Éditions de l’Olivier

L’expérience concentrationnaire est incommunicable.

C’est c’est une histoire racontée à des sourds par des muets

Quatrième livre de cette auteure sur Luocine, c’est visiblement une écrivaine que j’apprécie sans jamais être totalement enthousiaste , petit rappel : le remplaçant, Ce Coeur changeant, les bonnes intentions.

Ce roman est , une fois encore, agréable à lire mais la construction est surprenante, on a l’impression, certainement fausse, que l’écrivaine écrit au fil des jours sans savoir très bien où elle va et où elle mène son lecteur.
Au départ, il y a un projet assez vague de créer un lieu pour vieillir avec ses amis, un peu comme ses grands-parents, rescapés d’Auschwitz l’avait fait dans une tour du 13°. Elle revisite donc ses souvenirs, très marqués évidemment par le poids de la Shoah, mais aussi, de ce que représente pour elle, le vieillissement. Son livre est comme un kaléidoscope, avec des petites pépites lumineuses mais qui ne se raccrochent pas à un ensemble.
Comme je suis, parfois, un peu comme la vieille femme écossaise qui l’avait interpellée lors d’un colloque en lui demandant de quel droit elle parlait de la vieillesse et de la guerre, elle qui ne l’était pas, vieille, et qui ne l’avait pas vécue, la guerre, en regardant la très joie femme de soixante ans qui a écrit ce livre, je me suis plusieurs fois demandé ce qu’elle connaissait de la vieillesse physique, qui arrive vers 80 ou 90 ans. Et toujours avec mon esprit mal placé, j’ai pensé que cela lui permettrait d’écrire un autre livre dont le sujet serait « la vieillesse physique commence plus tard que je ne l’imaginais ».

Stop, pour mon mauvais esprit ! Cette écrivaine ne saurait totalement me déplaire car nous avons un auteur fétiche commun : Jean Pierre Minaudier. Et puis, lorsque l’on passe plusieurs soirées avec ce livre, en étant parfois , amusée , triste ou le plus souvent étonnée, on ne peut pas être trop sévère. Pourtant, je sais que j’oublierai ce roman, cette longue déambulation dans sa mémoire et tous les gens qui la peuplent.
Sa grand-mère qui lui donne la recette d’un gâteau dans son accent qui la rend si attachante. Sa mère qu’elle a tant aimée et elle qui sait qu’elle porte en elle même la petite fille, l’adolescente, la femme et la mère .

Je ne pense pas qu’elle construira son phalanstère pour vieillir avec ses amis, mas elle a déjà réussi à les réunir dans son livre

 

Extraits

 

Le Début.

 Mes grands parents maternels, Boris et Tsila Jampolski, avaient 65 ans lorsqu’ils ont acheté sur plan, un appartement de deux pièces avec balcon au huitième étage d’une tour dans le XIII° arrondissement de Paris. J’ai écrit leur adresse -194 rue du Château des Rentiers 75013 Paris- sur des enveloppes et des cartes postales pendant près de trente ans.

J’aime cette façon de raconter.

 À 17 ans et un jour j’ai modelé un nouvel idéal en m’inspirant cette fois d’une amie que je trouvais plus jolie, plus intelligente et plus mûre que moi. Je m’achetais les mêmes vêtements qu’elle. Toutefois comme nos morphologies différaient ce qui la sublimait -faisant d’elle tantôt une princesse bulgare tantôt une ballerine de Degas- faisait de moi une brave une brave fille de ferme. Le constat de ce nouvel échec aurait pu mettre fin à ma manie de l’idéalisation. Mais non. J’aimais et j’aime toujours admirer. C’est mon moyen de transport fétiche. Je veux être ce que je ne suis pas. Je veux être là où je ne suis pas. Peu importe que j’y parvienne ou non, car le plaisir est garanti par le trajet.

La recette de cuisine du gâteau de sa grand-mère.

« Combien tu mets de farine ? » lui ai-je demandé. « Un péï »,a-t-elle répondu. « Et combien de sucre ? » « Un péï. » « Comme la farine alors ? »  » Non, pas comme la farine,. Un péï. » J’ai laissé tomber. Elle a ajouté l’hile, à batti avec le battèr, elle a kisinéï, dans sa kisine, à sa façon qui ne serait jamais la mienne, et j’ai accepté de perdre pour toujours la saveur de mon gâteau préféré. J’ai accepté l’idée que quand elle mourrait, le gâteau mourrait avec elle.

Vieillir.

-C’est quoi, le pire, pour toi dans le fait de vieillir ?
– La douleur. Le mouvement entravé. La fin de la souplesse. La laideur. J’ai j’ai honte de tout, de mes cheveux, de mon visage, de mes mains, de mes pieds (je ne parle pas du reste). C’est comme si je polluais l’espace visuel collectif. Cela me rend malade de timidité. Je ne sais pas comment m’habiller, comment m’asseoir, comment me relever. J’ai l’impression de m’être endormie dans un corps et de m’être réveillée dans un autre.

Je comprends sa mère.

Ce qui ressemble à un paradoxe n’en est pas un : indisponible elle l’était, pour boire un café, se promener bavarder au téléphone. Mais fiable et présente, elle l’était aussi, pour s’occuper des enfants, me conduire en voiture, m’aider à préparer un repas. Autrement dit, si c’était pour le plaisir -le sien en particulier-, c’était souvent non. Si c’était pour se rendre utile c’était toujours oui.

Le brouillon et la vie.

À l’école, on nous apprend à faire un brouillon. Cette méthode qui consiste à essayer, à s’entraîner avant de « faire pour de bon » structure notre existence. Et pourtant, nous ne vivrons qu’une fois. Le brouillon sera la seule tentative et coïncider avec la version définitive.

C’est aussi une de mes idoles.

Cela m’évoque la félicité grammaticale que j’ai éprouvée en lisant ce que Jean-Pierre Minaudier, historien reconverti en linguiste et traducteur du basque et de l’estonien, écrit concernant un suffixe présent dans la langue guarani. Cette particule que l’on ajoute à la fin de l’année permet d’en modifier la modalité, et d’indiquer ainsi différents états d’un même objet ou d’un même être. » En guarani, note-t-il, il y a non seulement un passé, mais un futur et un « frustratif » nominaux. « Chemanékue » veut dire « celui qui était mon époux, « chéménarã » « mon futur époux, et « chéménarãngue » « celui qui devait être mon époux mais ne l’est pas devenu. Je me rappelle avoir été ébahie en entendant cette déclinaison. Le génie de Minaudier n’y était pas pour rien. Avoir l’idée, pour nommer un mode grammatical, de forger le néologisme « frustratif » à fait de lui une de mes idoles.

 

Édition La Peuplade Roman

Traduit du roumain par F et JL Courriol

 

Quel roman ! c’est un mélange de passages superbes et de moments très pénibles, c’est très difficile d’en venir à bout et ceci pour plusieurs raisons :

 

  • la mise en page : c’est écrit en petits caractères, il n’y a pratiquement pas de paragraphes et les phrases peuvent être très longues.
  • La chronologie : le récit n’est pas linéaire et c’est très difficile de trouver les repères pour comprendre quand se passe le récit.
  • Le peu d’explications pour comprendre car le narrateur s’efface et nous voyons tout à travers le regard de gens qui parlent très peu.
  • Les exagérations qui parfois m’ont gênée.

Malgré cela il y a de très beaux passages qui m’ont permis d’aller jusqu’au bout de ce gros pavé, mais j’avoue avoir parfois lu en diagonale.

