Édition Acte Sud Babel . Traduit du Japonais par Rose-Marie Makino Fayolle.

Ce n’est pas mon premier roman de cet auteur prolifique, puisque j’avais lu et beaucoup aimé : « La formule préférée du professeur« . Si je me suis lancée dans cette lecture, c’est pour rendre hommage à ma façon à Goran comme l’avait suggéré Eva le lendemain de sa disparition.

C’est un tout autre état d’esprit de lire un livre en pensant à quelqu’un dont j’aimais les articles et qui, en tout cas c’est que je supposais, devait aimer ce livre. De plus ce roman est un récit entre le conte et la réalité vue à travers le regard d’êtres purs et j’ai eu peur d’abimer quelque chose en le critiquant. Donc, même si j’exprime quelques réserves, je finirai avec Goran et retrouverai mon âme d’enfant.

Ce roman raconte la vie d’un enfant orphelin élevé avec son frère par une grand-mère aimante mais écrasée de chagrin d’avoir perdu sa fille. Son mari est menuisier et répare les meubles abimés par le temps. L’enfant est né avec les lèvres soudées, le chirurgien lui ouvrira la bouche d’un coup de scalpel, et prendra sur son mollet la peau nécessaire à la greffe. Toute sa vie il aura comme un duvet sur les lèvres. Cet enfant est captivé par les êtres difformes, que ce soit l’éléphante qu’on avait installée sur le toit d’un grand magasin pour amuser les enfants et qui grossira tellement qu’elle ne pourra jamais en descendre. Ou pour cette petite fille qui a disparu dans l’interstice trop étroit entre sa maison et celle des voisins. Ou encore pour son maître des échecs, ce personnage qui vit dans un bus et qui devient obèse à force de manger des sucreries. L’enfant va vieillir mais refuser de grandir. Avant sa mort son maître, lui apprendra à devenir un excellent joueur en s’inspirant de la vie d’Alekhine . La mort de son ami et maître des échecs est une horreur, trop gros pour sortir de son bus il faudra une grue pour évacuer son corps de plus de deux cents kilos. L’enfant est terrassé par le chagrin, et à partir de ce moment tragique, ne grandira plus. L’autre particularité de cet enfant c’est qu’il ne peut jouer que sous l’échiquier, sa taille et le fait qu’il n’a pas besoin de voir son partenaire va lui permettre de se cacher dans une sorte d’automate qui portera le nom de « Little Alekhine ». Il connaîtra alors un grand succès et les champions des échecs veulent tous affronter cet automate. Mais lui l’enfant qui ne grandit pas, ne voit dans ce jeu qu’une occasion de connaître l’âme humaine et est fasciné par ce que la façon de jouer des hommes révèle de leur être profond. Il ne cherche pas à gagner à tout prix. Il y a un charme certain dans ce roman, on est fasciné par ces êtres purs confrontés à la réalité de la vie, et puis, si on aime les échecs la façon dont sont décrits tous les coups possibles rend ce roman intrigant. La tour qui laboure, le fou qui s’envole, la dame qui est libre, le cheval qui saute par dessus les obstacles, et le pion ce petit personnage sans importance mais qui donne tout son charme à ce jeu.

J’ai quelques réserves sur ce roman, il y a une forme de grâce dans la pureté des êtres à laquelle j’ai du mal à croire, d’ailleurs l’auteur ne cherche pas à les rendre crédibles, tout est symbolique aussi bien les personnages que le jeu d’échecs mais la force du roman c’est d’embarquer le lecteur dans l’univers de Yôko Ogawa et que ce lecteur accepte de ne plus se poser de questions sur la vraisemblance. Hélas, je suis française formée à l’esprit logique et j’ai un peu de mal à faire cela. Si je n’avais pas été soutenue par toute la bienveillance de Goran, j’aurais été encore plus critique. Je me répétais sans cesse : « quel mal y a t’il à retrouver son coeur d’enfant ? N’est ce pas une force que de chercher en chaque être brisé par la vie (l’obésité morbide, la vieillesse) la part d’humanité ? » J’ai donc lu ce roman facilement et agréablement en mettant mon esprit cartésien de côté.

Qu’en pensez-vous ? Merci de m’avoir lu.

 

 

Citations

 

La conception des échecs par le maître.

