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Voici une nouvelle raison de tenir mon blog, et cette raison je la dédie à toutes celles qui ont eu ces temps derniers envie d’arrêter le leur, en espérant que cela leur redonnera l’envie de continuer car la lecture des blogs divers et variés font partie de mes plaisirs de vie. Je me suis promis de relire un tome par été de « La recherche du temps perdu », je l’ai lu depuis longtemps et essayé plusieurs fois de le relire. Mais je me croyais obligée (je me demande bien pourquoi !) de commencer par le début, cela fait que je connais assez bien (avec Proust , il faut toujours rester modeste sur la connaissance de son œuvre) « du Côté de chez Swann » et « à l’Ombre des jeunes filles en fleurs ». Je pense donc qu’en dehors des challenges proposés par les amis, on peut se donner à soi-même des défis en pensant les mettre sur son blog.

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Mettre des coquillages à ce chef d’œuvre, c’est un peu stupide, mais Proust me ravit trop et sa lecture me fait un tel bien que je veux le clamer haut et fort. De même la petite madeleine sur ma photo est quelque peu kitsch, il me pardonnera surement mes fautes de goûts lui qui sait si bien décortiquer les ressorts de l’âme humaine. « Le temps retrouvé » dans mon édition est en deux tomes, le premier commence par une soiré à Tassonville chez Gilberte l’épouse de Robert de Saint-Loup et est traversé par la guerre 14/18. Le second par une invitation chez la duchesse de Guermantes , soirée lors de laquelle Proust (ou le narrateur de « la Recherche ») comprendra la nécessité dans laquelle il se trouve d’écrire son œuvre alors que tous les acteurs qu’il a dépeints jusqu’à présent sont au bord de la grande vieillesse. On y trouve, donc, les clés qui motivent la création artistique. Je voudrais dire à tous ceux que la lecture de Proust rebute, qu’il peut être lu de façons tellement différentes qu’il n’est pas possible que l’une d’entre elles ne leur corresponde pas. Bien sûr, il reste son style et ses phrases si longues que parfois on s’y perd, mais voilà , au début on se force, puis on s’habitue et enfin on adore. Je tiens aussi à dire qu’on s’amuse beaucoup en lisant ce grand auteur car il sait mieux que quiconque croquer les travers de gens qui se croient tellement au dessus du « commun ».

Vous pouvez l’apprécier pour la justesse de l’analyse de l’âme humaine, à l’opposé de Zola (autre classique relu cet été), aucun personnage n’est forcé et même si le trait est parfois féroce, c’est toujours dit avec beaucoup d’élégance, ainsi, Madame Verdurin que l’on a vu mépriser les grands de ce monde au début de « la recherche », les fréquente de plus en plus et que nous dit Proust :

On peut remarquer , d’ailleurs, qu’au fur et à mesure qu’augmenta le nombre de gens brillants qui firent des avances à Mme Verdurin, le nombre de ceux qu’elle appelait les « ennuyeux »diminua. Par une sorte de transformation magique, tout ennuyeux qui était venu lui faire une visite et avait sollicité une invitation devenait subitement quelqu’un d’agréable et d’intelligent.

C’est tellement vrai !

On peut aussi savourer les traits d’esprit volontaires chez le Duc de Guermantes…

Si son mari arrivait vraiment ou s’il n’enverrait pas une de ses dépêches dont M. De Guermantes avait spirituellement fixé le modèle : « Impossible venir, mensonge suit. »

… ou involontaire chez Françoise :

« Au commencement de la guerre on nous disait que ces Allemands c’était des assassins, des brigands, de vrais bandits des Bbboches. …. » Si elle mettait plusieurs b à Boches, c’est que l’accusation que les Allemands fussent des assassins lui semblait après tout plausible, mais celle qu’ils fussent des Boches presque invraisemblable à cause de son énormité.

La méchanceté ordinaire des salons :

Certes, je m’attendais à vous voir partout ailleurs qu’à un des grands tralalas de ma tante, puisque tante il y a  » ajouta-t-elle d’un air fin , car étant Mme de Saint-Loup depuis un peu plus longtemps que Mme Verdurin n’était entrée dans la famille, elle se considérait comme une Guermantes de tout temps et atteinte par la mésalliance que son oncle avait faite en épousant Mme Verdurin, qu’il est vrai elle avait entendu railler mille fois devant elle , dans la famille , tandis que , naturellement, ce n’était que hors de sa présence qu’on avait parlé de la mésalliance qu’avait faite Saint-Loup en l’épousant.

Dans la première partie du « Temps retrouvé » la description de la vie parisienne à l’arrière du front est d’une justesse étonnante, deux scènes ont retenu mon attention , la première c’est Madame Verdurin qui, malgré les restrictions alimentaires dues à la guerre, a réussi à se faire prescrire « son » croissant du matin par le docteur Cottard accompagnant son café , car, sans ces deux ingrédients, elle souffre de migraines. Elle lit avec « Horreur » le torpillage du Lusitania tout en essuyant les miettes de son croissant. Et à l’opposé , lorsque l’un des neveux de Françoise se fait tuer sur le front, laissant une très jeune veuve tenir seul un café qu’ils venaient d’acheter, l’oncle et la tante du jeune homme qui vivaient une retraite tranquille viendront l’aider à tenir ce café sans se faire payer.