Il s’agit donc de la vie de cet homme Iochka qui est né en Roumanie avant la guerre 39/45 et qui finit sa vie dans une vallée peu accessible comme fabriquant de charbon de bois. Il a tout connu cet homme : la guerre, le goulag, mais aussi le plus beau des amours avec Ilona, la naissance de son petit garçon, et la mort de cette femme tant aimée. Dans cette vallée , Iochka a trois amis, le pope, le contremaître, et le docteur de l’asile, tous ces gens boivent à longueur de temps et se donnent du courage pour surmonter les difficultés de la vie, et, il y en a beaucoup. Une autre femme, celle qui partagera la vie du contremaître, Iléana, va devenir l’amie de Iochka et d’Ilona. Cette vallée est loin des turbulences de la société roumaine, ensemble ils font tout pour que cette vallée reste loin des autres hommes. Parfois les crimes arrivent jusque dans la vallée, comme cet homme qui a été tellement torturé qu’il finit dans l’asile du docteur. Les souvenirs des horreurs de la guerre qui ont traumatisé les différents protagonistes. hantent ce récit.

Il y a une telle pénétration de la nature dans la vie des habitants de la vallée que cela, m’a gênée comme cet amour physique entre Iléana et un loup . L’amour de Iochka et d’Ilona est superbe mais complètement hors de la réalité et évidemment la mort de la femme a plongé Iochka dans une forme de folie mais on sait qu’il va survivre puisque le roman débute par cet homme presque centenaire qui circule dans sa vieille voiture. J’ai noté beaucoup de passages pour ne pas oublier ce qui m’a plu dans ce roman. Mais je redis que cette lecture était parfois un pensum et je n’arrivais pas à retenir mon attention : je lisais mais ne retenais rien. Un roman étrange que je ne peux pas vraiment vous conseiller, à vous de voir.

 

 

 

Citations

La première phrase.

 Avec un vieux moteur de voiture allemande et une carriole à essieu renforcé, un volant de tracteur et une boîte de vitesses de camion, beaucoup de patience et non moins d’ingéniosité, Iochka s’était fabriqué une espèce de camionnette qui lui servait à monter dans les bois au-dessus de Roudaritsa pour en rapporter des chutes de branches de hêtres et de bouleau laissées sur place par les ouvriers de l’exploitation forestière.

La boue si célèbre depuis la guerre en Ukraine.

 Puis lorsque arrivait l’automne et que la steppe se transformait en une mer de boue qui engloutissait tout, chevaux, hommes, camions, canons et tanks, il ne sortait plus, des jours de suite, de sous sa bâche, restait là à contempler le brouillard épais et humide, une terrible nostalgie du pays montait en lui et que rien ne pouvait apaiser ni les doïnes entonnées par les soldats au coucher du soleil ni les maigres rations fumantes qu’on leur servait deux fois par jour, matin et soir.

Le destin d’un soldat Roumain fait prisonnier par les Soviétiques.

C’était dans un lieu tout pareil que la botte l’avait frappé en pleine tête, lui avait brisé le nez, mis les lèvres en compote le jour où, sans force après une semaine d’errance, il s’était assis sur une souche pour reprendre haleine et que le Russe, avec une haine qu’il n’avait jamais pu vraiment comprendre, l’avait violemment battu et l’avait obligé, couvert de sang, boitant le dos en capilotade, à rejoindre la colonne de prisonniers qui se dirigeaient vers un lieu inconnu à l’est où ils ne parviendraient qu’après une semaine de marches forcées, un camp de concentration où il passerait d’années dix année de sa vie, une sorte de village où régnait la famine et où les hommes travaillaient du matin au soir et dormaient entassés comme des bêtes sur des planches qui leur servaient de lit.

La terreur.

 Il se sentait de nouveau comme dans le camp, terrorisé, impuissant, jouet de bois entre les mains d’un destin impénétrable, il n’attendait plus que la petite détonation et de voir l’homme à genoux s’effondrer tête la première dans le lit du ruisseau, dans son esprit naissait l’image d’une flaque de sang s’écoulant du crâne pulvérisé par la balle, il serrait de toutes ses forces le cadre de la fenêtre et comme sur un signe, l’étranger et les deux soldats se sont tournés et ont regardé exactement du côté de Iochka. Il s’est glacé le sang s’est figé dans ses veines, il a retenu son souffle comme un animal pourchassé dont la fin est proche, la main qui tenait le pistolet s’est levé, est resté en l’air quelques secondes avant de descendre à une vitesse terrible pour frapper l’homme à la nuque

L’avenir radieux.

 Parfois dans la vallée arrivaient aussi des gens qui n’y tenaient guère, on les voyait descendre des camions avec l’aie penaud, mesurant de leurs regards perdus l’endroit comme si c’était une prison toute neuve, un beau lieu où on les aurait mis de force et d’où, même si on ne les obligeait pas vraiment à trimer, ils ne pouvait sortir qu’avec une autorisation spéciale et une heure de retour imposée. On leur disait, racontait-il, qu’ils devaient construire un avenir radieux.

Les grands chantiers sous le régime communiste.

 Mais, le plus clair du temps, la vallée ressemblait à une station de villégiature où les gens s’adonnait à la boisson et à ne rien faire, activités élevées avec le temps au rang de l’art. Il y avait une centaine d’ouvriers et normalement cette voie ferrée aurait pu être construites en quelques mois, un an maximum, mais le travail durait déjà depuis une dizaine d’années et il n y avait pas le moindre risque que les rails dépassent réellement un jour l’endroit où se trouvait la maison de Iochka et encore moins qu’il avance dans la montagne de derrière et qu’ils en atteignent le bout.

La liberté.

 Ces hommes étaient libérés de ce que lui n’avait jamais connu, personne ne les menaçait plus, personne ne mettait en danger leur vie et celle de leurs familles, ça il le comprenait, il était clair pour lui que, pendant la guerre, par exemple, il n’avait pas été libre de faire ce qu’il voulait, ni plus tard quand il était prisonnier. Des gens haut placés, pouvaient le condamner à tout moment à être fusillé, lui avait dicté ce qu’il devait faire et comment il devait vivre. C’était cela l’absence de liberté aurait dit le vieux Iochka si on le lui avait demandé. La liberté, selon lui, c’était de vivre sans être menacé de mort par les gens qui disposent de votre vie.

La fin des illusions.

 Ils avaient tous les deux milité dans l’illégalité, ils avaient lutté pour un monde meilleur qu’ils ne voyaient nulle part maintenant, ils avaient voulu que les paysans et les ouvriers ne connaissent plus la pauvreté et ils avaient juste réussi à les rendre plus pauvres, ils le savaient parfaitement, ils essayaient de faire le bien autant qu’ils le pouvaient par une bonne action pour un tel ou pour un autre. Impossible d’en faire davantage. Ils vivaient avec cette frustration comme ils respiraient, ils aidaient les gens autant qu’ils le pouvaient, ils défendaient leurs ouvriers chaque fois qu’il y avait un problème, le rêve pour lequel il avait vécu s’était évanoui pour laisser place à une misère plus terrible que celle d’avant. Les pauvres étaient encore plus pauvres, les riches n’avaient pas disparu. Et pourquoi tout ça ? Était-ce pour cette pauvreté qu’ils avaient lutté ?

Un paradis.

