Édition Belfond

Traduit de l’anglais (Irlande) par Sarah Tardy

 

Quel merveilleux roman, comme je comprends le coup de cœur unanime du lecteur et des lectrices de mon club de lecture ! Cette plongée dans l’Angleterre de la fin du XVI° siècle est absolument captivante.
Nous sommes à Stratford avec un petit garçon Hamnet qui part à la recherche de sa mère Agnes car sa sœur jumelle Judith est subitement très malade. Petit à petit nous allons connaître toute la famille et comprendre vers le milieu du roman que le père de ce petit garçon est William Shakespeare. L’auteure a redonné vie à la famille de ce génie, en particulier à son épouse. On se soucie assez peu de savoir si la vérité historique est respectée, car si tout n’est pas vrai tout est vraisemblable. Nous vivrons donc avec une femme qui sait soigner avec des plantes mais qui ne pourra rien quand son adorable petit garçon sera pris par la terrible peste qui va ravager Londres et ses environs. L’auteur raconte une façon très plausible l’arrivée de cette terrible maladie en Angleterre. De la même façon, l’auteure nous plonge dans une vie de village agricole avec ses tensions et ses rivalités, la dureté de la condition des femmes le peu de chance de survie des nouveaux nés. Et le grand Shakespeare dans tout cela ? Il fuira une vie trop étriquée à Stratford sous la férule d’un père violent et malhonnête, pour monter des pièces de théâtre à Londres. Mais est- ce un hasard si sa pièce la plus célèbre s’appelle Hamlet ?

En tout cas, c’est cette tombe de Stratford portant l’indication d’un très jeune enfant (Hamnet) qui a inspiré ce roman à Maggie O’Farrell et ce qui m’a le plus étonnée à la lecture de ce roman que je ne peux que vous conseiller c’est à quel point je n’avais nulle envie de vérifier si cela correspondait du peu que l’on sait sur la vie de William Shakespeare. Je suis partie pour quelques jours en Angleterre, au XVII° siècle, et j’ai partagé avec cette femme la douleur de perdre un enfant tant aimé .

Cette auteure irlandaise a visiblement un talent très étendu , il y a, cependant, un fil conducteur entre les trois romans que j’ai lus : la condition de la femme en 1666 pour « Hamnet », une femme recluse dans un asile pour aliénées au début du XX° siècle pour L’étrange disparition d’Esme Lennox , la vie d’une femme face à la maladie dans « I Am I Am » .

 

Citations

Le père violent.

 Depuis toujours, il vit avec l’impression de sentir sa main calleuse se refermer sur le haut de son bras, là où la chair est tendre, cette force inéluctable qui le cloue et permet à son père de faire pleuvoir les coups de son autre main, encore plus puissante. La sensation d’une claque qui vous sonne, arrivant d’en haut, imprévisible et cinglante ; la brûlure de l’outil en bois qui déchire la peau derrière les jambes. L’incroyable dureté des os de la main adulte, l’extrême souplesse et douceur de la chaire de l’enfant, la facilité avec laquelle ploient, se contraignent ces jeunes os inachevés. Et la fureur à sec, en veilleuse, ce sentiment d’impuissance dans l’humiliation qui imprègne ces longues minutes d’acharnement.

L’autre sujet du livre : la peste.

 Puis son regard tombe sur un gonflement, à la hauteur de son cou. De la taille d’un œuf de poule fraichement pondu. Doucement, elle pose ses doigts dessus. La boule est moite, semble gorgée d’eau, comme de la terre détrempée. Elle dessert le col de sa robe, défait ses boutons. D’autres œufs se sont formées par des aisselles, certains petits, d’autres plus gros, hideux, comme des bulbes qui lui tirent la peau. 
Cette image, Agnès l’a déjà vue, rares sont ceux en ville, ou même dans le pays, à ignorer à quoi ressemblent ces choses. Elles sont ce que les gens redoutent plus ce qu’ils espèrent ne jamais voir, ni sur leurs propres corps ni sur celui des autres qu’ils chérissent. Si grande est leur place dans les peurs collectives qu’Agnès peine à croire ce qui se trouve sous ses yeux, qu’il ne s’agit pas une hallucination, d’un tour que lui joue son imagination

Joli passage sur les jardins.

