Édition JCLattès . Traduit de l’anglais par Johan Frederik Guedj.
J’ai reçu en cadeau cet essai de Tara Westover et je l’ai lu avec beaucoup d’émotion et d’intérêt. Cette jeune femme diplômée de l’université de Cambridge et de Harvard a commencé sa vie dans des conditions très particulières. Venant d’un milieu mormon, elle a grandi dans l’Idaho près du mont Buck’s Peak.
Cette montagne aura une grande importance dans la construction de sa personnalité, son père lui a raconté toutes les légendes qui peuplent ces lieux et elle représentera tout son univers pendant seize ans de sa vie. L’enfance qu’elle raconte dans ce livre est terrible car non seulement les mormons ont tendance à vivre entre eux en respectant des règles strictes mais en plus son père était « le plus mormon des mormons » et surtout c’est un malade mental qui est la proie de crises paranoïaques. Il faudra à Tara, seize longues années pour se défaire des liens qui l’attachaient à cette famille mortifère. Son frère aîné est d’une violence et d’une perversité incontrôlable, elle sera battue, humiliée et en grand danger de mort sans que ses parents n’interviennent. Il faudra une dernière crise de ce frère pour qu’enfin elle abandonne ses réactions de petite dernière de la fratrie des Westover pour aller vers des études qui lui permettront de trouver la femme remarquable qu’elle est vraiment.
Sa description de son enfance est émouvante, si elle n’est pas allée à l’école, elle a croisé des adultes qui savaient lui dire que ce n’était pas normal et cela a dû avoir une certaine importance dans la rupture avec ses parents qu’elle devra assumer. Elle tient beaucoup à ce titre « Éducation » , car oui elle a été éduquée et en particulier à trouver des forces en elle-même, savoir admirer la beauté de la nature mais à part cela c’est vraiment difficile de voir les valeurs que son père lui a données. On sent très bien que la religion n’est qu’un prétexte pour ce père afin de soumettre toute sa famille à des lois et des règles très dures. Les seuls qui se sont sortis de cette domination sont ceux qui n’ont pas accepté de faire partie du clan et qui tous grâce aux études ont pu assumer leur vie. Les autres vivent encore sous cette domination et le succès du livre de Tara n’a pas dû arranger la paranoïa de son père. Elle est définitivement passée du côté du gouvernement, celui qui impose le lavage de cerveau par l’école, qui ruine la santé par les vaccins et les soins à l’hôpital, qui ne croit pas à la fin du monde et donc n’encourage pas les constructions de souterrains pour survivre : bref, le monde de terreur dominé par le patriarche et assiégé par les forces du mal dont sa fille fait maintenant partie.
Le soucis de vérité de Tara Westover et son honnêteté sont très émouvants elle cherche à éviter la culpabilité que sa mère sa sœur et ses frères veulent lui inculquer. On sent tout le travail thérapeutique qu’elle a dû faire pour oser écrire ses souvenirs sans blesser personne et pouvoir retrouver sa famille sur des valeurs d’amour qui ne soient pas fondées sur la manipulation des uns par les autres.
Citations
Le début
Je n’ai que sept ans, mais je comprends que c’est surtout ça qui rend ma famille différentes : nous n’allons pas à l’école.Papa redoute que le gouvernement ne nous force à y aller, et cela est impossible, parce que les autorités ignorent que nous existons. Quatre des sept enfants de mes parents n’ont pas d’acte de naissance. Nous n’avons pas de dossiers médicaux, parce que nous sommes nés à la maison et n’avons jamais vu un médecin ou une infirmière. Nous n’avons pas de dossier scolaire parce que nous n’avons jamais mis les pieds dans une salle de classe.
La propreté
« N’apprends-tu pas à tes enfants à se laver les mains après être allés aux toilettes ? »Papa a pas mis le moteur en route. Le pick-up avançait lentement, il a fait un signe de la main.« Je leur apprends à ne pas se pisser sur les mains. »
La religion de ses parents
J’avais toujours su que mon père croyait en un Dieu différent. Enfant, j’avais conscience que si ma famille fréquentait la même église que tout le monde dans notre ville, notre religion n’était pas pareil. Les autres croyaient en la décence ; nous, nous la pratiquions . Ils croyaient au pouvoir de guérison de Dieu ; nous remettions nos blessures entre Ses mains. Ils croyaient en la préparation de la Résurrection, nous nous y préparions véritablement. Aussi loin que je me souvienne, j’étais convaincu que les membres de ma famille étaient les seuls vrais mormons que j’ai jamais connus.
Le final
Maintenant que j’y pensais, je me rendais compte que tous mes frères et soeurs exceptés Richard et Tyler, étaient économiquement dépendants de mes parents. Ma famille se scindait en deux -les trois qui avaient quitté la montagne, et les quatre qui étaient restés. Les trois titulaires de doctorat, et les quatre sans diplômes. Un fossé était apparu, et se creusait.
Très bon souvenir de lecture. On est impressionné par ce qu’on appelle aujourd’hui la résilience de cette jeune femme. Et l’on peine à comprendre la mentalité de cette religiosité américaine si particulière, la violence dans cette famille.
A conseiller à coup sûr
J’ai éprouvé les mêmes émotions que vous à la lecture de ce livre, que je conseille aussi.
J’attendais beaucoup de ce livre, et puis, ça m’a perdue dans des détails qui m’intéressaient peu, alors, abandon.
A relire les passages, je sais pourquoi j’avais envie de le lire, mais je n’ai pas trouvé totalement ce que j’attendais
J’ai trouvé ce témoignage particulièrement intéressant, et bien écrit. L’auteure a su trouver un bon angle d’écriture, je trouve. Je ne suis pourtant pas trop fan des récits de ce genre d’habitude.
un livre que je note car j’aime les témoignages de ce genre, ces personnes hommes ou femmes qui parviennent à se forger une personnalité au travers d’une vie difficile, j’ai de l’admiration pour elles
En ce moment tu as la main heureuse avec tes lectures, il y a des passages comme cela et c’est bon pour le moral
C’est si compliqué de sortir de ce genre d’emprise. J’ai vu un reportage incroyable sur une secte d’origine allemande qui s’est installé au Chili. C’est ahurissant le poids d’un gourou et ici c’est son propre père qui est le gourou !
Ah oui cela peut être très intéressant même si, comme Kathel, je ne suis pas friande de ce genre de livre.
Si tu n’aimes pas les essais mais plutôt les romans je ne t’encourage pas à te lancer dans cette lecture.
Je note aussi, ce témoignage me paraît intéressant, mais c’est bien un témoignage, parce que tu parles d’essai aussi ? Le reportage me tente également, tu te souviendrais du titre ?
tout ce que je peux dire c’est que ce n’est pas un roman , L’auteure a vécu cela et sa famille existe encore. C’est donc pour moi un essai qui témoigne de sa vie. Le reportage sur Arte s’appelle « Colognia dignidad » . Je suis toujours intéréssée par l’emprise des gourous sur des sectes et comment s’en sortir
https://www.arte.tv/fr/videos/078703-001-A/colonia-dignidad-une-secte-allemande-au-chili-1-4/
Je l’avais déjà repéré. Cette fois je l’ai noté.
Et je lirai volontiers ton billet sur de livre.
De doit être très fort comme lecture. Cela m’intéresse vivement car en fait, j’en sais assez peu sur les mormons… Je sais plus de légende ou de rumeur que de vérités. Donc je dis oui à ce livre.
C’est un essai très important cette jeune femme a un courage hors du commun et reste très mesurée dans sa dénonciation de sa famille mortifère.