Ceux qui peuvent suivre le meilleur chemin pour faire échec au roi n’apprécient pas toujours correctement la beauté tracée par ce chemin. À partir du code dissimulé dans le mouvement d’une pièce, la capacité à percevoir le timbre du violon, à discerner l’assortiment de couleur d’un arc-en-ciel, à découvrir la philosophie qu’aucun génie n’a pu mettre en mots est différente de celle qui permet de gagner une partie. Et cet homme l’avait.
 C’était le genre de joueurs qui, tout en perdant allègrement une première partie, découvrait une dimension lumineuse en chaque coup de ses rivaux, et qui même debout dans un coin de la salle des rencontres en était plus que quiconque profondément remuée.
 En plus, l’homme ressentait un bonheur suprême à partager cette lumière avec quelqu’un d’autre. Il ne cherchait pas à vaincre son adversaire, mais à pouvoir s’accorder avec lui en disant : « Qu’en pensez-vous, c’est magnifique n’est-ce pas ? »

Caractère des joueurs d’échecs.

Même les rencontres pour lesquelles on pense avoir eu de la chance ne sont pas dues au hasard tombé du ciel, mais à la propre force du joueur. Sur l’échiquier apparaît tout du caractère de celui qui déplace les pièces, dit le maître d’un ton docte de celui qui lit un serment. Sa philosophie, ses émotions, son éducation, sa morale, son ego, ses désirs, sa mémoire, son avenir, tout. On ne peut rien dissimuler. Les échecs sont un miroir qui donne une idée de ce qu’est l’homme.

 Traduit du Japonais par Rose-Marie MAKINO-FAYOLLE

5
En regardant le nom de la traductrice , j’ai pensé que cette femme était d’origine japonaise et avait appris le français. Mais après vérification j’ai vu qu’elle est française sans doute mariée à un japonais. 
On lit avec un tel plaisir ce roman sans jamais se sentir étranger à l’histoire que j ai pensé que la traductrice était vraiment à l’aise dans les deux cultures. J ai beaucoup aimé la délicatesse des sentiments entre les différents personnages.

Un homme, chercheur en mathématiques à perdu la mémoire immédiate à la suite d’un accident , il a une mémoire de 80 minutes et puis tout s’efface. Ses astuces pour arriver à vivre malgré ce lourd handicap le rendent touchant. Par contre il n’ a pas oublié sa passion pour le nombres et tous les mystères des mathématiques. Une jeune mère célibataire d’un petit garçon de 10 ans , vient lui servir d’aide soignante.

La façon dont cette jeune femme veut rendre cet homme le moins malheureux possible est très émouvante. Entre eux trois se tissent une amitié attentive. Le vieil homme apprécie le contact avec le jeune enfant passionné de base-ball et il lui donne peu à peu le goût des mathématiques. La jeune femme est embauchée par la belle sœur du professeur et celle-ci semble très négative dans un premier temps , mais par petites touches, on comprendra mieux sa position.

Pas de happy end possible pour ce roman. Encore que… Le jeune enfant deviendra professeur de mathématiques ce qui est somme toute la meilleure fin possible. Pour ceux qui ont de mauvais souvenirs de leurs cours de math, pour ceux , au contraire qui les ont aimé , ce roman vous conviendra.

Petit bémol , le base-ball , m’ennuie en vrai et aussi dans ce livre !

Citations

 Le professeur ne peut plus faire que des concours qu’il juge trop faciles

Résoudre un problème dont la solution existe obligatoirement, c’est un peu comme faire avec un guide une randonnée en montagne vers un sommet que l’on voit . La vérité ultime des mathématiques se dissimule discrètement à l’insu de tous au bout d’un chemin qui n’en est pas un. 

 La beauté des mathématiques

C’est justement parce que cela ne sert à rien dans la vie que l’ordre des mathématiques est beau . Même si la nature des nombres premiers est révélée , la vie ne devient pas plus aisée , on ne gagne pas plus d’argent . Bien sûr , on a beau tourner le dos au monde , on peut sans doute trouver autant de cas que l’on veut pour lesquels les découvertes mathématiques ont fini par être mise en pratique dans la réalité. Les recherches sur les ellipses ont donné les orbites des planètes, la géométrie non euclidienne a produit les formes de l’univers selon Einstein . Les nombres premiers ont même participé à la guerre en servant de base aux codes secrets . C’est laid. Mais ce n’est pas le but des mathématiques . Le but des mathématiques est uniquement de faire apparaître la vérité.

