Édition la brune

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

 

Quelle tristesse ! quel ennui ! Pourquoi un écrivain se donne tant de mal pour raconter une histoire dont il s’évertue à gommer la moindre aspérité ?

Si je ne mets pas qu’un seul coquillage à ce roman c’est que je lui reconnais une qualité : l’écrivain met son talent d’écriture (car oui, il écrit bien) au service d’une absence totale de séduction vis à vis de son lecteur.

Bon, c’est dit, je n’ai pas aimé du tout ce roman et je ne vois pas non plus ce que cela peut apporter à quelqu’un d’écrire un tel livre ni à quel lecteur ça peut plaire. Je raconte rapidement le sujet, une femme qui n’a jamais été bien dans sa vie, et qui a voulu franchir ce fameux pont qui sépare la ville en deux, les nantis d’un côté et de l’autre ceux qui rament pour l’être, nanti, part à la recherche des épisodes qui l’ont empêchée de s’épanouir et de vivre pleinement.

Toutes les souffrances de cette femme sont gommées par son peu d’intérêt pour la vie, elle est comme dans miroir qui lui permet de se contempler et de se raconter mais pas de vivre. Elle est née alors que sa soeur ainée meurt à la fin de la guerre, elle aura toujours l’impression que sa naissance n’a pas été souhaitée. Sa mère était en deuil de son aînée. Elle sera anorexique, puis se mariera avec un homme avec qui elle n’aime pas faire l’amour. Elle aura un bébé qu’elle appelle « le fils » et qu’elle ne saura pas aimer, au point de faire (peut-être) un geste très violent quand il était bébé mais elle ne sait pas trop si elle l’a fait ou non. Elle a failli faire une très belle carrière dans les assurances mais finalement termine à l’accueil après avoir été secrétaire de direction. Le roman commence par la fin, elle va bientôt partir en retraite et doit déménager dans un nouveau bâtiment. L’auteur annonce sans arrêt qu’en remontant dans le passé on la comprendra et que nous allons assister à des révélations. mais finalement même le fameux ‘geste » est raconté de telle façon qu’il perd toute sa force. Et sa soeur Solange ne nous est d’aucun secours pour comprendre cette petite soeur.

On voit notre société évoluer de 1945 à 2006, les voitures, le logement, la nourriture, les chansons, les opinions politiques, les commerces. Mais rien n’est passionnant tout est terne et gris, je me suis rendu compte que je m’en fichais complètement de savoir en quelle année j’ai mangé de l’avocat pour la première fois et si Greg Lemond a remporté le tour de France ! Et je n’avais pas besoin de ce roman pour savoir que vouloir « être une femme sans blouse » ne suffisait pas à remplir une vie !

Citations

Statut social.

« Je ne partirai pas l’année prochaine. Je vais rester là. J’ai trop voulu y être. Parce que je ne voulais pas porter de blouse. Ma mère en portait pour faire le ménage chez le chanoine du quartier. Ma sœur pour travailler dans son atelier de farces et attrapes. Mes tante à la ferme. Moi, j’ai voulu être une femme sans blouse. Mon bureau, mon fauteuil, mon téléphone délimitent mon territoire. Le seul que j’aie jamais senti à moi

Tout est « normal ».

 Quand ils m’ont dit que je ne serai plus l’assistant du directeur et que j’ai été nommé à l’accueil, j’ai fait semblant que c’était normal. J’aurais pu leur dire que j’exerçais ma mission depuis vingt ans, que je connaissais mon métier à la perfection, je pouvais réciter par cœur la liste des agents généraux, je savais réserver les salles de congrès pour les séminaires, les chambres d’hôtel pour les cadres convoqué au siège, je rappelais au directeur d’aller chercher ses enfants à l’école et ses rdv chez le dentiste, on ne m’avait jamais prise en défaut. Mais je n’ai rien dit et j’ai laissé faire. J’ai prétendu trouver cela normal. J’ai toujours procédé ainsi faire comme si tout était normal. C’est la seule façon qu’on ait aucune prise sur moi. Si vous vous plaignez, il ne faut pas croire que les autres nous porterons secours.

Portrait de famille.

On ne rit pas dans la maison du quartier du fleuve. Pas comme ça. Pas ce rire franc comme une fanfare. Et maman ne riait pas là-bas, rivée à son bout de table. Elle observait Bernard, l’air de penser que le rire était un vice à ranger sur la même étagère que l’intempérance où l’addiction au jeu. S’y adonner était source de danger. Une fantaisie que nous n’avions pas les moyens de nous autoriser. Celui qui rit sa vigilance se relâche, et des gens comme nous étaient condamnés pour survivre à demeurer sans cesse sur nos gardes. Le moindre faux pas nous était interdit.

 


Édition Métaillé .Traduit de l’espagnol (Colombie) par François Gaudry

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

 

Un proverbe arabe

Ce que ton ennemi ne doit pas savoir ne le raconte pas à ton ami 

J’ai vu ce roman sur plusieurs blogs, je ne l’avais pas retenu car je suis réticente à lire de la littérature d’Amérique latine. Le côté fantastique et les exagérations épiques, qu’on y trouve souvent, ne correspondent pas à mon cartésianisme français bien ancré. Mais j’aurais eu vraiment tort de passer à côté de ce livre qui était au programme de mon club de lecture dans le thème « la maison ».

Il s’agit effectivement d’une déambulation dans une maison à Bogota que l’auteur/narrateur a achetée grâce à un prix littéraire où il va habiter avec la tante qui l’a élevé après le décès brutal de ses parents dans l’incendie de leur maison. La maison s’efface par rapport aux souvenirs souvent dramatiques de l’auteur. Il raconte son rapport aux femmes, au sexe, à l’alcool. Il décrit les ravages de l’alcool , de la drogue et surtout de la misère. On comprend mieux en lisant ce livre pourquoi les habitants d’Amérique Latine qui ont un peu de coeur sont tentés par des régimes politiques qui renversent des régimes soi disant démocratiques qui en fait soutiennent une caste de gens extrêmement riches exploitant sans vergogne la misère de leur propre peuple.

