Traduit de l’anglais ( ?) préfacé et annoté par Pierre Nordon Édition livre de poche

J’ai tellement souffert à la lecture de la biographie « Virginia » d’Emmanuel Favier que j’ai suivi les conseils que vous aviez mis en commentaires : relire l’œuvre de cette grande écrivaine. J’ai commencé par « Mrs Dalloway » si je suis certaine de l’avoir lu dans ma jeunesse , je pense être passée à côté de son originalité. Pour une fois, je dois avouer que les notes et la préface m’on beaucoup aidée à comprendre toute la portée de ce roman. D’abord pour la compréhension de lieux, car je connais mal Londres et les lieux permettent à l’écrivaine de situer immédiatement la scène dans une réalité sociale que les notes m’ont bien expliquée. Puis, j’ai suivie de plus près les changements de narrateurs et enfin tous les fils qui se croisent au rythme des heures égrenées par Big Ben. Je rappelle le sujet : Clarissa Dalloway une femme de la haute société britannique va donner, le soir même, une réception. Sa journée sera occupée par les le choix des fleurs et les différentes rencontres qu’elle fait (ou non). La plus importante étant sans dont celle avec l’homme qu’elle a aimé puis repoussé dans sa jeunesse, Peter Walsh. Nous suivons aussi tous ceux qui lui ont permis d’être aujourd’hui Clarissa Dalloway avec en contre point, la journée tragique de Septimus Smith, soldat revenu de la guerre 14/18, qui se suicidera à la fin de la journée, car la médecine était incapable de le sortir de son traumatisme dû à la violence de ce qu’il a subi pendant la guerre.

Vous le savez aussi, sans doute, ce qui fait toute l’originalité du style de l’auteur c’est que celle-ci s’efface entièrement et laisse chaque personnage évoluée dans ses pensées personnelles. C’est donc le maillage serré de tous ces dialogues intérieurs qui nous permet de connaître et comprendre Carissa Dalloway et aussi de mieux connaître la société anglaise qui, après la première guerre mondiale, domine encore une grand partie de la planète.

C’est un belle réussite de faire comprendre aussi bien la vérité de cette époque en ne décrivant qu’une seule journée. Je comprends que l’on parle de chef d’œuvre littéraire. Si j’ai quelques réserves, c’est que rien ne coule de source dans cette lecture, je le redis sans les notes je n’aurais pas pu comprendre tout ce que Virginia Woolf voulait nous dire.

 

Citations

 

Portrait de Clarissa Dalloway

Elle ne se relâchait en aucun sens du terme, elle était droite comme une flèche, un peu rigide à dire vrai. Elle disait qu’ils avaient une sorte de courage qu’elle respectait la de plus en plus à mesure qu’elle prenait de l’âge. Il y avait beaucoup de Dalloway dans tout cela naturellement ; c’était imprégné d’esprit civique, d’Empire britannique, de réforme des tarifs douaniers, bref l’esprit de la classe dominante n’avait pas manqué de déteindre sur elle. Avec deux fois plus d’intelligence que lui, il fallait qu’elle voit les choses avec son regard à lui – une des tragédies de la vie conjugale. Avec l’esprit qu’elle avait, il fallait toujours qu’elle cite Richard – comme si on ne savait pas à la virgule près ce que pense et Richard en lisant le Morning Post du matin.

C’est bien compliqué l’éducation anglaise (c’était avant les blogs !)

L’un de ses hommes à l’instruction imparfaite, autodidactes dont toute l’éducation provient de livres empruntés dans des bibliothèques publiques, le soir après la journée de travail, sur le conseil d’auteurs connus consultés par courrier.

Remarque si vraie sur les prénoms

Londres n’a fait qu’une bouchée de millions de jeunes gens du nom de Smith ; et ne se souciait guère de prénoms extraordinaires comme Septimus par lesquels des parents pensaient distinguer leurs enfants.