On en parle

le blogue de Zazie qui s’est ennuyée à la lecture, Céline qui a adoré et Aifelle qui tient un de mes blogs préférés.

N-Q

N

Nakhjavani (Bahiyyih) (Eux&Nous 24 avril 2023)

NG (Celeste) (Nos cœurs disparus 11 décembre 2023)

Nicoby (Le Monde de Sophie 28 décembre 2022)

Niogret (Justine) (Quand on eut mangé le dernier chien 1mai 2024)

Nguyen Phan Que Mai (Pour que chantent les montagnes 6 avril 2024)

Norek Olivier (Code 93, Territoire, Surtension 27 avril 2020)

O

O’Farrel (Maggie) (L’étrange disparitiond’Esme Lennox 21 novembre 2010) (I AM I AM I AM 21 octobre 2019) (Hamnet 30 mai 2022)

Ogawa (Ito) (Le restaurant de l’amour retrouvé 20 mai 2021)

Ogawa (Yoko) (La formule préférée du professeur 15 mai 2013) (Le petit joueur d’échec 15 septembre 2021)

Oiseau (Florent) (Je vais m’y mettre 1 janvier 2021)

Oksanen (Sofi) (Purge 22 septembre 2010) (Norma 20 mai 2017)

Olafsdottir (Audur Ava)(La vérité sur la lumière 14 avril 2022)

Olmi (Véronique) (Les évasions particulières 6 septembre 2021)

Omotoso (Yewande) (La voisine 10 mai 2021)

Orlev (Itamar) (Voyou 20 octobre 2020)

P

Paasilinna (Arto) (La Douce Empoisonneuse 25 mars 2017) (Le dentier du maréchal, madame Volotinen et autres curiosités 25 juin 2018) (Un homme heureux 17apout 2023)

Palomas (Alejandro) (Une Mère 1 janvier 2018) (Tout sur mon Chien 4 août 2018) (Le petit garçon qui voulait être Mary Poppins 30 novembre 2020)

Panassenko (Pauline) (Tenir sa langue 16 octobre 2023)

Pascal (Camille) ( L’été des quatre rois 30 septembre 2019) (L’air était tout en feu 28 mars 5023)

Patchett (Ann) (Anatomie de la stupeur 28 janvier 2021)

Paulin (Frédéric) (La Guerre est une Ruse 14 janvier 2019)

Pauly (Anne) (Avant que j’oublie 4 mai 2020)

Pavel (Ota) (Comment j’ai rencontré les poissons 20 septembre 2021)

Pennac (Daniel) (Un Amour Exemplaire 8 octobre 2015) (Mon Frère 26 novembre 2018)

Pera (Pia) (Ce que je n’ai pas encore dit à mon jardin 3 novembre 2022)

Perlman (Elliot) (La Mémoire est une Chienne Indocile 15 juillet 2018)

Perrin (Valérie) (Changer l’eau des fleurs 2 novembre 2020)

Petersen (Pia) (Un écrivain, un vrai 29 juin 2020)

Pivot (Bernard) (Oui, mais quelle est la question 11 décembre 2013)

Pivot (Cécile) ( les lettres d’Esther 27 février 2023)

Plamondon (Eric) (Taqawan 28 novembre 2019)

Pluyette (Patrice) (La Vallée des dix mille fumées 29 juillet 2019)

Pointurier (Sophie) (La Femme Périphérique 1 février 2022)(Femme portant un fusil 24 aout 2023)

Pontalis(Jean-Bernard) (Le Frère du Précédent 28 janvier 2019)

Pourriat Éléonore( Poupées 10 octobre 2022)

Postorino (Rosella)( La goûteuse d’Hitler 28 octobre 2019)

Poulin (Jacques) (La Volkswagen Blues 13 octobre 2014)

Prazan (Michaël) (Souvenirs du rivage des morts 3 février 2022)

Prudhomme (Sylvain) (L’enfant dans le taxi 26 octobre 2023)

Q

Quignard (Pascal) (Les solidarités mystérieuses 17 février 2020)

Quint (Michel) (en dépit des étoiles 10 mars 2013) (Apaise le temps 15 juin 2023) (Apaise le temps 17 juin 2023)