Sa tante bénéficie d’un poste dans le monde des structures internationales qui lui permet de vivre dans le le luxe des statuts des fonctionnaires internationaux. Lui, il la suit et il bénéficie d’une éducation de très bonne qualité et d’une ouverture au monde très originale. Dans sa dénonciation des injustices, s’il décrit bien le statut de privilégié de sa tante, il ne fait pas assez à mon goût, le parallèle avec la misère du monde. Toutes ces associations s’occupant de la misère du monde reçu dans les hôtels 5 étoiles m’ont toujours dégoutée.

Certaines pages de ce roman mériteraient cinq coquillages, mais la structure du récit m’a semblé artificielle. Le rapport entre les différentes pièces de la maison et ses souvenirs n’est pas évident. Je n’ai pas aimé non plus la fin du récit complètement inutile à mon avis. Bref, si je n’ai pas trouvé ce côté fantastique qui me dérange souvent la fin est bien dans l’exagération que je n’aime pas. Mais j’ai été bouleversée par bien des pages de ce livre.

 

Citations

 

Pour tous ceux qui pensent que prendre de la drogue c’est festif. ( Lucho, cocaïnomane, son mari a ramené sa maîtresse vivre chez sa femme et son enfant)

 Parfois, la femme venait dans la cuisine lui donner son linge à laver, surtout des culottes pisseuse et merdeuses car sous l’effet du crack ses sphincters se relâchaient et elle souffrait d’incontinence. (…) Jusqu’à ce qu’un jour Elvira parte avec son fils chez sa mère et demande le divorce. Lucho accepta mais demanda en échange une pension car selon lui un artiste était comme un enfant il y avait besoin de protection.
 Grâce à Dieu, dit Elvira, le juge aux affaires familiales n’était pas un imbécile et il a refusé cette demande aberrante, en plus, il lui a interdit tout contact avec l’enfant avant d’avoir subi une cure de désintoxication, dûment certifiée, pendant au moins deux mois, ce qu’évidemment Lucho n’a jamais fait.(…)
 Trois ans plus tard, la police l’appela pour lui dire que son ex-mari avait été retrouvé mort d’une overdose, il s’était injecté une drogue très pure, peut-être de l’héroïne, et le plus incroyable est qu’il vivait encore avec cette femme qui s’était installée chez eux. Une vieillarde édentée et rachitique.

La violence en Colombie .

 Une nuit les cadavres de son grand-père et de son grand-oncle, des leaders libéraux, avaient été retrouvés décapités sur un chemin vicinal. Ce qui convainquit son père qu’il devait prendre au sérieux les menaces et partir, en abandonnant aux conservateurs ses deux champs cultivés et sa maison et « se déplacer » -un mot plus fréquent en Colombie que celui de « tomate »- vers une zone libérale.

Mon chanteur préféré.

 Elle nous a dit qu’elle avait obtenu une bourse au Canada et qu’elle venait nous faire ses adieux. Je l’ai remerciée et lui ai offert un cadeau, un livre sur les origines de la ville de Québec et un CD de chansons de Léonard Cohen. « C’est ce que les Canadiens ont fait de mieux, je lui ai dit. À ma connaissance ils n’ont rien produit de plus intéressant. »

Regard d’homme sur un corps de femme.

 Son corps était dans cette phase où, redressé et bien droit, ses rondeurs étaient alors à leur place, car lorsqu’elle était couchée sur le côté ou assise apparaissaient bourrelets et embonpoint contrariantes. Son ventre, comme chez toutes les femmes ayant eu des enfants était flétri ; sous son nombril s’était formé un tourbillon de peau très fine, comme de colophane froissée, qui descendait jusqu’au pubis et s’arrêtait à la cicatrice d’une césarienne ; elle avait des vergetures aux hanches et aux soins, des rides et des plissements violacés autour des yeux. Ses cheveux se décoloraient a la racine. 
En somme c’était une belle femme mûre.

La vodka et le sexe.

« La vodka, c’est ce qu’il y a de mieux pour ouvrir et lubrifier le sexe des femmes. Pourquoi crois-tu que nous autres les Slaves on boit de la vodka ? La femme slave est belle mais un peu froide, petit, n’oublie jamais ça. Elle a besoin d’un peu de chaleur artificielle. C’est comme avec la plomberie : il faut chauffer un peu les tuyaux avant de les travailler. Le sexe, c’est la plomberie du corps, la théorie des fluides du corps. Ça t’aidera aussi pour bander dur et longtemps, tu me suis ? Ces cavités féminines, qui malgré la vodka garde un encore un peu du vent glacé de l’Oural, ont besoin d’un bon cierge pascal, d’un totem dressé, d’un pistons de lave qui ne perd pas sa chaleur tu piges ? Quand tu le fourres dans une Slave la température de ton corps baisse de quatre degrés. »

Face à la misère sordide de Bogota .

 En les voyant, j’ai désiré profondément qu’il existe un dieu auquel ils demanderaient des comptes, qu’ils assiéraient sur le banc des accusés pour le juger et le condamner sévèrement. Pourquoi as-tu abandonné ainsi tes enfants ? il y a longtemps qu’il aurait dû y avoir un procès de Nuremberg pour Dieu. Le plus probable s’il existait, est qu’IL serait condamné à être fusillé pour avoir trahi le peuple qui l’aime. Mais c’est absurde. Les gens qui ont le moins de raison d’aimer la vie parce qu’ils sont relégués dans un triste recoin de la planète sont précisément ceux qui croient le plus en lui et lui rendent grâce, ceux qui prêchent le plus et adressent la prière à l’air sale et puant des villes. Prières, on le sait bien que personne n’écoute qui n’intéressent personne. 

Réflexion sur l’argent .