Portrait d’Elizabeth la fille de de Clarissa qui fait penser aux photos de Virginia Woolf adolescente.

Elle avait tendance à être passive. Il lui manquait d’être expressive, mais elle avait de beaux yeux, des yeux de Chinoise, orientaux et, comme disait sa mère, de si jolies épaules et un port si droit qu’elle était toujours délicieuse à regarder ; et ces derniers temps, tout spécialement le soir, quand quelque chose l’intéressait, car elle ne s’excitait jamais, elle était presque belle, majestueuse, sereine. À quoi pouvait-elle penser ? Tous les hommes tombaient amoureux d’elle et elle trouvait vraiment cela horriblement ennuyeux. C’était le commencement. 

Humour ?

Elle aimait bien les malades. Et tous les métiers sont ouverts aux femmes de votre génération, avait dit Miss Kilman. Donc elle pourrait être médecin. Où avoir une ferme. Les animaux sont souvent malades.

 

Édition Albin Michel Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

 

Quel pensum, cette lecture ! pour le club je m’oblige à aller jusqu’au bout des livres mais je m’autorise le survol quand je n’en peux plus. Je suis complètement hermétique au projet de l’auteure qui veut nous faire comprendre l’enfance et la jeunesse de Virginia Woolf . Comme il y a déjà tant de choses qui ont été écrites sur cette très grande écrivaine, je pense que ce n’est pas chose facile. L’effort d’Emmanuelle Favier, et son originalité ont été de se mettre dans la peau de Virginia et de nous faire comprendre à travers les yeux d’une petite file et de ses perceptions ce que cela voulait dire d’être un jeune femme intelligente et artiste sous le règne de la Reine Victoria dans une famille de lettrés. Sans avoir été brimée, Virginia sent très bien que son seul destin est de se marier. L’écriture n’est pas une « condition » pour une une femme de la bonne société britannique. L’auteure tente aussi de trouver les raisons qui ont amené cette superbe femme si brillante à connaître la dépression. Tout cela aurait dû m’intéresser, mais hélas à cause du style d’Emmanuelle Favier, je me suis perdue dans une lecture laborieuse ne comprenant parfois pas ce que je lisais. J’ai donc décider de relire au plus vite « Mrs Daloway » ; et chercher une bonne biographie de Virginia Wollf . Auriez-vous des suggestions ?

Citations

Une bonne remarque

Nous pouvons aussi imaginer que c’est déjà octobre, que de retour à Londres on a repris les visites, que l’on reçoit chaque jour. On fait, très jeune fille, l’apprentissage de la table à thé : c’est là que l’on apprend à servir, à observer les convenances et les rangs, mais aussi à manier la critique discrète, la seule permise aux femmes, qu’elles développent avec une habileté comparable à celle que mettent les domestiques à noter leurs maîtres en paraissant les flatter.

L’auteure termine tous ses chapitres par une succession de faits qui situe la vie de Virginia par rapport à ses contemporains , j’avoue ne pas y avoir trouvé beaucoup d’intérêt.

Pendant qu’un autre peintre, un Hollandais de génie et de misère, meurt -en même temps que Sitting Bull, Alphonse Karr et Octave Feuillet mais aussi que Charles Edward Mudie, souverain des bibliothèques ambulatoires et premier éditeur du bon parrain James ; pendant qu’un autre peintre, un Autrichien de misère et de génie, naît -en même temps Agatha Christie, Jean Rhys, Charles de Gaulle et Groucho Marx ; pendant qu’ Edith Wharton publie sa première nouvelle en revue et que la folie chez Nietzsche gagne, éteignant l’écrivain aussi bien que le ferait la mort ; pendant qu’une nouvelle loi anglaise oblige les suicidaires à être internés, les feuilles inlassablement, dégringolent sur tombes et berceaux.

Genre de phrases que je ne comprends pas :

Headlam est un parasite sincère, toujours chez les Stephen il y fait chère lie des femmes de la maison. 
Nous assistons impuissants à ses rages et protestations face à la langueur de sa cousine, qui est la plupart du temps en Suisse ou en Allemagne ou que savons-nous, et qui met des lustres à répondre.

