Lu dans le cadre du Club de Lecture de la médiathèque de Dinard
Si vous voulez vous faire une idée exacte du trafic de l’ivoire entre l’Afrique et l’Asie ne ratez pas ce roman. L’évocation des paysages africains, m’ont entraînée vers un ailleurs qui me sortait agréablement de la grisaille bretonne. Mais bien loin des notes exotiques habituelles, nous sommes face à la réalité africaines : cette jeune Anglaise Erin, veut absolument arrêter le trafic de l’ivoire qui tue les éléphants africains. Oui mais, qui est-elle pour empêcher des hommes pauvres de vivre de ce qui leur rapporte un peu d’argent ? Que peut-elle contre les corrompus à qui ce trafic rapporte tant ? Et que faire face aux traditions qui pensent que les cornes des rhinocéros sont plus efficaces que le viagra ?
Est-ce un combat perdu d’avance ? En tout cas, la lutte semble tellement inégale, d’autant plus que, même si le trafic s’arrêtait, l’inexorable progrès et l’accroissement de la population africaine met en grand péril la faune sauvage.
Tous les aspects sont bien traités dans le roman, ce qui rend la lecture un peu laborieuse parfois, mais on ne peut pas reprocher à l’auteur d’être trop sérieux.
L’intrigue est bien construite, Erin a décidé de tracer les défenses d’éléphant pour frapper un grand coup contre la contrebande d’ivoire, elle sera aidée par un ranger qui connaît bien les habitudes des braconniers qu’il a été lui-même autrefois et un membre du gouvernement du Bostwana, cela nous permet un tableau assez complet de la population africaine impliquée dans ou contre le trafic de l’ivoire.
Je me demande toujours comment nous, les Européens, nous pouvons donner des leçons à l’Afrique, nous qui avons éradiqué tous, ou presque tous, les animaux sauvages qui peuplaient nos régions.
Citations
Trafic en Afrique
Ces dernières années, aux abords du célèbre parc, on est deux à trois rhino par jour. Leur corne, bien qu’elle soit un simple bout de kératine, restait l’appendice animal le plus cher et beaucoup essayaient de contourner la loi qui en avait interdit le commerce.
Le pourquoi des trafics
Tant que l’homme pense que ses faiblesses peuvent être compensées par la bile, du foie, des pattes, des griffes, qui lui suffit de consommer ou d’accumuler des parties animales pour guérir ou pour exister, tant que les pays consommateur de corne, d’ivoire, d’écaille et autres produits issus de la faune sauvage ne décide pas d’interdire ces pratiques et de les condamner, le braconnage prospérera toujours plus.
Rupture de milieu
C’est vrai que mon fils est quelqu’un d’important maintenant qu’il travaille pour le ministère. Si important qu’il ne peux plus dormir chez sa propre mère.
Culpabilité
Il y a quelques mois, il lui avait proposé de s’installer à Gaborone, il lui louerait un petit appartement, mettrait son père dans une clinique, mais ça ne s’était pas fait, elle ne laisserait jamais ses frères seuls, et Serese n’avait pas beaucoup insisté. Autour de lui, au ministère, on avait connu des écoles privées, on avait voyagé, lui n’était allé qu’en Afrique du Sud, il avait étudié un an à l’université de Johannesburg. On lui avait appris à penser petit, il s’en était excusé avant de comprendre que le changement devait venir de lui, qu’il n’y avait personne d’autre à tenir pour responsable de ses faiblesses, même si ce n’était pas si simple.
La Chine et le commerce illégal de l’ivoire
Chaque année, le gouvernement chinois injectait cinq tonnes d’Ivoire sur le marché intérieur légal, ivoire qui était répartie entre les différents atelier de sculpture du pays. Cinq tonnes, un chiffre dérisoire. S’approvisionner par la seule voie autorisé était impossible. Des centaines de tonnes d’Ivoire entrait illégalement dans le pays. Il se murmurait que le gouvernement comptait d’ici deux ans interdire le commerce légal et fermer le marché, les atelier de sculpture, mais ces ateliers n’étaient qu’une vitrine, la majorité des transactions étaient illicites, se passaient de certificats d’authenticité. Les groupes qui tenaient ce marché tenaient aussi des policiers, des hommes politiques, le réseau était vaste, complexe, Yang n’en n’était qu’une infime partie. Il avait fallu des années pour qu’elle se construise son propre réseau, trouve des sources fiables d’approvisionnement, mais si son rôle était essentiel, sa personne ne l’était pas, toujours, il y aurait une autre Yang.Ces groupes avaient des tueurs, mettaient des têtes à prix, combien de victimes de leur volonté de s’enrichir. À la sortie d’un avion, là où on se sent en sécurité, près d’une grande ville, dans un quartier huppé, des balles qui se perdent, qui se logent dans le corps de cet homme qui disparaît avec son combat, laissant un enfant à qui il sera dur de raconter la véritable histoire. Dans certains ateliers de Pékin, les défenses sculptées étaient affichées a plus de 350000 dollars.
L’avenir de la faune sauvage
Si Erin était un éléphant, elle verrait aussi les forêts devenir des fermes, elle verrait des routes coupées en deux son habitat naturel, des barrières électrifiées sur le chemin de ses migrations, elle verrait l’être humain rogner toujours plus sur les terres sauvages pour développer l’agriculture, conquérir chaque jour du terrain, elle serait emprisonnée dans un monde plus petit chaque année, ce qui était vaste ne serai plus que grand, elle pourrait aussi éprouver la soif et boire des litres d’une eau contenant du sodium de cyanure dilué, elle pourrait être prise de convulsions, sentir son cœur ralentir, sa respiration s’alourdir, elle pourrait s’effondrer sur le sol, entendre des coups de fusil, être chassée pour la simple possession de son ivoire, peser plus de six tonnes et devenir un bracelet, si elle faisait partie de ce groupe, elle penserais sans cesse à l’homme, il l’obséderait, elle saurait reconnaître ses intentions à la simple intonation de sa voix et adapterait son comportement en conséquence, elle pourrait être aussi victime de la folie du divertissement et être capturée vivante par des hommes de l’agence de la vie sauvage zimbabwéenne pour le profit de zoo qui naissent à Hangzhou ou à Shanghai, elle pourrait finir dans un parc clos, derrière une vitre, elle pourrait être une mémoire perdue, oui, si elle était l’un d’entre eux, elle serait en danger, une menace perpétuelle comme elle ne le sera jamais en temps qu’Erin.