 Je m’habituai à vivre ainsi, envoyant apparaître des chiffres rouges dans mes rêves, et je dois dire que j’étais le plus souvent heureux, même si à la fin de chaque mois sonnait l’alarme du découvert, surtout lorsque je découvrais que la totalité de mon salaire de suffisait pas à le couvrir. Je compris alors qu’être pauvre coûtait cher. On passe son temps à payer des intérêts et des pénalités, et à demander un prêt pour payer les intérêts, plus les intérêts d’un nouveau prêt pour acheter une voiture d’occasion qui tombe souvent en panne, et comme je n’avais pas d’assurance tous risques, la plus chère, les réparations étaient à mes frais. Être riche coûte réellement moins cher.

 

 


Édition de l’Observatoire

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

 

Une vraie déception pour ce roman écrit pas la soeur de …  ! La quatrième de couverture annonce une écriture d’une grande force poétique. Je me méfie souvent de ce genre d’affirmation. La poésie ça ne se décrète pas, c’est un ressenti, une émotion et une langue que l’on ne peut pas oublier. Il y a ici plusieurs freins au partage, d’abord la langue québécoise qui n’est pas traduite, donc, parfois, à peu près incompréhensible pour des français. Ensuite la volonté de tout écrire du point de vue d’une jeune adolescente qui, peu à peu, apparaît comme retardée mentale. La poésie de cette naïveté là, est pour moi, difficilement acceptable. J’ai beaucoup de compassion pour elle et sa solitude, mais je ne peux pas partager sa conception des relations humaines.
Je vous explique rapidement ce que j’ai compris : une très jeune fille vit avec sa soeur au bord du fleuve Saint Laurent. Elle se sent différente des autres et sait que cela vient de son manque d’intelligence. Elle souffre car ses parents l’ont abandonnée avec sa soeur. Une femme leur vient en aide, mais c’est très difficile de vivre dans cette région où l’hiver est si froid. Elle croisera un jeune homme qui l’émeut beaucoup. Je ne peux pas vous en dire plus, non pas parce que je ne veux pas divulgâcher le livre mais parce que l’histoire n’a pas plus d’importance que ça. Ce qui est raconté tout au long de ces pages c’est la façon dont cette enfant perçoit le monde et voudrait par dessus tout être aimée.

Citations

Genre de phrases dont j’aimerais avoir la traduction.

Mais cette fois, c’est juste sa voix qui m’a miellée, qui m’a abrillée correctement.

La langue du Québec.

 L’autre soir, l’école a encore appelé à notre demeure. Après ça, Titi a dit que j’étais une cancre, elles étaient énormément en colère et ses cheveux se mouillaient sur sa tête. Je suis peut-être nulle à l’école, mais je sais au moins ce qu’est une cancre, et je sais que c’est triste à mourir. Je sais aussi que quand on change une lettre de place dans le mot « cancre » ça donne « cancer », et que ça non plus ce n’est pas propre propre. J’étais en beau fusil, j’ai fait une crise, j’ai commencé à courir autour de la table en grognant, en tapant mes mains ensemble et en tapant ma figure avec.
 Flatter ma branche m’a fait du bien.

Phrase que j’aime bien.

Ça n’est pas facile d’être à l’intérieur de moi, et des fois je préférais plutôt être à côté pour pouvoir me sauver en criant

 

 

 


Édition du Rocher

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

parole d’un résident d’un Ehpad

« C’est long de mourir. »

Un bol de bonne humeur, des sourires à gogo et même un éclat de rire. Et aussi, des moments d’une grande sensibilité et d’émotion. Au milieu de livres tragiques celui-ci m’a fait un bien fou.

Peut-être avez vous entendu parler du célèbre arnaqueur Victor Lustig qui s’est vanté d’avoir vendu la Tour Eiffel à un riche ferrailleur Parisien. Il serait l’ancêtre du narrateur Thomas Poisson. La quête vers cet ancêtre peu glorieux permet à l’auteur de nous décrire des français contemporains. Ceux qui, avec un gilet jaune, ont occupé les ronds points de la France en 2018. Thomas Poisson est au chômage depuis peu et fréquente la médiathèque de sa ville. Là il rencontre Frankie qui a eu le malheur de changer une roue en pleine manifestation des gilets jaune et qui a eu du mal à expliquer à la police ce qu’il faisait un cric à la main devant les forces de l’ordre. Il y a aussi Mansour ce fils de harki . Le récit de la vie de son père est un des moments d’émotion que j’évoquais au début de mon billet. Il y a aussi Françoise qui fait les meilleures confiture que Valentin, le fils de Thomas, n’ait jamais goûtées. Elle aime bien être sur les ronds points car elle s’y sent moins seule que chez elle. Enfin, il y a le père de Thomas qui termine sa vie en Ehpad.

Et puis il y a Carine, sa femme qui supporte de plus en plus mal les maladresses de son mari. Tous ces personnages forment un groupe humain que nous rencontrons tous les jours, dont nous faisons sans doute partie, cela fait du bien de passer du temps avec eux sous la plume d’un auteur qui a tant de compassion pour ses contemporains. Ce n’est peut-être pas le roman du siècle, mais un livre qui fait tant de bien, que je lui ai finalement mis cinq coquillages pour partager avec vous ce petit moment de bonheur.

 

Citations

Le talent des bibliothécaires.

 Une scène à faire douter un malentendant du bon fonctionnement de son sonotone. Je me suis dit que la formation des bibliothécaires devait les préparer à cela. Une aptitude validée par un examen, j’imagine, ou les épreuves consistent en une mise en situation de communication silencieuse : orienter vers la section « Histoire égyptienne « sans prononcer un mot, et ramener au calme d’un simple regard un groupe d’adolescents agités, donner son avis, positif ou négatif, sur un ouvrage en clignant des yeux… Personne ne maîtrise l’expression silencieuse mieux que les bibliothécaires. Entre eux, ils échangent sur des fréquences que seuls les chiens et les chauve-souris peuvent percevoir.

