Édition folio poche . Traduit du tchèque par Barbora Faure.

Coucou Athalie, tu m’avais bien tentée avec ce roman, et je te remercie de me l’avoir fait lire. C’est une petite merveille ce livre de souvenirs d’un enfant tchèque de père juif et de mère chrétienne qui connaît une enfance aimée et riche en évènements avant la guerre, traverse les horreurs de la guerre et se reconstruit sous le communisme.
Raconté comme cela, vous pensez qu’il s’agit « encore » d’un roman sur la tragédie de la Shoa , mais pensez au titre ! Ce livre raconte la passion de cet enfant pour les rivières et les poissons et nous fait connaître son père Léo un personnage auquel rien ne résiste. Enfin presque . Dès la dédicace du livre le ton est donné et mon sourire était sur mes lèvres :

À ma maman

qui avait mon papa pour mari.

C’est vrai qu’il est un peu encombrant ce Léo , toujours prêt à gagner des millions et devenir très très riche. Seulement voilà, la vie est faite d’imprévus surtout quand on aime les jolies femmes, offrir des tournées à tous ses amis dans les bars, et surtout aller pêcher la carpe dans des endroits merveilleux plutôt que de vendre des aspirateurs. Pourtant cela avait bien commencé avec le titre de « Meilleur Vendeur du Monde » d’aspirateur Electrolux. La vie auprès de lui, pouvait être compliquée, elle n’était jamais ennuyeuse, il a fallu le nazisme pour ralentir sa fougue. Après la guerre, il s’enthousiasme pour le communisme jusqu’à ces terribles procès qui lui assène une si triste réalité :

Pour la première et la dernière fois de sa vie, il s’est blotti entre me bras comme le font les enfants. J’étais déjà un homme. Je le tenais dans mes bras et je regardais par-dessus sa tête ce « Rudé Oarvo » où il avait coché au crayon rouge

  • Rudolf Slansky, d’origine juive
  • Bedrich Germinder, d’origine juive
  • Ludvick Frejka, d’origine juive
  • Bedrich Reicin, d’origine juive
  • Rudolf Margolieus, d’origine juive

La série de Juifs continuait et elle était toute maculée de larmes. Lorsqu’il se fut calmé, il me regarda d’un air absent, comme s’il ne me reconnaissait pas et dit :

-Ils se remettent à tuer les Juifs. Ils ont de nouveau besoin d’un bouc émissaire.

Puis il se leva, il donna un coup dans ce ‘Rué Pravo » et il se mit à crier :

-Je pardonne les meurtres. Même judiciaires. Même politiques. Mais dans ce « Rudé Pravo » communiste, on ne devrait jamais voir « d’origine juive » ! Des communistes, et ils classent les gens en Juifs et non-juifs !

Ota Pavel a connu lui, aussi les affres de la dépression, mais grâce à tous ses souvenirs de pêches dans des endroits merveilleux, il a réussi à se reconstruire et il nous a laissé un livre qui nous fait sourire et aimer la vie. Son humour et sa pudeur en font un grand écrivain.
Bravo à cet auteur .

Citations

Que disent nos féministes ?

Vous ne peignez pas de femmes ? 
– Vous savez, mon petit bonhomme, je ne les apprécie pas tellement, vos bonnes femmes. Elles m’énervent terriblement. Quand elles posent pour se faire peindre, elles sont affreusement bavardes et quand elles se taisent, alors elles sont tout à fait fadasses.

Le talent de son père

Pour la firme Electrolux l’arrivée de papa fut une grande aubaine. Il s’avéra rapidement qu’il était un prodige en ce qui concerne la vente d’aspirateurs et de réfrigérateurs. Difficile de dire à quoi cela tenait, mais il était génial dans ce domaine et si le talent est déjà mal aisé à reconnaître chez les génies artistique, il est d’autant plus quand il s’agit de vendre des aspirateurs à poussière (…). Il était parvenu à faire acquérir des aspirateurs à des paysans de Nesuchyne où il n’y avait pas encore de courant électrique moi. Bien entendu, il leur avait promis qu’il allait les aider à faire venir l’électricité, mais il ne tint pas sa promesse. 

