Traduit de L’anglais (États Unis) par François Hirsch.

3
La question que je me pose : pourquoi un auteur a-t-il besoin d’imaginer une fin de vie sur terre aussi atroce ? Un père et un fils errent sur une terre désolée après une apocalypse. La nature est devenue hostile, les hommes sont pour la plupart des hordes de cannibales. Le dialogue du père et du fils est poignant. Quelques paragraphes sur la beauté de notre monde sonnent comme autant de mises en garde de ce que nous risquons de perdre si nous détruisons notre seul bien commun à tous : la planète terre.

Ce livre m’a rendue triste et m’a mise très mal à l’aise, je ne peux pas dire que je l’ai apprécié mais je n’ai pas pu le lâcher avant la fin.

Citations

Dilaogue père fils

– J’ai dit qu’on n’était pas en train de mourir. Je n’ai pas dit qu’on ne mourrait pas de faim.
– Mais on ne mangerait personne ?
– Non. Personne.
– Quoi qu’il arrive.
– Jamais. Quoi qu’il arrive.
– Parce qu’on est des gentils.
– Oui.
– Et qu’on porte le feu.
– Et qu’on porte le feu. Oui.
– D’accord

 Fin du livre

Autrefois il y avait des truites de torrent dans les montagnes. On pouvait les voir immobiles dressées dans le courant couleur d’ambre où les bordures blanches de leurs nageoires ondulaient doucement au fil de l’eau. Elles avaient un parfum de mousse quand on les prenait dans la main. Lisses et musclées et élastiques. Sur leur dos il y avait des dessins en pointillé qui étaient des cartes du monde en son devenir. Des cartes et des labyrinthes. D’une chose qu’on ne pourrait pas refaire. Ni réparer. Dans les vals profonds qu’elles habitaient toutes les choses étaient plus anciennes que l’homme et leur murmure était de mystère.

Cadeau des éditions Seuil

J’avais déjà bien aimé Ciel d’acier, je ne savais pas grand chose avant cette lecture sur la construction des buildings de New York. Je n’ai donc pas hésité à accepter de lire et commenter ce nouveau roman de Michel Moutot car je savais que l’auteur saurait me faire partager ses connaissances techniques sur les grands chantiers qui ont transformé les paysages aux États Unis.

Ce n’est pas un roman linéaire chaque chapitre commence par une date et un lieu, je me suis habituée petit à petit à cette lecture éclatée en comprenant assez vite qu’un moment tout allait converger en un seul point : la fin de la construction de la route qui relie San Francisco à Los Angeles traversant des contrées splendides mais si peu accessibles.

 

Les personnages tournent tous autour de cette route pour laquelle il a fallu arraser des montagnes, creuser dans la roche construire des ponts en employant une main d’œuvre si peu considérée. Il faut dire que ce grand pays était en crise et que le chômage était tel que personne n’était très regardant ni les employeurs ni les ouvriers qui étaient réduits à la mendicité. Nous allons suivre le destin de Will Tremblay un enfant choyé par ses parents adoptifs et qui deviendra ingénieur de travaux publics. Il commencera sa carrière par la construction d’un barrage à Boulder. Cette construction causa la mort de nombreux ouvriers en particulier ceux qui creusaient des tunnels de dérivation car la compagnie ne voulait pas perdre de temps pour faire des aérations dans les tunnels.

Will préfèrera démissionner plutôt que couvrir ces crimes au nom du profit. Son père qui avait été totalement ruiné par la crise de 29 l’a suivi en Californie mais hélas, il gagnera sa vie comme croupier et refusera de faire des combines malhonnêtes, il le paiera de sa vie. Will se retrouvera donc sur la construction de la « Route ONE ». Tous ces grands chantiers nous permettent de voir l’envers du décor de ses superbes réalisations techniques. La misère qui a jeté sur les routes des milliers d’Américains ruinés est très bien décrite et c’est parfois à peine supportable.

Nous suivrons aussi une famille de Mormons qui fuit les lois qui empêchent la polygamie et qui a créé un ranch dans cet endroit qu’elle croyait inaccessible. Nous allons partager leur vie et connaître aussi des Indiens qui eux ont vraiment tout perdu : leur pays et surtout ne peuvent plus vivre comme ils le faisaient avant en harmonie avec la nature. Lorsque la route avance nous sommes avec le descendant du Mormon qui a créé ce ranch et celui-ci met toute son énergie à empêcher la construction de la route. Au début nous pensons qu’il veut simplement protéger les siens du regard des autres mais très vite nous comprenons qu’il s’agit aussi de protéger sa fortune. Nous découvrons alors les mœurs des Mormons et c’est loin d’être la vie paradisiaque présentée dans une des séries américaines, les femmes sont malheureuses et soumises et les enfants sont endoctrinés dès leur plus jeune âge .

Le roman permet aussi de voir à quel point la société de cette époque était corrompue, comment de la prison les chefs de la mafia pouvaient se faire de l’argent en volant les fournitures des gros chantiers des travaux publics, nous passons même un petit moment avec Al Capone dans la prison d’Alcatraz.

Un roman foisonnant et je devais sans cesse me reporter à la tête de chapitre pour m’y retrouver mais c’est aussi un roman fort bien documenté qui permet de connaître un peu mieux les États-Unis sous un regard critique mais objectif.

 

Citations

Paysage de Californie en 1848.

Arrivé au sommet d’un petit mont, il embrasse du regard une côte découpée, des rocher sombre où s’accrochent des cyprès torturés par les vents du large, des successions d’îlots et de récifs sur lesquels se brisent, dans des gerbes d’écume, les vagues du Pacifique. Les rayons du soleil, à travers les milliards de particules dorées, nimbe le paysage d’une lumière irréelle. Plus loin, ils devine des alignements de falaises, succession de montagnes couvertes de forêts de pins et de séquoias. Par endroits, là où s’engouffre la furie des tempêtes océane, des prairies sont piquetées d’arbustes nains, comme plaqués au sol par la main d’un géant.

1848 les rares Indiens survivants.

Wild Bear -« Ours sauvage »- comprend l’anglais, le parle mal mais assez pour raconter que ses ancêtres ont, pendant la colonisation espagnole, échapper à l’enrôlement et au travail forcé dans la mission san Carlos de Carmel en se cachant dans les montagnes. Des générations de fugitifs ont survécu dans les replis de la sierra en été, au creux de criques secrètes sur la côte en hiver, refusant le contact avec ces prêtres et ces colons espagnols, puis mexicains, qui avaient l’amour de leur Dieu a la bouche et l’épée à la main. Pauvres, affamés, craintifs, misérables mais libres, heureux parfois, à l’abri de ces démons et de leurs grandes croix, gibets, prêches, interdits, fouets et maladies étranges qui ont qui ont presque rayé les indiens Esselen du monde des vivants.