Un moment d’intense émotion, à propos de son père ancien Harki.

 Un jour en rentrant de l’école – ce devait être à la fin des années soixante, mon père avait trouvé du travail chez Renault et nous avions quitté les camps -, je lui ai demandé ce que c’était qu’un collabo. Il m’avait expliqué. À l’école, il y en a qui disent que tu es un collabo. C’est vrai, Papa ? je lui avais demandé. Je me souviens de la tristesse dans son regard. Non seulement on l’avait trompé, mais comme si cela ne suffisait pas, on lui crachait dessus désormais. Mon père est mort il y a trois ans. J’avais huit ans lorsque je lui ai posé cette question. Jamais je n’oublierais le regard de mon père ce jour-là . D’abord parce que c’était par ma voix qu’il apprenait ce que les autres pensaient ou du moins colportaient sur les harkis. Ensuite parce que ce regard résume à lui seul tout ce qu’il m’a transmis, son histoire et la souffrance qui l’accompagnait. Mon père était un type bien et la vie ne l’avait pas mieux traité pour autant.

Humour qui fait du bien (aux maladroits, surtout).

 Le tapis ne craignait rien. C’est un modèle bleu foncé venu remplacer le tapis artisanale berbère, souvenir du même voyage au Maroc, en laine blanche finement décoré de motifs géométriques noirs. Lui trop clair, trop fragile, moi, trop maladroit. Nous nous n’étions pas destinés à vivre ensemble.

Éclat de rire .

 Bruno s’est bien foutu de moi ce soir. En attrapant mon porte monnaie dans mon sac, j’ai fait tomber la bombe de déodorant que tu m’as donnée pour remplacer ma bombe de défense au poivre. « Pour nous les hommes » il m’a dit. J’ai dû lui expliquer pourquoi je me promener avec une bombe de d’Axe marine. La seule chose qu’il a trouvé à dire, c’est que ça pouvait toujours servir si je tombais sur un agresseur qui sentait la transpiration ….

Je suis tellement d’accord, enfin, pour l’humanité j’ai un petit doute.

 La pizza hawaïenne est incompréhensible, un ornithorynque gastronomique, un assemblage disparate qui défie la logique élémentaire sans avoir toutefois la sympathie de l’inclassable animal. C’est un outrage à la gastronomie italienne, et même une raison suffisante de douter du bien-fondé de l’existence de l’humanité.

 


Éditions Julliard

lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

…il ne serait sorti que pour leur parler de la relativité du laid et du mensonge des apparences.

Parfois un livre vous fait partir loin dans des pays lointains, grâce à ce roman vous partirez dans le passé, à la cour du jeune roi Louis XIV, auprès d’une femme, Cateau qui est au service d’Anne d’Autriche, sa mère. Ce livre est si bien écrit que je vous garantis le voyage ! Catherine Beauvais avant d’être le médecin à la cour a beaucoup souffert, car elle est très laide. Enfant, elle a été rejetée par ses parents, puis souffre douleur des enfants avec qui elle a été gardée. Elle a connu un moment de bonheur avec sa grand-mère qui lui a appris les mystères des soins par les plantes, en particulier avec les lavements.

Un homme se mariera avec elle pour pouvoir mettre sur sa vitrine « magasin du Monstre » et voir ses ventes augmenter. Sa grand-mère, toujours elle, l’aidera à venir près de la reine pour soigner « cette grosse femme » qui mangeait beaucoup trop. C’est alors que les vrais monstres vont se déchaîner, les courtisans qui ne comprennent pas comment une femme si laide peut vivre à la cour. L’auteur visiblement n’aime pas beaucoup Mazarin qu’il accuse de tous les pêchés (je dis bien de tous les pêchés !), et a peu de considération pour Madame de Sévigné, ses traits d’esprit étaient surtout méchants.

Ce livre est bien écrit, il est enlevé et rempli d’allusions littéraires qui font plaisir. Je vous le disais, un voyage dans le temps et un excellent moment de lecture alors que, ce qui y est raconté sent, parfois, la pisse, la merde , la putréfaction. Le mal n’est pas toujours là où on le croit comme le disent ces derniers mots du roman prononcés par un voyageur qui pourrait bien être l’auteur ou vous lecteur  :

…il ne serait sorti que pour leur parler de la relativité du laid et du mensonge des apparences.

 

Citations

 

Un début qui m’a donné envie de lire ce livre.

 Pour le voyageur qui, en 1655, découvrait Paris du haut de la butte Montmartre, la ville semblait une vaste mer de toits argentés au milieu desquels émergeaient, par endroits, le mât pointu d’une église ou les tours carrés d’une cathédrale. Et c’était un spectacle merveilleux, vraiment, que celui de cette étendue qui allaient se perdre au fond de l’horizon, et d’où montait, comme une chanson, une continuelle rumeur de cloches, de hennissements et de cris.
 Mais sitôt que le voyageur avait dévalé l’un de ces petits chemins éclaboussé d’arbustes qui serpentaient jusqu’à la ville, c’en était fini de la beauté. Il n’est pas toujours bon de pénétrer le revers des choses. Car sous cet immense tapis d’ardoises, au pied de ces grandes tours où Dieu veillait au destin de quatre cent mille de ces créatures, se cachait un monde d’une laideur repoussante.

Détails puants.

Les Parisiens et les Parisiennes, faute de latrines, pissaient et chiaient où bon leur semblaient (quoi qu’il existât certains lieux plus prisés que d’autres : aux Tuileries, par exemple ils étaient plusieurs centaines à se retrouver chaque matin sous une allée d’ifs pour débarrasser de leurs intestins du mauvais repas qu’ils avaient ingurgité la veille). Tous les jours les boueurs évacuaient vers la banlieue près de vingt mille boisseaux de merde. 

J’adore ce genre de raccourcis.

 Les discussions étaient rares entre Catherine et Pierre. Comment aurait-il pu en être autrement au sein de ce couple où le mari croyait que sa femme était bête et où la femme savait que son mari l’était.