On peut aussi apprécier des descriptions aussi bien des lieux que des personnages, j’ai beaucoup aimé cette évocation de la vieillesse :

.. qu’on eût dit qu’elle était un être condamné, comme un personnage de féerie, à apparaître d’abord en jeune fille, puis en épaisse matrone, et qui deviendrait sans doute bientôt en vieille branlante et courbée. Elle semblait, comme une lourde nageuse qui ne voit plus le rivage qu’à une grande distance, repousser avec peine les flots du temps qui la submergeaient.

ou de la princesse de Nassau :

Née presque sur les marches d’un trône, mariée trois fois, entretenue longtemps et richement par de grands banquiers, sans compter les mille fantaisies qu’elle s’était offerte, elle portait légèrement, comme ses yeux admirables et ronds, comme sa figure fardée et comme sa robe rose, les souvenirs embrouillés de ce passé innombrable.

Enfin dans la deuxième partie, la réflexion sur la création artistique est absolument passionnante, c’est plus compliqué de donner des citations appropriés à son propos, j’ai été particulièrement sensible à la nécessité d’écrire et à la force qu’il lui faut pour aboutir dans ce projet, en particulier ne pas se laisser divertir par les événements du monde pour éviter d’écrire

Aussi combien se détournent de l’écrire, que de tâches n’assume-t-on pas pour éviter celle-là. Chaque événement, que ce fût l’affaire Dreyfus, que ce fût la guerre, avait fourni d’autres excuses aux écrivains pour ne pas déchiffrer ce livre – là, ils voulaient assurer le triomphe du droit, refaire l’unité morale de la nation, n’avaient pas le temps de penser à la littérature. Mais ce n’étaient que des excuses parce qu’ils n’avaient pas ou plus de génie, c’est à dire d’instinct. Car l’instinct dicte le devoir et l’intelligence fournit des prétextes pour l’éluder.

Enfin lire Proust c’est se régaler de petites phrases tellement justes :

Les vrais paradis sont ceux qu’on a perdus

Et ne peut-on dire cela aujourd’hui encore pour tous ceux qui se font leur opinion à travers les média ? :

Ce qui est étonnant, dit-il, c’est que ce public qui ne juge ainsi des hommes et des choses de la guerre que par les journaux est persuadé qu’il juge par lui-même.

Je termine par cette phrase que je trouve si belle :

Le bonheur est salutaire pour le corps, mais c’est le chagrin qui développe les forces de l’esprit.

Un site parmi tant d’autres que je recommande à tous ceux et celles qui veulent se familiariser avec Proust et ceux et celles et ceux qui veulent savourer leur plaisir de lecture avec un vrai connaisseur : Proust ses personnages.

 


Édition Robert Laffont

 

L’aristocratie est un monde de pures formes

L’aristocrate est, par excellence, quelqu’un qui se prend pour un aristocrate.

Personne n’est obligé de lire Proust. Mais tout le monde perd à l’ignorer. 

J’ai envie de mettre 5 coquillages à cette écrivaine pour savoir mieux que beaucoup faire aimer et comprendre Proust et à nouveau 5 coquillages pour nous faire comprendre de l’intérieur ce que cela veut dire de faire partie de l’aristocratie française. 10 coquillages ! C’est dire que je ne trouve pas les mots adéquats pour décrire mon enthousiasme pour ce livre qui est qualifié d’essai et qui vaut tous les livres d’autofiction que j’ai pu lire ces derniers temps.

Laure Murat descend d’une lignée de princes de l’empire par son père et d’une noblesse de l’ancien régime par sa mère, Ines d’Albert de Luynes. Elle est rejetée de la famille, surtout de sa mère, quand elle avoue son homosexualité. Un jour en regardant « Downtown Abbey » elle a une révélation, elle comprend que sa famille est construite sur une apparences et qu’il ne faut jamais montrer les efforts (les siens ou ceux des domestiques) qu’il faut faire pour tenir son rang. Le naturel ? c’est ce qui demande le plus d’efforts quand il ne doit être ni une expression de ses sentiments, ni une affirmation de sa personnalité. La plongée dans sa famille, lui fait mesurer à quel point seules les apparences sont importantes, il faut tenir son rang et ne jamais se comporter « comme une domestique ! » . Toutes les déviances n’ont aucune importances si elles sont cachées, et en recherchant l’histoire de sa famille Laure se rend compte que sa grand-mère maternelle doit être en réalité une enfant que son arrière grand-père a fait à une nièce. Mais inutile de chercher à savoir ce qui ne sera jamais mis au grand jour.