Une adoption réussie .

 « Rien de trop beau pour mon Willy. Diplômé, mon fils. Et avec avec les honneurs. En route pour l’université, des études d’ingénieur. Mon dieu, si sa mère pouvait le voir, si Helen était encore parmi nous… Comme elle serait fière de son petit orphelin… Ce garçonnet au regard de chiot inquiet que nous avons découvert dans le bureau du directeur de St Cloud’s, que nous avons adopté, nourri, protégé, aimé, à nous en faire exploser le cœur. Pourquoi n’est-elle pas à mes côtés pour le voir, grand adolescent musclé, presque un jeune homme, sourire de miel, jambes d’athlète et bras de statues grecque ? Quelle injustice ! »
Will n’évoque pas souvent son souvenir. Son père s’en étonnait un peu, au début. Mais quatre ans ont passé, c’est ainsi qu’il calme sa peine. Il apprend à vivre sans elle, de tourne vers l’avenir, et c’est bien. Tous deux regardent parfois, au moment du dîner, la photo encadrée sur le mur de la cuisine, où ils sont tous les trois sur la plage, en tenue de bains. Son père pose la main sur son épaule. Il sourit, ne trouve pas les mots. Lui non plus. Elle est là, entre. Pas besoin de parler.

Les Indiens en 1850.

 Ils n’ont aucun document d’identité, aucune existence légale, descendants des premiers habitants de ces montagnes Transformée par l’arrivée des conquistadors en clandestins, fuyards perpétuels, proscrits sur les terres de leurs ancêtres. S’ils connaissent chaque sentier, chaque ruisseau et chaque séquoia géant, qu’ils traitent et honorent comme des divinités, s’ils prédisent l’arrivée d’une tempête ou quand se lèvera le brouillard de mer, ils n’ont aucun droit face à l’administration naissante de l’État de Californie. 

Édition « Aux forges de Vulcain » , 204 pages, mai 2023

 

Dans le ciel, c’était le feu. Le feu et les cendres. Sur la terre, c’était les secousses et les tremblements. L’antichambre de l’Enfer.

J’avais beaucoup aimé ‘Une bouche sans personne » du même auteur. On retrouve, ici, ce style si particulier entre oral et poésie, ente gouaille et sérieux, qu’il manie si bien. Je dois à Gambadou l’envie de lire ce roman. Et si j’en juge par les commentaires à son billet, je n’étais pas la seule. On retrouve bien le ton de cet écrivain et même si le sujet est grave, on est pris par ce récit et parfois on sourit. J’ai surtout été très émue à cette lecture. Je vous rappelle le sujet : le narrateur est un ancien soldat de l’armée française, qui a perdu une main à la guerre, à son retour il retrouve Anna son grand amour et se lance à corps perdu dans la recherche des soldats que les familles recherchent désespérément. Une mère l’engage pour retrouver son fils, Émile, dont elle a perdu la trace. En commençant ses recherches notre enquêteur se rend compte qu’Émile était très amoureux d’une Lucie alsacienne. Tout le livre est construit sur cette recherche d’un amour impossible, que la mère d’Émile nie de toutes ses forces. Cette jeune paysanne n’était pas jugée assez bien pour cette grande bourgeoise. Émile est un poète fou d’amour, et se fiche des jugements de sa mère. Il partira en Alsace pour retrouver son amour mais hélas la guerre va les séparer. Et quelle guerre ! Cette quête permet à l’auteur de se retrouver sur tous les champs de bataille au milieu de toutes les horreurs possibles , d’y croiser un être appelé « la fille de lune », qui aide les mourants abandonnés de tous lors des batailles sanglantes, de parler avec un rabbin qu’on appelle le curé, de croiser des infirmières allemandes plus humaines qu’un horrible médecin français qui sadiquement envoie des charges électriques à tous les malades psychiatriques de peur qu’ils soient des « tire-au flanc » .
Un des moments très fort du récit se passe en Alsace, il y rencontre un père qui a perdu un fils à cette guerre, mais est-il toujours un héros lui qui était, évidemment dans l’armée allemande. Je me suis posée alors, cette question, les femmes française veuves de guerre touchaient une pension, mais qu’en était-il pour les femmes alsaciennes ?

Un très beau livre, merci Gambadou de l’avoir si bien présenté, j’espère, à mon tour, vous avoir donné envie de le lire.

 

Extraits

Début.

 Je n’étais pas parti la fleur au fusil. Je ne connais d’ailleurs personne qui l’ait vécu ainsi. L »image était certes jolie, mais elle ne reflétait pas la réalité. On n’imaginait pas que le conflit allait s’éterniser, évidemment. On croyait passer l’été sous les drapeaux et revenir pour l’automne avec l’Alsace et la Lorraine en bandoulière. À temps pour les moissons, les vendanges où de nouveaux tours de vis à l’usine. Pour tout dire ça emmerdait pas mal de monde cette histoire. On avait mieux à faire qu’aller taper sur nos voisins. Pourtant on savait que ça viendrait : on nous avait bien préparé à cette idée. À force de nous raconter qu’ils étaient nos ennemis, on avait fini par le croire. Alors, quand ils sont passés par le Luxembourg et la Belgique, il n’y avait pas grand monde pour leur trouver des circonstances atténuantes. On était nombreux à être volontaires pour leur expliquer que ça ne se faisait pas trop d’aller envahir des pays neutres.

J’aime bien son style.

J’ai pris un train et j’ai marché jusqu’à un joli petit village qui venait d’inaugurer un joli monument aux jolis morts de la jolie guerre. Il en fleurissait partout. C’était à qui aurait le plus beau, le plus grand, celui avec le plus de noms. J’avais même entendu des histoires de villages qui se battaient pour savoir à qui appartenaient les morts. Des paysans qui avaient habité entre deux communes et qui étaient devenus importants grâce à leur dépouille patriote.

Il me fait rire.

En 1925, la France fêtait sa victoire depuis sept ans. Ça swinguait, ça jazzait, ça cinematographiait, ça mistinguait. L’Art déco flamboyait, Pais s’amusait et s’incouciait. Coco chanelait, André bretonnait, Maurice chevaliait.

Verdun.

 C’est comme ça que je me suis retrouvée avec mon drôle de bricolage et mon volant à la main. À relier Bar-le- Duc à Verdun sur la Voie sacrée. À l’époque on ne l’appelait pas comme ça. On disait simplement « la Route ». Comme s’il y en avait qu’une seule. Une colonne interminable de camions. Des soldats valides dans un sens, estropiés dans l’autre. Et du matériel. Des canons, des obus, de la nourriture, des bêtes, du vin. On conduisait sans jamais s’arrêter ou presque. Cinquante-sept kilomètres entre la civilisation et la barbarie. Cinquante-sept kilomètres où l’on conduisait à longueur de journée, à longueur de nuit, comme des automates fous.