C’est drôle, non ?

Jamais, durant les séances de soins, la reine ne lui parlait des affaires du royaume ce n’est pas parce que l’on montre son derrière à son médecin que l’on est obligé de tout lui dire.

Les hôpitaux .

 La plupart des malades, quelque fût leur affection, étaient rassemblés dans un immense dortoir qui puait l’urine, les chaires moisies et la soupe suri. Ce spectacle misérable était compensé par l’extraordinaire dévouement des sœurs qui s’occupaient de l’endroit. Sans doute n’étaient-elles pas pas les femmes les plus tendres et les plus patientes de la terre. Mais au moins ne passaient-elles pas leur temps, comme les nonnes des Filles-Dieu, à marmonner des prières, persuadées que cela suffirait pour changer le monde.

Édition Sabine-Weispieser
Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 
Un roman choral, autour de la célébration de la naissance du bébé Ève, fille de Stéphanie qui a eu ce bébé grâce à une PMA en Espagne. 12 chapitres, dont le personnage principal est une femme reliée à ce bébé. Cela se termine par un chapitre appelé Dimanche jour où la fête d’Ève a lieu. Cela permet à l’auteur d’explorer tous les thèmes qui concernent la condition de la femme aujourd’hui. Stéphanie et ses deux sœurs, Laurence et Lucie, ont été élevées par une mère Nicole qui a été incapable d’affection et qui est maintenant pleine d’aigreur.
Le roman commence tout doucement par le point de vue du bébé et ce passage est très réussi. On verra ensuite, une femme qui aura un bébé par PMA dont le père sera un homosexuel, une amie qui sent son corps vieillir, une femme qui éprouve un plaisir physique par téléphone interposé et qui sera déçu par la réalité, une jeune fille anorexique, un cancer du sein, l’arrivée des règles chez une très jeune fille, la ménopause, et la vieillesse…
L’auteure aime présenter ses personnages avec la réalité du corps de la femme et cela le roman le réussit très bien. En revanche on peut lui reprocher d’être un simple catalogue de tous les aspects des problèmes du corps de la femme , le roman peut alors sembler un simple prétexte à faire passer tous les messages importants concernant le statut de la femme.

Citations

 

Une mère aigrie.

 L’idée qu’une fille déteste sa mère, qu’ une mère méprise ses filles, je ne comprends pas. Si je ne l’avais pas entendue de mes propres oreilles cracher son venin, si je n’avais pas vu de mes propres yeux sa grimace glaciale face au visage souriant d’Ève, si je n’avais pas découvert ses albums remplis de photos d’elle, toujours au premier plan, entourée de silhouettes minuscules et floues de ses filles, je n’y croirais pas.

Le plaisir féminin.

 L’une des plus grandes joies de ma vie amoureuse d’avant ma rencontre avec Sophie, se fût l’exploration du monde des seins, le recensement de leurs formes, ogives, larmes, ballons, gouttes, méduses, la découverte des aréoles de toutes les couleurs, du brun-noir au rose le plus clair, la dégustation de tous les tétons qu’ils soient minuscules ou bourgeonnants, dressés ou recroquevillé, simples ou dédoublée, j’ai adoré .

Être parents, après le risque d’une méningite pour le bébé.

 Avoir connu ensemble, l’attente révoltée et longue, si longue, du résultat d’analyse, du diagnostic, du sourire en blouse blanche, leur avait fait éprouver dans les évidence le lien qui les unissait désormais tous les trous.
 C’est ce qu’ils se disent dans ce drôle d’état qui n’est pas du bonheur, mais quelque chose de plus fort encore, né de l’éloignement du danger et de la faim de la peur. Ils se disent que cette nuit, quelques heures avant le moment prévu, ils sont devenus les parents d’Ève, sans témoin ni baratin dans l’intensité partagée de leur amour pour elle 

Édition Gallimard NRF . Traduit du Russe par Christine Zeytounian-Beloüs. Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

La seule chose qui leur permet de nous contrôler, c’est notre peur.
Encore un roman sur la déliquescence du régime russe avec à sa tête l’homme le plus corrompu du pays et peut être du monde qui tient tous ses compatriotes par la peur, car il a tout appris de son ancien service : le KGB.
Mais … l’intrigue est trop compliquée et je me suis un peu perdue. Et puis, il n’y a vraiment rien de nouveau dans ce roman, la seule question que l’on se pose , mais pourquoi les Russes supportent-ils un régime aussi corrompu et qui les maltraitent autant.
Le récit commence par un incident qui se passe sous le régime soviétique : Vladimir a vendu des pneus au marché noir. Ce jour là, pour son malheur, il signera un papier comme quoi il acceptera de travailler pour le KGB. Le même Vladimir pense qu’à la suite du renversement du régime soviétique, ses ennuis sont derrière lui. Comme tous les Russes malins, il se fait beaucoup d’argent dans des compagnies de vente et revente. Un jour, il est envoyé aux USA, il y a un enfant avec la femme qu’il aime. Et puis brutalement, il est rappelé à Moscou et là, on lui ressort le papier qu’il avait signé dans sa jeunesse.
18 ans plus tard, cet homme fera tout pour sauver son fils du terrible piège qui s’abat sur eux. Mikhaïl Chevelev garde le suspens de son récit jusqu’à la dernière page. Ce n’est pas, évidemment, ce qui m’a intéressée (puisque c’est par cette page que j’avais commencé ma lecture) mais en revanche tout ce qui tourne autour de l’économie Russe et la complicité hypocrite des puissances occidentales, c’est à la fois terrible et hélas tellement vrai. L’occident a accepté les milliards des oligarques corrompus sans se poser de questions sur ce que cela voulait dire pour l’appauvrissement de la population russe, ni surtout, du pouvoir que l’on donnait ainsi à un régime qui, aujourd’hui, nous fait la guerre.
Un roman qui plaira aux amateurs de thrillers et qui, encore une fois, désolera ceux qui pensent que la Russie mériterait mieux que toute cette corruption et la violence qui va avec !