Les jardins sont des lieux intranquilles ; une dynamique les anime toujours. Les pommiers tendent leurs branches jusqu’à les faire dépasser du mur. Les poiriers donnent la première année et la troisième, mais pas la deuxième. Les soucis déploient leurs pétales vifs, infailliblement, chaque année, et les abeilles quittent leurs cloches pour flotter au dessus du tapis de fleurs et plonger dans les corolles. Les bosquets de lavande dans le parterre, finissent par s’emmêler, par donner du bois  ; Agnès les taille et conserve des tiges, les mains imprégnées de leur parfum capiteux.

La mort d’enfants .

 Ce qui est donné peut être repris, à n’importe quel moment. La cruauté et la dévastation vous guettent, tapies dans les coffres, derrière les portes, elles peuvent vous sauter dessus à tout moment, comme une bande de brigands. La seule parade est de ne jamais baisser la garde. Ne jamais se croire à l’abri. Ne jamais tenir pour acquis que le cœur de vos enfants bat, qu’ils boivent leur lait, respirent, marchent, parlent, sourient, et se chamaillent, jouent. Ne jamais, pas même un instant, oublier qu’ils peuvent partir, vous être enlevés, comme ça, être emportés par le vent tel le duvet des chardons..

 

 

 

21 Thoughts on “Hamnet Maggie O’FARRELL

  1. keisha on 30 mai 2022 at 08:12 said:

    Hum, je ne savais pas trop de quoi ça parlait. j’ai abandonné I am I am (si!)

    • « i am i am » est assez étonnant mais j’ai bien aimé alors que je n’aime pas le genre autobiographie parfois top impudique mais celui-ci j’ai adoré car il m’a entraîné dans un autre monde et une autre époque.

  2. Brigitte on 30 mai 2022 at 08:33 said:

    Un livre magnifique, sensible. Et que dire des dernières phrases de ce roman. Un grand coup de cœur, partagé avec les copines de mon club de lecture.

    • Il a été un grand coup de cœur aussi dans notre club. Je n’ai pu le lire qu’après et je confirme le choix de mes amis .

  3. J’ai beaucoup aimé « l’étrange disparition d’Esme Lennox », mais là le 17e siècle me bloque un peu. Shakespeare aussi. (I Am, I Am, ce n’était pas purement autobiographique ?).

    • J’ai rectifié pour « I am I am » j’ai confondu deux romans,c’est effectivement son combat personnel contre la maladie.
      Je serais surprise que ce roman-ci ne te plaise pas.

  4. J’ai adoré Hamnet, et j’aimerais bien le posséder maintenant qu’il est en poche… à penser lors d’une prochaine virée en librairie !

  5. Quel enthousiasme ! Et pourtant, j’ai du mal à me sentir tentée, notamment par le sujet et l’époque..

    • Il faut parfois plusieurs avis pour se lancer dans une lecture, les membres de mon club étaient tellement enthousiastes que je n’ai pas résisté et je partage avec vous mon plaisir.

  6. j’ai tellement aimé Esmé Lennox que j’ai envie de me laisser tenter j’avais vu passer le titre mais j’ignorais le pitch et il est très tentant
    Tes coquillages parlent pour toi !!

  7. Je n’ai pas été séduite par I am I am, en revanche, j’ai acheté celui-ci avec l’impression qu’il pourrait me plaire…

    • Si tu aimes te laisser embarquer dans une narration bien construite je pense que oui tu aimeras ce combat d’une femme pour sauver son enfant de la peste.

  8. J’aime beaucoup cette auteure, je lirais sûrement celui-ci

  9. J’ai adoré l’étrange disparition et depuis je me suis promis de relire cette auteure… Sans en trouver encore le temps et l’occasion ! Ce titre ci reçoit beaucoup de louanges !

  10. Et bien j’ai adoré ! Merci, c’est grâce à toi que je l’ai lu aussi vite…

  11. Pingback: Hamnet – Maggie O’Farrell : du deuil naît une tragédie – Moonlight Symphony

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