L’autre révélation de Laure Murat, elle se trouve dans l’œuvre de Marcel Proust, d’abord parce que nombre de ses ancêtres ont servi de modèle aux aristocrates décrits par Proust. Je pensais avant de lire ce livre que c’était surtout de cela qu’elle allait nous parler, et je n’étais pas très tentée par cette lecture, j’y voyais une sorte de Bottin mondain. Mais c’est tout le contraire, elle reconnaît à cet auteur le fait qu’il a su décrire le vide de ces personnalités qui à force de ne vouloir que paraître ne sont le plus souvent que des coquilles vides. Elle est mieux placé que quiconque pour faire un sort à celui que l’on méprise parfois pour être un auteur « mondain ! » alors que justement il a su montrer qu’il n’y avait pas grand chose derrière ces façades de « bons goûts ». Ensuite, elle était bien placée pour comprendre comment Proust décrit l’homosexualité et elle retrouve encore une fois le poids du jugement de sa propre famille : ça ne se dit pas ! même si tout le monde sait que ça se fait, bien sûr. Elle enseigne aux États-Unis, dans une université californienne et elle fait découvrir Proust à des étudiants qui vivent à l’heure des textos et sous le soleil de la plage. Si loin leur semblent-ils de ce monde du début du XX° siècle français. Mais je suis certaine qu’elle sait leur montrer qu’il suffit de rentre dans cette œuvre pour s’y retrouver, car il s’agit bien encore une fois d’un auteur qui décrit « l’humaine condition »

Vous retrouverez dans son livre des extraits de la Recherche, toujours parfaitement choisis : vous n’oublierez l’attitude de la Duchesse de Guermantes lorsque son ami Swann vient de lui annoncer que, s’il ne vient pas à Florence avec elle, c’est qu’il ne lui reste que quelques semaines à vivre, elle lui dit de venir dîner un soir parce que là elle n’a n’a pas le temps de lui parler mais, le temps, elle le prend pour remonter changer de chaussures que son mari trouve inapproprié avec la robe qu’elle a choisie  ! ! ! (j’ai recopié ce passage dans les extraits)

On lui doit donc beaucoup à cette écrivaine, d’abord de partager avec nous sa passion pour Proust et ensuite de démystifier l’aristocratie française. Je doute que celle des autres pays soit très différente ! Mais en France, il y a eu la révolution, mais cela n’empêche pas les nobles d’aujourd’hui de se parer des titres de prince/princesse, duc/duchesse …..

Extraits

 

Début.

 Il m’a fallu des années pour comprendre une chose très simple. Elle m’a sauté aux yeux lorsqu’un soir regardant une épisode de « Downton Abbey » , j’ai découvert la scène où le maître d’hôtel sort un mètre devant la table dressée pour le dîner afin de mesurer la distance entre la fourchette et le couteau et de s’assurer que l’écart entre les couvert est le même pour chaque convive

Parler de l’aristocratie.

À ses doutes s’ajoute un piège incontournable propre à l’aristocratie, surtout lorsque l’on en sort  : dès qu’on en parle, on a l’air de se vanter. Comme si les titres nobiliaires et les noms à particule diffusaient, à peine prononcés dans l’air ambiant, l’arrogance et la vanité de toute une classe. Mais je n’ai rien à revendiquer, ni d’ailleurs à renier, d’un état civil ou les hasards de la naissance m’ont jetée. Et je n’éprouve ni fierté ni honte devant mon arbre généalogique, pour la simple raison que je ne crois pas dans une existence à l’évidence socialement déterminée, ni là la loi du sang, ni à la fatalité d’un héritage envisagé comme un destin.

 

La bonne éducation.

 On ne parle jamais de soi, on ne fait pas de vagues, on évite les sujets qui fâchent car « c’est assommant », et il est impensable de montrer quelque émotion en public. La joie et la peine, l’excitation et la douleur, l’enthousiasme et la mélancolie sont affaire de classe. « On ne pleure pas comme une domestique » répétait mon arrière grand-mère, que la haine de l’effusion avait poussée à donner un bal à la mort d’un de ses fils, engagé volontaire tombé pour la France en 1916 à l’aube de son vingtième anniversaire

Rire.

 Il y a quelques années de passage à Paris, je traversais le parc Monceau pour me rendre à un rendez-vous quand j’entends dit un homme dans mon dos lancer sur un ton impérieux : « Princesse ! ». Je me suis retournée instantanément, sans réfléchir une seconde, pour savoir ce qu’il me voulait. Il rappelait sa chienne.

Les contemporains de Proust.

 Ni Gide ni Colette, agacés à la même époque par ce mondain érudit et cérémonieux qui commettait des articles au « Figaro » n’auront plus de prescience. Et cet aveuglement persistera jusqu’au fameux refus par Gallimard du manuscrit de « Du côté de chez Swann », assorti de ce commentaire lapidaire : « Trop de duchesses ! ».

La découverte de « la recherche du temps perdu ».

 Non seulement ce monument littéraire n’était pas le fort imprenable et dont on m’avait menacée, mais il formait l’espace « intelligent » qui invitait à tourner sans fin, entrer, sortir, grimper, redescendre, emprunter tous les escaliers et arpenter tous les couloirs du Temps.

Quel hommage !

Mais le plus sidérant, c’était que toutes les scènes « lues » où l’aristocratie entrait en jeu étaient infiniment plus vivantes que les scènes « vécues » dont j’avais été le témoin, comme si Proust, à l’image du Dr Frankenstein, élaborant sous mes yeux le mode d’emploi des créatures que nous étions.

La mère de Laure Murat.

