Édition Lepassage juillet 2023

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

 

Une horreur de plus dans mes lectures et même si c’est très bien écrit je ne peux pas dire que j’ai vraiment apprécié : c’est trop horrible. Et, je n’ai pas besoin de ce genre de récit pour imaginer les horreurs des pogroms.

C’est cela que raconte ce roman une petite fille de huit ans vit quelque part dans l’est (Pologne ?, Ukraine ? plus certainement Russie) au début du XX° siècle. Son bonheur est construit autour des liens familiaux, en particulier l’amour de son père. Sa mère est étrange, elle « sert » essentiellement à nourrir les bébés qui arrivent très régulièrement dans cette famille juive. Henni la petite fille a un grand frère Lev qui fuit sa famille et le Shtetl entouré de populations qui leur sont hostiles. Henni a aussi une grande soeur, Zelda qui est son modèle et la rassure beaucoup.

Le jour de la catastrophe, des brigands (des cosaques ou des paysans autour du Shtetl) envahissent le village, ils brisent tout, pillent, violent et tuent tout ce qui semble vivant. La petite fille voit, le jour d’après, des paysannes des alentours venir se servir dans les maisons éventrées et piller ce qui reste d’utilisable. Son instinct de survie la guide dans ce chaos pour trouver qui peut vraiment l’aider à survivre, et elle a eu bien raison de se cacher de ces paysannes qui certainement ne lui voulaient aucun bien .

Henni fuit avec sa soeur, ses parents sont tués et les bébés aussi , l’auteure suit pas à pas la fuite de cette petite fille de huit ans qui essaie de trouver des solutions face à la folie des « furieux ». C’est terrible et tellement sans espoir.

La question que je me pose c’est le pourquoi d’un tel livre, qui pouvait imaginer que les pogroms soient autre chose que cela ? Est ce que cela rajoute quelque chose que ce soit vu par une petite fille ? Je crois que je répondrais non à ces deux questions. Il reste que cette écrivaine a un très beau style qu’elle a mis au service d’une cause dont il faut se souvenir. Car l’antisémitisme profond de ces régions permettra aux nazis cinquante ans plus tard d’assassiner massivement les populations juives des Shtetl, aidés pour le faire par les populations locales qui, de tout temps, avaient organisé des pogroms contre ces villages, en toute impunité.

 

Extraits

Début du prologue.

Au moment précis où, enfin, Henny s’apprête à s’enfuir ou dehors dans la neige, c’est le plus grand, le plus maigre des hommes entrés dans la maison qui arrache le dernier bébé du sein de Pessia et le soulève au dessus de lui. Lel cri qui monte avec l’enfant emplit l’air de faisceaux, de fumées, de roches explosives.

Début du chapitre 1.

 Elle a cinq ans lorsque son père lui fabrique un tabouret à sa taille. Assise ou perchée dessus, les pieds écartés et le corps grandit d’impatience, elle fait les lits, elle fait la poussière, elle frotte le chaudron ou Zelda tout à l’heure cuira le bouillon gras du poulet.

Début du pogrom.

Il y a alors un grand bruit du côté de la porte, un grand froid, plusieurs vitres tombent comme la glace qui finit par céder à la lisière du toit, mais pas vraiment pareil. Des hommes, on ne sait pas qui ni combien de temps ils semblent pressés envahissent la pièce tels des chevaux furieux.
 À leurs pieds ils apportent la boue que fait la neige fondue, triste et molle sur le bois du plancher. Ils renversent tout, la machine à coudre, la marmite, les plats, la théière, la bonne lampe qui brûlait sans jamais fumer. Ils cassent, ils arrachent ce qui tenait à cœur dans un fracas épouvantable. Ils sont l’orage annoncé.

Des enfants essaient de comprendre le pogrom.

Ensuite, il dit un ton plus bas, avec une torche ils ont mis le feu à ses cheveux.
À qui ? Dit Henni, intriguée. Les cheveux de qui ?
D’une femme. Une femme qui était là. Je l’ai vue sortir dans la cour en chemise et ils l’ont attrapée.
Il s’interrompt, cherche ses mots. Ou alors il attend que l’image se déroule dans sa tête, polisse et soit moins difficile à donner.
Elle a couru, ils l’ont frappée et puis elle est tombée là-bas, elle n’a même pas crié. 

L’après .

 Là-bas, différents objets sont éparpillés sur la terre détrempée. On identifie un morceau de violon, par exemple, un chapeau d’homme, un livre grand ouvert, une bouteille, une petite chaussure. 

 

14 Thoughts on “Les ciels furieux – Angélique Villeneuve

  1. J’imagine que l’autrice a été touchée par le fait que des enfants aient pu assister et survivre à de telles horreurs, et que c’est ce qui l’a conduite à écrire ce roman.
    Pour ma part, j’en ai lu quelques paragraphes quand ma bibliothèque l’a reçu, et je l’ai reposé. Je n’ai pas forcément envie de lire ça, et, si tu sembles sévère avec ce livre, c’est sans doute que tu n’en as pas envie non plus.

    • non je lis beaucoup autour des pogromes et des horreurs du 20° siècle, car je trouve surtout en ce moment qu’il ne faut pas oublier, je n’ai pas compris le parti pris de l’auteure, bien sûr que les enfants étaient au milieu de ces actes barbares mais seuls eux peuvent dire ce qu’ils ont ressenti. Ce que l’on peut savoir de façon historique c’est qu’ils ont surtout cherché à ne pas se séparer de leurs parents même si cela voulait dire la mort

  2. Je compatis ! En ce moment, je n’ai pas envie non plus d’ajouter une horreur de plus dans mes lectures !

  3. Je ne sais pas si le sujet peut être considéré comme épuisé, chaque époque permet de le revisiter avec un autre regard et de toucher un autre public aussi. Mais comme Kathel et toi, j’ai moins envie de l’explorer ces temps-ci.

    • bien sûr que le sujet n’est pas épuisé, mais ce n’est pas la peine de prendre un angle original : le ressenti d’une petite fille pour nous le rendre plus actuel.

  4. keisha on 11 avril 2024 at 12:06 said:

    Parfois on se fatigue de lire des horreurs, je te comprends

    • ma question est : comprendre pourquoi l’écrivaine a choisi de le raconter à travers une enfant.

      • Brize on 11 avril 2024 at 17:42 said:

        Je me suis posé exactement la même question que toi, quand j’ai lu le livre… sans trouver de réponse satisfaisante, si bien que cette lecture m’a laissée un peu perplexe.

        • je ne suis donc pas seule à avoir ressenti cela ! c’est un peu triste devant tant d’horreurs d’avoir ressenti une certaine gratuité à cause du parti-pris.

  5. Il y a des interviews de l’autrice sur le net où tu trouverais certainement l’origine de sa démarche. Je ne les ai pas écoutées mais j’ai l’intention de le faire. Comme avec chaque livre d’Angélique Villeneuve j’ai été emportée par l’écriture et je n’ai pas été choquée de son parti-pris. Elle se situe comme écrivaine, pas historienne

  6. Ce genre de débauchage de violence un peu gratuit n’a jamais grand intérêt malheureusement.

  7. J’ai aimé voir l’incompréhension à hauteur d’enfant. Alors oui, c’est rude, mais il n’y a pas de côté gore, tout est dit sans que l’on voit. Je n’ai pas été choquée par la violence, et pourtant je suis assez sensible sur ce sujet.

    • Je savais que ça pourrait plaire mais je n’ai pas compris ce que cela rajoutait de raconter du point de vue d’une enfant. Que sait-on d’un regard d’enfant sur l’horreur ?

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