 Un paradis d’avant et d’après le désastre qu’est toujours la civilisation, un lieu oublié et pour cette même raison inoubliable, immortel et vivant dans la mesure seule où le vivant, dans ce qu’il a de plus essentiel, échappera toujours à la compréhension humaine. Un paradis qui attendait sa mort, rien de plus. Et les gens qui étaient en lui, vieillissant sans le sentir, attendaient leur mort, eux aussi.

Une idée.

 Est-ce que ce qui n’est pas pensé peut exister ? Y a-t-il au monde une chose vraiment historique si un seul homme ignore son existence ?

L’oppression.

 Car l’oppression ne vient pas que des grands de ce monde, on la trouve aussi à d’autres niveaux, si un satrape est maître absolu de ses ministres, de même ses ministres règnent sur leurs subordonnés et ainsi de suite jusqu’au dernier paysan.

L’alcool accompagne tous les moments du récit.

 Il était harassé, il s’est laissé tomber comme une grosse pierre, puis a attrapé la bouteille devant lui et a bu, avec une grande soif à même le goulot, oubliant l’usage des verres.
 Il a attrapé une autre bouteille dans le placard et deux petits verres propres ….
Le contremaître, le docteur et le pope vidaient verre après verre…

 

 

 

 


Édition JCLattès

Sur Luocine, vous trouverez , Veuf, Ma mère du Nord, Mon autopsie, et ceux qui n’y sont pas sont très bien aussi, bref, un petit moment de cafard et Jean-Louis Fournier est là pour vous rendre encore plus triste mais avec la classe et le sourire.

J’ai commencé ce livre en me disant que je le lisais juste pour moi, et que je ne le mettrai pas sur Luocine, et puis il m’a fait tellement de bien que je viens le partager avec vous. C’est une réflexions sur la solitude qui est à la fois drôle et émouvante par un auteur dont j’adore la mauvaise foi.

Des réflexions qui font parfois une demi page jamais plus de deux et qui sont la preuve que même le plus grincheux des hommes n’est pas fait pour vivre seul et pourtant c’est le lot de tant de gens qui vieillissent. En le lisant, on se dit « mais c’est tellement vrai' » ou « il exagère » peu importe on sourit souvent et on admire son art de jouer avec les mots et son incroyable talent de décrire de façon impertinente (comme sa grammaire !) la société dans laquelle il ne sent plus à sa place. J’espère que les passages que j’ai choisis vous feront sourire et donneront envie de lire ce livre ou n’importe quel livre de Jean-Louis Fournier.

 

Citations

 

Le ton du livre.

 J’en ai marre d’être seul, de plus en plus seul, de plus en plus vieux, de plus en plus moche..
 Si j’avais su, je ne serais pas vieux. 
C’est la canicule et je crève de chaud et malgré les injonctions du gouvernement, mes proches devenus lointains, ne m’appelle pas pour savoir si je bois consciencieusement de l’eau.

 

Bien vu !

Je suis dans le métro, debout au milieu d’une bande de jeunes, on est très serrés les uns contre les autres, j’étouffe. Il y en a qui lit un livre, « Les rêveries du promeneur solitaire », les autres qui ne savent plus lire, ont des germe de pommes de terre que leur sortent des oreilles, ils ont le regard perdu, certains accompagnent une musique avec leur tête.

J’adore et lisez jusqu’à la fin et dites moi si vous riez !

 C’était superbe un concert dans la cathédrale d’Arras, ils étaient au moins cent, des hommes, des femmes, des enfants. Ils ont chanté ensemble, en chœur, l’hymne à la joie de Beethoven 
Ils n’avaient pas tous des voix extraordinaires, c’était des amateurs, mais ensemble c’était bouleversant. 
Ce qu’on fait à plusieurs est quelque fois mieux.
 Regarder les cathédrales, ils s’y sont mis à plusieurs pour les construire.
 C’est quelque fois pire aussi …
Penser à la tour de Babel et au concours de l’Eurovision.

Les apartés concernant ses voisins.

 Les volets de mes voisins d’en face sont fermés. Ils ont dû partir.
Ils ne m’ont même pas prévenu…
 Les volets en fer de mes voisins sont encore fermés.
 Mes voisins ne sont pas rentrés, pourtant on est dimanche soir, ils ne sont pas très sympas…

Humour grinçant. Et plaisir des mots.

 J’en ai marre de moi, je m’invente des histoires pour me faire peur, j’imagine le pire, je fais des cauchemars.
J’ai autant peur de la mort de peur de la vie. Que choisir ?
 Je bois pour oublier, de l’eau de vie par peur de l’eau delà. 

 


Édition Cambourakis. Traduit du norvégien par Marina Heide

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

 

J’aurais un peu tendance à écrire encore une histoire de vieux qui perdent la tête. Mais ce serait un peu méprisant pour un roman qui est assez original et qui a reçu moult récompenses dans son pays. Tout d’abord, il se passe en Norvège et les liens entre les différents personnages sont assez exotiques pour la Française que je suis. Je me sens tout à coup très latine et j’ai envie de parler fort, d’éclater de rire et de me moquer des gens, ce qui ne se fait pas du tout en Norvège . La retenue, le respect entre voisins (jusqu’à les ignorer complètement en dehors du « bonjour » obligatoire), le respect des choix des enfants et surtout ne pas les encombrer avec le passé des parents, tout cela m’a semblé si loin de moi. Et par voie de conséquence cette histoire tragique me semblait comme aseptisée.

Et pourtant, tout au long du récit, on découvrira le tragique passé de Simon ancien médecin : il a été avec sa famille caché pendant la guerre car ils étaient juifs. Cet enfermement pendant quatre ans dans un très petit espace et le silence imposé aux enfants pour ne pas alerter les voisins, Simon pensait que cela ne le concernait plus et il n’a jamais voulu en parler avec ses propres enfants qui apparemment ne savent rien de son passé. Sa femme, Eva, a aussi un lourd secret : elle a abandonné son premier enfant qu’elle avait eu trop jeune.

Ils sont vieux maintenant et Simon s’est enfermé dans un silence que rien ne peut rompre. Eva sent que l’abandon de cet enfant lui revient de façon très forte en mémoire. Nous sommes avec elle tout le temps ; elle analyse avec rigueur tout ce qui se passe dans leur quotidien. Dès le départ on sait qu’ils ont été amenés à se séparer de Marija une femme de ménage lettonne. Enfermé dans ce silence tellement pesant, ils ne veulent ni ne peuvent en dévoiler la cause à leurs enfants, car cela a un rapport avec ce passé qu’ils ont tu. . Eux, ne comprennent pas pourquoi cette femme qui était devenue l’amie de leur parents – et dont la présence auprès d’eux les rassurait – a été licenciée du jour au lendemain. Le quotidien d’Eva est fait de visite dans un cimetière, dans une église, de retour dans son passé et celui de son mari, mais surtout de sa volonté de comprendre et briser le silence dans lequel Simon s’est enfermé.

C’est une lecture triste et réaliste. On ne peut s’attacher à aucun personnage , mais cela n’empêche pas que ce roman se lise facilement, comme Eva on voudrait tant que Simon sorte de l’état dans lequel la vieillesse l’a enfermé peut être à cause du poids de tout ce que ni lui ni sa femme n’ont réussi à dire à leur entourage.

 

Citations

Le passé .

 Il y a quelque chose qui ne cesse de m’étonner chez la fille que je vois sur ce portrait de moi-même : le temps ne semble pas avoir laissé son empreinte sur elle. Comme si, au moment du cliché, il n’y avait pas de passé. Pas de passé derrière cette jeunesse, on dirait. À croire qu’il existe une démarcation entre tout ce qui arrive et tout ce qui est arrivé, une démarcation claire et nette, comme un mur derrière lequel se retranche le passé, oublié.