De ma mère jamais un baiser, dont elle exécrait jusqu’à l’idée même. Ce régime ne m’était pas réservé. Elle était sous ce rapport, et sans doute sous ce rapport exclusivement, d’un égalitarisme sans défaut, au point de tous nous tenir à distance d’un simple geste d’avertissement, avec la main préventive du policier arrêtant la circulation, comme s’il y avait autour de son corps une ligne invisible à ne jamais franchir. Rien. Rien du tout.

L’annonce de son homosexualité.

Lui dire que je vivais avec une femme. Je l’ai vue se décomposer. Elle était pâle. Pas un muscle de son visage ne tremblait, mais je sentais qu’un orage intérieur, épouvantable, sinistre, s’était levé. J’accomplissais l’inconcevable. Je brisais le code. Sa réponse à ce qui n’était pas une question a tenu en deux phrases lâchées avec cette âpreté qu’elle assimilait à de la dignité :  » Tu incarnes à mes yeux l’échec de toute une éducation morale et spirituelle » , et : « Pour moi, tu es une fille perdue. » . Je l’ai vue pleurer pour la première fois. C’est cela, surtout, que ma famille m’a le plus reproché : tu as fait pleurer ta mère en public. Comme une domestique.

J’ai ri.

Une année, une de mes sœurs avait spontanément adopté le tic d’une de ses professeures d’école qui ajoutait des « eu » traînants à la suite de certains mots, comme dans « Je suis allée à la piscin-eu », sonorisation du e muet que la linguiste appelle « e prépausal ». Je vois encore la panique sur le visage de ma mère, comme si la famille Groseille au complet avait pris possession du larynx de ma sœur.

J’ai encore ri.

La seule fois qu’il a pris l’autobus de sa vie (avec moi, je devais avoir alors vingt ans) , ignorant des usages, il s’adressa directement au chauffeur pour lui communiquer l’adresse où nous nous rendrons.

Pour finir une des pages inoubliables où Proust dit tout de l’aristocratie française.

« Je voudrais tout de même savoir, lui demanda Mme de Guermantes, comment, dix mois d’avance, vous pouvez savoir que ce sera impossible.

— Ma chère duchesse, je vous le dirai si vous y tenez, mais d’abord vous voyez que je suis très souffrant.

— Oui, mon petit Charles, je trouve que vous n’avez pas bonne mine du tout, je ne suis pas contente de votre teint, mais je ne vous demande pas cela pour dans huit jours, je vous demande cela pour dans dix mois. En dix mois on a le temps de se soigner, vous savez. »

À ce moment un valet de pied vint annoncer que la voiture était avancée. « Allons, Oriane, à cheval », dit le duc qui piaffait déjà d’impatience depuis un moment, comme s’il avait été lui-même un des chevaux qui attendaient.

« Hé bien, en un mot la raison qui vous empêchera de venir en Italie ? » questionna la duchesse en se levant pour prendre congé de nous.

« Mais, ma chère amie, c’est que je serai mort depuis plusieurs mois. D’après les médecins, que j’ai consultés, à la fin de l’année le mal que j’ai, et qui peut du reste m’emporter tout de suite, ne me laissera pas en tous les cas plus de trois ou quatre mois à vivre, et encore c’est un grand maximum », répondit Swann en souriant, tandis que le valet de pied ouvrait la porte vitrée du vestibule pour laisser passer la duchesse.

« Qu’est-ce que vous me dites là ? » s’écria la duchesse en s’arrêtant une seconde dans sa marche vers la voiture et en levant ses beaux yeux bleus et mélancoliques, mais pleins d’incertitude. Placée pour la première fois de sa vie entre deux devoirs aussi différents que monter dans sa voiture pour aller dîner en ville, et témoigner de la pitié à un homme qui va mourir, elle ne voyait rien dans le code des convenances qui lui indiquât la jurisprudence à suivre et, ne sachant auquel donner la préférence, elle crut devoir faire semblant de ne pas croire que la seconde alternative eût à se poser, de façon à obéir à la première qui demandait en ce moment moins d’efforts, et pensa que la meilleure manière de résoudre le conflit était de le nier. « Vous voulez plaisanter ? » dit-elle à Swann.

« Ce serait une plaisanterie d’un goût charmant, répondit ironiquement Swann. Je ne sais pas pourquoi je vous dis cela, je ne vous avais pas parlé de ma maladie jusqu’ici. Mais comme vous me l’avez demandé et que maintenant je peux mourir d’un jour à l’autre… Mais surtout je ne veux pas que vous vous retardiez, vous dînez en ville », ajouta-t-il parce qu’il savait que, pour les autres, leurs propres obligations mondaines priment la mort d’un ami, et qu’il se mettait à leur place, grâce à sa politesse. Mais celle de la duchesse lui permettait aussi d’apercevoir confusément que le dîner où elle allait devait moins compter pour Swann que sa propre mort. Aussi, tout en continuant son chemin vers la voiture, baissa-t-elle les épaules en disant : « Ne vous occupez pas de ce dîner. Il n’a aucune importance ! » Mais ces mots mirent de mauvaise humeur le duc qui s’écria : « Voyons, Oriane, ne restez pas à bavarder comme cela et à échanger vos jérémiades avec Swann, vous savez bien pourtant que Mme de Saint-Euverte tient à ce qu’on se mette à table à huit heures tapant. Il faut savoir ce que vous voulez, voilà bien cinq minutes que vos chevaux attendent. Je vous demande pardon, Charles, dit-il en se tournant vers Swann, mais il est huit heures moins dix. Oriane est toujours en retard, il nous faut plus de cinq minutes pour aller chez la mère Saint-Euverte. »