Sentiments des Alsaciens en 1919.

 Mais la première fois que j’y étais était allé, au printemps 1919, je m’attendais à trouver une terre en fête : après tout on s’était battu quatre années pour leur redonner leur dignité. Évidemment ce n’était pas le sentiment général. Parce que, premièrement, il n’avait jamais perdu leur dignité et, deuxièmement tous n’avaient pas été ravis de devenir français. Sans compter que, parmi les morts de chaque village, la plupart s’étaient pris des balles françaises. Allez expliquer à une veuve de guerre que c’était une balle pour la bonne cause :  » On a tué votre mari … Mais,bonne nouvelle, vous êtes de nouveau française, madame ! »

Cet auteur a le sens des phrases justes.

 Il a fini par reprendre : « pensez-vous que l’on puisse mourir en héros si l’ennemi d’hier devient la nation de demain ? ».
 Je lui ai répondu que l’on pouvait mourir en héros en sauvant ces camarades. Il a souri. Tristement, mais il a souri.
En sortant de son bureau, je me suis senti bête, j’ai pris conscience que je ne m’étais jamais réellement posé la question de l’Alsace. Jamais posé la question des Alsaciens. J’avais tué pour récupérer ces régions, j’avais estimé que cela était juste. Et j’avais obéi aux ordres.

Le poème final.

On voulait des lions, on a eu des rats.
On voulait le sable, on a eu la boue.
On voulait le paradis, on a eu l’enfer.
On voulait l’amour, on a eu la mort.
 Il ne restait qu’un accordéon. Désaccordé. Et lui aussi va nous quitter.

 


Édition Albin Michel, 292 pages, janvier 2024

Traduit du suédois par Anne Karila

 

J’ai encore perdu la trace de l’arrivée de ce roman dans ma pile, j’espère que c’est une personne qui suit mon blog pour que je puisse mettre un lien. C’est un roman au rythme aussi lent que peut l’être un auteur suédois. Le roman est construit en suivant plusieurs personnages sur trois générations, la dernière,une jeune femme, Yana a été élevée par une mère fantasque Harriet et un père, Oskar, qui n’explique rien de ce qu’il s’est passé avec sa mère dans ce curieux village de Malma au bout d’une ligne de chemin de fer. Harriet est la fille d’un père encore plus étrange, Bo, et d’une mère qui l’a abandonnée en partant du domicile familiale avec sa soeur Amelia.

On est souvent dans ce train à des moments très différents et au début le mystère est épais, on sent que l’on découvrira l’énorme cassure qui a brisé une famille sur trois générations. Est-ce que la pauvre Yana réussira à tout comprendre et à être un peu plus libre dans sa vie ?

Si je révèle le poids du secret du départ, cela pourrait sembler ne pas mériter l’autre catastrophe qui va obscurcir à jamais la vie de Yana. Les personnages sont profondément tristes, les hommes sont des taiseux bien incapables d’aimer les femmes qui essaient de vivre à tout prix. Je dis bien à tout prix, même celui du malheur de leurs enfants. Il faut dire qu’au départ les parents qui divorcent prennent une étrange décision de ne plus se revoir en prenant chacun une des filles. Harriet sera élevée par Bo, et Amelia par sa mère. Harriet ne se remettra jamais de n’avoir été choisie par aucun de ses parents, son père s’est résigné à garder Harriet alors qu’il avait choisi, lui aussi Amelia . Un jour, son père emmène sa fille retrouver sa soeur mais celle-ci dit quelque chose à Harriet, elles se battent, elles sont en maillot de bain et Harriet mord de toutes ses forces le téton de sa soeur jusqu’à l’arracher.

Harriet est à jamais déséquilibrée et son mari Oskar est bien incapable de calmer ses angoisses. Yana est leur enfant et grâce à ses recherches, le lecteur mettra peu à peu toutes les pièces de puzzles de cette tragédie à leur place.

L’intérêt du roman ne tient pas seulement à dénouer les différents fils du suspens, mais dans la peinture des personnalités des personnages. Le père d’Harriet , qui se cache avec sa fille dans les toilettes du train pour ne pas payer son billet, qui se révolte contre la police quand il est arrêté sur la route, n’est vraiment pas un personnage sympathique et contribue beaucoup à déséquilibrer la personnalité de sa fille.

La pauvre Harriet, se marie avec un Oskar encore un Suédois incapable de comprendre les traumatismes de sa femme.

J’ai beaucoup hésité pour mettre un jugement sur ce roman, la construction méritait selon moi 5 coquillages , l’intérêt des personnages 3, donc j’ai fait une moyenne.
Sachez que si vous lisez ce roman vous partez pour un roman profondément triste. On retrouve cette atmosphères si lourde qui m’avait tant troublée dans « les survivants« , de ce même auteur.

 

Extraits

Début.

 Debout dans l’ombre de son père, sur le quai, elle le voit plisser les paupières dans le soleil bas du matin. Elle guette les signes d’agacement dans son regard et dans ses gestes. Aujourd’hui, elle est particulièrement attentive, car c’est pour elle qu’ils font ce voyage, elle se sent donc redevable envers lui. C’est à cause d’elle que papa est là, sur ce quai, à cause d’elle la chaleur, à cause d’elle l’heure matinale, le retard du train, elle est responsable de tout ce qu’il doit endurer dorénavant, et lui se tait, indéchiffrable

Caractère de son père (humour ?).

 

 Papa lui n’est pas pressé. Il ne l’est jamais. Il y a quelque chose dans ses gestes, on dirait qu’il fait tout deux fois moins vite. Il n’improvise rien, n’agit jamais sur une impulsion, Harriet a le sentiment que chez lui tout est parfaitement réfléchi. Parfois, elle s’imagine que le matin il prévoit avec précision tous ses gestes de la journée, du petit déjeuner jusqu’au soir, et qu’il les accomplit ensuite exactement selon son plan. Peut-être est-ce pour cela qu’il est toujours impassible, parce que rien ne peut le surprendre, il n’est jamais pris de court.

Genre de phrase que je ne comprends pas bien :

 

 Une seule et unique fois dans la vie, on se rencontrera soi-même, et cet instant, celui-là seulement, sera le plus heureux ou le plus amer de notre vie

Une enfant trop grosse et malheureuse.

 

 La première fois qu’elle a pris l’avion, c’était pour aller sur l’île de Gotland avec le lycée. L’avion était petit, seulement quarante places, ils y étaient tous entrés en courbant la tête, avaient gagné leurs sièges. Une hôtesse de l’air s’était approchée d’elle juste avant le départ, aurait-elle l’obligeance de bien vouloir changer de place et d’aller s’asseoir un peu plus loin vers l’arrière ? C’était une question de répartition du poids pour l’équilibre de l’appareil. Elle s’était vite levée, gênée. Après cela, elle n’avait plus voulu prendre l’avion.