Le vieillissement .

  Je regarde mon visage dans le miroir de la salle de bains, constate que j’ai le coin des lèvres qui tombe. Ça a toujours été comme ça, ou est-ce que c’est arrivé avec le temps, je crois que ça s’est fait progressivement. Les plis de l’amertume, voilà comment on appelle les rides en haut du menton, plus elles se creusent plus mon menton semble petit.

La femme de ménage (rien de très original !).

Marija me disait qu’elle aimait faire le ménage. Elle se glissait dans les maisons et les appartements avec la clé qu’on lui avait remise ou qu’il attendait caché quelque part, et elle faisait le tour des pièces avec un aspirateur et une serpillière. En général, il n’y avait personne, aucune instruction. Peu de ces endroits étaient crasseux en réalité mais elle s’appliquait toujours autant. Les gens qui habitaient là, elle les entrevoyait à peine, ils ne laissaient derrière eux qu’un cheveux quasiment invisible dans le lavabo, un torchon en boule dans la cuisine, une paire de baskets dans l’entrée. Et bien entendu, son salaire laissé dans une enveloppe sur la cheminée ou sur la table, ou dans de rares cas comme chez nous directement sur son compte en banque. Il lui arrivait de trouver une pièce de monnaie laissée volontairement quelque part ou une peau de banane tombée du sac poubelle une sorte de test m’expliquait-elle.

L’abandon de son bébé .

 J’aurais voulu l’abandonner dès le premier jour, mais quelqu’un ma mère ou mon père je crois, avait estimé que maintenant que je m’étais mise dans cette situation, je devais prendre mes responsabilités. Aussi étais-je là, avec lui. Lui me réclamait, mais je ne voulais pas de lui. 

 Par moment peut-être quand il dormait ou me regardait sans rien exiger, je pouvais éprouver un certain apaisement, oublier un instant la honte et la colère, le découragement. Une nuit qu’il était malade, je l’avais contre moi, le médecin avait dit que je devais le prendre, le garder dans mes bras. Il s’endormait, sursautait, se rendormait. Quand il s’est réveillé, nous nous sommes regardés. Une seconde, j’ai cru qu’il allait sourire, un frémissement au coin de la bouche.
 Aussitôt, je l’ai remis dans son lit. Par peur, sans doute, peur que ça change quelque chose, qu’il se faufile à l’intérieur, trouve une place dans mon cœur et s’y installe pour de bon. Que je ne puisse plus ignorer son existence, ses exigences, ses cris. Je l’ai laissé hurler.


Édition du Rocher

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

parole d’un résident d’un Ehpad

« C’est long de mourir. »

Un bol de bonne humeur, des sourires à gogo et même un éclat de rire. Et aussi, des moments d’une grande sensibilité et d’émotion. Au milieu de livres tragiques celui-ci m’a fait un bien fou.

Peut-être avez vous entendu parler du célèbre arnaqueur Victor Lustig qui s’est vanté d’avoir vendu la Tour Eiffel à un riche ferrailleur Parisien. Il serait l’ancêtre du narrateur Thomas Poisson. La quête vers cet ancêtre peu glorieux permet à l’auteur de nous décrire des français contemporains. Ceux qui, avec un gilet jaune, ont occupé les ronds points de la France en 2018. Thomas Poisson est au chômage depuis peu et fréquente la médiathèque de sa ville. Là il rencontre Frankie qui a eu le malheur de changer une roue en pleine manifestation des gilets jaune et qui a eu du mal à expliquer à la police ce qu’il faisait un cric à la main devant les forces de l’ordre. Il y a aussi Mansour ce fils de harki . Le récit de la vie de son père est un des moments d’émotion que j’évoquais au début de mon billet. Il y a aussi Françoise qui fait les meilleures confiture que Valentin, le fils de Thomas, n’ait jamais goûtées. Elle aime bien être sur les ronds points car elle s’y sent moins seule que chez elle. Enfin, il y a le père de Thomas qui termine sa vie en Ehpad.

Et puis il y a Carine, sa femme qui supporte de plus en plus mal les maladresses de son mari. Tous ces personnages forment un groupe humain que nous rencontrons tous les jours, dont nous faisons sans doute partie, cela fait du bien de passer du temps avec eux sous la plume d’un auteur qui a tant de compassion pour ses contemporains. Ce n’est peut-être pas le roman du siècle, mais un livre qui fait tant de bien, que je lui ai finalement mis cinq coquillages pour partager avec vous ce petit moment de bonheur.

 

Citations

Le talent des bibliothécaires.

 Une scène à faire douter un malentendant du bon fonctionnement de son sonotone. Je me suis dit que la formation des bibliothécaires devait les préparer à cela. Une aptitude validée par un examen, j’imagine, ou les épreuves consistent en une mise en situation de communication silencieuse : orienter vers la section « Histoire égyptienne « sans prononcer un mot, et ramener au calme d’un simple regard un groupe d’adolescents agités, donner son avis, positif ou négatif, sur un ouvrage en clignant des yeux… Personne ne maîtrise l’expression silencieuse mieux que les bibliothécaires. Entre eux, ils échangent sur des fréquences que seuls les chiens et les chauve-souris peuvent percevoir.

Un moment d’intense émotion, à propos de son père ancien Harki.

 Un jour en rentrant de l’école – ce devait être à la fin des années soixante, mon père avait trouvé du travail chez Renault et nous avions quitté les camps -, je lui ai demandé ce que c’était qu’un collabo. Il m’avait expliqué. À l’école, il y en a qui disent que tu es un collabo. C’est vrai, Papa ? je lui avais demandé. Je me souviens de la tristesse dans son regard. Non seulement on l’avait trompé, mais comme si cela ne suffisait pas, on lui crachait dessus désormais. Mon père est mort il y a trois ans. J’avais huit ans lorsque je lui ai posé cette question. Jamais je n’oublierais le regard de mon père ce jour-là . D’abord parce que c’était par ma voix qu’il apprenait ce que les autres pensaient ou du moins colportaient sur les harkis. Ensuite parce que ce regard résume à lui seul tout ce qu’il m’a transmis, son histoire et la souffrance qui l’accompagnait. Mon père était un type bien et la vie ne l’avait pas mieux traité pour autant.

Humour qui fait du bien (aux maladroits, surtout).

 Le tapis ne craignait rien. C’est un modèle bleu foncé venu remplacer le tapis artisanale berbère, souvenir du même voyage au Maroc, en laine blanche finement décoré de motifs géométriques noirs. Lui trop clair, trop fragile, moi, trop maladroit. Nous nous n’étions pas destinés à vivre ensemble.

Éclat de rire .

 Bruno s’est bien foutu de moi ce soir. En attrapant mon porte monnaie dans mon sac, j’ai fait tomber la bombe de déodorant que tu m’as donnée pour remplacer ma bombe de défense au poivre. « Pour nous les hommes » il m’a dit. J’ai dû lui expliquer pourquoi je me promener avec une bombe de d’Axe marine. La seule chose qu’il a trouvé à dire, c’est que ça pouvait toujours servir si je tombais sur un agresseur qui sentait la transpiration ….

Je suis tellement d’accord, enfin, pour l’humanité j’ai un petit doute.

