Édition JC Lattès traduit de l’anglais(Royaume-Uni) par Dominique Edouard.

En période de confinement, la lecture reste une bon dérivatif. Je ne sais pas trop l’expliquer mais j’ai eu besoin de trouver un roman plus « agréable » pour ne pas dire « facile », pour retrouver ce plaisir qui, chez moi, est une seconde nature. C’est pour cela que je vous propose ce roman que vous pouvez classer dans la rubrique « pour le sourire » et « so british » . J’ai déjà lu de cet auteur « Passé Imparfait » qui était plus réussi sur le plan de l’intrigue romanesque. Comme je n’arrivais absolument plus à lire depuis que tous les soirs, j’entends le nombre de morts augmenter et l’épidémie frapper à nos portes sans pouvoir me réfugier auprès de mes enfants et petits enfants ce qui est, pour moi, le viatique le plus sûr, j’ai pris ce roman sur ma pile, il m’a fait sourire et je l’ai lu jusqu’au bout avec attention. Certes ce n’est pas le roman du siècle et en d’autre temps, j’aurais été plus critique et sans doute je l’aurais lu plus rapidement mais les circonstances étaient telles, que cette vie d’Anglais de la haute société a été un très bon dérivatif. (Comme vous le savez sans doute Julian Felowes est le créateur de « Downton Abbey ») . Il a choisi pour ce roman deux univers qu’il connaît bien, celui de la noblesse anglaise et le monde des acteurs. Le snobisme est partout mais celui qui me ravit est celui des grandes familles anglaises. L’intrigue est simplissime trop sans doute, une jeune femme très belle réussit à épouser un noble anglais fortuné, cela veut dire pour elle un enfermement dans la campagne anglaise avec un mari qu’elle va vite trouver ennuyeux. (une Emma Bovary en puissance ?) Un trop bel acteur vient troubler son mariage et lui apporte la satisfaction sexuelle et une vie qu’elle croit plus trépidante, mais… Je ne divulgâche pas plus surtout que ce n’est vraiment pas le plus intéressant. Julian Fellowes est un excellent analyste de l’âme humaine et un observateur de ces deux mondes qu’il connaît bien. Il y a en lui une grande bienveillance pour les faiblesses humaines ce qui enlève du mordant à son récit mais en fait un roman agréable à lire. Personne n’est à l’abri du snobisme sauf, peut-être, la reine d’Angleterre puisqu’elle remplit toutes les cases ! Les autres, tous les autres ont toujours au dessus de leur catégorie sociale quelqu’un qu’ils aimeraient fréquenter pour « faire bien » et montrer qu’ils sont, grâce à cette fréquentation, une personne importante. Les amis du narrateur, David et Iabelle Easton, obsédés par la maison Broughton (les riches châtelain du coin) m’ont fait penser à ce passage de Proust qui décrit si bien lui aussi le snobisme :

l’absence de relations avec les Guermantes,—pourrait bien avoir été non pas subie, mais voulue par lui, résulter de quelque tradition de famille, principe de morale ou vœu mystique lui interdisant nommément la fréquentation des Guermantes. « Non, reprit-il, expliquant par ses paroles sa propre intonation, non, je ne les connais pas, je n’ai jamais voulu, j’ai toujours tenu à sauvegarder ma pleine indépendance ; au fond je suis une tête jacobine, vous le savez. Beaucoup de gens sont venus à la rescousse, on me disait que j’avais tort de ne pas aller à Guermantes, que je me donnais l’air d’un malotru, d’un vieil ours. Mais voilà une réputation qui n’est pas pour m’effrayer, elle est si vraie ! Au fond, je n’aime plus au monde que quelques églises, deux ou trois livres, à peine davantage de tableaux, et le clair de lune quand la brise de votre jeunesse apporte jusqu’à moi l’odeur des parterres que mes vieilles prunelles ne distinguent plus. » Je ne comprenais pas bien que pour ne pas aller chez des gens qu’on ne connaît pas, il fût nécessaire de tenir à son indépendance, et en quoi cela pouvait vous donner l’air d’un sauvage ou d’un ours. Mais ce que je comprenais c’est que Legrandin n’était pas tout à fait véridique quand il disait n’aimer que les églises, le clair de lune et la jeunesse ; il aimait beaucoup les gens des châteaux et se trouvait pris devant eux d’une si grande peur de leur déplaire qu’il n’osait pas leur laisser voir qu’il avait pour amis des bourgeois, des fils de notaires ou d’agents de change, préférant, si la vérité devait se découvrir, que ce fût en son absence, loin de lui et « par défaut » ; il était snob.

Oui des snobs, il y en a partout et dans tous les pays mais ils sont rarement aussi drôle que les Britanniques qui en plus le font souvent avec humour. et c’est peut être le bon moment de réécouter la chanson de Boris Vian

 

Citations

Le couple

Vu de l’extérieur, il semble essentiel à la survie de nombreux mariages que chaque conjoint devienne le fidèle complice des tricheries de l’autre. 

Portrait d Édith

Édith avait une de ces bouches ciselées, aux lèvres admirablement dessinées, rappelant celle des actrices de cinéma des années 40. Et puis, il y avait sa peau. Pour les Anglais , vanter le teint d’une femme est l’ultime ressource lorsqu’on est en panne de compliments. L’on évoque généralement un joli teint quand on parle des membres les moins flamboyants de la famille royale.

Particularisme anglais (mais je connais bien des français qui adorent cela aussi)

Les Anglais, quelle que soit la classe à laquelle ils appartiennent, adorent l’exclusivité. Mettez trois anglais dans une pièce et il inventeront une règle pour empêcher un quatrième de se joindre à eux. Ce qui rendait Édith différentes, c’est que la plupart des gens, en tout cas les membres de la noblesse, feignent de n’attacher aucune importance à leurs privilèges. Reconnaître le plaisir que l’on éprouve d’être invité alors que le public doit payer son billet, de franchir une barrière, ou pénétrer dans une pièce dont les autres sont exclus, ne vous attirera que des regards d’incompréhension des aristocrates (vrais ou faux. Les douairières chevronnées se contenteront sans doute d’un haussement de sourcil désapprobateur pour indiquer que l’idée même dénote d’un manque de savoir-vivre navrant. Si stupéfiante que soit la malhonnêteté de tout cela, la discipline avec laquelle ces gens-là respectent leurs inébranlables règles force le respect.

Très bonne analyse

Dans l’ensemble, les gens privilégié ne sont pas du genre à geindre. On ne parle pas de ces ennuis, ça ne se fait pas. Une promenade d’un pas vif ou un bon cordial sont leur façon de réagir lorsqu’ils ont des peines de cœur ou d’argent. La presse populaire décrit souvent leurs froideur or ce n’est pas le manque de sentiments qui les rend différents, plutôt leur habitude de ne pas les exprimer. Élevés dans cette discipline de pudeur, ils n’apprécient évidemment pas les débordements d’émotion chez les autres, et sont sincèrement désorientés par le chagrin des classes laborieuses, ces mère en sanglots que l’on traîne et soutient jusqu’à l’église pour l’enterrement de leur enfant, ces veuves de soldat photographiées en larmes, lisant sa dernière lettre. Le mot même de « conseiller » les révulse. Sans doute ne comprennent-ils pas que toute tragédie nationale ou personnelle -guerre meurtrière, attentat, accident de la route, offre aux gens plus simples l’occasion de connaître une célébrité éphémère. Pour une fois dans leur vie, ils peuvent apaiser le désir obsédant, et tellement humain, de vedettariat , de reconnaissance publique de leur condition. Un besoin que les privilégiés ne s’expliquent pas parce qu’ils ne le ressentent pas. Eux sont nés sur le devant de la scène.

