Édition Grasset, 407 pages, janvier 2023
Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.
Dans toute l’Europe, les nazis ont trouvé des auxiliaires zélés pour les aider à se débarrasser des Juifs, des voisins avides de s’approprier leurs biens et leurs entreprises. L’antisémitisme n’était pas une exclusivité allemande ou polonaise. Il était partout
J’ai lu plusieurs critiques sur ce roman, qui soulignaient la gêne que certains lecteurs pouvaient éprouver à cause du mélange roman/réalité sur fond des tragédie dues au nazisme. Il est certain que les essais où les témoignages sur cette période ont une valeur incontestable. Je reconnais à ce livre de m’avoir fait connaître, « l’International Tracing Service ». Et j’imagine bien l’intensité des sentiments des différents chercheurs qui manipulent des journées entières des documents qui sont des bribes de souvenirs de ces différents meurtres de masse. Le roman suit une jeune femme qui a d’abord été mariée à un Allemand dont elle a un fils qu’elle adore. Son mariage s’est effondré sur son questionnement du passé de son beau-père officier de la Wehrmacht, qui est outré de l’exposition sur les crimes de cette armée dans les territoires de l’Est. L’auteure a inventé deux histoires, l’une sur un enfant polonais qui a été rapté sur la voie publique pour être adopté en Allemagne. L’autre sur un jeune juif qui a participé à la révolte de Treblinka et qui a ensuite chassé les anciens nazis responsables de la shoah. La fragilité des souvenirs, un papier griffonné rapidement, un mouchoir brodé par des femmes, une poupée de chiffons sur laquelle est brodé un numéro, doivent tellement émouvoir les personnes qui les reçoivent, ils savaient que leurs parents étaient morts à Auschwitz, à Treblinka, à Buchenwald où dans tout autre camp de la mort, mais recevoir un dernier petit signe de ce parent est quelque chose d’inestimable.
Cela permet de découvrir plusieurs aspects, certains connus d’autre moins. J’ai retrouvé l’antisémitisme violent de certains Polonais, la façon dont les anciens nazis ont réussi à se refaire une vie bien tranquille dans certains pays, le rapt d’enfants au physique aryen pour les faire adopter dans de bonnes familles du troisième Reich, la façon dont les organismes internationaux ont eu du mal à donner les informations aux descendants de la shoah , de tout cela il faut évidemment bien se souvenir, et Gaëlle Nohant amène bien tous ses sujets avec une belle sensibilité.
Il reste donc la partie romanesque, c’est vrai que c’est gênant, l’histoire d’amour d’Irène, est même un peu ridicule face à ce que le lecteur vient de lire. Il reste que tout est romanesque, et vient de l’imagination de l’écrivaine qui a découvert cet organisme qui l’a beaucoup marquée, elle veut nous le faire partager. Je ne peux pas m’empêcher de penser qu’elle sait, qu’ écrire sur un tel sujet assure un succès certain à son roman. Tant mieux pour elle, et après tout, tant mieux pour l’effort de mémoire, mais il faut se souvenir que rien de cela n’est vrai sauf l’organisme International Tracing Service dont le site est ouvert à tous .
Extraits
Début.
Chaque matin elle vient par les bois. À mesure qu’elle traverse l’opacité des arbres et la nuit, Irène sent que la forêt dépose en elle quelque chose d’ancien qui se recrée sans cesse, une poussière de fantômes et d’humus. Elle roule dans le rayon jaune des phares et peu à peu glisse des ténèbres vers la lumière.
C’est si vrai.
Le dernier coup de feu tiré il faudrait retrouver tous ses gens là, les aider à rentrer chez eux et déterminer le sort de ceux qu’on ne retrouverait pas.
-Pour celui qui a perdu un être cher, ces réponses là, c’est vital. Sinon la tombe reste ouverte au fond du cœur. Tu comprends ?
Des enfants volés par les nazis.
– Les enfants volés étaient l’enjeu d’une bataille féroce entre les Allemands, le gouvernement militaire américain et les représentants de leur pays d’origine, résume l’historienne. Pour simplifier, les Allemands ne voulaient pas les rendre. Beaucoup de parents d’accueil étaient attachés à ces mômes. Pour d’autres, ils représentaient une main d’œuvre gratuite. Quant aux Américains, ils ne voulaient pas indisposer l’Allemagne fédérale leur nouvelle alliée dans la guerre froide. Et répugnaient à envoyer ces enfants grossir les rangs du bloc de l’est.
L’après guerre.
– La Pologne a souffert le martyre, objecte Irène Chez vous l’occupation a été d’une violence inouïe. Pour autant, vos Résistants se comptaient par centaines de milliers ! En France, juste après la guerre, on préférait oublier le régime de Vichy et se raconter qu’il n’y avait eu que des Résistants..Stefan acquiesce, chaque pays impose un roman national. Le choix de ses héros et de ses victimes est toujours politique. Parce qu’il entretient le déni et étouffe les voix discordantes, ce récit officiel n’aide pas les peuples à affronter leur histoire.
J’ai beaucoup aimé ce livre. J’ai trouvé que justement, il mêlait bien la banalité de l’aujourd’hui au tragique de l’Histoire.
l’histoire d’amour d’Irène n’est pas très convaincante et pour moi inutile, ce qui est très bien rendu c’est le travail très minutieux pour retrouver des descendants aux moindres traces laissées par les victimes de ces meurtres de masse.
Ca m’agace quand un auteur se sent obligé d’ajouter une romance pour intéresser le lecteur. Mais le pire, c’est sans doute que ça marche et que plus de gens ne lisent le roman grâce à ça. Donc peut-être est-ce un mal pour bien au final…
oui, et ce roman remplit complètement cette mission, c’est déjà ça!
J’ai longtemps hésité avant de décider de ne pas le lire, ton avis est mitigé ce qui tend à me prouver que j’ai raison…
mitigé veut dire aussi que j’en ai aimé tout un aspect (toujours le verre à moitié vide ou plein !)
Il est dans ma liste à lire, celui-ci.
Hâte de lire ton avis, alors!
Ce fut un abandon pour moi malheureusement…
pourquoi malheureusement ? on a tout les droits et cela montre que ce roman qui a tant plu à certains a été une vraie déception pour d’autres.
On est d’accord, les romances, pfff mais ça informé, c’est le positif
oui nous sommes bien d’accord
Je mentirais si je disais que je n’ai pas aimé ce livre. La recherche dans les archives et sur le terrain est passionnante. L’histoire d’amour peut sembler dérisoire en comparaison des destins évoqués et les protagonistes sont presque tous héroïques, ce qui semble utopique. Ces bémols n’en sont pas vraiment, selon mon avis. Le roman serait trop pesant sans cela. NB: Sacha m’a dit que vous ne recevez plus les notifications de publications de mon blog ?
les avis sont partagés mais ce que vous soulignez, à savoir le travail des archivistes est effectivement passionnant. Je vais vérifier si je reçois par mail des avis de publications
j’ai lu ce livre avec un préjugé sympathique mais il m’a déçu
tu n’es pas la seule, moi je n’ai été déçue qu’à moitié c’est déjà ça.
Tout à fait d’accord, j’ai fait part de mon ressenti à ce sujet dans un long billet car il est toujours difficile d’émettre une critique négative sur un roman qui traite d’un tel sujet.
je suis tellement d’accord , il est des sujets où il est difficile de donner son avis, mai sil faut le faire c’est le rôle des blogs selon moi.