 La pizza hawaïenne est incompréhensible, un ornithorynque gastronomique, un assemblage disparate qui défie la logique élémentaire sans avoir toutefois la sympathie de l’inclassable animal. C’est un outrage à la gastronomie italienne, et même une raison suffisante de douter du bien-fondé de l’existence de l’humanité.

 


Édition Gallimard N.R.F

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

 

Je crois qu’il faut faire lire ce roman à tous les parents qui auraient envie de pousser leurs enfants dans une carrière d’acteur. La peinture du cours Florent est une vision de l’enfer : qui peut avoir envie de jouer le chien qui pisse sur la jambe de quelqu’un d’autre ? Qui aimerait passer des heures à jouer des rôles stupides d’animaux dans des positions dégradantes ? En revanche, un peu plus positif, on sent que devenir un personnage c’est un travail de transfert de personnalité et que cela demande des efforts colossaux. Romy arrive à Paris avec un lourd passé d’une enfance détruite par un père alcoolique et violent et des abus sexuels par une femme voisine. Elle veut donc être comédienne et se prostitue pour payer le fameux cours Florent. Elle va vivre chez une femme très âgée Odette qui perd gentiment la tête, ensemble elles jouent des personnages et leurs rapports très conflictuels ressemblent à des jeux de théâtre. L’écriture est violente comme l’histoire mais ne m’a absolument pas touchée. La seule chose qui m’a intéressée dans ce roman, c’est l’appropriation par Romy des rôles de Blanche ou de Stella dans « un Tramway nommé Désir » .

J’ai eu même un rejet du livre quand Romy drogue la vieille pour pouvoir rejoindre son amant en toute tranquillité .

 

Citations

Les prostituées.

 Le soirée va être longue. Encore sept heures à tenir. Il n’y a pas grand monde ce week-end, il fait beau, les Parisiens sont partis et les provinciaux ne viennent qu’en semaine. Notre milieu est le thermomètre des humeurs sociales. On sait si le pays va bien ou non. Nous sommes les premières atteintes par les grèves, les épidémies ou les restrictions budgétaires. en plus d’être danseuses, nous sommes sociologues et psychologues.

Style et humour : la messe.

 Odette chante, Odette se met debout Odette s’assoit, Odette connaît le texte par cœur, Odette tient la main de ses voisins, les prend dans ses bras. Je ne peux pas dire que ce soit la grosse ambiance comme à un concert, mais pour son âge je respecte. Elle a le rythme pontifical dans la peau. Elle me chuchote à l’oreille quand je dois me lever, tire sur la manche de ma veste en jean quand je ne réagis pas. « Prenez et mangez, ceci est mon corps ». Le père Dominique articule de façon exagérée, j’ai l’impression qu’il fait un exercice de diction.

 


Édition Christian Bourgeois traduit du croate par Chloé Billon

 

Roman très étrange où j’aurais bien mis cinq coquillages pour certains passages et deux dans d’autres. L’autrice se raconte elle même dans la première partie et la troisième. Dans la première partie elle raconte ses rapports très compliqués avec sa mère. Et dans la troisième elle explique le mythe de baba-yaga qui doit éclairer tout ce roman. J’avoue que je n’ai pas été intéressée par cette troisième partie, j’ai préféré la deuxième partie, celle où on voit trois femmes âgées venir dans le grand hôtel de Prague profiter des bienfaits d’une station thermale.
Le récit est très loufoque alors que la quatrième de couverture promettait « un roman érudit, hilarant et plein d’autodérision » .

J’ai des réserves sur l’humour croate mais parfois oui, c’est assez drôle, en revanche je trouve que la description de la vieillesse est sans pitié et je trouve même cela assez cruel. J’ai été plus intéressée par ce que ressentent les intellectuels des « ex » pays communistes. Ils ont été souvent des contestataires et le virage vers le capitalisme et la liberté les a rendus très amers. D’abord, plus personne ne s’intéresse à leur lutte, ils ont donc appris à se taire et en plus ils voient des médiocres réussir financièrement alors qu’eux-mêmes ont beaucoup de mal à vivre avec leur retraite. L’auteure souffre de voir que le nationalisme croate s’appuie sur des sentiments xénophobes, les mêmes qui pendant la guerre ont permis l’extermination des juifs.

Tous ces moments sont vraiment très intéressants : je ne savais pas qu’en Yougoslavie il y avait eu aussi un goulag. Je n’avais jamais entendu parler de l’île-prison de Goli Otok, Pas plus que du camp de concentration de Jacenovak créé par les croates en 1941 qui est considéré comme un des pires camps de concentration. J’ignorais que les Croates d’aujourd’hui étaient aussi intolérants vis à vis des autres nationalités qui composaient leur pays sous le régime communiste. Mais pour vraiment aimer ce roman, il faut aussi accepter le côté fable du récit que l’écrivaine explique dans sa troisième partie. Baba-yaga serait donc le symbole de toutes femmes qui ont été niées au cours des siècles et Dubravca Ugrešic termine son livre par un hymne à la gloire de toutes les révoltes féminines. Le récit prend parfois des allures d’épopée et est complètement fouilli : on s’y perd complètement, je pense que c’est voulu, mais c’était un peu trop fou pour moi.

 

Citations

Remarque à la première page qui m’a fait choisir ce roman à la médiathèque .

 Il y en a aussi qui sont encore « en forme » en robe d’été décolletée, une coquette bordure de plumes autour du col, en vieux manteau de fourrure d’astrakan à moitié mangé aux mites, des coulées de maquillages sur le visage. (Qui , d’ailleurs, est capable de se maquiller convenablement avec des lunettes sur le nez ? !)

La pauvreté dans les ex pays communistes.

 Sa retraite couvrait à peine les charges et la nourriture, et ses maigres économies avaient disparu avec la banque de Ljubljana une quinzaine d’années auparavant, quand le pays était tombé en morceaux et que tous s’étaient hâtés de se piller les uns les autres. Si elle avait voulu, elle aurait pu tirer de tout ça une amère satisfaction : ses pertes, comparées à celles de beaucoup d’autres, étaient négligeables, car elle n’avait tout simplement rien.

Le style particulier du récit sous forme de conte.

 Voilà, c’est tout sur Mr Shake pour le moment. Quant à nous, nous poursuivons notre route. Tandis que le cuisinier fait chauffer son chaudron, l’histoire a hâte d’arriver à sa conclusion.

Comportement face à la vieillesse.

Alors que les hypocrites d’aujourd’hui, qui se scandalisent du caractère primitif des us et coutumes d’antan, terrorisent leurs vieux sans une once de remord. Ils ne sont capables ni de les tuer, ni de s’en occuper, ni de leur construire des institutions dignes de ce nom, ni de leur proposer un personnel spécialisé convenable. Ils les laissent dans des mouroirs, dans des maisons de retraite où, s’ils ont des relations, prolongent leur séjour dans les services de gériatrie, dans l’espoir que les vieux casseront leur pipe avant qu’on ne remarque que leur hospitalisation était superflue. Les Dalmate sont plus tendres avec leurs ânes qu’avec leurs vieux. Quand leurs ânes vieillissent, ils les emmènent en barque sur des îles inhabitées, où ils laissent mourir.

L’espérance de vie.