Édition autrement traduit de l’anglais (et préfacé sans grand intérêt à mon avis) par Jean Pavans

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

Peut-on tomber amoureux d’un domaine ? Cela est arrivé à l’auteure qui est, je ne l’ai découvert qu’ensuite, la femme qui a aimé Virginia Woolf. Dans ce roman, elle sait raconter à la perfection ce qui peut loin de toute rationalité embarquer une personne sage et raisonnable dans l’achat d’une demeure et d’un jardin qui lui pompera toutes ses ressources financières et ses forces de vie tout en lui assurant un bonheur inestimable. Celui de posséder et de faire revivre ce lieu. L’auteure l’a fait pour le château de Sissinghurtst et on peut comprendre son choix :

 

Pour le roman, il s’agit d’une belle demeure qui sans être un château a tout le charme des lieux qui aujourd’hui se visitent surtout quand ils sont entouré d’un beau jardin. Le personnage principal, hérite de l’ensemble des biens d’une parente mais ne peut les garder, d’ailleurs au début il n’a qu’une envie vendre le tout pour se faire une vie personnelle plus confortable, lui l’héritier qui porte ce nom Chase , les Chase ont possédé ce domaine pendant cinq siècles mais lui n’est qu’un pâle employé d’assurance et il cache son prénom Peregrine (qui signerait la noblesse de ses origines). Et puis, il s’installe plus longtemps que prévu dans cette maison et il se fait prendre par son charme, jusqu’à en perdre ses propres repères. Cette possession d’une personne par un lieu superbe est très bien racontée et mérite largement 5 coquillages, en revanche, il y a tellement de détails que je n’ai pas compris que cela m’a empêchée d’être bien dans ce court texte. J’aurais aimé savoir pourquoi l’héritier de cette grande famille ne connaît absolument pas ce lieu ni sa tante. L’Angleterre n’est pas si vaste qu’il ne puisse pas, parfois, rendre visite à sa tante. Et sans dévoiler la fin, je comprends encore moins pourquoi il doit racheter son domaine plutôt que simplement le retirer de la vente et ne payer alors que les hypothèques. Mais le sujet du roman ce ne sont donc pas ces banales histoires d’héritage et de finances mais la prise de pouvoir amoureuse d’un lieu sur une personne.

Citations

Les habits après la mort

Je ne sais pas ce que vous allez faire des vêtements de la vieille dame, Mr. Chase. Ils ne rapporteraient pas grand-chose, voyez-vous, à l’exception des dentelles. Il y a la de belles dentelles authentiques, qui devraient valoir quelque chose. Tout est inscrit dans l’inventaire, il faudra les découdre des vêtements. Mais quand au reste… mettons vingt livres. Ces robes de soie, dirais-je, sont faites d’une bonne étoffe » , observa Mr. Nutley en tâtant une rangée de robes noires pendues dans le placard, qui remuèrent avec un faible bruissement de feuilles mortes. « Suivez mon conseil, donnez-en quelques-unes à la gouvernante, cela en fin de compte vous fera plus de profit que les quelques livres que vous pourriez en tirer. Il faut toujours avoir les domestiques de son côté, c’est mon axiome.. Enfin, c’est votre affaire, vous êtes le seul héritier et personne ne doit s’immiscer. »

Les traditions en Angleterre

Il avait dû dénicher la copie de quelques vieux rapport. Mais non ; il était revenu à la première page et il y avait trouvé la date de l’année précédente. Il était consterné à l’idée que si de telles choses avaient concerné sa tante, elles risquaient aussi de le concerner. Que ferait-il d’un porc « de pasnage » à supposer qu’on en amenât un devant sa porte ? Il aurait été encore plus embarrassé si l’un des fermiers qu’il avait vus aux obsèques était venu lui dire : « Je tiens de toi, le Seigneur. »