Mme de Guermantes s’avança décidément vers la voiture et redit un dernier adieu à Swann. « Vous savez, nous reparlerons de cela, je ne crois pas un mot de ce que vous dites, mais il faut en parler ensemble. On vous aura bêtement effrayé, venez déjeuner, le jour que vous voudrez (pour Mme de Guermantes tout se résolvait toujours en déjeuners), vous me direz votre jour et votre heure », et relevant sa jupe rouge elle posa son pied sur le marchepied. Elle allait entrer en voiture, quand, voyant ce pied, le duc s’écria d’une voix terrible : « Oriane, qu’est-ce que vous alliez faire, malheureuse. Vous avez gardé vos souliers noirs ! Avec une toilette rouge ! Remontez vite mettre vos souliers rouges, ou bien, dit-il au valet de pied, dites tout de suite à la femme de chambre de Mme la duchesse de descendre des souliers rouges.

— Mais, mon ami », répondit doucement la duchesse, gênée de voir que Swann, qui sortait avec moi mais avait voulu laisser passer la voiture devant nous, avait entendu, « puisque nous sommes en retard…

— Mais non, nous avons tout le temps. Il n’est que moins dix, nous ne mettrons pas dix minutes pour aller au parc Monceau. Et puis enfin, qu’est-ce que vous voulez, il serait huit heures et demie, ils patienteront, vous ne pouvez pourtant pas aller avec une robe rouge et des souliers noirs. D’ailleurs nous ne serons pas les derniers, allez, il y a les Sassenage, vous savez qu’ils n’arrivent jamais avant neuf heures moins vingt. »

La duchesse remonta dans sa chambre.

« Hein, nous dit M. de Guermantes, les pauvres maris, on se moque bien d’eux, mais ils ont du bon tout de même. Sans moi, Oriane allait dîner en souliers noirs.

— Ce n’est pas laid, dit Swann, et j’avais remarqué les souliers noirs qui ne m’avaient nullement choqué.

— Je ne vous dis pas, répondit le duc, mais c’est plus élégant qu’ils soient de la même couleur que la robe. Et puis, soyez tranquille, elle n’aurait pas été plus tôt arrivée qu’elle s’en serait aperçue et c’est moi qui aurais été obligé de venir chercher les souliers. J’aurais dîné à neuf heures. Adieu, mes petits enfants, dit-il en nous repoussant doucement, allez-vous-en avant qu’Oriane ne redescende. Ce n’est pas qu’elle n’aime vous voir tous les deux. Au contraire, c’est qu’elle aime trop vous voir. Si elle vous trouve encore là, elle va se remettre à parler, elle est déjà très fatiguée, elle arrivera au dîner morte. Et puis je vous avouerai franchement que moi je meurs de faim. J’ai très mal déjeuné ce matin en descendant de train. Il y avait bien une sacrée sauce béarnaise, mais malgré cela, je ne serai pas fâché du tout, mais du tout, de me mettre à table. Huit heures moins cinq ! Ah ! les femmes ! Elle va nous faire mal à l’estomac à tous les deux. Elle est bien moins solide qu’on ne croit. »

Le duc n’était nullement gêné de parler des malaises de sa femme et des siens à un mourant, car les premiers, l’intéressant davantage, lui apparaissaient plus importants. Aussi fut-ce seulement par bonne éducation et gaillardise, qu’après nous avoir éconduits gentiment, il cria à la cantonade et d’une voix de stentor, de la porte, à Swann qui était déjà dans la cour :

« Et puis vous, ne vous laissez pas frapper par ces bêtises des médecins, que diable ! Ce sont des ânes. Vous vous portez comme le Pont-Neuf. Vous nous enterrerez tous ! »

 

 

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Un livre au sujet de Proust rassemblant neuf écrivains appréciant pour des raisons différentes la Recherche, : Laura El Makki, Antoine Compagnon,Raphaël Enthoven, Michel Erman, Adrien Goetz, Nicolas Grimaldi, Julia Kristeva, Jérôme Prieur, Jean-Yves Tadié.

Ils ont chacun leur Proust et, durant l’été 2013, ils l’ont raconté sur les ondes de France Inter. Je n’écoute pas souvent la radio l’été , mais ce livre me le ferait regretter. J’ai lu avec beaucoup d’intérêt ce recueil, il m’a permis de revivre des bons moments de ma lecture de La Recherche , à la vérité les meilleurs moments sont les extraits de l’œuvre de ce si grand écrivain. Je pense que ce petit livre peut amener de nouveaux lecteurs qui ont encore peur du style de Proust. Pour les autres ceux et celles qui lisent et relisent La Recherche, nous nous sentons en communion avec des idées que nous avons eues ou qui nous apparaissent comme justes.