Discussion politique

L’issue de la discussion n’avait aucune importance pour aucun d’entre nous, il n’empêche que l’appuie que m’apportait Tommy agaçait Henri. Comme tous les représentants les moins intelligents de sa classe, il s’imaginait que sur chaque sujet, du choix d’un porto à l’euthanasie, il existe une façon correcte de penser et qu’il suffit de la formuler pour emporter la position. Vu qu’il ne s’adresse généralement qu’à des gens de leur bord, la partie est souvent facile à gagner.

La lady la plus aboutie

Lady Uckfield parlait de lui comme on parle d’un vieil ami mais comme elle cachait toujours ses sentiments, y compris à elle-même, j’étais incapable d’évaluer leur degré d’intimité.

Le personnage principal tombe amoureux

Elle s’appelait Adela Fitzgerald, son père était un baronnet Irlandais, un des plus anciens, précisa-t-elle parfois d’un ton tranchant. Elle était grande, jolie, sérieuse et je perçus aussitôt que j’avais toutes les chances d’être heureux auprès d’elle pour le restant de mes jours. Aussi fus-je très occupé dans les mois qui suivirent à la convaincre de cette évidence qui, je dois l’admettre, lui paraissait moins criante qu’à moi.

Comparaison : femme d’aristocrate et femme de star

La femme d’un comte est une authentique comtesse. Les gens ne voient pas simplement en elle le moyen d’accéder à son mari. De plus, si la famille qu’elle a épousée à conserver ses biens, ce qui était le cas des Broughton, elle peut régner en souveraine sur le micro-royaume de son mari. En revanche, la femme d’une star n’est… que sa femme. Rien de plus. Les gens ne la courtisent que pour s’insinuer dans les bonnes grâces de la vedette. Il n’y a aucun domaine sur lequel régner. Le royaume de son mari, ce sont les studios et la scène où elle n’a pas sa place. Lorsqu’elle y fait de rares apparitions, elle dérange même plutôt, inactive parmi des gens en train de travailler.

Lu dans le cadre du club de lecture de la média­thè­que de Dinard et coup de cœur de mon club

Je le mets dans la catégorie « Roman qui font du bien », avec ces quatre coquillages, il est aussi dans « mes préférences », parce qu’il raconte un très bel amour qui a duré tout le temps d’une vie de couple, brisé seulement par la mort trop précoce due à la chorée de Huntington. Il y a tellement d’histoires de couples qui n’arrivent pas à s’aimer dans la littérature actuelle. Certes, (et hélas !) la mort précoce de la jeune femme, est peut-être un facteur de réussite de cet amour, mais Tristan Talberg sous la plume de Patrick Tudoret raconte si bien cette relation réussie, pleine de passion, de tendresse, d’attention à autrui que cela m’a fait vraiment du bien au creux de cet hiver très gris. Ce roman n’est pas non plus un texte de plus sur le pèlerinage de Compostelle, mais plutôt un chemin vers la sortie du deuil.

Cette longue marche à pied, permet grâce à l’effort physique souvent solitaire, un retour sur soi et une réflexion sur la foi. Les bruits du monde sont comme assourdis, s’ils parviennent aux marcheurs c’est avec un temps de réflexion salutaire. Ce n’est pas un livre triste, au contraire, il est souvent drôle, les différents marcheurs sont bien croqués, cela va de l’athée militant aux confits en religion. Tristan est un agnostique dans lequel je reconnais volontiers plusieurs de mes tendances. Beaucoup plus cultivé que moi, il se passionne pour les auteurs comme Pascal, Chateaubriand, Saint Augustin mais c’est pour réfléchir sur ses doutes et fuir tous les sectarismes. Et le prix Nobel dans tout cela ? disons que c’est un beau prétexte pour réfléchir sur la notoriété et la médiatisation du monde actuel. Un roman agréable à lire et j’ai déjà en tête bien des amies à qui je l’offrirais volontiers.

Citations

Ceux qui ont refusé le Nobel

Sartre en 1960, vexé peut-être que Camus l’eût devancé de trois ans… ; Beckett aussi, ascète incorruptible des Lettres (….) Beckett n’avait pas un rond vaillant et la gentillette somme attachée au prix l’eût sans doute bien aidé, mais sa soupente d’étudiant éternel était plus vaste que tous les palais

Ce portrait m’enchante

Fervent sectateur du guide Michelin, son ingénieur de père, pour qui la poésie du monde résidait davantage dans un roulement à billes que dans les vers impairs de Verlaine, en vantait sans fléchir l’objectivité et le sérieux .

La mort de l’aimée

Elle ne vit qu’une masse sombre effondrée sur le lit. Une masse sombre tranchant sur le drap clair, dans cette chambre étouffante et blanche. Un homme couché sur une femme aimée, ploye sur elle, la couvrant de tout son corps comme si elle avait froid. Mais elle n’avait plus froid

Agnostique et Athée

Mais, tu le sais, j’ai toujours eu les fondamentalistes en horreur, qu’ils fussent croyants ou athées. Leurs idées arrêtées en font des statues de sel, des cerveaux en jachère. Leurs certitudes m’emmerdent. Cette pensée enkystée me fait honte et m’effraie à la fois. Fondamentalisme athée, gonflé de prétention sur rationalistes, tenant dans le plus insupportable mépris les 9/10° de l’humanité pour qui Dieu et le sacré sont au coeur de tout, mais aussi fondamentalisme religieux qui nous fait le coup de la certitude « informée », fermée à toute autre forme de pensée

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C’est un de mes cadeaux de Noël 2015. Je suis fan absolue de cette Mamette. Je relis cette BD, dès que j’ai moral qui flanche. Elle est drôle, toujours tournée vers la vie, même quand ça devient compliqué de vieillir. Les personnages qui l’entourent sont bien imaginés et je me retrouve dans leurs réactions . Ils sont juste un peu plus vieux que moi, cela me permet de me sentir plus jeune et plus à la page.
Son fils « Choupinet » a bien du mal à retrouver sa place dans une société où il ne fait pas bon être chômeur mais il y arrivera.

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Cliquer sur l’image pour lire la citation que j’aime !

Cette phrase dite très fort dans la bibliothèque a dû mettre à l’aise « Choupinet »

« Choupinet la jolie dame est célibataire, comme toi

Tu attends quoi ?

Que je fasse les présentations »

Mais le plus délicieux c’est sa bande de copines, je vous présente l’hypocondriaque, râleuse :

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et sa meilleure amie

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C’est quand même vrai que Jésus n’a jamais fait ses courses. Bref un concentré d’optimisme et de joie de vivre pour ce Noël 2015 c’était exactement ce qu’il me fallait.

 

 

Traduit de l’anglais par Sabine Porte 

Éditions Roman Seuil, 151 pages, septembre 2024

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

 

C’est le deuxième livre de cet auteur sur Luocine, après les nouvelles de « l’abattoir de verre » voici donc ce curieux roman d’amour . Une femme mariée, mais plus amoureuse de son mari, vit quelques jours avec un pianiste polonais aux Baléares. Cet homme est beaucoup plus âgé qu’elle et semble très amoureux . Béatriz se défend de cet amour mais cède aux avances de Witold, le pianiste, sans sembler amoureuse. Lorsqu’il repart, elle ne répond pas à ses mails. Lorsqu’il meurt il lui laisse des poèmes à travers lesquels elle comprend mieux son amour.

Je suis absolument certaine d’oublier très vite ce roman, je ne comprends pas l’utilité d’un tel récit si ce n’est que cet auteur de 85 ans a voulu décrire l’amour lorsque l’on atteint cet âge ! Je pourrai rajouter que c’est bien écrit, mais cet auteur est prix Nobel de littérature, c’est quand même le moins qu’on pouvait attendre de lui ! Mais je n’ai absolument pas compris sa façon de découper ce roman en petit chapitres et à l’intérieur des chapitres en petits paragraphes numérotés !