Première impression de la maison

La maison lui rendait un regard grave et doux. Sa façade de vieilles briques lit de vin, les V inversés des deux pignons, les rectangles des fenêtres et le stuc crémeux de la petite colonnade qui réunissait les deux ailes en saillie, tout se reflétait sans déformation dans le calme verdâtre des douves. Ce n’était pas une grande maison, elle se résumait aux deux ailes et au corps central, mais elle était parfaite est achevée, si parfaite que Chase, qui pourtant ne connaissait rien et ne s’intéressait nullement à l’architecture, (…), se sentit peu à peu apaisée par une confortable satisfaction. Oui, vraiment la maison était petite, charmante, et satisfaisante. On ne pouvait lui trouver aucun défaut. Elle était exquise de forme et de couleur. Dans ses proportions parfaites, elle portait la grandeur de son style avec une digne simplicité. Elle était tranquille, la soirée était tranquille, la campagne et était tranquille ; elle faisait partie de la soirée, de la campagne.

Séduction

Tel un enfant égaré dans le royaume des délices, il était stupéfié par les enchantements du soleil et de l’ombre. Il s’attardait pendant des heures à contempler, dans une béatitude stupide, les grandes nappes de soleil répandus sur l’herbe, et les ombres intenses qui s’enfouissaient dans les profondeurs des bois. Il se levait tôt le matin et, se penchait à la fenêtre ouverte, se livrait à la rosée, au sentiment de la clarté nouvelle, aux oiseaux. Que de gazouillis. !

Sous le charme

Et comme sa vision s’élargissait, il sentit que la maison, très gracieusement fondue dans les arbres, les prairies, les collines, avait poussé là comme eux, faisant partie d’une tradition séculaire. Il reconsidéra même les tableaux, non comme représentation de fantôme insignifiant, mais comme des hommes et des femmes dans le sang avez contribué à la composition de celui qui coulait dans c’est pas propre. C’était la terre, les fermes, les meules, les sommeil, les jachères qui lui enseignaient cette sagesse

 

Édition Actes Sud. Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

 

En ces temps de terrorisme et de confinement, ce livre peut se lire assez agréablement. Il s’agit pourtant de mort et de difficulté de vivre, seulement cela se passe au Japon donc assez loin de nos préoccupations actuelles. Je vais d’abord dire les trois choses qui m’ont agacées pour revenir à l’essentiel du roman :
Les phrases en anglais ne sont pas traduites, il est vrai que ce sont des phrases simples mais je ne comprends pas l’intérêt du procédé.

La mère du personnage principal se suicide comme Virginia Woolf, ce n’est vraiment pas la façon la plus courante de se suicider mais c’est tellement plus littéraire. (Elle se jette dans la rivière avec des cailloux dans ses poches).
L’autre chose me dérange plus, l’héroïne va découvrir le Japon grâce à un père très très riche et je crois que j’ai des difficultés à m’intéresser aux malheurs des pauvres petites filles riches. De plus dans ma vie j’ai rarement sinon jamais rencontré des gens faisant des héritages miraculeux.
Et pourtant j’ai aimé cette lecture qui essaie et réussit à nous faire comprendre cet étrange pays à travers les fleurs et les jardins. Il demande une lecture attentive car sinon on passe au-dessus de la beauté des temples de Kyoto, ce serait d’autant plus dommage que c’est là l’essentiel de l’intérêt du livre. Mais pour faire un roman, il fallait aussi une histoire d’amour qui m’a semblé assez artificielle. Beaucoup de critiques donc pour un roman dont je vous conseille la lecture cependant, ne serait-ce que pour vous promener dans de si beaux endroits et savourer par l’imagination les mets le plus délicieux de la gastronomie nippone.