Édition 10/18, 402 pages, septembre 2013 

traduit de l’anglais (États-Unis) par Héloïse Esquié

Je sais que j’ai acheté ce roman après avoir lu un billet sur un de vos blogs , j’espère que vous me direz dans les commentaires si vous l’avez lu. Le roman raconte l’histoire tragique d’une famille qui vit la disparition d’une petite fille de cinq ans. Son grand frère et sa grand soeur, l’ont laissé se baigner dans une carrière remplie d’eau pendant qu’ils allaient chercher des baies dans la forêt. Les deux aînés se sentent responsables de la disparition de leur petite soeur.
Leur père a disparu en même temps, mais il l’a fait souvent, seulement cette fois il ne revient pas. La mère des enfants est incapable de réagir la famille s’enfonce dans le désespoir. L’auteure raconte cette tragédie en mêlant plusieurs temporalité, la plus ancienne, le temps où les esclaves ont creusé cette carrière au prix de tant de souffrance et de leur vie pour construire des belles maisons aux propriétaires blancs . Elle est maudite cette carrière, car elle connaît un drame qui a marqué la jeunesse du père de Willet et de Roberta les aînés qui ont laissé seule leur petite soeur. Le lien de toute ces vies meurtries c’est celle qui pense être leur grand-mère Clémentine qui aide les femmes à accoucher ou à avorter. Les enfants partiront dans le sud de la Floride où enfin ils trouveront des réponses.

Tous les personnages vivent en marge de la légalité, leur père fabrique des faux billets, et Willet gagnera de l’argent trop facilement dans des trafics de drogue. La grand-mère Clémentine soigne par les plantes des gens qui ne veulent pas ou ne peuvent pas aller voir des médecins officiels, et fait des avortements pour aider des femmes ou aide les femmes à confier leur bébé à des familles d’adoption. Ce roman décrit bien l’ ambiance si particulière du sud des USA, et bien sûr ce qui sous tend ce roman c’est le racisme contre les noirs et des gens qui ont du sang noir, ils ont si peur que les traits physiques des noirs réapparaissent chez leur enfants, car ils connaissent le rejet dont ils seront alors victime.

J’ai eu du mal à me plonger dans ce roman mais peu à peu j’ai été prise par le rythme du récit, un de mes freins pour aimer complètement ce roman, c’est le personnage de Roberta qui semble toujours être à côté de la plaque, deux exemples : elle ne dit pas ce qu’elle a vu le jour de la disparition de la petite soeur, elle veut absolument annoncer la découverte que son père est vivant alors que son frère veut lui annoncer son mariage. Elle semble une éternelle enfant ou adolescente ! En revanche, la description de la nature rend ce roman très beau même quand celle-ci est inhospitalière .

 

Extraits :

Début.

White Forest, Mississipi 
1976
 On était en août et il faisait plus chaud, bizarrement, qu’en juillet ; une chaleur lourde, étouffante qui nous laissait poisseux et nous empêchait de dormir même au plus noir de la nuit. Il pleuvait presque tous les après-midi dans le delta du Mississipi, de violents orages dans des ciels gris tendre. La pluie aurait dû nous soulager, mais dès que les nuages se dispersaient, laissant poindre le soleil, une vapeur s’élevait de l’herbe desséchée, du bitume craquelé et des champs bruns et il faisait encore plus lourd.

Portrait du père.

 Il apparaissait et disparaissait sans prévenir. Nous étions censés être content de le voir, et en général nous l’étions. Papa était charmant, comme les hommes malhonnêtes sont obligés de l’être, et trop beau pour son propre bien. Il ressemblait à si méprendre à Paul Newman. Il le disait lui-même.

Après l’appel à la télévision .

 Tous les jours des gens appelaient chez nous pour dire qu’ils avaient vu Pansy dans une supérette à Shreveport ou un centre commercial en Alabama. Un homme a appelé pour dire qu’il détenait Pansy et qu’elle allait bien, il ne fallait pas s’inquiéter. Une gamine, jouant une farce cruelle, a voulu se faire passer pour notre sœur elle criait dans le téléphone : « Maman viens me chercher ! je suis toute seule ici ! » Willet a arraché le combiné des mains de maman et à jurer à son adresse jusqu’à ce que l’enfant à l’autre bout du fil éclate en sanglots et raccroche.
 Une femme se prétendant médium a affirmé que Pansy se trouvait entre les mains d’un méchant homme. Elle disait qu’elle pouvait la trouver et la libérer de son emprise si maman lui envoyait trous cent trois-trois dollars dans les trente-trois heures le chiffre 3 avait une importance particulière mais je n’ai pas retenu les explications. Maman a voulu s’exécuter, mais Willet l’en a dissuadée. Les policiers l’ont félicité.
 » C’est une arnaque, à expliquer le maigrichon. Ça loupe pas chaque fois qu’une personne disparaît. »

Un des drames du roman.

 Lui et Fern avaient huit ans quand leur père les abandonna sur le bord de la route. On l’appelait Junior à l’époque, le premier des nombreux surnoms qui lui colleraient à la peau toute sa vie.  » Prend soin de ta sœur », lui avait recommandé son père avant de monter dans un train en direction du nord. Ils ne se désolèrent pas de son départ. Ils en étaient encore à se faire à la perte de leur mère.

Le caractère de leur mère .

 Et la vérité n’avait jamais intéressé maman. Elle couvrait la part sombre de notre père d’un joli glaçage comme elle l’aurair fait avec un gâteau au ccaramel. Elle ne pouvait pas supporter de regarder tout ce qui était laid ou douloureux.

Les paysages de Floride.

 Les palétuviers poussaient de travers malgré leurs hauteurs et, dans les zones où l’eau était moins profonde, je voyais que les racines formaient une masse enchevêtrée comme des lianes. Nous avons flotté pendant un moment dans une mare stagnante bordée d’herbe. Il faisait chaud pour une mi-janvier. Les moustiques sifflaient constamment. Un poisson a fait un bon en l’air. Un oiseau a lancé un appel dans les arbres. Une araignée tissait sa toile dorée sur une souche. Partout où je regardais, l’atmosphère était dense lourde et grouillante de vie. Nous avons traversé une nuée de moucherons et j’ai manqué laisser échapper ma pagaie en tentant de les écarter. Les feuilles, les branches et les fragments de mousse qui pendouillaient semblaient s’avancer pour nous caresser au passage. Les troncs d’arbres étaient recouverts de plaques de mousse vert fluorescent.

 

 


Édition Charleston février 2023. Traduit de l’anglais par Sarah Tardy

 

Moi qui pensais que nous étions les maîtres de notre destin, j’ai appris qu’en temps de guerre, les citoyens ordinaires ne sont plus que des feuilles balayer comme des milliers d’autres par la tempête. 

