Édition de L’Olivier

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Céline Leroy

 

Un roman, ou plutôt une autobiographie qui commence par la fin : l’assassinat de la mère de l’auteure. Celle-ci part dans ses souvenirs pour comprendre les raisons de cette mort. Elle est , elle même la fille d’un poète universitaire irlandais et d’une femme noire américaine du Mississipi. Ses parents se sont mariés au début de l’assouplissement des lois régissant les mariages mixtes, mais cela ne veut pas dire qu’ils ne souffriront pas du racisme. L’auteure n’explique pas pourquoi le mariage de ses parents n’a pas résisté , ni le rôle que son père biologique a joué dans sa vie. Hélas, pour elle sa mère se remariera avec un homme ancien soldat qui a fait la guerre du Vietnam. Ils ont un enfant ensemble, et c’est la raison pour laquelle elle ne le quitte pas immédiatement. L’enfant sera malheureuse et cet homme la fera souffrir en cachette de sa mère, l’enfant ne le lui dira pas et s’en voudra parce que cela aurait peut être sauvé sa mère. Je ne vous apprends rien en disant qu’un jour celui-ci tuera sa femme. Ce qui révolte sa fille c’est que la police n’a pas cherché à protéger sa mère. Un témoignage terrible qui est, hélas, bien banal .

Le livre se termine par la retranscription des enregistrements des dernières conversation de sa mère avec son mari. On devine une femme lucide et courageuse , mais qui ne pourra pas se défendre face au pistolet de celui qui n’a qu’une idée en tête : l’empêcher de vivre.

Un livre qui a connu un grand succès aux États-Unis, (enfin c’est ce que dit la quatrième de couverture) qui m’a intéressée sans me passionner je n’arrive pas à savoir pourquoi. En revanche j’ai bien aimé la façon dont cette auteure raconte le racisme ordinaire des américains et aussi le courage des femmes qui s’y opposent. Par exemple, sa tante qui ne veut pas qu’un homme blanc l’appelle « hé , Tantine  » et qui lui répond  :

Ça alors, j’aimerais bien savoir quand est ce que mon frère a épousé votre mère !

Mais avec un fusil à portée de main .. on ne sait jamais !

 

Citation

L’enfant métissée.

 

 J’ai mis leurs mains côte-à-côte et j’ai demandé pourquoi ils n’étaient pas de la même couleur, pourquoi je ne correspondais à aucun d’eux. « Qu’étais-je » « Tu as le meilleur des deux mondes », m’ont ils répondu, une réponse que j’avais déjà entendue.
À l’extérieur, seule avec l’un ou l’autre, un profond sentiment de dislocation s’emparait de moi. Si j’étais avec mon père, je mesurais les réactions polies des Blancs, la façon dont ils s’adressaient à lui en l’appelant « monsieur » alors qu’ils appelaient ma mère « ma fille », jamais « mademoiselle » ni « madame » comme la politesse l’exigeait, comme on me l’avait appris. Le traitement que je recevais variait tellement selon que je me trouvais avec ma mère ou mon père que je n’étais pas sûre de savoir à qui ou à quel lieu j’appartenais.


Édition Harper Collins

C’était déjà une édition Masse critique qui m’avait découvrir Sophie Pointurier, à propos d’un roman sur le monde de l’art contemporain et le destin d’une femme peintre originaire de RDA. J’avais beaucoup aimé le roman « la femme périphérique » et beaucoup moins celui-ci. La construction, cependant, est intéressante car on sait dès le départ que le personnage principal, Claude, a fait quelque chose de suffisamment grave pour se retrouver en garde à vue et être soupçonnée de meurtre. Cela n’empêche pas le récit de monter régulièrement en tension. Évidemment, l’interrogatoire est coupé par des retours en arrière qui explique pourquoi cette femme en est arrivée là. Puisque le policier lui demande de revenir au début, elle se remémore le début de son projet : construire avec Élie un lieu pour des femmes inspirée qu’elle était par le béguinage. Élie et elle avaient été choquées à Paris par la mort d’une vieille femme désespérée. L’annonce d’un petit village à vendre dans le Tarn va lancer leur projet. Avec Harriet une américaine et Anna elles vont acheter puis retaper ce village. Le danger vient du voisin, Michel, producteur de lait, qui veut récupérer une partie des terres.