Citations

Un passage émouvant

Il est né à Hiroshima en 1945. Sa famille a été décimée par l’atome. En 1975, il a perdu sa femme et sa fille dans un tremblement de terre. En 1985, son fils aîné s’est tué dans un accident de plongée. Le 11 mars 2011, son autre fils, un biologiste était en mission dans la préfecture de Miyagi, sur la côte à vi gt kilomètres de Sandai. Il n’a pas eu le temps de gagner les hauteurs….Lors du dépôt des cendres de Nobu au cimetière, il pleuvait et Keisuke s’est effondré dans la boue, devant la tombe. Haru l’a relevé et tenu serré contre lui jusqu’à la fin de la cérémonie. Quelqu’un s’est approché avec un parapluie mais il l’a renvoyé. Ils sont restés ensemble, immobiles, sous la pluie et, peu à peu, les uns après les autres, nous avons refermé nos parapluies. Je me souviens avoir senti le poids et la violence de l’eau puis les avoir oubliés. Nous étions entré dans un monde de fantôme. Nous n’avions plus de chair.

Sagesse japonaise

À l’époque des samouraïs, sur l’île de Sado, en mer du Japon, vivait un ermite qui, du matin au soir, regarder l’horizon. Il avait fait vœu de consacrer sa vie à cette contemplation, et de s’y absorber tout entier, de connaître l’ivresse de n’être plus qu’une ligne entre la mer et le ciel. Cependant, comme il se plaçait toujours derrière un pin qui empêchait qu’il eût une vue dégagée, on lui en demandait la raison et il répondait : Parce que je ne crains rien tant que de réussir.

La dépression

Maud, la mère de Rose, avait grandi dans la mélancolie et, quoi qu’elle fît ensuite de sa vie, s’y était tenue avec une persévérance admirable.

Malheur japonais

Nous autres Japonais avons appris de notre archipel tourmenté l’implacabilité du malheur. C’est par cet accablement natif que nous avons su transformer notre contrée de cataclysmes en éden, en quoi les jardins de nos temples sont l’âme de ce pays de désastres et de sacrifices. Par mon sang, tu connais la beauté et la tragédie du monde d’une manière que les Français, nourris de leurs terres clémentes, ne peuvent pas entendre.

 

 

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Claude et Jean Demanuelli. Édition Cherche midi.

 

Livre critiqué dans le cadre du programme Masse Critique de Babelio

Ouf ! j’ai terminé cet énorme pavé de 560 pages ! Énorme : car je n’ai absolument pas apprécié cette lecture que je m’étais engagée à lire dans le cadre d’une masse critique de Babelio. Le sujet m’intéressait, j’avais compris que c’était un roman historique et qui devait me permettre de revivre la peste de Londres au XVII ° siècle – en période de pandémie cela me semblait une bonne idée que de se plonger dans des épidémies meurtrières du passé. Le roman se situe dans le milieu juif qui commençait tout juste à se réinstaller en Angleterre après les horreurs de l’inquisition en Espagne et au Portugal. Mais ce n’est pas du tout le thème le plus important du roman. L’auteure a voulu cerner ce qui aurait pu se passer à cette époque si une femme avait voulu se mêler d’écriture et de philosophie. Il s’agit donc d’une oeuvre d’une féministe qui veut faire comprendre la condition de la femme. D’ailleurs elle le dit clairement dans son interview que l’on peut lire à la fin du livre :