Je fais paraître ce billet le lendemain du roman de Cécile Pin : « Les âmes errantes » car ces ceux livres se complètent très bien. Ce roman nous décrit le Vietnam, pays martyre, du point de vue du Vietnam du nord. C’est pour moi une grande découverte, car j’ai déjà beaucoup lu sur le Vietnam du Sud et l’exode des Boat-People mais pas du tout sur le Vietnam du Nord. L’auteure se sert de l’histoire de sa famille et cela lui donne une base pour une grand fresque historique. La famille Tran est propriétaire d’un grand domaine qu’elle cultive grâce à des paysans qui leur sont très attachés.

Le roman suit plusieurs chronologies, celle de la grand-mère Diêu Lan qui élève sa petite fille Huro’ng, grâce à elle nous revivrons la présence des Français dont les Vietnamiens espèrent bien voir le départ. Hélas, les Japonais vont les remplacer et imposer aux paysans des cultures qui suppriment les traditionnelles cultures vivrières, une terrible famine va en résulter. L’auteure sait parfaitement rendre ce que représente la recherche de nourriture pour un peuple que l’on empêche de cultiver ce qui pourrait éviter à ses habitants de mourir de faim.

Le destin de cette grand-mère est incroyable, elle aurait dû mourir tant de fois : comme fille de propriétaire ennemi du peuple condamnée par les communistes, comme femme se débrouillant seule se heurtant à des brigands, comme mère de six enfants qui doit faire 600 kilomètres à pied pour sauver sa vie et celle de ses petits. Cette traversée du pays est inimaginable, on a vraiment une impression d’une hallucination au milieu de dangers mortels qui s’attaquent à elle et à sa volonté de survivre.

Ses enfants partiront à la guerre pour la réunification du pays, ils reviendront détruits moralement pour la mère de Huro’ng, sans ses deux jambes pour Dat, son fils Tuan est mort, un autre est revenu mais complètement asservi au parti communiste au grand désespoir de sa mère qui a gardé en toute occasion son esprit critique.

Nous suivons aussi le parcours de sa petite fille qui veut retrouver sa mère et son père, celui-ci ne reviendra pas et sa mère restera mutique et brisée jusqu’à ce que sa fille comprenne son drame. Nous la suivrons dans son parcours scolaire et dans son histoire d’amour. donnant lieu un rebondissement un peu trop étonnant (pour moi)

L’auteur utilise souvent le biais de lettres ou de journal intime pour nous donner le récit de différents personnages, par exemple le fils aîné qui a fui les communistes qui ont assassiné son oncle devant ses yeux, dans une grand lettre, il fera comprendre à sa famille ce qu’il a vécu. Le journal intime de la mère de Huro’ng qui lui permettra de casser la mutisme de sa mère.

En lisant ce livre, on se rend compte que ce qui a permis aux Vietnamiens de garder une unité morale, c’est la force des liens familiaux, peut-être aussi le culte des morts qui fait que l’on n’oublie pas ceux du passé. Ce lien très fort avec la famille élargie permet de résister aux assauts de la violence mais aussi à l’idéologie communiste. En tout cas c’est le cas de cette famille.

Ensuite, l’auteure a un véritable talent pour nous conduire à travers les différents épisodes du Vietnam et faire comprendre les retombées sur les populations. Il y a peut être un aspect trop « romanesque » dans cette fresque, je pense en particulier à une histoire de bijou perdu et retrouver de façon si miraculeuse pour la jeune fille, mais à la lecture je n’ai pas du tout eu l’impression que c’était trop romanesque, j’ai dévoré tous les épisodes et j’ai tellement admiré cette grand-mère capable de tous les efforts pour que les siens vivent correctement, même faire du marché noir au grand scandale de son fils devenu un membre du parti mais qui accepte quand même ses plats cuisinés avec tant d’amour.

 

Il me reste une question, ce livre est écrit en anglais, cette auteure vit-elle toujours au Vietnam et son livre est-il traduit en vietnamien ? C’est une telle critique du régime communiste que cela m’étonnerait mais cela me ferait aussi un grand plaisir.

 

Extraits

Début .

 Quand meurent nos ancêtres, me disait ma grand-mère, ils ne disparaissent pas mais continue de veiller sur nous. Aujourd’hui, je sens sur moi son regard tandis que je frotte une allumette pour faire brûler trois bâtons d’encens.

La présence française au Vietnam .

 Les Français occupaient notre pays. J’avais déjà vu des soldats battre des fermiers sur la route du village. Ils étaient même déjà venus chez nous, pour fouiller notre maison, à la recherche d’armes. Les cultivateurs et les ouvriers de notre provinces avaient même manifesté contre eux. Mes parents, eux, ne s’étaient pas joints à la protestation. Ils craignaient la violence et croyaient qu’attendre que les français nous rendent un jour notre pays éviterait un bain de sang. 

Les erreurs des Viet Minh communistes.

 Dans tes livres d’école, tu ne trouveras rien sur la réforme agraire ni sur les querelles intestines qui divisaient le Viêt Minh. Une partie de l’histoire de notre pays a été gommée et avec, la vie d’un nombre incalculable de gens. Il nous est interdit de parler des évènements liés aux erreurs du passé ou des méfaits commis par les dirigeants d’antan car nous réécririons l’histoire, ce faisant.

Le titre.

Grand-mère m’a dit un jour que les épreuves auxquelles le peuple vietnamien a fait face sont aussi hautes que les plus haute des montagnes. Je me suis tenue à une distance suffisante pour voir le sommet de la montagne, mais aussi suffisamment près pour ma percevoir que grand-mère est elle-même devenue la plus haute montagne : toujours présente, toujours forte, toujours là pour nous protéger.

 


Édition du sous-sol paru en août 2023

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Johan-Frédérik Hel Guedj

Oh là là ! quel roman ! À vous dégoûter de mettre un pied sur un bateau . Si vous vous embarquez dans ce roman de 370 pages, sachez que vous connaîtrez le pire des éléments naturels et le pire des conduites humaines. J’ai lu plusieurs avis positifs dont celui de Claudia-lucia . Puis bien d’autres que j’ai oublié de noter : Sandrine et Kathel très récemment. David Grann a fait un travail colossal pour écrire un roman qui décrit les difficultés de la navigation au XVIII° siècle sur un bateau de la Navy, la rudesse de la nature dans l’extrême sud du Chili, la violence des hommes qui font naufrage et qui pensent mourir de faim sur une île inhospitalière, enfin la complexité de la justice britannique pour les marins qui ne sont pas restés sous les ordres de leur capitaine. Mais avant tout cela, on assiste à la façon dont les bateaux sont préparés, armés et équipés d’hommes qui sont loin d’être volontaires pour monter à bord de ce qui est pire qu’une prison car on ne peut jamais s’en échapper. La vie sur les bateaux est un véritable enfer, la promiscuité des hommes d’équipage est inimaginable, et quand les éléments se déchaînent alors les marins n’ont plus de mots pour décrire ce qu’ils doivent supporter ; rappelons que pour cette expédition

Sur les presque deux mille hommes qui avaient pris la mer, plus de mille trois cents avaient péri – un tribu effarant, même pour un périple aussi long.