Pourquoi ces femmes portent-elles un fusil ? Pour aider d’autres femmes à ne pas se faire tuer par leur conjoint. Parce que finalement c’est là le coeur du livre, l’autrice a dû être frappée, comme beaucoup d’entre nous, par le nombre de femmes qui meurent sous les coups de leur conjoint. Elles veulent aider ces femmes avant qu’il ne soit trop tard mais ça ne se passe pas comme prévu.

D’où viennent mes réserves ? Je trouve que cette cause est si importante que je supporte difficilement de la voir traiter de cette façon. Non, il n’existe pas des femmes qui ont pris des fusils pour arracher des victimes aux mains de leurs maris-bourreaux. Cette fiction me gêne et dessert la cause qu’elle veut défendre. L’engagement politique est une vraie caricature : aller taguer les murs du journal « valeurs Actuelles » ne me semble pas de première nécessité. La violence faite aux femmes n’a pas hélas de couleur politique ! Je ne pense pas que Marie Trintignant ait été tuée par un homme lisant « Valeur Actuelle » ! Ni qu’Adrien Quatennens soit un homme politique de droite !

Bref une déception sur un sujet tellement important !

 

Citations

Le béguinage .

 Pendant des siècles, les béguines ont su se frayer un chemin entre vie laïque, travail rétribué et vie mystique, où leur engagement était révocable. Ce statut, créé sur mesure par elle-même et pour elles-mêmes, leur avait permis de contourner l’obéissance pendant des siècles. Ni mariées, ni religieuses, ni soumises. Juste : tranquilles.

Cela ne m’étonne pas.

 Je savais que les vieux souffraient de dépression, j’en donnais les statistiques dans mes cours, mais c’était un des sujets que je m’étais toujours refusé d’investir émotionnellement. Pourtant, j’avais décliné mille fois les chiffres de l’ARS : les personnes âgées de plus de 65 ans représentent la tranche de la population est plus à risque de décès par suicide, chez les femmes le taux est deux fois supérieure à la moyenne nationale 

La presque fin du roman.

 Qu’est-ce qui a fait que je me suis retrouvé par trois fois à appuyer sur la détente ? Je voulais une maison loin de tout, pour moi, pour mon fils, et je me suis retrouvé au milieux de la violence millénaire. J’ai accepté d’être le soldat que Harriet avait vu en moi et je savais que j’avais raison de le faire. C’est pour ça que je me suis exécuté froidement. Je m’en suis chargé à ma manière.

 

 

 

 


Édition Liana Levy

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

On ne peut pas changer le monde Ben, mais il faut tout faire pour qu’il ne nous change pas.

Sans mon club je n’aurai jamais ouvert ce roman car je déteste tout ce que l’auteur soutient, mais j’aurais eu tort car cet écrivain a une langue très particulière qui donne un ton original et très séduisant à son roman. Qu’est ce que je déteste ? Ce livre justifie sans aucune nuance toutes les violences des mouvements contestataires et se termine par enfin une action réussie qui n’a pas encore eu lieu la prise de l’assemblée nationale par le héros de l’histoire.

Ce qui m’a le plus manqué dans ce livre c’est l’humour (celui de Safr par exemple !) tout est tragique et sans espoir. J’ai quand même souri lorsque le héros rassemble tous les sigles créés par l’administrations françaises.

Et pourtant il y a de très belles pages dans ce livre. Des pages qu’on a envie de lire à haute voix car elle résonne comme des slams. Rouda sait raconter la violence, l’amour et l’amitié aussi . On peut le lire sans partager ses idées, sauf si pour l’auteur ce livre livre est une demande d’adhésion au parti de ceux qui pensent que seul une révolution violente serait la solution à tous les problèmes de la société française.

 

Citations

L’art de la formule.

 J’ai déjà confondus des cris de dispute avec des soupirs d’amour. Et comme mes parents s’engueulent plus qu’ils ne font l’amour, je préfère imaginer qu’ils s’aiment. Parfois entre les silences et les bruits de fourchettes qui raflent la faïence, j’essaie de leur poser des questions. Mais mon père répond toujours que c’est mieux de finir son assiette que de finir une phrase.

Un portrait positif d’une jeune femme.