En réalité, j’ai eu l’impression d’un brouillon de roman, d’une envie de raconter quelque chose mais de ne pas aboutir à un vrai roman.

Extraits

 

Début.

1. Femme est la première à lui donner du mal, suivi peu à peu après par l’homme.

2. Au début il y a une idée très claire de la femme. Elle est grande et élégante ; ce n’est pas une beauté au sens conventionnel du terme, mais sa chevelure brune, ses traits -yeux bruns, pommettes hautes, lèvres pulpeuses – sont frappants et sa voix grave de contralto à un charme magnétique suave.

Intéressant .

– Alors vous avez toujours été pianiste. Depuis l’enfance.
 L’air grave le polonais réfléchit au terme de « pianiste ».
 » J’ai été un homme qui joue le piano, finit-il par répondre. Comme l’homme qui poinçonne les tickets dans le bus. C’est un homme et il poinçonne les tickets, mais n’est pas un poinçonneur.’

Des rapports bien loin de la passion amoureuse.

 « Une vie ordinaire côte à côte – voilà ce que je veux. Pour toujours. L’autre vie aussi, s’il y a une autre vie. Mais sinon, d’accord j’accepte. Si vous dites non, pas pour le reste de la vie, juste pour cette semaine -d’accord j’accepte ça aussi. Pour juste un jour, même. Pour juste une minute. Une minute suffit. C’est quoi le temps ? Le temps n’est rien. Nous avons notre mémoire. Dans la mémoire il n’y a pas le temps. Je vous garderai dans ma mémoire. Et vous, peut-être vous vous souviendrez de moi aussi.
– Quel homme étrange vous faites bien sûr que je me souviendrai de vous. »
 Elle prononce ces mots sans réfléchir, les ententes résonner singulièrement à son oreille. Qu’est- elle en train de dire ? Comment peut-elle promettre de se souvenir de lui alors qu’elle a toutes les raisons de penser que l’épisode du musicien polonais qui lui a rendu visite à Soler ça se trompera peu à peu jusqu’à n’être plus qu’une poussière au jour de sa mort ?

 


Éditions Emmanuelle Colas, 234 pages, Mars 2024.

Rarement un roman ne m’aura autant touchée, je l’ai aimé de la première ligne à la dernière et pourtant j’ai lu la dernière partie en apnée tant elle décrit l’horreur, mais j’ai eu le courage de ne pas en rater un seul mot.

Le roman cerne trois personnages qui sont tous trois inspirés de personnes réelles, cela sous l’œil au combien bienveillant de l’auteur qui est aussi un personnage du récit.
Le premier personnage est Vitali Klitschko, on le voit au début combattre sur un ring un boxeur qui semblait le vaincre facilement. J’ai vraiment cru que Bruno Doucey était un boxeur ou au moins un amateur des combats de boxe. C’était oublié le talent de certains écrivains qui savent donner une puissance à leur récit tel que l’on se croit dans la réalité.

La seconde est Mira Rai une athlète népalaise, qui a gagné des trails tous plus durs les uns que les autres.

La troisième, Mila, est une enseignante de la ville universitaire de Sartana en Ukraine, elle veut organiser un colloque autour des parcours sportifs exceptionnels et donc rentre en contact avec Vitali qui est maintenant le maire de Kiev et Mira. Hélas la folie russe va s’abattre sur cette région de l’Ukraine et l’auteur nous fera vivre le quotidien des Ukrainiens sous les bombes russes. Il évoquera aussi le crime de guerre qui s’est passé à Marioupol où l’aviation russe a bombardé le théâtre alors que seulement des femmes et des enfants étaient réfugiés à l’intérieur .

Enfin, le dernier personnage est l’auteur lui même qui intervient pour nous dire que tout cela est du roman, et qu’il a puisé dans son imaginaire la force de nous présenter des personnages auxquels nous seront définitivement attachés.

Je me demande si j’ai lu un texte aussi fort sur la guerre en Ukraine, nous respirons avec Mila, nous vivons avec elle ses peurs et ses peines, nous sommes soulagés qu’elle ait pu rejoindre la Grèce où vivent ses parents et son fils. Mais comment se consoler de tous les morts qu’elle a laissés derrière elle, comment refaire vivre la culture et la liberté ? ?

À lire de toute urgence, avant que l’Ukraine ne retourne définitivement sous la botte Russe vendue à Poutine par un Trump qui est fasciné par un dictateur tellement plus efficace que les démocraties européennes.

 

Extraits.

Début

Los Angeles, 26 septembre 2009
En face de lui, ce soir-là, celui que tous surnomment « The Nightmare » . L’homme n’est pas n’importe qui. Vainqueur des « National Golden Gloves » à vingt ans, en 2001, le Mexicano-Americain est précédé de sa réputation. Une pugnacité constante sur le ring. Des coups à terrasser un cheval. Une allonge qui surprend, parce qu’elle provient moins de la longueur des bras que de l’envergure des épaules. 1,93 m de rage, de hargne et de haine. Chris Arreola est de ceux qui préfèrent mourir sur le ring que perdre un combat.

La journée d’une enfant népalaise.

À douze ans, une fille népalaise n’est plus une enfant. Et quand la famille ne peut garantir plus d’un repas par jour, quand la survie de toute une communauté dépend des récoltes et de la bonne santé des bêtes, l’école devient un luxe que peu de paysans peuvent offrir à leurs enfants. Hier elle travaillait avec son père dans les champs, demain elle portera un lourd sac d’orge jusqu’au marché où ses parents espèrent faire de bonnes ventes, et aujourd’hui elle accomplit dans la maison tout ce qui aurait dû être fait les autres jours : ramasser les bouses de vache, les faire sécher en les appliquant contre les murs, nettoyer, ranger, faire bouillir de l’eau, laver du linge couper du bois, balayer devant la porte, et mille autres petites tâches ingrates que sa mère, sa grand-mère, et toutes les générations de femmes avant elles auront accomplies sans jamais se plaindre. 

Tchernobyl.

Il aurait aimé que son père revienne, qu’il rentre à la maison, fatigué mais sûr de lui, qu’il leur dise : Ce n’est rien les enfants, une simple brèche qui a été colmater, un incident technique que les ingénieurs du département de l’énergie atomique sont en train de régler. Soyez tranquilles, vous n’avez rien à craindre.
Mais ce lundi 28 avril, tandis que la nuit tombeur Kiev, Vladimir Rodionovitch Klitschko n’est pas encore rentré et n’a donné aucune nouvelle. 

Féminité.

Il n’en reste pas moins que ce corps là trahit , une fois par mois, quand le sang coule entre ses cuisses. Mira en a honte. Les taches. La gêne. Le manque d’intimité. Les bandes de tissu qu’il lui faut laver dans un ruisseau deux fois par jour. Le regard des guérilleros de son âge. Cette impression soudaine de souillure, de dégringolade, comme si les femmes redevenaient périodiquement inférieures aux hommes.

La création littéraire.

Le débat est vieux comme le monde de l’écriture. En matière de création littéraire, on pense communément qu’il faut maîtriser son sujet, connaître à fond ce dont on parle ou se fonder sur une expérience vécue, crédible, avérée, des faits que l’on relate. Personnellement, je ne le crois pas. Je n’ai jamais enfilé de gants de boxe et les seuls rings que je connaisse sont ceux que j’ai vus à la télévision, Quant à l’ultra-rail, autant dire qu’il est devenu pour moi un horizon inaccessible puisque je serai, en l’état, bien incapable de courir en montagne. Mais cela ne m’empêche pas d’écrire. 
Je me souviens de ce que Varlam Chalamov écrit au seuil de ses « Souvenirs de la Kolyma  » :  » L’écrivain est l’espion de ses lecteurs ». Alors, disons que, faute de mieux, j’espionne simultanément deux mondes qui me sont en grande partie étranger. 