Question : Comment vous est venue l’idée de ce roman ? 
Réponse : Dans une chambre à soi, Virginia Woolf pose la question suivante : si William Shakespeare avait eu une sœur aussi douée que lui, quelle aurait été son sort ?
Elle apporte elle-même une réponse succincte à la question. « Elle mourut jeune … Hélas, elle n’écrivit jamais une ligne. « 
Woolf a raison bien sûr. C’était le sort le plus vraisemblable qui pouvait échoir à une femme de cette période douée d’un esprit développé. Les conditions dans lesquelles vivaient alors les femmes leur rendaient virtuellement impossible toute expression artistique ou intellectuelle.
La fiction romanesque commence par une découverte de manuscrits datant des années 1660, dans une très belle demeure du XVII° à Londres. Ensuite les chapitres se succèdent soit à Londres avec Esther au service d’un rabbin rendu aveugle par les tortures de l’inquisition, soit à Londres du XXI° siècle avec Helen Watt et son jeune assistant Aaron Levy. Les deux destinées sont construites en parallèles : Esther doit cacher à sa communauté qu’elle lit et écrit et même trahira son rabbin tant respecté pour pouvoir dialoguer avec Spinoza. Helen Watt est obligée de cacher ses découvertes le plus longtemps possible car personne, aujourd’hui encore, n’est prêt à admettre qu’une femme puisse atteindre un tel degré en matière philosophique. Toutes les deux sont dans l’urgence de la maladie, la peste pour Esther et la maladie de Parkinson qui ronge le cerveau d’Helen. Enfin les deux ont connu un véritable amour qui a bouleversé leurs certitudes. Ce roman décrit aussi l’ivresse de la découverte de vieux documents par des historiens et les rivalités du monde universitaire. Il décrit aussi les différences entre la froideur britannique et l’enthousiasme déplacé des américains.
Tout cela aurait pu m’intéresser mais je n’ai jamais accroché à cette lecture qui a pourtant reçu toutes les louanges de la presse américaine. La « construction étourdissante » dont parle la quatrième de couverture m’a semblé d’une lourdeur incroyable. Je vais peut-être me mettre à dos les féministes américaines mais je trouve le projet malhonnête. Certes, les femmes du XVII° étaient interdites de créations littéraires et artistiques et on peut supposer qu’une jeune fille de religion juive avait encore moins d’opportunités de se libérer des carcans de la tradition pour se permettre de philosopher avec Spinoza. Autant un exemple pris dans la réalité m’aurait intéressée mais inventer un tel personnage me semble vouloir faire correspondre l’idéologie de l’auteure à la réalité historique.
Quant-à la partie XXI° siècle, l’auteure met ses personnages dans des tensions qui rappellent celle des juifs ayant connu l’inquisition et la peste de Londres, et je n’y ai pas cru non plus, évidemment !
Et comme l’auteure essaie d’être dans la précision historique et psychologique la plus proche de ce qu’elle croit être la réalité, il lui faut presque six cent pages pour ne me convaincre ni dans l’histoire ancienne ni dans les conflits universitaires britanniques actuels . À ce roman trop bavard, je préfère et de loin la réponse lapidaire de Virginia Woolf. :
« Elle mourut jeune … Hélas, elle n’écrivit jamais une ligne. « 

 Citation

Les femmes juives au XVII° siècle

Je comprends très bien ton désir de l’étude, mais tu dois réfléchir au choix qui se présente à toi. Je ne peux pas faire comme si Dieu t’avait créée homme, et par conséquent capable de vivre de son esprit et de son savoir. Dieu a mis en nous des désirs innombrables. Mais nous les contrôlons pour pouvoir vivre. J’ai été obligé, pour ma part, de maîtriser mes propres désirs quand la perte de ma vue m’a interdit de devenir le savant que je voulais être, ou de fonder une famille. Je regrette vraiment, dit-il en baissant encore la voix, de t’avoir induite à croire que tu pourrais être une érudite. Tu en avais l’étoffe, cependant.

La fuite du Portugal , parole de la mère juive rebelle.