 Oriane est curieuse de tout, elle te pose de vraies questions. Elle plante son menton dans ses mains, elle plonge ses yeux couleur de nuit dans les tiens et tu te sens unique. Comme elle s’intéresse à toi, à ce que tu as fait de ta journée, à ce que tu comptes faire des prochaines de ta vie elle te rend toujours intéressant. Elle écoute. Elle attend que tu ais finis tes phrases pour commencer les siennes.

Phrase d’Oriane.

On ne peut pas changer le monde Ben, mais il faut tout faire pour qu’il ne nous change pas.

Portrait de lui en militant avec un peu de distance !

 Je suis incollable sur l’Histoire de la gauche française. Lorsqu’on sort en soirée, je tiens de grands discours sur les luttes politiques. J’ai un avis sur tout et surtout un avis sur rien. J’arrive à me persuader que je suis convaincu de ce que je dis, et je porte de la banlieue en étendard. Je me prends pour un militant du réel avec ma paire de Nike est ma veste Lacoste.

Le goût de la France pour les sigles ou acronymes.

Mon CDD, qui ne sera jamais un CDI, se passe dans un CADA. Attention. Pas un SPADA. Ni un CHRS. Quand l’ADA est enregistré au GUDA, et si l’OPC est validée les demandeurs d’asile peuvent avoir accès aux CMA. Alors, je peux les accompagner pour la CMU, l’AME et l’ASA. Mais s’ils sont déboutés par l’OFPRA, je les aide à monter leurs dossiers CNDA, pour éviter qu’ils attendent dans un CRA avec une OQTF.
Édition Les Escales. Traduit de l’italien par Anaïs Bouteille-Bokobza
Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 
Le portrait du père violent et dominant sa famille de toute ses colères et de ses mots assassins est criant de vérité. Il s’agit certainement d’une part de l’enfance de l’autrice qui par se livre se libère du poids de son enfance à Bari capitale des Pouilles italiennes. On sent tout le poids de la souffrance des femmes italiennes qui subissent leur sort avec courage. La petite Rosa vit dans l’amour de sa mère et la terreur que son père éclate d’une colère incontrôlée. Elle s’éveille à la sexualité dans un quartier où règne la prostitution. Elle reproduira , hélas le schéma familial et son Marco s’avèrera un homme dur et violent. Mais à la différence de sa mère elle réussira à s’en séparer.
Le roman décrit bien la pauvreté des villes du Sud de l’Italie et la difficulté de mener une vie correcte quand la misère vous tient dans ses filets. C’est vraiment le meilleur aspect du roman.
Mais je suis peu sensible au côté « rédemption par l’écriture », cette impudeur me gêne surtout dans la deuxième partie quand on voit cette jeune femme s’accrocher à un homme qui ne lui apporte rien. L’écrivaine n’a pas réussi à m’intéresser , mais cela vient du peu de goût que j’ai pour l’auto -apitoiement sur son propre sort. C’est sans doute vrai que c’est compliqué de ne pas reproduire le schéma parental mais cela ne justifie pas pour autant le fait d’en faire le récit. Je sauve de ce roman toute la première partie de son enfance à Bari dans les quartiers miséreux, on vit au plus près de ces familles qui cherchent par tous les moyens de s’en sortir. C’était mon dernier roman italien proposé par mon club de lecture, j’ai lu de bien beaux romans même si celui-ci m’a moins intéressée.

Citations

J’aime bien ce passage :

 Il s’est bien habillé pour l’occasion il a plaqué ses cheveux en arrière pour dégager son front large et il porte un parfum agréable, nouveau. Moi aussi, j’ai fait un effort, j’ai sorti une vieille robe à fleurs qui me serre un peu, je me suis coiffée et j’ai mis des chaussures neuves. Sans véritable raison, en réalité. Peut-être que les amours terminées méritent encore une belle tenue.

Alors que son père vient d’être cruel avec son amoureux :

Ne t’inquiète pas Rosa. S’il t’aime il ne se laissera pas impressionner par les discours de papa, m’as-tu dit. 
T’en souviens-tu maman ? Moi, très bien, de même que de la douceur de ta main qui me caressait les cheveux d’un geste prudent et léger ; peut-être avais-tu peur que je te repousse. Tu parlais toujours avec une émotion qui te ramenait aux mêmes sujets : le mauvais caractère de papa,  » Il est comme ça on y peut rien », le sort inéluctable du quartier, « C’est comme ça, on ne peut pas le changer « . Tu tressais les fils de notre destin dans un mouvement circulaire auquel on n’échappait jamais