Le moral de vainqueur de Mira après le séisme du Népal.

Maintenant, Mira remonte un à un les coureurs qui se trouvent devant elle. Elle ressent à nouveau la densité de l’effort : le sang qui pulse dans ses veines, son souffle régulier et profond, ses jambes qui répondent à l’appel des pentes. Chaque coureur qu’elle dépasse est un enfant sorti des décombres, chaque spectateur sur le sentier un secouriste venu sauver des vies. Pierre après pierre, elle remonte les « stūpas » qui se sont effondrés les caims qui ont roulé à terre, les temples qui menacent ruine.

L’horreur de la guerre.

Suis remontée à l’appartement alors que beaucoup dormaient encore dans la cave. Électricité revenue, j’ai mis mes appareils en charge. Une douche, la première depuis trois jours. Maintenant, l’eau ruisselle sur mes cheveux, le long de mes seins amaigris par ces premières semaine de guerre, la fatigue et le chagrin. Peut-on laver l’empreinte de l’horreur ? Faire disparaître les traces ce la peur ?
L’eau tourbillonne avant de s’échapper par la bondé. Mes pensées aussi tournent sur elles-mêmes mais elles ne connaissent aucune échappatoire. Le théâtre de Marioupol, où plus d’un milliers de personnes ont trouvé refuge. L’avion qui survolé la ville. La bombe larguée sur la coupole. Des victimes, par centaines. Des mères de famille, des enfants, des vieillards. Et Elpida, mon amie.

 

 


Éditions de La Martinière, 296 pages, Août 2024

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

 

Le principal intérêt de ce livre, a été pour moi de me faire réécouter les nombreux interviews Marguerite Yourcenar. Je pense que mon préféré est celui qu’elle accorde à Bernard Pivot. Tout le monde souligne la qualité de son expression et aussi son regard lumineux.

Le livre raconte les dernières années de cette Grande écrivaine, en particulier une dernière rencontre au moment de la fin de la vie de Grace la femme qu’elle a aimée et qui a été sa traductrice et sa secrétaire. Sans doute à cause du cancer qui la faisait à la fois mourir et terriblement souffrir, Grace est devenu désagréable et cherche à isoler Marguerite Yourcenar de tout nouveau contact avec des personnalités extérieures. Alors quand arrive un jeune américain Jerry Wilson, Grace comprend immédiatement le danger. Jerry est homosexuel et peu cultivé mais cela n’empêche pas cette femme de 78 ans de tomber amoureuse du très jeune homme. Cet amour est horrible, car Jerry ne lui a épargné aucune humiliation. il a imposé la présence de son amour, drogué qui ne cherche qu’à demander de l’argent à cette « vieille catin ». Il a su avant ces épisodes se rendre indispensable et lui apporter la joie des voyages.

Pourquoi suis-je si sévère avec ce livre ? Je ne vois pas ce qu’il peut apporter à la connaissance de cette grande écrivaine. Je reconnais que l’auteur essaie de respecter la femme et de comprendre son jeune amant, alors que la situation a soulevé tant de moqueries.

Je vous conseille de l’écouter et de relire cette écrivaine.

Extraits

Début de l’introduction.

Aujourd’hui, Marguerite Yourcenar est reçue à l’académie française. 
Quai Conti, les heureux invités sont persuadés de connaître leur sujet. Ils égrènent les faits tangibles. Révisent les dates officielles de la fruse, répétées à plus souf par les journaux et la télévision. 1903 et 1981, extrémités d’un parcours d’exception écartelée entre deux continents et deux âges. Acte de naissance bruxelloise dans une époque dite belle, enrubanée de froufrou mais menacée d’apocalypse. Et en ce jour, donc consécration valant inhumation.

L’opinion de Marguerite Yourcenar sur Colette.

Colette est mentionnée comme en passant, par acquis de conscience
 Qui connaît le mépris que Yourcenar professe en privé pour cette représentante archétypale d’une France qu’elle déteste, populaire mais chichiteuse, archaïque et popote ?

Début du roman.

Elle ne se souvient plus de la première fois qu’elle l’a vu. Elle se rappelle les circonstances, bien sûr – le tournage de cette émission lamentable dont personne n’a compris, elle la première pourquoi elle avait accepté d’y participer. Mais elle n’est plus sûre du moment exact de sa présence à lui.

Une belle et triste image.

L’île restait encore, à défaut du havre de paix qu’elle avait été pour elle jadis , un bon port d’attache. 

Mais quand on ne peut plus lever l’ancre, se disait-elle dans des moments de découragement, un port d’attache n’est qu’un hangar à épaves. 

Quelle importance de savoir cela ? (Après une séance de dédicaces )

– Croyez-vous que c’est une partie de plaisir pour moi ? J’étais à l’agonie !
Il ne la croit pas. Il a vu avec quelle bonne humeur elle se livrait à l’exercice. Comment lui jeter la pierre ? N’a-t-elle pas été sevrée de tout contact direct avec ses lecteurs pendant ses années américaines ? Mais l’a appris à ses dépens, elle est sensible à la flatterie. Pire. Marguerite a beau ne jurer que par la simplicité, Yourcenar, elle, est capable de snobisme.

 


Édition Denoël, 373 Pages, octobre 2022

Un roman historique et … d’amour, nous fait revivre l’Espagne de 1925 à 1939. Il est raconté par un vieil homme qui vit à Paris, en 2000 .

C’est un roman très touffu car il couvre une très longue période avec beaucoup de personnages.

En 1925, Juan Ortega est un jeune gitan qui, fils et neveu de toréador, a une autre passion : la cuisine. Dans la première partie, il vit chez son oncle Ignacio et sa famille, mais Ignacio est amoureux d’une danseuse de Flamenco : Encarnacion . Cette première partie permet d’évoquer le talent des toréadors et des dangers de la corrida.

Ignacio emmène le très jeune Juan avec lui à Madrid car il décide de quitter sa femme qu’il n’aime plus. Et là, c’est l’énorme choc pour Juan, il tombe immédiatement amoureux d’Encarnacion la maîtresse de son oncle . Alors va commencer pour lui ce rôle qu’il jouera toute sa vie : le petit gitan très fier mais toujours en arrière plan et qui doit protéger l’amour d’ Ignacio et de la danseuse de flamenco.

C’est la partie la plus longue et la plus riche du roman. Car à Madrid l’auteure décrit bien la rencontre avec tous les intellectuels madrilènes en particulier un certain Federico Garcia Lorca ,ce poète qui transforme tout ce qu’il vit en une langue magnifique. Ignacio a arrêté la tauromachie pour s’essayer à l’écriture et se donner tout entier à son amour. Mais dans un retour désespéré pour braver la mort dans une dernière corrida, et avant d’avouer à Encarnacion qu’il veut refaire sa vie avec une nouvelle conquête, il y trouvera la mort.

Juan peut-il enfin aimer Encarnacion ? Non, car celle-ci ne semble pas l’aimer et lui préfère son beau poète qui pourtant lui n’aime que les hommes. Pour corser les relations amoureuses, il y a la petite sœur Carmen qui est follement amoureuse de Juan mais celui-ci ne la voit que comme une petite fille et de toute façon n’a d’yeux que pour sa sœur.

Dans cette partie, on voit la montée des dangers pour la toute jeune république espagnole avec le moment le plus terrible l’assassina de Federico Garcia Lorca, victime de sa liberté de paroles et de mœurs, d’après cet auteur il aurait été victime d’une vengeance d’une haine entre familles de Grenade, certains se seraient reconnus dans des pièces de théâtre où il s’est moqué de l’étroitesse d’esprit de certaine familles voisines de la sienne.