Si je ne suis pas plus enthousiaste, c’est que j’ai trouvé difficile de passer d’un critique à l’autre.C’est un peu comme les nouvelles, mais en plus difficile : on commence par s’installer dans un style dans un mode de pensée et il faut en changer sans en avoir envie. À chaque fois, ça m’a fait perdre les premières pages du penseur suivant car je regrettais la pensée que je venais de quitter. Enfin, il m’a manqué, ce qui pour moi fait le sel de Proust, c’est son humour. Cette écrivain qui croque avec tant de précision toutes les couches de la population est parfois très drôle . Je me souviens de la scène où Françoise est complètement indifférente à la souffrance de la jeune bonne, alors qu’elle est bouleversée à la lecture des mêmes maux dans le livre de médecine du père du narrateur.

En dehors de ces deux remarques, je dois dire que je n’ai pas réussi à quitter ce livre pendant une dizaine de jours et je sais que je le relirai souvent car j’ai toujours du mal à passer beaucoup de temps sans Proust. J’ai enfin relu Sodome et Gomorrhe qui ne m’avait pas plu à la première lecture, et j’ai été contente de lire dans ce livre à quel point Marcel Proust a écrit sans far et sans gêne ce qu’était l’homosexualité à son époque.

Citations

Antoine Compagnon au sujet de Swann et d’Odette et du narrateur avec Albertine

Car la jalousie est une psychologie de l’imaginaire. Pas plus qu’il n’y a de jalousie sans soupçon, pas plus n’y a-t-il en effet de soupçon sans imagination. Or, le propre du soupçon est que notre imagination du possible lacère l’image que nous avons du réel. Dès que nous avons perdu de vue la femme dont nous sommes jaloux, que n’en pouvons nous imaginer ? Où est-elle en ce moment ? Qu’y fait-elle ? Avec qui ? Comment ? Le jaloux tente alors de l’imaginer. En l’imaginant , il se le représente , il le mime intérieurement, il le ressent, il le vit.

Au sujet de l’amour

Il y a donc, à l’origine de tout amour, une sorte d’illusion, de méprise ou de quiproquo . Cette illusion consiste à prendre pour des propriétés objectives de la personne les fantasmes subjectifs que produit notre imagination à son sujet.

Une jolie phrase de Proust citée par Julia Kristeva

Le seul véritable voyage, (…..) ce ne serait pas d’aller vers de nouveaux paysages, mais d’avoir d’autres yeux.

 Je partage l’opinion de Michel Erman à propos de l’œuvre de Proust

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Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

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J’ai beaucoup aimé les 100 premières pages du roman. Je suis une inconditionnelle de l’œuvre de Proust et j’apprécie tout ce qui peut nous rapprocher de ce grand écrivain. Le parti pris de Pierre-Yves Leprince est amusant : imaginer les mémoires d’un coursier au service d’un hôtel où aurait résidé Marcel Proust. Connaissant bien « La recherche du temps perdu » , l’auteur s’amuse à faire revivre différents traits de caractère du narrateur de ce grand roman en les mêlant, plus ou moins habilement, à ce qu’on connaît de la vie réelle de Proust, sa santé, son amour pour sa mère, son goût pour les expressions et sa façon de repérer les tics de langage des uns et des autres.

Le roman se veut aussi un pastiche des romans policiers d’Agatha Christie, nous suivons donc l’enquête du célèbre écrivain et du jeune coursier pour élucider deux meurtres qui, comme par hasard, ont lieu pendant le séjour de Marcel Proust à Versailles. Cela permet à l’auteur de ce roman de nous faire comprendre à quel point à la minutie du roman correspond une minutie de « l’enquête » à propos des gens, des lieux, des couleurs , des mœurs de tout un chacun.

Le respect du jeune coursier permet à Pierre-Yves Leprince d’exprimer toute son admiration pour Marcel Proust et de nous en faire un portrait fort sympathique mais avait-il besoin de cela ? En effet, qui, aujourd’hui, a une image négative du petit Marcel ? J’ai bien aimé la peinture des rapports des gens « de basse extraction » et ceux « de la haute », je me suis amusée au début de tous les clins d’œil à l’œuvre de Proust et puis comme à chaque fois qu’un roman tient à un procédé, celui-ci finit par me lasser. Et l’enquête policière m’a totalement ennuyée.

Citations

Les classes sociales les « petites gens » :

 En ce début du XXe siècle les petites gens disaient toujours oui à tout.
Mon patron disait toujours « quand tu ne sais pas quelque chose, tais-toi, le silence impressionne les clients, ils croient que nous réfléchissons à leur problème, ils sont contents. »

Remarque sur l’intelligence

Vous me croyez intelligent, n’oubliez jamais que l’intelligence d’une personne peut disparaître d’un coup , sous l’effet de passions aussi folles que la colère et le jalousie, pour laisser place à la bêtise la plus bête la plus méchante.

On en parle

Pour l’instant je n’ai lu des billets que sur Babelio et un blogueur qui a beaucoup aimé Le bouquineur.

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J’ai absolument adoré la première partie de ce roman. Un peu moins la seconde , lorsqu’on voit, en 1943 et 1944, le « Tout Paris » essayer de revivre de façon futile autour du monde du spectacle. Le roman commence par l’enterrement à Saint Pierre de Chaillot de : « Princesse Natalie,Marguerite, Marie, Pauline de Lusignan, duchesse de Sorrente. 7mai 1908-10 février 1945 » . Le roman raconte la lente et inexorable destruction de cette jeune femme morphinomane . La première partie se passe à Cannes où la famille se trouve « coincée » jusqu’en 1943. Coincée cela veut dire que la famille a du mal à recevoir exactement comme elle l’a toujours fait.