Citations

Le KGB.

 Bien des années ont passé, oui bien des années avant que je ne comprenne une vérité toute simple. Ils ne savent rien sur nous. Rien du tout. À part ce que nous leur racontons. Sur nous-mêmes et sur les autres. Et toutes ces légendes sur leurs yeux qu’ils sont partout et leur omniscience diabolique ne sont que du bluff, un mythe, un appeau à moutons. La seule chose qui leur permet de nous contrôler, c’est notre peur.

Blanchir l’argent .

 On m’a chargé de fonder deux entreprises, l’une à Moscou l’autre à New York. Leur but était de faire sortir l’argent de Russie et des autres ex républiques soviétiques, de le légaliser et de le placer. En Occident, principalement aux États-Unis et en Grande Bretagne, il se transformait en biens immobiliers, en yachts, en avions, en actions.
Ça a continué pendant plus d’une décennie. Durant ce laps de temps nous avons blanchi, pour appeler les choses par leur nom et selon mes calculs, près de six milliards de dollars. Nous n’étions pas la seule et certainement pas la plus grosse organisation chargée de cette activité. 

La vie en Russie.

 Il nous semble seulement à nous citoyens de Russie, que nous vivons tous dans des mondes différents. Dans l’un les oligarques, les ministres, et leurs députés avec leurs villas sur la chaussée Roublev, leurs Ferrari, leurs Lamborghini, leurs jets privés, leurs yachts à Saint-Tropez et leurs hôtels particuliers à Londres. Et dans l’autre les gens ordinaires : ouvriers, ingénieurs, enseignants, médecins ou autres, dont le souci principal est de tenir le coup jusqu’au prochain salaire mensuel. (…)
 Le véritable malheur de l’économie russe, c’est qu’elle repose sur la corruption. Détournements de fonds, et dessous de table, fausses factures et blanchiment : voilà sa vraie nature ses principaux mécanismes et, peut-on dire, son but essentiel.


Édition Equinox (les arènes) 

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

Un roman thriller politique, écrit par un journaliste qui connaît parfaitement les dessous de la vie politique des années 90/2000 de l’ex-URSS et de l’Ukraine. Le style journalistique de l’auteur rend ce roman très facile à lire, les chapitres sont courts et contiennent chacun une information qui constituent une pièce de puzzle qui amènera la chute de la « chienne », et le recul des « loups » pour un temps de l’Ukraine. Ils rodent en meute encore chez le grand frère Russe avec à leur tête le chef du clan Poutine . Et l’on sait aujourd’hui que cette meute n’acceptera pas de se contenter de dominer le territoire russe qu’il lui faudra aussi revenir en force en Ukraine. C’est pourquoi je l’associe à la guerre alors qu’il se situe deux ans avant l’invasion de 2014.

Le roman se situe donc, en 2012, il met en scène une femme qui va devenir présidente de l’Ukraine, elle s’est taillé un empire grâce à une énergie et une absence totale de scrupules. Nous sommes dans les 30 jours qui précèdent son investiture, elle est menacée par un accord qu’elle avait conclu au début de sa montée en puissance avec les Russes. Ceux-ci la tiennent et veulent donc qu’elle se soumette. Le piège est admirable et le suspens est si bien mené que je ne peux pas en dire plus.

En revanche ce que je peux dire et cela vous le savez : l’Ukraine n’acceptera plus les manoeuvres des politiciens corrompus et cela deviendra insupportable pour les Russes qui comme le décrit si bien Iegor Gran dans « Z comme zombie » n’ont aucune illusion sur leurs dirigeants mais s’en accomodent très bien.

Une lecture facile et prenante, une pierre de plus dans ma compréhension de ce que les Ukrainiens vivent aujourd’hui et les raisons pour lesquelles nous devons être solidaires de leur combat.

 

Citations

Efficacité du style.

 La fille est suivi par quatre serveurs en costume blanc étincelant. Son travail à elle est de rouler du cul dans un pantalon de cuir, le leur est de ressembler à des matelot de « La croisière s’amuse ». Elle sans doute mieux payée qu’eux, d’ailleurs. Quelques centaines de dollars. C’est donc que les choses sont en ordre, à leur place. L’argent est le meilleur étalon, le plus incontestable des ordonnateurs. Pas un des convives ne songerait à remettre en question cette simple vérité

Vision de Vienne.

 Les Russes ne sont pas les seuls à avoir colonisé Vienne. Toutes les langues de l’ex- URSS s’y font entendre. Les mercenaires de Ramzan Kadyrov y donnent la chasse aux réfugiés politiques thétchènes. les Azéris ont noyauté les organisations internationales installées là, distribuant leurs valises de billets aux fonctionnaires internationaux. Les oligarques kazakhs en disgrâce cohabitent avec les officiels d’Astana qui cherchent à les descendre.
Les Ukrainiens ne sont pas en reste.

Efficacité d’Olena face à l’impuissance de Valeri, son mari.

 

 Peu à peu ses affaires ont gagné en organisation et en professionnalisme. Au lieu de ployer sous des ballots de plastique, elle remplissait les coffres de vieille Lada. Elle payait désormais le voyage d’autres femmes vers la République tchèque, l’Allemagne, en quête de nouvelles raretés et de ces jeans que la jeunesse et les nouveaux riches s’arrachaient. Valéri la regardait faire avec effroi, s’enfonçant encore un peu plus à mesure que sa femme sauvait sa peau, s’élevait au dessus du mouroir. Le pays qu’il voyait naître dans les yeux d’Olena n’était pas celui qu’il avait imaginé, attendu, pas celui que lui promettait les articles qu’il lisait à la fin de la décennie précédente. Il condamnait ses combines minable, amorales, mais n’était même pas capable de sortir de l’appartement.

Les enfants du communisme : passage clé pour comprendre les personnages du roman.