Juan se réfugie à Paris et devient cuisinier dans le restaurant « le catalan », ce moment de sa vie est presque heureux et permet d’évoquer la période du front populaire et le soutient aux républicains espagnols .
Il retrouvera Encarnacion le temps de l’aider à franchir la frontière en 1939. Mais ils seront séparés , il faut attendre l’année 2000 et son retour à Madrid pour que le roman d’amour trouve sa fin, dont je ne vous dirai rien.

J’ai des réserves sur ce roman, dont j’ai beaucoup aimé l’arrière plan historique mais dont les différentes histoires d’amour ne m’ont pas convaincue et m’ont empêchée d’adhérer aux personnages. J’ai souvent trouvé que les intrigues amoureuses encombraient le récit, je retiendrai, pourtant, l’effervescence prérévolutionnaire en Espagne et la perte des illusions quand la jeune République Espagnole ne sait, ni se défendre contre ceux qui veulent la détruire de l’extérieur, ni de ses ennemis intérieurs : les divisions et les illusions idéologiques des républicains.

 

Extraits

Début du prologue 6 février 1939

7 heures du matin col de Lli
 Avant de reprendre le chemin de la montagne, le petit groupe se tourna une dernière fois vers la silhouette du ma de Can Barrière, qui s’effaçait sous la pluie glacée. Ils savaient que cette bâtisse leur survivrait et que les larmes qu’ils avaient versées entre ses murs épais murs de pierre rejoindraient et celles d’autres tragédies oubliées elle aussi.

Début.

Tu te tiens bien droit et tu dis rien sauf si on te pose une question . T’as bien compris Juan ?
Ils avaient quitté la route principale et s’étaient engagés sur un chemin cahoteux qui traversait les champs déjà grillés par le soleil andalou. Les roues de la carriole grinçaient à chaque pas du robuste bidet qui la tirait, langue pendante vers une hacienda nichée sur une colline de Pino Montano couverte de vignes et d’oliviers. Dans les champs les affaneurs, ces gagne deniers venus de Galice ou de la plaine, levaient tête au passage de l’attelage. De leurs yeux plissés sous les rayons d’un soleil bas se happaient la fatigue et l’envie.

Le goût de la mort .

 Quelques jours après l’enterrement à Séville de son célèbre cousin, et alors que tous le pays et le « mundillo » fermé de la tauromachie étaient encore sous le choc, en habit de deuil mais le regard sec, Maria Ortega avait pris Juan par les épaules
– Mon fils, lui avait-elle dit d’une voix tremblante de fierté, ne montre jamais que tu as peur. Être un Ortega c’est porter dans son sang le courage et la mort.

J’ai beaucoup de mal à croire au coup de foudre.

Sa première rencontre avec Encarnación eut un caractère d’étrangeté absolue. Il n’avait jamais vu tant d’amour ni une femme si émue. Pourtant, malgré toute l’affection qu’il portait à Igncio, il fut envahi par la plus insolite et la plus contradictoire des émotions : une forme de honte mais aussi la certitude qu’il n’était coupable de rien. En un regard, il tomba amoureux d’Encarnación

Vision de New York 1930.

 Il vit défiler dans un chaos organisé et puant des façades hétéroclites mêlant styles gothique et barres de fer assemblées par de gros boulons. Les rues étaient encombrées de calèches, d’omnibus, d’automobiles au moteur pétaradant est de files de piétons pressés. Juan eut le sentiment effrayant que cette turbine urbaine aurait pu avaler une marée humaine dans l’indifférence la plus totale. Une ville brutale, moderne, enfumée et gigantesque, une fourmilière dont la nature était exclue, une métropole tentaculaire à l’activité incessante : voilà quelles furent ses premières impressions. 

Le « duende ».

 le « duende », « ce pouvoir mystérieux que tout le monde ressent et qu’aucun philosophe n’explique » pour reprendre les mots de Goethe sur Paganini Le « duende » unit sur le fil l’extase de la beauté et la possibilité de la mort.

Éducation d’un gitan espagnol.

Mon fils, lui avait-elle dit d’une vœux tremblante de fierté, ne montre jamais que tu as peur. Être un Ortega, c’est porter dans son sang le courage et la mort.

Le toréador et la corrida.

Le public accourait à chacune de ses corridas pour le voir combattre les bêtes, tant avec la hantise qu’avec le désir secret de voir les cornes déchirer ses chemises et son sang couler sur le sable, se mêlant à celui du taureau. 

Paroles de Federico Garcia Lorca :

Dans mon recueil « Impressions et paysages », je dis que la poésie existe en toute chose. Dans le laid, dans le beau, dans le dégoûtant ; le plus difficile est de savoir la révéler, réveiller les lacs profonds de l’âme. Ce qu’il y a d’admirable chez un esprit, c’est sa capacité à recevoir une émotion, à l’interpréter de bien des manières, toutes contraires les unes aux autres.

Les gitans et les artistes militants.

Juan, seul représentant de la misère andalouse était tétanisé par leur prise de parole. Les gitans qui vivaient en marge de la société espagnole ne s’étaient jamais impliqués dans les conflits idéologiques de leur pays. Ils formaient un refuge collectif intérieur, clos et régis par les seules lois et traditions ancestrales. Pourtant le jeune homme n’avait jamais accepté que la noblesse d’un gitan puisse consister également à subir les injustices de la vie avec humilité. Il connaissait le quotidien des pauvres gens, celui des journaliers qui vendaient leur sueur et leur corps pour quelques pièces. Celui des mères démunies face à leurs enfants affamés. Il aurait voulu hurler la douleur du peuple et faire comprendre à ces jeunes excités à quel point ils étaient privilégiés. Leur démontrer que le seul fait d’avoir la liberté de penser était un luxe. À plusieurs reprises, il eut le courage d’intervenir dans les discussions, mais ses paroles furent vite balayées par la verve de ces artistes qui, sans jamais avoir connu le spasme d’un ventre vide, se targuaient de savoir qu’éduquer le peuple était plus essentiel que de le nourrir.

Amoureux au premier regard et certitudes des danseuses de flamenco.

Allons, tu e trop jeune pour souffrir comme ça à ton âge, il est inconvenant de t’effondrer parce qu’un garçon t’ignore. Tu verras. Plus tard, quand tu danseras en public, il y aura tant de grands hommes à tes pieds que tu en oublieras Juan, puisqu’il est assez sot pour ne pas te voir aujourd’hui. 
Pourtant, Carmen sentait bien qu’il n’y aurait jamais personne d’autre ; elle restait convaincue que Juan était l’homme de sa vie et qu’il lui ouvrirait un jour son cœur et ses bras

Prémices de la guerre d’Espagne.

Depuis quelques mois, la déception grandissait en Espagne, et les républicains semblaient complètement dépassés par l’instabilité du régime parlementaire, la grève générale et les conflits incessants au sein de leur parti. S’ils s’étaient assuré le soutien du peuple, qui les avait portés à la tête du pays en 1931, plus personne désormais ne contrôlait cette force qu’ils avaient mise en branle et qui se divisait en groupuscules disparates. Dans les municipalités socialistes, la « guardia civil » , le corps de police traditionnel qui, depuis 1932, devait collaborer avec la « guardia de asalto » , la garde d’assaut mise en place par le gouvernement de gauche, avait décidé de ne plus intervenir pour maintenir l’ordre face à l’escalade de la violence.

Douleur et amour .

L’amour est une projection vers l’autre. Il dure tant qu’on n’est pas déçu, et tant qu’on ne s’ennuie pas. Et puis il disparaît beaucoup plus lentement qu’il n’est apparu. La défaite de l’amour, on ne l’accepte pas. On se bat, on se raccroche à ce qui nous a fait aimer . Voilà pourquoi l’amour fait mal : parce qu’on s’est trompé. En fait, aimer c’est peut-être avant tout s’aimer soi-même. 