La façon dont a été préparée cette expédition est en grande partie responsable du naufrage, surtout le recrutement des marins. Comme personne n’est vraiment volontaire, les recruteurs écument les campagnes, les prisons et même les hôpitaux. Ainsi des hommes malades et invalides seront embarqués de force sur les bateaux. Évidemment, ces mêmes malades mourront en grand nombre par les différentes maladies qui s’abattent sur les bateaux qui font de très longues traversées, la plus terrible d’entre elle, le scorbut, dont on ne connaissait pas, à l’époque, l’origine.

Les descriptions des tempêtes australes sont très réalistes (et comme il y en a beaucoup un peu répétitives) enfin le naufrage sur une île déserte et balayée par les vents termine cette navigation dantesque. Là encore les marins ont continué à subir la loi de la Navy et doivent obéissance au Capitaine Cheap, mais la faim et le caractère violent de certains marins – il ne faut pas oublier que plusieurs d’entre eux avaient été recrutés en prison- ont fait voler en éclat les beaux principes de la marine anglaise.

Il existe pourtant des populations qui vivent dans ces régions inhospitalières. En particulier des « Nomades de la mer » les Kawésquar qui vivent sur des canoë à fond plat menés par des femmes. Ils résistent au froid en s’enduisant le cops de graisse et en utilisant des fourrures de bêtes pour se couvrir. Ils viendront en aide aux naufragés mais peu de temps car ces indiens se méfient des populations blanches qui les ont exterminés ou réduits en esclavage.

Enfin un homme arrivera à mener une mutinerie et à s’enfuir par le passage de Magellan . C’est sa version qui fera autorité tant que l’on croie le capitaine mort. Mais celui-ci reviendra trois ans plus tard après une incarcération par les espagnols. Personne ne sera jugé coupable par le tribunal car personne n’a vraiment intérêt à faire la lumière sur ce naufrage. Ni les autorités anglaises qui ne veulent plus entendre parler de cette expédition qui a été trop lourde en pertes humaines, Ni ceux qui ont peur d’être traités de mutins et donc être pendus, ni le capitaine Cheap qui n’a pas non plus la conscience tranquille car il a tué un de ses marins .

 

Le travail de recherche de cet auteur est absolument colossal et son souci d’objectivité remarquable mais cela rend le récit très fouillé donc répétitif . C’est pourquoi j’ai une petite réserve, je dois avouer qu’il m’est arrivé de lire en diagonal certains passages.
Je pense que tous les amoureux de navigation, et ils sont nombreux autour de moi sur la côte d’émeraude, seront ravis de lire ce roman.

 

Extraits

Début.

 Chaque membre de l’escadre embarqués à bord avec un coffre de marine est le poids de son histoire intime : chagrin d’amour, peine de prison passer sous silence, femme enceinte éplorée laissée sur le carreau. Ou encore soif de gloire et de richesses, peur de la mort.

J’adore cette image et ce portrait.

Cheap semblait ne pas avoir d’avenir sur la terre ferme, incapable de naviguer par-delà les hauts-fonds inattendus de la vie. Mais juché sur la dunette d’un vaisseaux de ligne britannique, croisant sur les vastes océans, coiffé d’un bicorne et armé d’une longue-vue, il débordait d’assurance avec, diraient certains, un soupçon d’arrogance.

L’équipage.

 L’équipage comptait au minimum un homme noir  » John Duck, esclave affranchi originaire de Londres. La British Navy défendait le commerce des esclaves, mais les capitaines en manque de marins expérimentés enrôlaient souvent des hommes noirs et libres. Quoique la société d’un bateau ne fût pas toujours aussi soumise à la ségrégation que sur la terre ferme, il s’y exerçait une discrimination omniprésente. Et sur Duck, qui n’a laissé aucun écrit, pesait une menace dont nul autre n’avait à s’inquiéter : s’il était capturé outre-mer, il risquait d’être vendu comme esclave.
 Il y avait également à bord des dizaines de très jeunes mousses dont certains n’avaient peut-être pas plus de six ans qui s’entraînaient à devenir marins ou officiers, et de vieux bonshommes fléchissement : le cuisinier Thomas Maclean avait dans les quatre-vingts ans.

Dicton pour parler d’un pendu.

Il était monté à la ruelle de l’échelle, descendu dans la rue du Chanvre.

Le cap Horn.

Au fil des ans, des marins se sont efforcés de trouver un nom adapté à ce cimetière marin aux confins de la Terre. Certains l’ont appelé le « Terrible », d’autres « la route des hommes morts » . Rudyard Kipling l’a surnommé « la haine aveugle du Horn ».
David Cheap étudia de près les cartes sommaires dont il disposait. Les noms des autre sites de la région n’étaient pas moins effrayants : l’île de la Désolation. Le port de la Famine. Les rochers de la Tromperie. La baie de la Séparation des amis.

Sur les flots déchaînés.

 Chaque fois que le Wager franchissait une vague, Bulkeley sentait le navire dévaler une avalanche liquide comme précipité dans un gouffre privé de lumière. Il ne distinguait qu’une montagne d’eau derrière lui, et devant lui, une autre montagne non moins terrifiante. La coque basculait d’un bord à l’autre, piquant parfois si fortement du nez que les vergues plongeaient sous l’eau tandis que les gabiers tout en haut s’agrippaient aux cordages comme des araignées à leur toile

Les Kawésquars.

 Des explorateurs européens déconcertés de découvrir des populations capables de survivre dans les environs et cherchant à justifier leurs attaques brutales contre ces groupes d’indigènes, traitaient souvent les Kawésquars et les autres peuples aux canoës de « cannibales » mais il n’existe aucune preuve de leur anthropophagie. Ces habitants avaient conçu quantités de moyens de puiser leur subsistance de la mer. Les femmes qui se chargeaient de presque toute la pêche, attachaient les patelles à des tendons longs comme des cordes et les lâchaient dans la mer, en attendant de pouvoir remonter une proie d’un coup et l’attraper à la main

 


Édition Actes Sud

lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

 

Une lecture qui m’a embarquée dans la nature, dans les Pyrénées françaises, à la suite de l’animal détesté par les éleveurs et protégé par les écologistes : l’ours . Je suis d’habitude peu intéréssée par ce genre de lecture, et pourtant j’ai lu avec passion ce roman. Cette écrivaine a un vrai talent pour nous faire vivre les émotions des différents protagonistes de cette histoire. Avec Jules, le montreur d’ours de la fin du XIX°, j’ai eu une peur terrible quand il s’est introduit dans la tanière de l’ourse pour lui voler un petit ourson. J’ai sué sang et eau, avec Gaspard, le berger qui garde les brebis l’été dans les estives, à la recherche des bêtes effrayées par l’ourse, et j’ai aimé la façon dont Alma, la chercheuse en éthologie, pose toutes les questions à propos de la réintégration du plantigrade dans la montagne pyrénéenne.