Oui, l’homme avait conçu un terrible appétit pour la vie. Depuis qu’il était devenu certain qu’aucune autre vie ne l’attendait dans les cieux, que les critères d’obtention d’un visa pour l’enfer ou le paradis était pour le moins fluctuant, et que se réincarné en sanglier ou en rat était pas précisément le gros lot, l’homme avait décidé de rester là où il était autant que faire se peut, ou, autrement dit, de mâcher le chewing-gum de sa vie le plus longtemps possible, en s’amusant à faire des bulles au passage. À en croire les statistiques, la différence était vraiment impressionnante au début du xxe siècle, la durée de vie moyenne tournait autour de quarante-cinq ans, à la moitié du siècle, elle avait grimpé à soixante-six ans, pour atteindre aujourd’hui, au tout début du vingt-et-unième siècle, le chiffre honorable de soixante-seize ans, en cent ans seulement, les êtres humains avaient prolongé leur durée de vie de presque cinquante pour cent.

La Croatie pendant la guerre 39/45

 En avril 1941, la Croatie avait adopté une loi raciale, la dispositions législative sur la protection du sang aryen et de l’honneur du peuple croate.
Le port de l’étoile jaune était devenu obligatoire et rapidement la persécution des juifs avait commencé. Les parents et le jeune frère de Pupa avaient été déportés dans le camp de Jasenovac, où ils avaient été assassinés aux alentours de 1943. Pupa et Aron avaient pris le maquis avec les partisans fin octobre 1941, après que la synagogue de Zagreb avait été détruite avec la bénédiction des nouvelles autorités oustachies.

De l’humour (enfin !)

Le D. Topalanek, en créant son nouveau soin relaxant, s’était souvenu de sa grand-mère, chez qui ils allaient déjeuner tous les dimanches. La grand-mère , de peur de manquer de temps, commençait à préparer le déjeuner dès le matin, et quand la famille Topalanek arrivait, tout avait déjà refroidi sur la table. Chaque dimanche, sa grand-mère était dans tous ses états, et chaque dimanche, son père la consolait… 
« Allons, Agneza, calme-toi, tu sais bien toi-même qu’il n’y a rien de meilleur que les boulettes froides et… la bière chaude ! »

 


Éditions Le Dilettante . Couverture Camille Cazaubon.
 

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

 

J’ai indiqué le nom de la personne qui a imaginé cette couverture car elle m’a bien plu. Dans le grand rond, le titre je vais l’expliquer dans mon billet, mais dans tous les petits ronds d’autres chiffres et peut-être vous amuserez vous comme moi, et la bibliothécaire du club de Dinard à en trouver la signification – pour 1515, ok nous sommes nombreux mais pour 8848 ?- . (Je me demande ce que Goran aurait pensé de cette couverture ?)

Mes coquillages parlent pour moi : ce roman a su me séduire et pourtant j’ai quelques réserves. Je trouve que les personnages manquent d’humanité , la compagne du « héros » montre l’étendue de ses sentiments, seulement au dernier chapitre.

Revenons à l’histoire : François est un haut cadre chez Google France, il gagne très bien sa vie, il est divorcé et père d’une adolescente peu sympathique, il va de conquête en conquête, bref tout va bien pour lui. Sauf que … il va avoir soixante ans et il est absolument terrifié par la vieillesse. Heureusement, il fait beaucoup plus jeune que son âge.

La fiction peut commencer, dans une société où on peut demander à changer de nom, de sexe pourquoi ne pas demander à changer de date de naissance et se rajeunir de quelques années. François fera calculer son âge par un algorithme mis au point par une toute nouvelle société : « Humanprog » et découvrira que son âge biologique est de trente neuf ans et quatre mois.- d’où le titre 39,4.

On le comprend bien ce roman est l’occasion pour cet auteur dont j’ai très envie de lire le premier roman (Panne de secteur), de se moquer de la peur du vieillissement. Il le fait avec un don incroyable, celui de saisir tous les travers de notre société. Je pense que son poste d’observation de professeur et chef de clinique dans un grand hôpital parisien lui donne accès aux grandeurs et aux petitesses de l’âme humaine. La scène chez le chroniqueur Ruquier est tellement vraie, le pauvre philosophe qui veut simplement dire que finalement nous mourrons tous et la façon dont une chroniqueuse le renvoie « à la niche » sans lui permettre de s’exprimer est d’une tristesse qui n’a d’égale que celle que nous éprouvons parfois quand nous regardons les intervenants sur les plateaux de télévision mettre en pièce un philosophe ou un scientifique qui ne parle pas le langage à la mode du petit monde parisien.

Le style de cet auteur est très particulier, il avait, semble-t-il rebuté des lecteurs par un goût prononcé pour des mots rares de la langue française, il le fait ici aussi mais ça ne gène pas la lecture. Je ne suis pas certaine que je me souviendrai de

 un quérulent processif 

Bien que l’auteur en donne l’explication dans la fin de sa phrase :

François se trouver présenté comme un quérulent processif, l’un de ces illuminés en proie à un délire de revendication destiné à redresser un dommages fictif.

 

Ce n’est pas un roman que l’on lit facilement car souvent on doit rester concentrer pour savourer ce qu’il va nous décrire et comme hélas ce qu’il nous raconte sont les côtés les plus superficiels et les plus tristes de notre société, le lecteur (en tout cas moi) est un peu sonné par sa lecture. On rejoint mon bémol du début, je suis certaine que même chez les bobos parisiens il y a plus d’humanité que ce qui est décrit par Philipe B Grimbert. (à ne pas confondre avec un autre Philippe Grimbert !)

(PS : lors de notre réunion du club de lecture 7 avril, une lectrice a exprimé son dégoût de ce roman, car elle trouvait le personnage absolument « machiste », ce qui est vrai, mais à aucun moment l’auteur n’a de la sympathie pour son personnage . Et pour moi j’y ai vu surtout une condamnation du machisme de ces hommes qui ont tout réussi en même temps qu’ils gardent une apparence physique digne de la jeunesse. Et finalement la seule personnage sympathique sera la femme qui clôt l’histoire. Mais si vous lisez ce livre j’ai hâte de savoir comment vous interprétez les intentions de l’auteur )

 

Citations

Portrait de la chroniqueuse chez Ruquier.

Elle était à cet instant semblable à ces chiens de combat musculeux de petite taille qui paraissent trouver dans l’obturation déterminée de leur mâchoire sur leur proie, le point d’équilibre et de justification de l’ensemble de leur personnalité. elle s’était saisie du vieux philosophe, lui agrippait un morceau de chair pendante avec une telle puissance qu’il paraissait improbable, même en la soulevant dans les airs, de lui faire lâcher prise.

Et fin de l’émission

 François et Jehan regagnèrent les coulisses, laissant sur le plateau Jacques Hofstein et son regard aussi expressif qu’une feuille de papier journal froissée. L’assistante leur assura qu’ils avaient été « top » avec une pointe d’audimat enregistrées pendant près d’une minute quarante. On entendit une voix lointaine l’animateur introduire les invités suivant pour un débat consacré à « l’insémination des vaches laitières et ses relations avec notre culture du viol ».

Quel art de la formule.

À part quelques épidémies virales gérontophages on continuait à s’enliser dans la comptabilité marécageuse des régimes de retraites et les dernières réformes, illustrées du slogan tout droit sorti du cerveau d’un énarque facétieux « travailler plus longtemps pour vieillir moins lentement  » laissant craindre une nouvelle secousse tellurique. 

La description des urgences de Cochin sent le vécu.