 

Édition Gaïa

 

Tome 7 Les épreuves du citoyen

Toujours le même plaisir à continuer cette saga moins l’effet de surprise des premiers tomes . La famille de Karl est maintenant à l’abri du besoin, on peut même dire que la famille est riche. Mais elle ne le doit qu’à son labeur incessant : le travail de la mise en culture de Karl et celui de fermière de sa femme. Ils vivent pratiquement en autarcie, tout en retirant de leurs ventes de produits de la ferme un peu d’argent ce qui leur permet d’accéder à un certain confort.. Mais la santé de Kristina est fragilisée par ses grossesses. Elle sent qu’il ne faudrait plus qu’elle soit enceinte. Cette constatation la plonge dans un abime de dilemmes religieux. Peut-elle demander à Dieu de ne plus porter de bébés ? Peut-elle se soustraire au « devoir conjugal » ? Un médecin (un peu plus moderne que le vieux forgeron qui faisait office de médecin auparavant) lui donnera une parole simple : si elle est de nouveau enceinte, elle en mourra !

Mais ce tome est aussi celui où on voit la guerre civile américaine se développer et où le sort des Indiens réduits à la famine, annonce des violences inévitables. Karl veut absolument s’enrôler dans l’armée nordiste mais malheureusement pour lui, il boîte depuis un épisode où des malfrats ont essayé de s’en prendre à sa vie (dans le tome 3) . Il sera donc réformé pour sa plus grande honte. Le Minnesota devient un état de la confédération et Karl et Kristina sont donc citoyens américains. Karl a toute confiance en Abraham Lincoln qui comme lui a connu le statut de pionnier et a vécu dans une maison en rondins comme celle qu’il a d’abord construite pour sa famille.

Le pays se développe et avec ce développement toute une armée d’escrocs les plus divers prospèrent. Le paysan Karl n’a que mépris pour ces gens qui ne travaillent pas de leurs mains et quand ils sont victimes de faillites, ce n’est pour lui que justice. Il continue à défricher les terres autour de chez lui , il ne reste qu’un bois de chênes centenaire qu’il aimerait abattre pour le mettre en culture.

 

Extraits

Début le modernisme : la cuisinière.

Karl Oscar la vit pour la première fois en passant devant la devanture de la quincaillerie Newell, dans Third Street, entre Jackson Street et Robert Street, où elle était très en évidence. Elle portait fièrement, gravé dans son métal bien astiqué, le nom de « Queen of thé Prairie » et se voyait de loin.

Les spéculateurs.

Ceux qui avaient pour outil -assez léger- le papier s’enrichirent aux dépens de ceux qui en maniaient de beaucoup plus lourds et pénibles. Le spéculateur prit le dessus sur le cultivateur, les hommes d’argent devinrent riches tandis que ceux qui travaillaient restaient aussi pauvres qu’avant.
De tout temps, il y a eu des exploiteurs et des exploités. Mais rarement le temps et le lieu furent plus propices aux malins ayant plus de culot que de scrupules et s’y connaissant en paperasse.

 

Abraham Lincoln

L’homme au nez presque aussi gros que celui de Karl Oskar voulait libérer les trois millions d’esclaves des États du Sud qui, tels des bêtes, figuraient à l’inventaire des biens de leurs propriétaires pour un montant estimé à trois milliards de dollars. Kristina connaissait le sort cruel qui était le leur grâce au feuilleton « Cinquante ans dans les fers » qui avait paru, pendant plus d’un an, dans les colonnes de « La Patrie ». Fallait-il que ces hommes souffrent de la sorte simplement parce que Dieu leur avait donné une peau noire et non blanche ? (…)

Karl Oskar, lui, découpa le portrait de cet homme qui ne voulait plus qu’il y ait des maîtres et des esclaves.

Les arguments de Kristina contre la guerre.

C’était ainsi qu’il en allait en de pareille occasion : les hommes partaient , les femmes restaient à la maison avec les enfants, qu’elles devaient se charger de nourrir et d’éduquer. Les hommes partaient pour ôter la vie, les femmes restaient chez elle pour en prendre soi.. les hommes devaient être seuls de leur côté, privés de leur femme, les femmes devaient être seules du leur, privées de leur mari. Pourtant Dieu n’avait-Il pas créé l’homme et la femme pour qu’ils se prêtent mutuellement aide et réconfort ?

Spoliation des Indiens.

Il poursuivit en demandant à quel prix les Indiens avaient été contraints de céder leur terre aux Suédois et aux autres Blancs ? Combien le gouvernement leur avait-il donné pour toute la vallée du Mississipi ? Un dollar pour vingt mille acres ! Ou un deux centième de dollar, si on préférait ! C’était un prix ça ? Pour la terre la plus fertile du monde ? C’était du vol, voilà ce que c’était ! C’était pour ça qu’il avait pu l’avoir si bon marché, lui, Nelson ! Et les indiens n’avaient même pas vu la couleur de ce qu’il avait payé ! Tout ce qu’on leur concédait, c’était le droit de mourir de faim.

Tome 8 : La dernière lettre au Pays Natal

Voilà donc le dernier tome de cette Saga qui m’a occupée pendant plus d’un mois, évidemment l’effet de surprise est moins fort et je commençais à un peu m’ennuyée avec la famille de Karl. Il est temps que je vous parle aussi de l’auteur : Vilhem Moberg est aussi connu en Suède qu’au Minnesota, il a, d’ailleurs, sa statue dans le village où il a situé l’intrigue de sa Saga. Sur le lac de Chisago il existe même une autre statue représentant le couple du roman Karl et Kristina !
On y voit un Karl allant de l’avant et une Kristina regardant aussi vers la Suède pays qu’elle a eu tant de mal à quitter et dont elle parlera toujours la langue.
L’édition française que j’ai lue, explique dans un paragraphe final : « L’édition originale de la « Saga des émigrants » se termine par une bibliographie d’une cinquantaine de titres, reflet d’une douzaine d’années de recherches et d’écriture – commencé en 1947, le roman ne fut terminé en 1959. Comme il s’agit exclusivement d’ouvrages en suédois et en anglais (dont bon nombre d’inédits : journaux intimes, mémoires, correspondance privée …) il ne nous a pas paru indispensable de les faire figurer ici. Le chercheur et le lecteur intéressés sont invités à se reporter à l’édition suédoise. »
Je trouve ça un peu bizarre mais cela ne me fera pas lire l’édition suédoise !
Dans ce tome nous vivons une révolte des Indiens qui mouraient de faim et qui, en se révoltant, tueront plus de mille habitants, et brûleront toutes les fermes qu’ils trouveront sur leur passage. La répression sera sans pitié et ce sera la dernière révolte des Sioux dans cette région.
Kristina va mieux et elle retrouve sa confiance en Dieu et veut reprendre sa vie de femme avec Karl, elle mourra donc des suites d’une énième fausse couche. Karl se sent coupable et se referme dans un mutisme ravagé par la tristesse. Il entreprend quand même le dernier défrichage du bois de chêne et le dernier arbre s’abat sur lui. Il n’est pas mort mais il est fortement diminué .
Ses enfants sont totalement américains et le roman peut se terminer sur la dernière lettre à la famille suédoise qui annonce la mort de Karl.
J’ai eu plus de mal à finir ce dernier tome, et j’ai eu l’impression que l’auteur a eu aussi plus de mal à l’écrire.
La fin de Karl (qui meurt pendant une centaine de page) constitue une boucle par rapport à son point de départ. Il possède une carte qui décrit son pays natal et, alors qu’il souffre terriblement des conséquences de la chute de l’arbre sur son dos, il se remémore sa vie en suède et sa rencontre avec Kristina qu’il a tant aimé.
Il meurt avec ses souvenirs de Suède et satisfait de ce qu’il a construit dans le Minnesota dans le comté de Chisago.
Cette Saga est à lire pour tous ceux qui veulent mieux comprendre un des fondements des USA mais aussi pour se rendre compte de la misère qui régnait au XIX° siècle dans certains pays européens, misère qui a poussé des paysans à s’exiler de l’autre côté de l’océan pour y fonder une communauté réunie autour de la religion, l’égalité entre les citoyens et le travail de la terre. À travers cette Saga on voit que la religion ne restera pas un facteur d’unité car d’intolérance en anathèmes, les différentes obédiences se diviseront plus qu’elles ne s’uniront. On verra aussi que l’égalité ne concerne pas tous les habitants et que les Indiens sont totalement exclus de cette communauté enfin si le travail de la terre est bien une dynamique qui a permis aux premiers pionniers de s’enrichir, un pays très jeune et dont les lois ne sont pas encore bien établies fait naître aussi des possibilités trop faciles d’enrichissement et donc d’escroqueries.