Vous l’avez compris, il y a trois voix dans ce roman, et ce qui les unit c’est leur attitude vis à vis de l’ours. On comprend à quel point le sort de l’animal, quand on avait le droit de les maltraiter pour leur faire faire des tours qui amusaient les hommes, était une pure horreur. Le berger voit son travail très compliqué par ce prédateur qui se joue si bien des hommes. Pourtant, lui aussi, pense qu’il faudrait trouver un moyen de faire cohabiter les paisibles ovins avec l’animal qui aime tant se nourrir de leur viande. Enfin toutes les questions que se posent Alma sont bien celles que nous nous devrions nous poser. C’est grâce à elle que j’ai découvert la complexité des problèmes pour les bergers et aussi aux écologistes raisonnables de la réintégration de l’ours dans les Pyrénées. Bien sûr, il y a, aussi, un personnage abruti qui ne veut que la mort de l’ourse, mais il est en réalité bien seul, et la romancière ne décidera pas que c’est lui qui a tiré sur l’ourse et l’a finalement tuée, mais nous sommes certains que c’est quelqu’un qui lui ressemble !

 

Bref, la cohabitation des hommes et des animaux sauvages, qu’il s’agisse des loups ou des ours méritait bien un si beau roman. Tout en subtilité.

(Un roman que Lecturissime a aimé, voici le billet d’Aifelle et de Kathel)

 

Extraits

Début.

 Elle s’éloigne lentement de ce pas suspendu, quelque peu léthargique de la sortie d’hibernation. Malgré les restrictions alimentaires et la perte de poids qu’impose le demi-sommeil hivernal, elle lui semble toujours aussi grande, aussi puissante que la première fois qu’il l’a vue, un an plus tôt, sa grosse tête balançant au rythme de ses pas, du mouvement de ses épaules ourlées de fourrure.

Excellente description de la peur dans l’action .

Comme un grand vide dans le ventre soudain, le pouls qui s’emballe, les mains qui tremblent. Il respire à pleins poumons et il glisse d’un coup dans le goulot d’étranglement qui sert de couloir à l’animal, il rampe le plus vite possible, s’aidant de ses coudes. Le souffle court, la conscience aigüe du danger. Et une excitation qu’il n’a jamais ressentie auparavant. Si elle revient trop vite, il est mort. Si elle revient. Il respire fort, se concentre.

Une amitié de gens de la montagne .

Le vieux lui avait confié ses bêtes, qu’il garderait désormais, les clés de la cabane, les secrets de sa montagne, et puis sa dernière chienne. Et Jean avait beau être d’un monde bourru où on ne dit pas que l’on s’aime, leurs vies étaient liées.

Métier de berger.

Et Gaspar avait peu à peu compris qu’être berger n’était pas réductible à un métier, il s’agissait d’une façon de vivre qui mobilisait des connaissances botaniques, topographiques, météorologiques, vétérinaires à toute épreuve. Jean incarnait une sorte d’homme complet, un danseur qui crapahutait à flanc, un philosophe distillant entre deux jurons des vérités brutes, un marcheur infatigable.

Être berger.

 Monter, c’était s’adonner à une vie de solitude et de frugalité. On ne s’embarrasse de rien, là-haut : de quoi manger, dormir au chaud, du sel pour les brebis, des croquettes pour les chiens et quelques produits vétérinaires. On y était vite ramené à sa place, un corps parmi la roche, les bêtes, les cieux, les champignons et les bactéries. La vie de cabane relevait presque d’un manifeste politique. La communauté des pâtres comptait d’ailleurs nombre de marginaux, d’anarchistes, de rêveurs que le refus de la sédentarité, une réticence à la dictature de la consommation avaient poussé à prendre la montagne comme on prend la route.

La griserie de la montagne .

 Elle comprenait, petit à petit, cette griserie des hauteurs, la difficulté à redescendre. Elle comprenait que ce pût passer avant tout, qu’on pût aimer la montagne à en mourir. Son père n’avait vécu dans le monde des hommes que par défaut, il vibrait pour la verticale des abysses et des montagnes. Et plongeant dans les pas de l’ours, s’immergeant des jours et des nuits dans son territoire, dormant contre la roche, il lui semblait enfin décoder l’énigme qu’avait été cet homme sans cesse dérobé. 

Les enjeux de la réintégration de l’ours.

 L’équipe était prise dans la spirale d’un débat politique qui dépassait les enjeux liés à l’ours. L’animal était un bouc émissaire commode dans une guerre vaine qui opposait les ruraux et les urbains, ou plutôt différentes visions de la ruralité, ceux d’ici et les autres, les éleveurs et le reste du monde ; guerre dont personne ne sortirait gagnant, qui poussait chacun à devenir une caricature de lui-même. Et ce conflit tantôt larvé tantôt ouvert ne reflétait rien de la complexité des rapports de la plupart des gens entretenait avec l’ours : chacun était sommé d’être « pour » ou « contre », le dialogue n’avait plus de place.

 


Édition Fleuve

 

Moi qui croyais être née dans une famille normale !

Elle est normale justement . Tu en connais beaucoup des familles où tout le monde s’aime, se parle sans hypocrisie ni jalousie, et ne cache rien à personne ?

Je dois à Gambadou l’achat et donc la lecture de ce roman, et si contrairement à mes habitudes je le fais paraître ce billet le lendemain du livre d’Anne-Marie Garat « Chambre noire », c’est pour souligner à quel point deux récits de secrets de famille peuvent donner des récits différents. Cette auteure écrit souvent pour l’adolescence mais je dois avoir gardé un côté ado , car j’aime toujours lire ses romans. Ici il s’agit d’un roman adulte, mais que les adolescents aimeront lire, j’en suis certaine. Donc après, « le temps des miracles« , « pépites »  » Et je danse aussi« , « l’aube sera grandiose , voici donc » Valentine, ou la belle saison ». Autant dans le roman d’Anne-Marie Garat , on sentait l’engagement de l’écrivaine pour obtenir un style recherché, poétique et littéraire, au point de parfois devenir difficile à comprendre, autant Anne-Laure Bondoux cherche à faire passer ses sentiments et son récit dans une langue d’une simplicité qui me va bien. Autant l’une est sûre de ses postions idéologiques de gauche , autant l’autre est dans le doute ce qui me va bien aussi. Et pourtant ce roman se situe en 2017, au moment de l’élection présidentielle qui verra la vctoire d’Emmanuel Macron et divisera autant la droite que la gauche. Ce n’est que la toile de fond du roman, qui décortique un secret de famille à travers une femme de cinquante ans qui est obligée de prendre un tournant dans sa vie : elle a du mal à rester dans le monde de l’écriture, elle doit déménager, car son ex un certain Kostas dont elle est divorcée, avait obtenu grâce à se amis du PS un logement social qu’elle doit quitter. Car depuis l’affaire Fillon, les journalistes seraient plus regardants pour ce genre de passe droit, ses enfants sont pratiquement adultes et elle vient de perdre sa mère.