 Il s’était bêtement tordu une cheville un dimanche matin en plein footing et, craignant une entorse grave, s’était rendu aux urgences de l’hôpital Cochin. Arrivé vers 11heure , il avait quitté les lieux à 19 heures armé d’une ordonnance pour du Doliprane rédigé par un interne moldave qui l’avait examiné d’un air flapi. Bien avant cela, il avait patienté dans une salle d’attente surpeuplée, à côté d’un vieillard couché sur un brancard, qui répandait autour de lui une forte odeur d’urine ne semblant même plus incommoder la femme usée qui lui tenait la main. Le sol était maculée de taches diverses et, tous les quarts d’heure, une voix de femme annonçait en hurlant le nom de la personne invitée à s’approcher de l’office où trois infirmières s’affairaient. Tout autour se tenait une foule composite d’adultes seuls ou de familles. Un peu à l’écart s’agglutinaient en grappes près d’une vingtaine d’hommes, de femmes et d’enfants autour d’un homme d’une soixantaine d’années coiffé d’un feutre vert élimé. Le voisin de François l’informa, avec le ton résigné d’un homme rompu à la fréquentation des lieux, qu’il s’agissait du patriarche d’une famille de gitans donc les avatars culturels l’incitaient à ne jamais se déplacer à l’hôpital sans la totalité de son « cheptel ».

Quel regard acerbe ! Paris était envahi par les manifestants « gilets jaunes ».

 Par le plus grand des hasards et pour le plus grand bonheur de François, Jehan Lamarc et Tigrane Fanfard s’étaient vu empêcher l’accès au théâtre du Rond-Point pour l’un et à la fondation de Louis Vuitton pour l’autre. C’est ainsi qu’un miracle se produisit. Unis par la frustration dominicale, tels deux naufragés d’une croisière de luxe échoués sur une plage de Sicile parmi les clandestins, la glace se brisa.

« Baiser » avec une grand mère.

 Il venait de baiser avec une grand-mère. Une vision d’effroi le parcourut comme un frisson. Celle du loup dans « le petit chaperon rouge » après qu’il eut ingurgité la mère-grand. François avait toujours redouté que la vieille, ses os décalcifiés est sa chair avariée, intoxique gravement l’animal. Il se sentit fiévreux. Moins d’une minute plus tard il traversait au pas de course la cour de l’amphithéâtre, les lacets défaits, la chemise hors du pantalon, la conscience souillée comme s’il venait de s’adonner à un acte de haute perversité, et sitôt rentré chez lui, se nettoya avec frénésie pour effacer les traces de cet acte odieux.

Le tourisme écologique.

 Bien que presque tout, jusqu’à l’eau, fût importé de Casablanca ou d’autres villes du Maroc par avion, hélicoptère et puissant 4×4, l’ensemble du village affichait son esprit « éco-friendly ». Cela se traduisait par une absence de papier hygiénique et de télévision, l’utilisation exclusive de serviettes recyclables, une politique zéro plastique et un club enfant écopédagogique même si, élément appréciable, il n’y avait aucun enfant en ce milieu.

La vieillesse et la dépendance.

 En écoutant les récits de certains de ses amis sur les fin de vie pathétiques de leurs propres parents, François réalisait la chance qu’il avait eue. Il avait échappé au dimanche en EHPAD, aux vacances bouleversés par les aléas médicaux, sans parler des conséquences financières, les sommes exorbitantes avalées pour maintenir des vieillards grabataires et énurétiques « dans le confort et la dignité », qui entamaient parfois de façon drastique le montant des héritages futurs.

Le vieillissement.

 Outre le fait que la majorité de ses fréquentations, passé le demi-siècle, se trouvaient engagées dans une relation exclusive avec une hypertrophie de la prostate, un carcinome mammaire ou les prodromes d’une ischémie coronarienne, beaucoup exhibait un intérêt nauséabond, qui suintait comme un exsudat dans leurs conversations quotidiennes, pour la fréquence de leur coloscopie, la grandeur d’âme de leur urologue, ou le talent démiurgique de leur nutritionniste.

 


Édition Calmann Levy.

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

 

Décidemment cet auteur est attiré par la vieillesse car après  » L’étoile et la vieille » voici « le vieux » !

Ce roman se divise en trois moments : la peur du Vieux de ce qu’il appelle « les bombes » c’est à dire tous ceux qui meurent autour de lui ou qui sont atteints de maladie dégénératives. Il rencontre à un enterrement d’une femme qu’il a aimée autre fois, la fille qu’il a élevée pendant quelques années, Camille qui est devenue actrice et metteur en scène. Il va croiser aussi Simon un jeune acteur très beau qui le questionne sur le suicide assisté.
La deuxième partie tourne autour du suicide de Simon et de l’opéra que Camille et lui voulaient monter « La flûte enchanté ». Le vieux qui a monté plusieurs opéra a toujours souffert de n’avoir jamais réussi à monter cette œuvre de Mozart. Nous verrons comment l’équipe d’acteurs et de chanteurs vont vivre ce deuil brutal et apparaît un personnage étrange une bretonne comme je n’en ai rencontrée que dans des contes, qui fait des crêpes et qui racontent des légendes en particulier autour de l’Ankou (la représentation de la mort en Bretagne), elle est la concierge du théâtre et jouera un rôle dans le suicide de Simon on découvrira un personnage obsédé par la mort, très déséquilibré et alcoolique.

Enfin la troisième partie, nous apprenons le prénom du vieux : Jean-Michel qui vit avec une ancienne cantatrice, Mireille, et ensemble ils décident de mourir en utilisant le suicide assisté , ensemble ils auront le COVID et ensemble, ils s’en sortiront et finalement ne se suicideront pas.
Plusieurs thèmes se croisent dans ce roman, la représentation théâtrale, la vieillesse et surtout la mort.

J’ai assez bien aimé la première partie, franchement détesté la deuxième avec cette bretonne sortie dont on ne sait quel imaginaire et qui ne rend pas justice aux bretons que je connais et la troisième est quasiment insupportable, cette description de ce couple qui veut mourir dans la dignité et qui, au dernier moment se raccroche à la vie m’a absolument dégoutée .

Au moment où je rédige ce billet des bombes, des vraies celles-là, tombent sur Kiev et cela explique beaucoup mon dégoût de cette fascination pour la mort de ceux qui ont tout pour vieillir tranquillement. J’exagère peut-être mais c’était bien le thème de Michel Rostain, la mort et celle-ci frappe à notre porte de façon tellement plus terrible et l’on se rend compte que le plus souvent l’homme ne choisit plus rien .

 

Citations

La peur de l’Ehpad .

 – Ce n’est pas l’état de Catherine qui m’angoissait, c’est l’Ehpad : y aller me terrorisait comme s’il s’agissait de mon prochain domicile !
 « Lorsque j’ai enfin surmonté ma trouille, je suis arrivé là-bas un jour de chorale. Dans le grand salon de l’Ehpad, une chef d’orchestre tirait de toutes ses forces les voies épuisés d’un demi-cercle de vieillards – vingt voix éraillées égrenait comme elles pouvaient les sous-titres de la chanson de Dalida qu’on leur projetait en mode karaoké :
 » Je sais bien que tu l’adores, Bambino, Bambino
 Et qu’elle a de jolis yeux, Bambino, bambino…
Mais tu es trop jeune encore, Bambino, Bambino,
 Pour jouer les amoureux. »
 » Cette chanson qui claudiqué, lento, mollo, pas sano du tout, c’était à pleurer. Catherine était la, hagarde au milieu de cette assemblée de fauteuils roulants, et alors je me suis vu, je t’assure… vu à côté d’elle, en survêt lamentable, édenté et gâteux. la vraie bombe, c’est celle-là, celle qui ne me tuera pas et me maintiendra en vie mais en ruine !
 Coup de massue supplémentaire, un des choristes a fait rouler son fauteuil jusqu’à moi pour demander : « c’est vous le nouveau ? » Et j’ai soudain réalisé pourquoi pas moi en effet ? après tout j’ai l’âge réglementaire pour déposer un dossier d’admission dans un Ehpad. (Catherine et moi, on est nés la même année !) 