Extraits

Début.

Les Suédois de la vallée de la rivière St. Croix étaient divisés sur le plan religieux. Au cours des dernières années, des communautés baptistes et méthodistes avaient vu le jour et plusieurs autres sectes tentaient de faire des prosélyte parmi les luthériens. Les plus nombreux étaient les baptistes.

Cause de la guerre indienne.

Par le traité de Mendota, le gouvernement s’était engagé à verser au cours de l’année 1861 la somme de soixante-dix mille dollars en or aux Sioux du Minnesota occidental. Mais cette dette ne fut pas honorée à échéance. Pendant ce temps, les tribus indiennes furent victimes d’une grave disette et leur situation encore aggravée par la rigueur de l’hiver. Leurs délégués tentèrent à plusieurs reprises d’obtenir des agents du gouvernement le paiement de ces soixante-dix mille dollars, mais revinrent les mains vides.

La religion au service du racisme.

Petrus Olausson ne manqua pas de souligner que les événements lui donnaient raison : il avait toujours dit qu’il fallait chasser cette racaille païenne du Minnesota. Car les Indiens n’étaient et ne seraient jamais que des bêtes sauvages impossibles à christianiser. Les paroisses luthériennes leur avaient pourtant envoyé de jeunes missionnaires et avaient fait procéder à des quêtes pour leur procurer des catéchisme, afin qu’ils puissent apprendre les dix commandements. Il avait lui-même donné de l’argent pour cela et savait que des chariots entiers chargés d’exemplaires reliés pleine peau du Catéchisme de Luther étaient partis vers l’ouest. À quoi cela avait-il servi ? À rien ! Et maintenant ces bandits remerciaient les généreux donateurs en les assassinant ! Les Blancs avaient apporté aux Peaux-Rouges l’ Évangile du Christ- et ces derniers répondaient à leur bienfaiteurs à coups de haches de guerre ! Ils écrasaient sous leurs tomahawks le crâne de nobles chrétiens qui n’avaient d’autre but que de les libérer de leur paganisme !


Édition j’ai lu, 312 pages, septembre 2024

Traduit de l’italien par Liliane Guilard 

Ce livre décrit quelque chose que j’avais bien oublié et que, peut-être je ne savais pas vraiment : il fut une époque où on ne pouvait pas acheter un vêtement tout fait : il fallait donc faire appel à une couturière, qui, suivant le statut social des gens qui avaient besoin de vêtements, s’installaient chez les riches ou faisait son travail chez elle pour les plus pauvres. Nous sommes en Italie avant 1900 , et ce qui est saisissant c’est le fossé qui sépare les riches des pauvres. quand je pense qu’aujourd’hui on parle de « fracture social » à cette époque en Italie « un gouffre » sépare la petite couturière des riches nobles ou bourgeois de la ville.

On voit aussi à quel point le statut de la femme rend la différence sociale plus terrible encore. Le maître de maison a tous les droits sur des jeunes femmes sans défense et plane alors sur elles le terrible sort des prostituées.

Tout cela est fort intéressant mais ce qui l’est moins c’est le roman d’amour qui est le second intérêt de ce roman et là, on est dans la romance la plus classique , bien loin du fameux gouffre qui sépare les classes sociales .

Ce roman reste intéressant pour le travail de la petite couturière, beaucoup moins pour l’intrigue, mais finalement cela peut aussi faire du bien de lire une belle histoire d’amour à laquelle on ne croit guère.

Il se trouve que je chronique deux livres qui raconte les rapports entre les riches et leurs employés mais on ne retrouve pas dans celui-ci la force qui existe dans « la petite bonne » . L’horreur est la même mais la façon de raconter tellement différente aplanie par la romance amoureuse qui, cependant, n’est pas totalement à l’eau de rose.

Extraits

Début.

 J’avais sept ans lorsque ma grand’mère a commencé à me confier les finitions les plus simples des vêtements qu’elle confectionnait à la maison pour ses clientes, quand ces dernières ne lui demandaient pas de venir travailler chez elles. De notre famille, il ne restait que nous deux après l’épidémie de choléra qui avait emporté sans distinction de genre mes parents, mes frères et soeurs et tous les autres enfants et petits-enfants de ma grand’mère mes tantes, oncles et cousins. Je suis toujours incapable de m’expliquer comment nous avons réussi à y échapper.

La spécialité de sa grand-mère

La spécialité de ma grand-mère était le linge : trousseaux complets pour la maison, draps, nappes, rideaux, mais aussi chemises pour hommes et femmes, sous-vêtements, layettes pour bébés. À l’époque, seules quelques boutiques haut de gamme vendaient ces vêtements prêts à être portés. 

Le scandale .

Ce qui avait suscité l’indignation de ces messieurs , ce n’était pas la confection des robes, mais le tissu, cette belle soie aux motifs si exotiques sur laquelle nos doigts s’étaient fatigués un mois entier. Pourquoi ? Parce que beaucoup l’avaient reconnu comme provenant d’un célèbre lieu de péché, une célèbre maison de tolérance dont leurs épouses, et à fortiori la reine, n’étaient pas censées soupçonner l’existence. 

Les riches.

La vie m’a appris à respecter les gens riches, quel que soit leur âge, leur caractère, leurs actions. Le fait d’être riches les rendait puissants, plus forts que nous, capables de nous écraser, de nous détruire en un claquement de doigts. Les riches ne devaient pas nécessairement être admirés, notre jugement à leur égard pouvait également être critique, voire plein de mépris. Mais nous ne devions jamais l’exprimer. Et surtout jamais en leur présence. Avec eux, nous devions être respectueux en toutes circonstances.

 

 

Édition Gaïa

Tome 5 Les pionniers du lac Ki-Chi-Saga

 

Les voici donc la famille de Karl Oskar et Kristina de mieux en mieux installée et d’autres Suédois les rejoignent , mais avec eux l’intolérance religieuse pointe son nez. Kristina reste proche d’Ulrika qui est mariée à un pasteur baptiste, les luthériens l’auraient bien vouée aux gémonies s’ils avaient eu le moindre pouvoir. Kristina aimerait ne plus avoir d’enfant mais elle est de nouveau enceinte et la marraine de la petite fille sera justement Ulrika : comme il est loin le passé de prostituée de la digne femme du pasteur si fière d’avoir une petite filleule qui porte son prénom ! Robert ne donne plus de nouvelles, la famille pense qu’il est sans doute mort quelque part. Nous assistons à la création d’une petite société suédoise avec la construction d’une école et le projet d’une église. Et … toujours plus de terrains qui deviennent des terres privées aux dépens des pauvres Indiens bien incapables de se défendre contre l’exploitation forestière et les terrains que les émigrants privatisent . Le tome se termine par une terrible tempête de neige qui a failli couter la vie au fils aîné de Karl , la puissance de l’évocation du danger est vraiment extraordinaire . C’est tout le talent de cet écrivain.

