, l’écrivain ne se complaît pas dans les récits de ce qui a détruit cette population.
C’est juste le hasard qui a conduit Kathel vers cette même lecture.
C’est vraiment le hasard qui nous a fait publier le même jour ! D’autant que j’ai fini le livre pendant ma pause, il y a presque un mois… C’est un très beau roman pour moi aussi !
J’aime cette rencontre due au hasard sur un livre qui nous a plu à toutes les deux.
Dans notre société moderne, la transmission est un vaste problème. Les gestes se sont perdus, confiés aux machines, et les esprits formatés et mondialisés alors sur quoi fonder une identité ?
Oui c’est vrai mais si je réfléchis à ce que mes parents m’ont transmis ce sont surtout des valeurs et pas beaucoup des gestes. Leurs valeurs : le respect d’autrui, la protection du faible, la curiosité pour le savoir, l’envie d’apprendre. Bref des valeurs humanistes qui peuvent toujours être transmises aux enfants.
Et c’est ce qui constitue mon identité avec ma langue. Pas le fait que je cuisine d’une telle façon, ou que je sache tricoter ou faire le ménage.
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C’est vraiment un auteur qu’il faut que je découvre !
oh oui et surtout ce roman mais je lirai les autres .
C’est un livre que j’ai lu mais pas commenté mais il est vraiment intéressant et il y a beaucoup d’humanité dans toutes ces rencontres.
c’est cela beaucoup d’humanité .
Je voudrais lire « Kukum » de cet auteur depuis un bon moment, mais celui-ci m’intéresse aussi.
une très bonne lecture, on peut dire des choses terribles sans imposer le glauque au lecteur
Ah, le hasard fait drôlement bien les choses. Kathel a apprécié sa lecture autant que toi. ça tombe bien ! Je cherche un ou deux livres québécois que je lirai dans le cadre des festivals à venir.
un livre qui m’a tellement plu que je l’ai déjà offert plusieurs fois
je crois qu’il pourrait m’intéresser !
je l’espère.
Etrange ce choix de couverture… On est loin d’imaginer ce qu’il y a à l’intérieur.
Un sujet intéressant, que je n’ai pas encore abordé en littérature. Donc pourquoi pas ?!
la couverture est assez explicite quand on a lu le roman, avant cette civilisation qui est aussi la nôtre, il y avait des castors qui vivaient là et des populations indiennes qui respectaient plus la nature que nous.
ton résumé me passionne déjà ! Je note. La couverture est en effet originale…
J’ai découvert l’histoire douloureuse de ces autochtones quand j’ai été au Canada où des musées leurs sont dédiés. Du coup très envie de lire celui-ci.
J’ai lu beaucoup de critiques favorables à propos de ce roman, et les critiques négatives m’ont montré que je n’avais pas les mêmes attentes que d’autres lecteurs ou lectrices. On lui reproche son style simple et de ne pas s’appesantir sur les horreurs qu’ont connues les populations autochtones. C’est ce que j’ai aimé : les évocations sont si terribles que ce genre d’allusions me font plus d’effet que des récits très glauques.