À la mort de sa mère la riche Américaine princesse Elisabeth de Lusignan, Natalie apprend qu’elle est la fille naturelle de Paul Mahl un riche juif ami de son père le prince de Lusignan. En plus d’être une bâtarde elle est donc confrontée au monde juif et sous la botte des nazis cela prend un tout autre sens que dans les salons du microcosme de l’aristocratie parisienne. Natalie n’était pas capable de se défendre d’un milieu oppressant, elle était faite pour une vie de salon à la Marcel Proust, auteur qu’elle découvre et qu’elle comprend. Sa rencontre avec la morphine lui sera fatale et lui enlèvera toutes ses forces. Quand la famille retourne à Paris , cette femme droguée est envahie de pulsions et de révoltes qu’elle n’arrive pas à assumer. Elle aurait voulu être plus courageuse et pouvoir répondre à sa petite fille en pleurs : « mais qu’est ce qu’on leur fait aux juifs , quand on les arrête ? » . Sa révolte se limitera à une sortie chez la princesse Murat :

« Les juifs sont devenus des morts-vivants, tout leur est interdit. Ils sont plus ostracisés que des lépreux au Moyen Age ! « .

Ambiance glaciale garantie, dans ce Paris mondain qui, comme Natalie me dégoûte quelque peu. Comme elle, et cela grâce au talent de Pauline Dreyfus , le grand écart se creuse entre les soucis des réceptions (quelle robe ? quel plat ? quelles conversations ?) et les familles juives qui disparaissent peu à peu. Comme Natalie, j’ai envie de les secouer tous ces Cocteau, Guitry invités chez les Murat, Noaille Trémoïles et autres… et leur demander s’ils savent répondre à cette petite fille en pleurs : « mais qu’est ce qu’on leur fait aux juifs , quand on les arrête ?« . Comme elle, je n’aurais peut-être pas eu le courage d’aller plus loin dans ma révolte que de ne plus traverser les Champs-Élysées interdits aux juifs ( tiens, je ne le savais pas !) et monter dans le dernier wagon du métro le seul autorisé aux juifs. Il me reste à parler du style de cette auteure, son sens de la formule est absolument admirable et drôle. C’est un livre qui se lit vite et qui fait du bien alors qu’il raconte une histoire bien triste et une époque abominable.

Citations

Les conventions

Pas un bal où elle ne s’affichât auprès du jeune André Mahl, au point de scandaliser les maîtresses de maison, ulcérées que la jeune fille préférât ce jeune homme « israélite » à tant d’autres jeunes gens dont le sang, était lui irréprochable. Natalie était certes la moins jolie des sœurs Lusignan, mais de là à « s enjuiver ». Tapie derrière les éventails, augmentée de points d’exclamation, la réprobation se propageait.

L’argent et la « noblesse »

Un jour que la cousine de son mari d’autant plus à cheval sur sa généalogie qu’aucun parti ne lui semblait à la hauteur de la sienne, lui avait lancé : « Mais au fond votre nom ne vaut rien ! » . Élisabeth avait eu assez d’esprit pour lui répondre « Pas au bas d’un chèque. .. »

La noblesse d’empire

Partout où l’empereur est passé, il se sent un peu chez lui . Jérôme n’a rien fait d’exceptionnel dans sa vie, celle de ses ancêtres lui tient lieu de carte de visite.

L’art de la formule de Pauline Dreyfus

De toute façon, la duchesse douairière de Sorrente n’a jamais aimé les enfants, non plus que les contacts physiques qui présidaient à leur arrivée. Sitôt après la naissance d’un fils , elle s’était estimée quitte avec son mari et avait définitivement condamné la porte de sa chambre. Elle s’était réfugiée dans la lecture et la médisance, deux activités qui accomplie avec sérieux, auraient suffi à emplir la journée de n’importe qui.

Ce qui ne se fait pas

Les frasques d’Élisabeth sont indubitablement à ranger dans la case « ce qui ne se fait pas ». Dans la même nomenclature, il y a le divorce, le mariage avec une demoiselle ayant du sang juif(du sang protestant à la rigueur, si la jeune personne porte le nom d’une grande banque), et la bâtardise assumée. Tous ces comportements qui engendrent la pire des calamités pouvant s’abattre sur une famille : « le scandale ». En puriste des mondanités, il aurait volontiers ajouté à cette liste le fait de manger son dessert avec une cuillère…

On en parle

Chez Clara, et Mimipinson.

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 Traduit du Turc par Ferda Fidan.

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Attention Piège ! Voilà, j’ai trouvé une formule choc pour vous donner envie de vous lancer à l’assaut de ces 700 pages. Pourquoi piège ? Car, lorsque vous aurez commencé « Istanbul était un conte », vous ne pourrez plus vous arrêter. Comme moi, vous emporterez votre livre partout, espérant grappiller quelques moments de lecture dans votre vie de tous les jours et rejoindre cet écrivain dans sa lente déambulation à travers Istanbul et la famille Ventura.