 

 Ce qui est important ce n’est pas de savoir quelle enfant était Olena Hapko, ni si elle a changé plus tard, et à cause de quoi. Ce qui a changé, c’est le monde autour d’elle. Il n’a pas seulement changé, il s’est écroulé en un claquement de doigts. Ces gamins nous les avons élevés avec nos valeurs, et nos références. Et puis, lorsqu’ils sont devenus adultes, plus rien de tout cela n’avait le moindre sens. Ces valeurs qu’on leur avait inculquées sont devenues le mal, du jour au lendemain. Tout ce qu’on leur avait dit de respecter est devenu nul et non avenu. Pour nous aussi, ça a été dur. Avec l’écroulement de l’URSS, c’est comme si on nous disait que nous avions vécu toute notre vie dans l’erreur. Mais au moins nous étions des adultes. Nous avions eu le temps de constater l’hypocrisie du système soviétique, son cynisme. Nous étions blindés contre tous les grands discours. Tout ce qu’on nous demandait c’était de nous serrer la ceinture et de courber l’échine, une fois de plus, accepter que le passé était mort. Nous avons vu la violence des années quatre-vingt-dix comme un nouvel avatar de notre histoire dramatique, de notre destin. Qu’est-ce que ça pouvait nous faire, leurs « privatisations » à nous qui avions connu la collectivisation, les purges, la guerre, les camps … Mais imaginez ce qu’ont pu ressentir ces enfants qui arrivé à l’âge adulte à ce moment là, plein de confiance et d’allant. Eux ne connaissaient ni la violence de la cupidité ni les cadavres étendue en pleine rue. Ils étaient habitués à croire ce qu’on leur disait et surtout à croire en l’avenir. Comment comprendre le bien et le mal, comment savoir à quoi s’accrocher, en quoi garder la foi ? Qu’est-ce que ça veut dire dans le monde entier se met à tourner dans tous les sens, rester la même personne ou changer ?

 

Édition Acte Sud Traduit de l’anglais par Christine Leboeuf 

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

 

J’aimerais discuter avec la traductrice pour comprendre toute la difficulté de sa traduction, elle arrive à nous faire saisir toutes les difficultés du passage du persan au français en sachant que le roman est écrit en anglais. Ce roman met en scène la diaspora iranienne de la première génération d’exilés : celle qui vivait bien sous le régime du shah et qui est partie au moment où la révolution leur a fait peur (la prise d’otages à l’ambassade des États-Unis) . Le personnage central est Bibijan une femme de presque 80 ans, veuve d’un général corrompu, mais dont l’apparente richesse cachait des magouilles qui provoqueront la ruine de sa famille. Elle est dévastée par la disparition de son fils Ali lors de la guerre Iran Irak.
Elle arrive chez sa fille à Los Angeles et se sent malheureuse même si cette fille semble vivre dans l’opulence. Elle n’est pas bien non plus chez son autre fille, la révoltée artiste qui vit dans un petit appartement parisien dans le marais.

Tous les rapports entre les différents personnages sont sous-tendus par l’argent, en Iran comme à Los Angeles la pauvre Bibijan est victime d’escrocs qui en veulent à ses revenus et son gendre celui qui lui « offrira » la carte ventre pour résider aux USA est une vraie crapule, car il utilisera l’argent qu’elle s’était toujours refusée à obtenir de la part du régime des Mollahs.

Ce roman est compliqué à lire car l’écrivaine change de narrateur suivant les portraits qu’elle nous décrit et ce n’est pas du tout évident de comprendre qui s’adresse à nous. C’est dommage car cela rend la lecture difficile alors qu’il y a de purs moments de bonheur. J’ai beaucoup ri au chapitre « mariage » je vous laisse deviner comment s’est terminé celui qui a voulu imiter blanche neige et le sort de la jeune mariée dans son cercueils de verre attendant le baiser de son prince charmant !

Peu à peu, j’affine ma perception de l’exil. Ce roman apporte sa pierre à un sort qui touche tant de gens : l’exil. On découvre que l’argent n’est pas un facteur de réussite, il semble que seul un travail dans le pays d’accueil permet aux femmes de sortir de leur nostalgie ; cela je le croirai volontiers.

 

Citations

 

La façon de raconter.

 Non que les sœurs fussent si proches, elles non plus l’une si acharnée à s’américaniser qu’elle s’était passé la cervelle à l’eau oxygénée et l’autre devenue française ou lesbienne, ou je ne sais quoi. Fameuse réunion de Nouvel An que ce sera là : père mort, frère disparu, et deux cinglées de sœurs qui ne se parlent quasiment plus.

J’aime bien la création du nom « Téhérangeles ».

 Les festivités du Nouvel An était importante à L.A. : toutes sortes d’évènements avaient lieu au mois de mars à Téhérangeles, toutes sortes de concerts et de fêtes célébrant le passé préislamique de la Perse, l’équinoxe de printemps.

Un exil trop long .

 Mais bientôt nous avons commencé à nous impatienter. Combien de temps cela allait-il durer  ? Nous nous irritions des restrictions à l’immigration dans nos soi-disant pays d’accueil, de l’humiliation d’être interrogés aux frontières lors de nos arrivées et départs comme si nous étions corrompus et vénaux nous aussi. Nous fulminions contre l’ignorance des étrangers incapables de nous distinguer des Arabes et des Afghans, comme si nous étions à la source potentielle de chaque acte de terrorisme.

Les arbres parisiens.

Les arbres en donnaient la preuve songeait-elle en parcourant des yeux la place des Vosges. La liberté de la presse n’existait pas ici pour les arbres. Ils étaient élagués férocement chaque année, en dépit de leur silence. Leur ombre était réduite à un cercle étroit sur le gravier des allées. Leurs troncs étaient entravés par des piques en métal. Aucun n’était autorisé à devenir plus haut, plus large, plus grand, plus ample, ou plus épais de tronc que les autres, et tous étaient taillés en forme de cube ou de rectangles dans toutes les rues. Avoir trop de branches ou trop peu, s’étendre trop loin ou pas du tout m’était un arbre en danger imminent. Bibijan se sentait étrangement oppressée en France, a cause des arbres. Elle se sentait enfermé dans l’appartement de sa fille, mais la sortie au parc était, elle aussi, une contrainte. Elle espérait ne pas mourir en France.