Elle retourne donc chez sa mère dans un village rural, (que j’ai situé en Aveyron) et là on comprend peu à peu que Valentine n’accepte pas la mort de sa mère qui revient vers elle sous forme d’hallucinations. Le passé de Valentine est douloureux, même si elle ne s’en souvient pas très bien, elle a oublié ou refoulé des souvenirs traumatisants à propos de son père.

Peu à peu les fils de l’histoire vont se remettre en place et la fin est surprenante. Bien sûr, c’est un peu idyllique mais tout à fait dans l’air du temps  : la vie en communauté intergénérationnelle est sans doute une des solutions pour aider les personnes âgées. à supporter la solitude.

Son frère Fred, le champion cycliste au cœur tendre, part lui aussi dans un divorce qui va être compliqué. Le retour au village de sa sœur va sans doute l’aider. Toute la petite communauté du village où ils ont grandi, crée une société d’entraide ambiance sympathique que l’on peut trouver un peu facile, mais parfois on a besoin de romans où tout n’est pas noir ni glauque ! Les secrets de la famille viennent de la vie de leur parents ! ah la génération de 68 et la libération sexuelle : ça laisse des traces et des problèmes à résoudre aux enfants, ce n’est pas toujours faciles pour eux

Bref un roman agréable et qui permet de passer des soirées loin des problèmes si graves de notre planète.

 

Extraits

 

Début.

Encore reçu un appel du cabinet Praquin et Belhomme ce matin. J’étais sur la route, vent de face au beau milieu d’une côte, il commençait à pleuvoir, ça glissait, impossible de décrocher. Maître Paquin m’a laissé un message. C’était ce que je craignais  : il voulait savoir si j’avais mis Valentine au courant. Évidemment, depuis le temps que je lui promets de le faire….

Un des problèmes de Valentine .

 – Cette histoire d’appartement est tellement ancienne, tu parles, je n’y pensais plus… Mais là, toute l’équipe de campagne a été briefée : c’est opération mains propres. Avec ce qui arrive à Fillon on ne peut pas se permettre de risquer notre image, tu comprends ? Les journalistes sont des hyènes. S’ils enquêtent sur moi, ils vont remonter jusqu’à toi l’histoire du HLM ne passera pas.
 Pour Valentine, c’était le steak de thon qui ne passait plus. Espérant retrouver la parole, elle avait vidé son verre de vin puis la bouteille de Badoit. Mais que pouvait-elle faire ? Crier à l’injustice alors qu’elle abusait depuis vin en danois comment sociale obtenue par passe-droit ? 

Un groupe d’amis.

Hélène et elle s’étaient connues au sein du syndicat étudiant, alors que Valentine arrivait tout juste de sa province. Elles avaient milité ensemble, au milieu d’une petite bande parmi lesquels Kostas et Simon le futur mari d’Hélène faisaient figure de meneurs. Par la suite Simon et Hélène avaient suivi un chemin, Valentine une autre, la fracture idéologique s’élargissait et elle devinait que ces élections allaient achever de les éloigner. À moins que ce soit à cause de ce moment d’égarement qui l’avait conduite a coucher avec Simon -trois fois de suite quand même- l’été dernier ? Difficile de faire la part des choses 

 


Édition Folio poche . Traduit du finnois par Anne Colin du Terrail

Un auteur qui m’avait déçue avec la douce empoisonneuse et ravie avec le dentier du maréchal , ici je suis à mi route. J’ai bien aimé mais ce récit manque un peu de légereté. Le récit est en deux partie, la première raconte la construction d’un pont par Akseli Jaatinen dans le village de Kuusmäki. (Vous remarquerez le gout des finlandais pour les doubles voyelles ! !) . Tout de suite les notables du village déteste cet ingénieur trop efficace et aux méthodes expéditives. malgré tous le sennuis que la municipalité essaient de lui causer jusqu’à vouloir le mettre en prison il réussit à construire le pont dans le temps imparti.
la deuxième partie raconte sa vengeance contre tos ceux qui lui ont fait du mal. mais contrairement à Edmond Dantes (excusez cette comparaison mais mon petit fils adore Monté Christo) il ne cherche pas à nuire au village bien au contraire il ne cherche qu’à enrichir le village. Il applique des méthodes révolutionnaires pour construire une usine de ciment qui profite à tout le village et réussît à construire en trois mois une voie ferrée que tout le monde attendait depuis des lustres. En revanche le sdeux femmes qu’il honore de ses faveurs sont très heureuses de partager sa vie et de faire de lui « un homme heureux »

Seuls ceux qui continuent à lui nuire auront le spires ennuis mais il faut dire aussi qu’ils le cherchent bien. C’est un roman sympathique et qui se lit bien. J’ai lu ce livre à la suite d’un article sur la blogosphère mais j’ai oublié de noter le nom du blog.

 

Citations

Le coup de foudre.

 C’était une femme. Elle était là parmi les autres, mais ne leur ressemblait en rien. Elle était belle, douloureuses belle. Comment la décrire ? Des boucles brunes, des traits délicats, un nez droit, parfait, des yeux brillant de milliers de secrets … son cou de cygne émergeait de sa robe avec une grâce de déesse, ses seins idéalement placés se balançaient doucement tels de précieux trésors… et son corps ! Il cascadait des épaules aux hanches puis aux cuisses, aux genoux déliés à partir desquels les jambes s’amenuisaient, devenant chevilles, avant de disparaître dans délégants escarpins un ravissement !

Un finlandais amoureux .

 Un ingénieur des ponts, dans ces circonstances ressemble trait pour trait à toute autre Finlandais amoureux : il a un sur le visage une expression d’une incroyable stupidité, sa bouche se tord, un semblant de chansons monte vers le ciel et son regard erre dans les broussailles, et il roule sur sa bicyclette du côté gauche de la route.

Comment reconnaître un artiste.

 On vit arriver par l’autocar de Helsinki un petit moustachu fripé qui se présenta à Manssila et Jaatinen venus l’attendre à la gare routière : Kasurinen, sculpteur. L’homme sentait l’alcool frelaté, ce qui leur sembla prometteur. Kasirnen était de toute évidence un véritable artiste.