« Quand ma mère et moi nous sommes enfuies de Lisbonne, c’était pour sauver nos vies. Pas nos vies de juive. Nos vies, tout court. Nous nous sommes enfuies parce que même si nous ne récitions jamais une prière, même si ma mère et mes tantes allaient danser après leur festin du vendredi, même ainsi, les prêtres voulaient nous traîner dans leur chambre de torture. »

Dialogue en Israël au XX° siècle

« Donne-moi le nom d’un pays, n’importe lequel, et je te parlerai de l’époque où il ne pensait qu’à tuer les Juifs. Sais-tu que des nazis allaient recruter des paysans locaux en Russie pour les aider à noyer les Juifs, avant qu’ils aient trouvé des méthodes d’extermination plus efficaces ? Trente mille morts en deux jours à Babi Yar. » Un silence. 
 » Par noyade.
– Dror arrête.
-Je veux que tu essaies d’imaginer ça. 
Elle le regarda effarée.
 » Moi, je l’imagine. On ne peut pas noyer les gens en masse tu vois, il faut procéder individuellement. Peux-tu imaginer ce que c’est que de forcer un enfant, une femme, un homme à garder la tête sous l’eau ? Et pas juste une seconde comme si tu agissais par réflexe avant d’avoir eu le temps de réfléchir. Noyer quelqu’un suppose que tu le maintiennes … Il faut que tu continues jusqu’à l’extinction de toute vie » conclut-il d’une voix brisée.

U-Z

U

Ugresik Dubravka (Baba Yaga a pondu un œuf 15 aout 2022)

V

Vance (J.D) (Hillbilly Élégie 18 05 2020)

Van Reybrouck (David) (Zinc 12 aout 2021)

Varenne (Antonin) (La Toile du Monde 1juillet 2019)

Vecchio (Borgo) (Giosué Calaciura 17 aout 2020)

Ventrella (Rosa) (Béni soit le père 17 juillet 2023)

Verdo (Yann) (Noone ou le marin sans mémoire 3 juin 2022)

Vergez-Chaignon (Bénédicte) (les secrets de Vichy 6 mars 2023)

Vernant ( Jean-Pierreà (L’univers, les Dieux, les hommes 14 février 2011)

Viel (Tanguy) ( La fille qu’on appelle 14 février 2022) (insoupçonnable 8 mai 2024)

Vignal (Hélène) ( Plan B pour l’été 10 février 2020)

Villeneuve (Angélique) (Les ciels furieux 11 avril 2024)

Vingtras (Marie) (Blizzard 20 décembre 2021)

Vitkine (Benoît) (Les Loups 24 avril 2023) (L’enclave 20 mai 2023)

Von Canal (Anne) (Ni terre ni mer 18 novembre 2019)

Vuillard (Eric) (14 juillet 17 octobre 2016) (La guerre des pauvres 7 octobre 2019)

W

Waberi (A ; Abdourahman) (Pourquoi tu danses quand tu marches 20 juin 2020)

Wagamese (Richard) (Les étoiles s’éteignent à l’aube 9 avril 2018) (Starlight 31 août 2020)

Waresquiel (de) (Emmanuel) (Voyage autour de mon enfance 24 avril 2022)

Werbowski (Tecia) (Le mur entre nous 14 juin 2021)

Westover (Tara) (Une éducation 21 juin 2021)

Winslow (Don) (Du feu sous la cendre 19 octobre 2020)

Wodin (Natascha) (Elle venait de Marioupol 09 novembre 2023)

Wood (Benjamin) (le complexe d’Eden Bellwether 27 juin 2022)

Woolf (Virginia) (Mrs Dalloway 14 janvier 2021)

Wright (Stephen) ( Méditations en vert 3 mai 2021)

X

Y

Yalom (Irvin) (Mensonges sur le Divan 12 juin 2012) (Et Nietzsche a pleuré 6 juillet 2012) (Le Problème Spinoza 28 juillet 2012) (Créatures d’un Jour 14 septembre 2015) (Comment je suis devenu moi-même 8 août 2018) (Le jardin d’Épicure 8 octobre 2021)

Z

Zabius (Vincent) ( Le Monde de Sophie 28 décembre 2022)

Zeh (Julie) (Nouvel An 25 mai 2020)

Zenatti (Valérie) (Jacob Jacob 4 février 2019)

Zeniter (Alice) (L’art de perdre 23 avril 2018)

Zilberman (Ruth) (209 rue Saint Maur 22 avril 2021)

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