J’ai souvent entendu cette remarque.

 Même vides, les salles de théâtre ne sont jamais désertes. Les notes qu’on y a chantées, les pages qu’on y a dites, les âmes qui ont dansé sur la scène ont toutes laissé un bout d’elles-mêmes. Il suffit de fermer les yeux et d’écouter, les Théâtres palpitent tout le temps de milliers d’émotions

Éditions Fleuve. Traduit dujaponais par Diane Durocher.

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

 

Toujours dans le thème  » du Japon » du club de lecture, ce roman décrit un homme en proie à la souffrance de voir sa mère s’en aller dans le pays si étrange de la maladie d’Alzheimer. J’écris cet article alors que la France est secouée par un livre reportage sur les EHPAD. À La fin de ce roman, Izumi laissera sa mère Yuriko dans une maison où nous aimerions tous finir nos jours ou y laisser ceux que l’on a tant aimés.

Ce n’est pas le sujet du roman mais cette dernière demeure donne une idée de ce que peut être un lieu d’accueil réussi pour ceux qui n’ont plus leurs facultés cognitives. Cela ressemble à des endroits où au lieu de séparer les gens âgés, ou handicapés on les fait vivre au milieu des enfants ou de gens bien portants.
Mais partons dans la vie d’Izumi qui marié à Kaori, va bientôt être père. Il doit l’annoncer à sa mère qui l’a élevé seule sans jamais lui dire qui a été son père. Cet adulte s’est donc construit sans image paternelle et il est très angoissé à l’idée d’être père. Kaori et lui travaillent dans le monde de l’image et de la musique. Ils ne sont pas eux-mêmes musiciens mais il sont dans une grande agence qui « fabrique » les carrières des artistes. Cela nous vaut une plongée assez intéressante dans ce monde artificiel des « communicants » de ce monde du spectacle, les rivalités, l’argent, le pouvoir, mais à la mode japonaise, où tout l’art est de garder pour soi ses réactions et ne jamais rien laisser paraître de ses propres sentiments. Izumi est très absorbé par son travail et, s’il n’a pas abandonné sa mère, il va de moins en moins souvent la voir, et surtout refuse de se rendre compte que celle-ci a des problèmes de mémoires.

L’originalité de ce texte et qui l’a rendu très touchant à mes yeux, c’est le renversement de ce à quoi on s’attend. C’est sa mère qui est farouchement attachée à des souvenirs que lui a oubliés. Et en remontant dans les souvenirs de la vieille dame Izumi se rend compte combien il a été aimé et quelle force il a fallu à sa mère pour lui donner l’éducation dont il profite aujourd’hui. Pourtant, il y a une année où il a vécu seul vaguement surveillé par sa grand-mère. Pour découvrir cette année, l’auteur aura recours au cahier intime de sa mère. Il découvre une femme passionnément amoureuse d’un homme marié à une autre. Cette parenthèse amoureuse se terminera par le séisme de 1995 Kobé

(le décompte officiel des conséquences de ce séisme se chiffre à plus de 6 437 morts, 43 792 blessés et des dégâts matériels se chiffrant à plus de dix-mille milliards de yens, soit 101 milliards d’euros. On dénombre 120 000 bâtiments détruits ou endommagés et 7 000 brûlés, la destruction des polders du port de Kobé et plus de 250 000 déplacés pendant plusieurs mois. extrait de l’article de Wikipédia )

Cette plongée dans le Japon a toujours, pour moi, un exotisme qui m’empêche d’être totalement enthousiaste -c’est pourquoi je ne lui attribue pas cinq coquillages. Par exemple je n’arrive pas à comprendre comment cette mère si attentive peut laisser son fils collégien (12 ou 13 ans) vivre seul pendant un an sans même prévenir sa propre mère, c’est Izumi qui doit le faire. On ne saura jamais qui est le père d’Izumi cela perd de son importance dans le roman sans que je comprenne pourquoi. Pas plus qu’on ne saura c’est qu’est devenu l’homme qu’elle a suivi à Kobé fait-il partie des 6437 morts ? Elle ne cherche pas à le savoir, son histoire avec lui s’arrête là et elle revient vers son fils qui visiblement fait comme elle : tous les deux mettent cette année entre parenthèses.
Comme souvent dans les romans japonais la cuisine est très importante et chaque souvenir est parfumé par l’odeur d’un plat particulier : la soupe miso, le boeuf au nouilles sautées, du shiruko ….

J’ai passé un bon moment avec ce roman, malgré mes quelques réserves.

 

Citations

Comparaisons tellement japonaises.

Izumi n’en pouvait plus de cette histoire et souhaitait en venir aux choses sérieuses mais il eut le bon goût de retenir sa langue. Il lui semblait qu’ils jouaient une partie de mikado, où le moindre geste trop empressé pouvait faire rouler toutes les baguettes. Kaori continuait de poser des questions sans montrer la moindre impatience, comme si elle essayait d’amadouer un chat.

Façon légère de décrire une scène émouvante.

 -Je me fatigue vite. Un ou deux élèves par jour, et je suis éreintée. 
-Tu pourrais arrêter. Tu as ta retraite, et puis je peux envoyer plus d’argent.
– Si je ne travaille plus, je ne suis plus utile à rien.
 Il ne sut que répondre. Se pouvait-il que les humains, telles des machines ou des jouets, deviennent inutiles ? Les mains de sa mère étaient recroquevillées l’une sur l’autre, comme pour cacher leur rides. 

Sujet du roman, paroles du médecin.

 Autrefois, notre espèce ne pouvait espérer atteindre les cinquante ans. Cette limite dépassée, nous avons commencé à voir apparaître les cancers. Maintenant que nous réussissions à les combattre et à rallonger d’autant nos espérances de vie, c’est Alzheimer qui nous rattrape… À chaque victoire, l’humanité doit se mesurer à une nouvelle menace.

Souvenirs qui vont constituer la trame du roman.

 « Pardon, maman. j’avais oublié. »
Elle l’avait embrassé, en pleurs, en le retrouvant à la fête foraine. Elle avait passé la nuit à lui coudre un sac pour ses vêtements de sport, alors qu’elle avait travaillé toute la journée. Elle lui donnait toujours la moitié de son omelette. Elle avait cherché avec la force du désespoir sa pochette fleurie, offert pour son anniversaire. Elle l’avait encouragé plus fort que n’importe quel autre parent lors d’un match (même si, sur le coup, c’était un peu embarrassant). Elle l’avait emmené au restaurant pour fêter ses réussites scolaires. Elle l’avait emmené au stade de baseball à vélo, le dos trempé de sueur. Elle lui avait préparé un délicieux « shiruko ». Elle lui avait fait la surprise de lui offrir une guitare électrique. Ce n’était pas vraiment la marque qu’il voulait, mais ça l’avait rendu heureux. Elle l’avait emmené en vacances au lac, et il avait pêché un gros poisson pour la première fois de sa vie. Elle non plus, d’ailleurs, n’avait encore jamais tenu de canne à pêche…
« Comment ai-je pu oublier tant de bonheur ? »