La pudeur du récit

Un autre homme heureux était le professeur Nechleba. Il s’était remis à peindre sa Lucrèce. Un jour, quelques années plus tard, papa vint le voir et lui dit à quel point il la trouvait belle, et le professeur, tout joyeux la lui donna. Pendant la guerre, un SS saoul, blond aux yeux bleus, l’arracha de notre mur et la fendit d’un coup de poignard, la tuant somme toute pour la deuxième fois. Ce jour-là papa en eut les larmes aux yeux car il avait depuis longtemps oubliée Mme Irma et il était secrètement amoureux de Lucrèce.

La guerre

À cette époque la chair grasse et goûteuse des carpes nous était indispensable, pour nous, comme pour le troc. Pour les échanger contre de la farine, du pain et les cigarettes pour maman. J’étais resté seul avec maman, les autres étaient en camp de concentration. Je ne connaissais pas encore très bien les carpes. Je devais apprendre à voire si elles étaient de bonne ou de mauvaise humeur, si elles avaient faim ou au contraire repues et si elles avaient envie de jouer. Je devais connaître leur lieu de passage et les endroits où il était vain de les attendre. Je te les prête une canne solide et court, une ligne, un bouchon et un hameçon. 

L’antisémitisme après la guerre

Ce monsieur commença à lui faire la cour et au milieu de la danse, il lui dit :
– Vous êtes tellement belle, en la mangeant des yeux. 
Maman sourit, quelle femme n’aurait pas été flatté ?
 Et alors ce beau monsieur ajouta :.
– Mais je voudrais savoir, qu’est-ce que vous avez de commun avec ce juif ? 
-Trois enfants, répondit maman qui termina la danse et revint s’asseoir auprès de papa.

 

23 Thoughts on “Comment j’ai rencontré les poissons -Ota PAVEL

  1. keisha on 20 septembre 2021 at 08:49 said:

    Déjà noté dans la liste… Tu confirmes!

  2. Je suis vraiment contente ! Et effectivement, ce n’est pas un livre sur la shoa, même pas sur la pêche en fait …. L’épisode des anguilles dorées me reste en mémoire, comme un bel échange de pudeurs entre père et fils. Un beau livre !

  3. Je crois avoir loupé Athalie, mais j’avais repéré ce titre chez Electra, qui avait été emballée aussi, mais l’avait classé comme recueil de nouvelles (?) : http://www.lanuitjemens.com/2021/05/12/comment-jai-rencontre-les-poissons-%c2%b7-ota-pavel/

    • Tu sais, classer un livre ne l’a jamais complètement décrit , il sort de tous les cadres ce livre. J’ai lu le billet d’Electra qui dit bien ce que j’ai ressenti à la lecture de ce livre. Elle (ou il je ne sais pas) dit bien l’avoir lu dans le cadre du mois de la nouvelle mais pour autant la façon dont elle (ou il) le décrit c’est plutôt une succession de souvenirs qui suit la vie de Ota Pavel

      • Tu as raison, cela n’a guère d’importance, c’est juste qu’un quiproquo peut parfois amoindrir un peu le plaisir de la lecture. Il m’est arrivée d’entamer des titres en pensant qu’il s’agissait d’un roman alors qu’il s’agissait de nouvelles et vice-versa, et c’est parfois déstabilisant. Ceci dit, j’ai l’impression que celui-ci est plutôt du genre « hybride », ce qui exhausse mon envie de le lire ! Et Electra est « une » !

  4. Je n’avais pas particulièrement remarqué ce roman ; ton résumé et les extraits me tentent beaucoup. Un de plus de noté ..

  5. Tu me donnes envie de chercher ce roman… et comme il est à ma médiathèque, ça tombe bien !

  6. Comme Aifelle j’étais passée à coté donc merci à toi
    il est immédiatement noté

  7. Je comprends les 5 coquillages. Un excellent souvenir de lecture également de mon côté, un livre drôle et émouvant et l’occasion de découvrir un auteur singulier. (https://etsionbouquinait.com/2016/12/24/ota-pavel-comment-jai-rencontre-les-poissons/)

  8. Je ne connaissais pas du tout, mais tu me donnes bien envie :)

  9. Et je vois qu’il est sorti en poche, je me le note.

  10. Un bon roman dont j’avais terminé mon billet par : « Il est rare que je m’attarde sur la postface d’un livre mais ici elle prend une saveur particulière, nous éclairant sur la vie et la fin de l’écrivain, ce qui ajoute rétrospectivement à la valeur du roman. »

  11. keisha on 8 mars 2023 at 18:21 said:

    Tu as vu, je l’ai lu, je comprends tes 5 coquillages

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