Édition Rivages Étrangers. Traduit de l’anglais par Elisabeth Gilles
Lu dans le cadre du challenge lancé par Aifelle : le mois Allison Lurie
On remarquera qu’en 1990 on ne disait pas « traduit de l’américain ou de l’anglais USA) mais de l’anglais serait-ce que l’américain et l’anglais sont devenues aujourd’hui deux langues différentes ?
Ce livre qui, comme vous pouvez le remarquer a vécu, est chez moi depuis aout 1990, il m’en avait couté 49 Francs. Autre époque. Je crois que j’ai à peu près tout lu Alison Lurie et beaucoup aimé. Je n’avais pas trop envie de relire ses romans, je craignais de me confronter à mes souvenirs. Je le dis tout de suite, j’ai moins aimé qu’à l’époque, pour une raison simple, j’ai beaucoup lu de romans américains et donc Alison Lurie a perdu un de ses attraits me faire découvrir les USA. Je n’ai quand même pas résisté à l’appel d’Aifelle et j’ai donc relu celui-ci. Je ne regrette pas mon choix, j’y ai bien retrouvé tout ce que j’aimais chez cette auteure. La ville de nulle part, c’est Los Angeles, à travers les yeux de Katherine Cattleman, pure produit de la région de Boston et qui déteste : le soleil, l’absence d’hiver, aller sur la plage, les tenues vulgaires. Que fait-elle dans cette ville ? Elle a suivi son mari Paul qui tout en aimant sa femme la trompe avec des jeunes créatures californienne, lui, à Los Angeles, trouve tout ce qu’il aime dans la vie : l’argent et les filles qui font l’amour sans l’enchainer (croit-il !) dans des relations compliquées. Nous avons donc ici, une analyse du couple à la « Allison Lurie », c’est à dire qu’au-delà des apparences et des clichés, l’auteure s’intéresse à chacun de ses personnages. Et elle va les faire évoluer devant nos yeux. Katherine la jeune femme coincée dans ses principes et dans les valeurs données par son éducation est en réalité malheureuse dans son couple sans oser se l’avouer. Elle va finir par lâcher prise et peu à peu, ses terribles crises de sinusite vont l’abandonner et finalement c’est elle qui s’adaptera à Los Angeles alors que son mari parfaitement adapté au monde « baba-cool » des surfeurs et autres activités plus ou moins licites repartira vers le monde plus classique des universités de l’est du pays. Dans ce chassé croisé des couples compliqués nous suivons aussi celui du psychanalyste le Dr Einsman et de la starlette Glory. (On peut penser au couple si étonnant de Marylin Monroe et Arthur Miller). Tous les personnages ont plus de profondeur que leur apparence sociale. La lente ouverture au plaisir sexuel de Katherine la changera définitivement et lui prouvera qu’elle n’est sans doute pas faite pour vivre avec Paul. Un roman bien construit où l’on retrouve bien le talent d’Alison Lurie d’aller au delà des clichés et des apparences. Mais je le redis la relecture m’a montré que cette romancière a perdu de son charme à mes yeux, top classique sans doute. en tout cas certainement un peu « datée ».
Voici la participation d’Aifelle, de Dasola de Katel de Hélène de Sandrion,de Sybilline
Citations
Le mauvais goût architectural à Los Angeles
Puis il regarda les maisons. Une douzaine de styles architecturaux étaient représentés en stuc peint : il y avait deux petites haciendas espagnoles au toit de tuiles rouges ; des cottage anglais, poutres apparentes et fenêtres à petit carreaux ; un chalet suisse peint en rose ; et même un minuscule château français dont les tours pointues semblaient faites de glace à la pistache.Cette richesse d’invention l’amusait et l’enchantait à la fois par l’énergie qu’elle exprimé. Dans l’Est, seuls les gens très riches osaient construire avec une telle variété, des Palais sur l’Hudson, des temples grecs dans le Sud. Les autres devaient vivre dans des alignements de boîtes presque identiques, en brique ou en bois, comme autant de caisses à savon ou à sardines. Pourquoi n’auraient-ils pas le droit de bâtir leur maison, leur épicerie, leur restaurant en forme de pagode, de bain turc, de bateau ou de chapeau s’ils en avaient envie ? Libre à eux de construire, de démolir et de reconstruire, livres a eu d’expérimenter. (…)Paul trouvait même du charme au milk-bar proche de l’aéroport international, devant lequel ils étaient passés dans l’après-midi, avec une vache de plâtre haute de trois mètres paissant sur le toit au milieu de marguerites en plastique.