C’est un livre magique. Mario Levi vous enferme hors du temps, hors de vos repères habituels. Il se construit devant vous en tant qu’écrivain témoin de la communauté juive d’Istanbul. Il a reçu en héritage tant d’histoires qui, à elles seules, auraient pu être la matière de centaines de romans qu’il donne l’impression à son lecteur que sa place d’écrivain était en quelque sorte prédestinée.

Que serait la société littéraire du début du 20° Siècle français sans Marcel Proust ? De la même façon, que serait la minorité juive stambouliote sans Mario Levi ? Et comme pour l’auteur français, auquel on le compare souvent, au delà du particularisme local, c’est bien de nous et de toute la condition humaine dont il s’agit. Tout en étant très ancré dans cette ville de traditions, le roman se fait l’écho des conflits du monde qui frappent les membres de la communauté.

Mario Levi se promène et nous promène, à travers trois générations de la même famille, pour la plupart habitant à Istanbul. Racontant avec précision leurs métiers, leurs histoires d’amour, leurs rites religieux, leur façon de parler, leurs recettes de cuisines, il redonne vie à tous ceux dont il se sent l’héritier. Pour finir, je lui laisse la parole, pour qu’il vous dise sa façon, le pourquoi de ce livre :

 «  Témoigner c’est se sentir responsable .Peut-être avais-je mis du temps à saisir mon rôle dans la pièce mais j’y étais parvenu. Je me multiplierais en observant tout, et en écoutant les propos échangés. C’était aussi un jeu d’écoute. »

Citations

 Mais il y a tant d’individus qui n’ont jamais connu de véritables réussites et qui ont besoin de l’insuccès des autres pour camoufler le leur

 

Respirer la même nuit, au même endroit, ne constituait donc pas un garde fou évitant de tomber dans des solitudes s’ignorant l’une l’autre….

 

Il avait trente-neuf ans lorsqu’il partit pour des campas de concentration ? Et, quand il revint, son âge n’avait plus aucune importance.

 

Nul n’aurait pu imaginer que l’Allemagne trahirait un jour si cruellement l’humanité, ni Liman von Sanders, ni personne.

On en parle

Un nouveau site BOOK’ING

 

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Pourquoi des lunettes de soleil ? Parce que je l’ai lu sur la plage et je dois dire que j’ai un petit compte à régler avec Jérôme et Keisha (c’est chez eux que j’avais noté ce livre) : j’ai éclaté de rire à la lecture de l’introduction et vous savez quoi ? ça ne se fait absolument pas sur la plage de Dinard, j’ai dérangé, de ce fait, beaucoup de gens très bien par mon rire intempestif. Alors, tant pis pour vous, si vous ouvrez votre ordi sur votre lieu de travail et que vous allez sur Luocine pour, soi-disant lire son billet sur Proust, je vais vous la recopier cette fameuse introduction et si vous riez aussi fort que moi, votre collègue sera bien étonné que ce soit le petit Marcel qui vous fasse cet effet :

« Je suis désolé, ma chérie, je l’ai sautée par inadvertance. »
Je comprends qu’un homme puisse sauter une femme par dépit, par vengeance, par pitié, par compassion, par désœuvrement, par curiosité, par habitude, par excitation,par intérêt, par gourmandise, par nécessité, par charité, et même parfois par amour. Par inadvertance, ça non. Pourtant ce substantif vint spontanément à l’esprit de Marc, lorsque je le pris sur le fait avec sa maîtresse.

Définition d’inadvertance : « défaut accidentel d’attention, manque d’application à quelque chose que l’on fait ».

Faut-il le dire ? Quand j’ouvris cette porte, ce que je vis n’avais rien d’un manque d’application. Bien au contraire. Il s’agissait d’un excès de zèle érotique caractérisé. En tout cas, le porc qui vit à mes côté ne m’a pas sauté avec autant d’inadvertance depuis longtemps…

À la définition, le dictionnaire accolait une citation de Martin du Gard : « Antoine ne voulait pas se laisser distraire une seconde de cette lutte pressante qu’il menait contre la mort. La moindre inadvertance, et ce souffle vacillant pouvait s’évanouir. »

Cela faisait déjà un bout de temps, chez moi, que le souffle vacillant menaçait de s’évanouir. Plusieurs années sans doute. Cette inadvertance fut de trop et déclencha tout le reste.

Ensuite, tout sera un enchainement d’histoires toutes plus improbables les unes que les autres, chaque récit est loufoque et montre une qualité d’invention extraordinaire. La seule question que je me pose, c’est pourquoi je ne l’ai pas lu plus tôt, puisqu’il a fallu que j’attende son second roman toujours chroniqué par Jérôme  et Keisha pour lire celui-ci qui était bien sagement dans ma liste. Parfois le mot loufoque me fait fuir, si c’est votre cas, je peux vous rassurer car le récit est d’une logique implacable, simplement tout est inventé. J’adore ce genre de textes, vous ne connaissez pas les rats-taupes, ni les vierges de Barhoff, ni le syndrome de Paul Sheridan, alors il est plus que temps de vous lancer dans la lecture de « la Fractale des raviolis »ça fait quand même du bien d’être moins bête et tellement plus heureux quand on referme un livre.