La déchéance .

 Elle détestait faire la lessive. Ce qu’il y avait de pire avec cette Révolution, c’était que ça l’avait forcée à faire sa lessive elle-même. Lily avait célébré les fondements de l’ancien régime avec toute la ferveur d’une jeune marxiste, mais dès l’instant où elle avait balancé l’argent de son père à côté du comptoir à huitres rue Saint-Antoine et abandonné son luxueux appartement des Champs-Élysées, elle n’avait jamais pu s’offrir ni machine à laver ni sèche linge.

Les belles filles, occidentales ou persanes.

 Les occidentales sont celles qui se tiennent au courant de tout nos rendez-vous, dentiste, occultiste, examen cardiologique. Alors s’il arrivait quelque chose, elles seraient exactement quoi faire. Elles voleraient à notre secours. Elles nous traîneraient à l’hôpital. Laisseraient les médecins nous fourrer des tubes partout. Vous savez ce que sont les hôpitaux dans ces pays occidentaux. Ces « farangi » de nous laisserai pas mourir.
 Mais nous chers compatriotes, nos bien aimés belles-filles persanes pleureraient, se mettraient dans tous leurs états, feraient naître une palabre grandiose, mais, que Dieu les bénisse, elles nous laisseraient partir.

Un portrait qui a plus de sens pour les Iraniens ?

Lorsqu’il avait épousé Goli, sa révérence envers son beau-père le rendait concave, le général ayant manifesté tout à fait clairement qui tenait les cordons de la bourse dans la famille. Il était alors l’un de ces jeunes Persans maigrichons, la tête inclinée d’un côté et les mains jointes sur le sexe qui restait muet les yeux modestement tournés vers le sol quand on lui adresser la parole, et ne murmurait compliments et politesses insipides que si on l’invitait à parler.

La vieille dame iranienne, dégoûtée parce que son gendre trop gros porte un bermuda.

 Une loi qui vous fait cacher votre visage, et une autre qui vous le fait montrer, pensa-t-elle vaguement. Et, toujours c’étaient des hommes qui décidaient, des hommes qui péroraient sans fin à propos de ce que les femmes devaient porter ou ne devaient pas faire Bibi aurait aimé que les femmes imposent une loi forçant les hommes à porter des pantalons longs en présence de leur belle-mère.

La folie de l’argent dépensé lors des mariages .

 Et nous m’ont montré aux autres que nous avons largement de quoi faire cela, que nous lésions pas, que nous ne sommes pas regardants. En fait, tel est le véritable enjeu de nos mariages : montrer notre richesse au monde.
Mais ils peuvent aussi représenter un réel gaspillage, en toute honnêteté. À croire que nous n’avons rien de mieux à faire de notre argent que le jeter à des gens qui s’apprêtent à commettre l’erreur de leur vie. Nous avons assisté à des mariages ou des milles et des cents avaient été dispensés pour la robe de mariée et pour celle des demoiselles d’honneur, des cents et des milles pour le traiteur et les boissons de plus d’un million pour la salle et la réception le service de sécurité l’assurance. Parce que, bien entendu on ne sait jamais ce qui pourrait mal tourner dans un mariage.

 

 

 

 


Édition Gallimard N.R.F

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

 

Je crois qu’il faut faire lire ce roman à tous les parents qui auraient envie de pousser leurs enfants dans une carrière d’acteur. La peinture du cours Florent est une vision de l’enfer : qui peut avoir envie de jouer le chien qui pisse sur la jambe de quelqu’un d’autre ? Qui aimerait passer des heures à jouer des rôles stupides d’animaux dans des positions dégradantes ? En revanche, un peu plus positif, on sent que devenir un personnage c’est un travail de transfert de personnalité et que cela demande des efforts colossaux. Romy arrive à Paris avec un lourd passé d’une enfance détruite par un père alcoolique et violent et des abus sexuels par une femme voisine. Elle veut donc être comédienne et se prostitue pour payer le fameux cours Florent. Elle va vivre chez une femme très âgée Odette qui perd gentiment la tête, ensemble elles jouent des personnages et leurs rapports très conflictuels ressemblent à des jeux de théâtre. L’écriture est violente comme l’histoire mais ne m’a absolument pas touchée. La seule chose qui m’a intéressée dans ce roman, c’est l’appropriation par Romy des rôles de Blanche ou de Stella dans « un Tramway nommé Désir » .

J’ai eu même un rejet du livre quand Romy drogue la vieille pour pouvoir rejoindre son amant en toute tranquillité .

 

Citations

Les prostituées.

 Le soirée va être longue. Encore sept heures à tenir. Il n’y a pas grand monde ce week-end, il fait beau, les Parisiens sont partis et les provinciaux ne viennent qu’en semaine. Notre milieu est le thermomètre des humeurs sociales. On sait si le pays va bien ou non. Nous sommes les premières atteintes par les grèves, les épidémies ou les restrictions budgétaires. en plus d’être danseuses, nous sommes sociologues et psychologues.

Style et humour : la messe.

 Odette chante, Odette se met debout Odette s’assoit, Odette connaît le texte par cœur, Odette tient la main de ses voisins, les prend dans ses bras. Je ne peux pas dire que ce soit la grosse ambiance comme à un concert, mais pour son âge je respecte. Elle a le rythme pontifical dans la peau. Elle me chuchote à l’oreille quand je dois me lever, tire sur la manche de ma veste en jean quand je ne réagis pas. « Prenez et mangez, ceci est mon corps ». Le père Dominique articule de façon exagérée, j’ai l’impression qu’il fait un exercice de diction.