Le couple qui va mal
Elle ment. Tu verras. Je suppose qu’elle l’a toujours su, mais elle ne nous l’a pas dit parce qu’elle voulait que nous lui louions sa maison. Je parie que personne d’autre ne l’aurait prise. Je parie que tout le monde le savait, qu’on allait construire une autoroute, ici, au beau milieu du quartier, tout le monde sauf nous. Tu aurais dû demander à quelqu’un avant de signer l’engagement de location. »Et depuis cette date, pensa Paul, Katherine regardait chaque jour dans la boîte aux lettres comme si elle désirait y trouver un avis d’expulsion, en dépit de tous les ennuis auxquels cet événement l’exposerait ; ce serait une preuve que la propriétaire était une menteuse et son mari est un imbécile. Elle n’en n’avait plus parlé mais il la connaissait bien. Trop bien : c’était peut-être ça l’ennui.
Ne pas vouloir s’adapter à Los Angeles
Midi, le 1er janvier. Katherine s’apprêtait à partir pour la plage avec Paul. Elle n’en avait pas tellement envie, et même pas envie du tout. D’abord, on était en plein milieu de l’hiver dans l’Est, les gens enfilaient leurs bottes et pelletaient la neige, mais une vague de chaleur s’était abattue sur Los Angeles. Bien qu’il fît très chaud dehors et que le soleil brillât, l’eau serait sûrement glacée. Paul passait son temps à lui reprocher de ne pas aller voir par elle-même. Il avait eu l’air très surpris de l’entendre dire qu’elle l’accompagnerait aujourd’hui, autant se débarrasser de la corvée. Quand elle serait allé à la plage, Paul cesserai de lui en parler. Et ce type désagréable pour qui elle travaillait à l’U.C.L.A cesserait de la taquiner et de la persécuter sous prétexte qu’il était invraisemblable d’être à Los Angeles depuis trois mois et de ne pas avoir encore plongé le bout de l’orteil dans l’océan Pacifique.
Ne pas aimer le beau temps permanent
– Vous n’aimez pas Los Angeles n’est-ce pas ? Dit le Dr Einsam.– Non, avoua- t-elle, prise au piège.-Vraiment ? Et pourquoi ? demanda le Dr Araki. Katherine le regarda sur la défensive – elle détestait être le point de mire d’un groupe de gens. Mais il lui sourit avec un intérêt si poli, si amical, si peu semblable au formalisme du Dr Smith ou à l’excès de familiarité ironique du Dr Einsam qu’elle essaya de répondre.« Je crois que c’est justement à cause de ça. Parce qu’il n’y a pas de saison. Parce que tout est mélangé, on ne sait jamais où on en est quand il n’y a pas d’hiver, pas de mauvais temps.– La plupart des gens considéreraient cela comme un avantage » dit le Dr Smith.– Eh bien, moi pas, répliqua Katherine. Ici, les moi non plus aucune signification. » Elle s’adressa spécialement Dr Smith, il venait du Middle West et devait pouvoir la comprendre. « Les jours de la semaine non plus ne signifie nt rien : les boutiques restent ouvertes le dimanche et les gens d’ici viennent travailler. Je sais bien que c’est surtout à cause des expériences sur les rats et les autres animaux, mais quand même. Tout ça prête à confusion. Il n’y a même plus de distinction entre le jour et la nuit. On va dîner au restaurant et on voit à la table à côté des gens en train de prendre le petit-déjeuner. Tout est mélangé, et rien n’est à sa place. »
Excuses de l’homme marié à sa maîtresse
« Ce qui existe entre Katherine et moi n’a rien à voir avec nous. C’est quelque chose de tout à fait différent : ce n’est pas vraiment physique. D’abord, nous ne faisons pas l’amour très souvent. Et puis, cet aspect là n’a pas une grande importance. Enfin, je veux dire, que je n’y prends pas tellement de plaisir, physiquement.S’il était possible d’envenimer encore la situation, il y avait réussi.« Doux Jésus ! » hurla Cécile en essuyant ses larmes d’un geste violent et en repoussant les mèches qui lui tombaient sur la figure. Elle serrait ses petits poings : Paul cru qu’elle allait encore le frapper et fit un pas en arrière mais elle se contenta de le fusiller du regard en aspirant l’air avec bruit comme un chat qui siffle de colère. « Tu trouves que c’est une excuse, le fait que tu n’aies pas de plaisir à coucher avec elle ? Seigneur, quel con, quel hypocrite tu peux être, en réalité ! »