Extraits

Début tome 5

 Un grand arbre fut déraciné par la tempête et vint s’abattre en travers d’un sentier longeant la berge du lac Ki-Chi-Saga, en pays Chippewyan. Il resta à l’endroit où il était tombé, obligeant ceux qui passaient par là à faire un détour. Il ne vint à l’idée de personne de le couper en morceaux et de l’enlever. Peu à peu apparut un nouveau sentier contournant l’obstacle. Au lieu de déplacer celui-ci les indiens déplacèrent le chemin.(…)
 Un jour un homme à la peau d’une autre couleur arriva le long de ce sentier. Il portait une hache sous le bras et foulait lourdement le sol de ses bottes fabriquées dans une autre partie du monde. En quelques coups de hache, il trancha ce tronc en voie de pourriture en deux endroits et écarta l’obstacle : le chemin avait retrouvé son tracé de jadis plus droit et plus court. Et cet homme qui ne voulait pas perdre son temps à faire un détour inutile s’étonna : pourquoi ce tronc était-il resté là longtemps, à barrer le chemin, au point de commencer à pourrir ?

La pudeur et la sexualité.

Anders Mânsson se mit à rire, mais Karl Oskar se contenta d’esquisser un sourire. Il commençait à se lasser un peu de ces éternelles histoires de femmes et de coucheries qu’il entendait Jonas Petter raconter depuis le départ. On pouvait comprendre que de jeunes puceaux connaissant les mots mais pas les actes correspondants s’en délectent mais entre hommes adultes, il y avait des sujets de conversation plus importants. Lui aussi avait de puissants besoin corporels et il souffrait des périodes de grossesses et des couches de sa femme, qui empêchaient tout rapport ; mais, le reste du temps, il était satisfait du plaisir qu’il prenait avec elle. Quoi qu’il en soit ce genre de choses faisait partie de ce qui se passait là nuit et en silence et il trouvait que c’était le souiller et le rendre tristement banal que d’en parler en plein jour, de façon aussi ouverte et crue. 

Toujours les pratiques religieuses.

 Aucun prêtre n’aurait célébré les relevailles d’une femme portant un enfant. Or elle était grosse sans avoir été purifiée et bénie, après son dernier accouchement. Voilà à quel point elle avait été négligente en matière de religion ! Que pourrait penser Dieu d’une pareille conduite ? Pourrait-Il avoir quelque indulgence envers une femme qui, non seulement recevait la communion mais également de nouveau enceinte sans avoir été purifiée de ses précédentes couches ?

La tempête de neige.

 Mais le vacarme se faisait de plus en plus fort, au-dessus de leurs têtes. La tempête approchait à grands pas, elle aussi. La cime des arbres était de plus en plus courbée et les troncs commençaient à s’agiter. Les vagues invisibles du vent balayaient maintenant la forêt, se brisant avec fracas sur la vallée. La tempête avançait de centaines de milles pendant qu’ils en couvraient couvraient un quart. Elle se jetait sur eux avec une violence et une brusquerie incompréhensibles et les touchait déjà de sa pointe : les premiers flocons de neige aveuglaient Karl Oscar s’abattant sur l’attelage tel un vol de faucon.
Ce fut l’affaire de quelques minutes. Cela débuta par quelques grains durs comme des cailloux qui vinrent le frapper au visage, puis la tempête se déchaîne. La neige se mit à tomber en abondance, poussée par un vent violent. En l’espace de quelques instants le monde, autour d’eux, ne fut plus qu’une masse blanche, tourbillonnant et indistincte : de la neige, de la neige et encore de la neige. Poussee6par le vent du nord-est qui balayait la vallée de son souffle impitoyable, elle s’amassait sur le sol en tas de plus en plus haut.

Tome 6 L’or et l’eau .

Ce tome est consacré à Robert qui revient avec des milliers de dollars pour son frère. Peu à peu on apprendra ce qui lui est arrivé ainsi qu’à son ami Arvid . Il revient malade mais heureux de pouvoir apporter la richesse à sa famille. Ce tome est l’occasion de décrire toujours avec la même minutie la ruée vers l’or avec tous ses dangers . Robert est un aventurier mais c’est aussi un jeune homme naïf qui parle mal l’anglais , avec Arvid, ils rencontrent un muletier qui les aide à avancer dans cette route si dangereuse. Mais hélas , un matin Robert et Arvid se rendent compte que deux mulets ne sont plus là. Ils partent à leur recherche et vont se perdre dans un désert sans pitié. C’est là qu’ils se rendra compte que le seul bien réel pour l’homme c’est l’eau. La souffrance des deux amis est très bien décrite, l’auteur a un réel talent pour décrire les situations extrêmes et la mort d’Arvid qui n’a pas pu se retenir de boire de l’eau empoisonnée est d’un réalisme incroyable. Robert sera sauvé in extrémis par le muletier mais il sera définitivement marqué par la mort de son ami et son combat contre l’absence d’eau. Le muletier lui n’a peur de rien si ce n’est que « Yellow Jack » . Robert ne comprend pas ce que représente ces mots mais hélas le muletier mourra de la fièvre jaune, la terrible maladie qui se cache derrière ces mots. Cet homme lèguera à Robert toute sa fortune car celui-ci le soignera jusqu’à son dernier souffle. Le voilà donc riche mais sans aucune envie de vivre, il finira par rencontrer le Suédois qui lui avait donné envie de partir à la recherche de l’or californien , celui-ci lui proposera de venir dans son hôtel . Je ne vais pas plus loin dans le récit car il y a un retournement de situation si douloureux pour tout le monde.

Extraits

Fin de l’introduction .

Seul un rêve pouvait rassembler une telle foule, seul un rêve pouvait la pousser vers l’avant pendant deux mille miles, à travers les régions les plus sauvages et les plus désertiques de la planète. 
Pour indiquer le chemin à ces milliers de gens se déplaçait jour et nuit devant eux un mirage doré, une colonne de feu : « L’OR ! C’était leur but commun, leur quête à tous :  » L’or ! Le pays de l’Or ».

Le monde change.

On entendait parler de tant d’escroqueries et de poudre aux yeux, en Amérique. Ces derniers temps, le Territoire avait vu arriver une foule de paresseux refusant de cultiver la terre et se contentant d’en faire commerce. Ils voulaient être riches sans travailler, tout comme Robert. C’étaient des parasites qui tentaient de vivre aux dépens des pionniers travailleur, de même que les poux suçaient le sang des êtres humains. Il était toujours fâché d’entendre parler de ces paresseux de marchand de terre, installés çà et là, dont on ne pouvait se débarrasser. Le Territoire n’était pas encore organisé de façon satisfaisante : le pays était trop grand, les cultivateurs trop peux nombreux, les paresseux et les filous en trop grande quantité, au contraire.

L’histoire du Grand Hôtel de grand City.

La salle à manger sentait le renfermé et le moisi et il ne put s’empêcher de dire à son ami qu’il avait un peu le sentiment de se trouver dans une cave.
– C’est exact. Le Grand Hôtel était une cave à pomme de terre, originellement, répondit fièrement Fred.
Il poursuivit en racontant l’étrange et noble histoire de l’établissement : la maison était un monument historique, car c’était le plus ancien édifice encore en existence dans la ville. Elle datait déjà de quatre ans. Il avait d’ailleurs l’intention de mettre un écriteau pour le proclamer à la face du monde.

La monnaie dans un trop vaste pays encore en construction.

L’Indiana State Bank de Bloomfield, qui avait émis ces billets, avait disparu depuis plusieurs années déjà. C’était sans doute la raison pour laquelle elle ne figurait pas sur la liste des établissements malhonnêtes publiées dans le journal : elle n’existait plus. On ne trouvait plus les billets qu’elle avait mis en circulation dans cette partie de l’Amérique, uniquement dans les régions de l’ouest les plus éloignées, avait dit le directeur, avant d’ajouter que seuls des immigrants suédois et autres étrangers pouvaient se laisser abuser de la sorte.